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Interview   

Samael saute du passé au futur


Voilà six ans qui nous sépare de Lux Mundi, le dernier album des Suisses de Samael. Six ans à mûrir ses nouvelles compositions, à se retourner suite au départ du bassiste Mas, à tourner pour célébrer Ceremony Of Opposites – album culte et charnière dans la carrière du combo -, à tourner sous le nom de W.A.R. pour cette fois-ci célébrer les trente ans du groupe en se replongeant dans leurs deux premiers albums… Bref, même si le groupe des frères Locher est resté discret dans l’hexagone – si ce n’est pour des passages au Hellfest ou au Fall Of Summer -, ils ne se sont pour autant pas tournés les pouces durant ces six années !

Mais voilà, leur absence, au moins discographique, commençait à se faire sentir et il était temps de revenir avec de la nouvelle musique à proposer aux fans. Le résultat, c’est Hegemony, un album que le groupe n’a cessé de peaufiné et qu’ils espèrent frais. Les deux frangins, Vorph et Xy, les deux piliers, compositeurs et fondateurs du groupe, rencontrés au Dr Feelgood Les Halles, nous en parlent ci-après. Discussion qui se poursuit sur un retour historique à l’occasion des trente ans de la formation de Samael, revenant sur ses débuts black metal, avant que celui-ci n’intègre définitivement le monde des musiques industrielles.

« Maintenant, vu que l’information est continue et sans cesse, même si tu veux t’isoler, tu seras toujours au courant de ce qu’il se passe, ça te suit, c’est permanent. Il y a surement quelque chose dans cet album qui est dû à cette pression-là. »

Radio Metal : Ça fait six ans maintenant que votre précédent album Lux Mundi est sorti. Vous avez déclaré que le processus créatif qui a mené à Hegemony a pris quatre ans. Pourquoi le processus a-t-il prit si longtemps ?

Alexandre « Xy » Locher (claviers, batterie programmée, samples…) : Après Lux Mundi, nous avions déjà commencé à composer des morceaux. C’est vrai que ça s’est étalé dans le temps, nous avons pris une pause, ce qui nous a permis de revenir sur ces morceaux et de les retravailler. Parce que notre but c’était de les avoir le plus abouti possible. Après, j’ai eu un projet entre deux, Sedunum, qui était quelque chose de plus classique, qui m’a pris une année. Puis après, nous avons eu du live avec Ceremony Of Opposites que nous avons rejoué en intégralité. Finalement, il y a eu pas mal de demandes pour ça, alors nous l’avons fait à travers le monde, au Canada, aux États-Unis, en Pologne, sur pas mal de festivals comme le Hellfest, le Fall Of Summer, etc. C’était l’idée d’avoir le plus de matériel possible et à la place de sortir deux disques rapidement, de prendre les morceaux que nous avions, les laisser mûrir, les retravailler et les peaufiner le plus possible, pour au final les avoir le plus abouti possible, en espérant que ça donne quelque chose.

Pensez-vous que le fait d’avoir pris le temps pour faire mûrir les musiques se ressent sur le résultat final ?

On espère ! Moi, je pense que oui, car c’était vraiment l’idée de pousser ces morceaux au maximum, de les retravailler et de les laisser mûrir, contrairement à créer un titre et directement l’enregistrer derrière. Là, nous avons créé puis nous sommes revenus en arrière. Puis après il y a eu la pré-production où nous avons encore retravaillé les choses, et l’enregistrement où nous sommes encore revenus sur des détails. Les chansons ont bien évoluées. Les premières versions que nous avions ont été restructurées, retravaillées, il y a des refrains que nous avons complètement changés, il y a des parties de paroles sur lesquelles nous sommes complètement revenus, pour essayer d’avoir quelque chose le plus abouti possible. Après, la base est un peu la même. Et puis nous avions un peu plus de morceaux pour essayer d’avoir quelque chose de varié dans le disque, éviter d’avoir des morceaux qui se ressemblent trop, tout en gardant quelque chose d’un peu homogène, quelque chose qui garde l’essence du groupe ; un album d’un groupe que j’aurais aimé découvrir aujourd’hui, c’était le but derrière.

Michael « Vorph » Locher (chant & guitare) : Maintenant qu’ils sont enregistrés, nous les réécoutons, il n’y a aucun moment où nous nous disons « ah dommage, on aurait pu faire ça autrement. » Donc je pense que nous avons été au bout. C’est une des premières fois que nous avons la chance de faire ça, de prendre le temps ! [Rires] Avant, c’était des fois beaucoup plus à l’arrache. Ceremony Of Opposites, nous l’avons enregistré et mixé en dix jours. Voilà, c’est fait, tu ne reviens pas en arrière, ça t’échappe un peu. L’avantage c’est que c’était quelque chose de plus spontané, mais rapidement t’as envie de changer des choses. Six mois après, tu ne ferais pas le même album. Alors que pour celui-là, nous l’avons étalé. En plus, nous n’étions pas limité par un temps de studio, tout ce qui est programmation et synthé, XY l’a fait chez lui, il n’y a pas besoin de studio pour ça. Pour tout ce que nous devions enregistrer dans un studio, nous y avions accès tous les jours, alors nous n’étions pas limités dans le temps, et nous l’avons fait en plusieurs sessions. Après, le désavantage, c’est que tu n’arrêtes jamais. Nous avions un délai pour le mix, nous avions une date, et puis il y a eu un mois de plus, et durant ce mois, il a encore fait des choses. S’il n’y a pas une date limite pour dire « ça y est c’est fini, on y va, » les morceaux continuent à bouger, etc. Donc c’est bien qu’à un moment il y a eu un délai pour nous imposer de finir.

C’est un album de Samael assez varié. Pensez-vous qu’il résume ce qu’est Samael, musicalement ?

Nous aimerions bien ! Surtout, nous aimerions bien aussi que ce soit quelque chose d’un peu frais. Nous avions déjà essayé de faire un point sur ce que nous avions fait sur Solar Soul, puis principalement sur Lux Mundi. Avec ce dernier, nous avons essayé de faire un album qui nous représente, plus que d’essayer de trouver de nouvelles expérimentations ou explorer des chemins que nous n’avions jamais explorés. Nous voulions solidifier ce que nous avions fait par le passé. Et là, vu que ça avait été fait, nous ne voulions pas re-solidifier, nous voulions essayer d’apporter quelque chose d’un peu frais. Je ne sais pas dans quelle mesure nous avons réussi, mais je crois qu’il y a des éléments que nous avions en filigranes et qui sont davantage présents, donc il y a probablement des choses qui ont mûri.

« Pour moi, la révolution est souvent une illusion, ça lévite et puis ça revient en arrière. Donc je pense que c’est un combat au quotidien, chacun doit prendre conscience qu’on a un rôle à jouer, aussi infime soit-il, et ça dépend que de nous. »

Vous avez déclaré que « Hegemony est un album qui reconnait le monde dans lequel on vit, et met le doigt sur les tentatives de prise de contrôle de ce monde. Ça parle de changement et d’évolution. » Pouvez-vous développer ce que vous vouliez dire ?

Nous n’avions pas un concept d’album, ce n’était pas prévu. Nous ne nous sommes pas dit que nous allions faire quelque chose qui est dans le temps présent, ce n’était pas l’idée. Mais il s’avère que c’est devenu un peu comme ça, par la force des choses. Je ne sais pas si nous sommes davantage sensibles à notre environnement, peut-être. C’est vrai qu’en tant qu’artiste, parfois, tu t’isoles un peu, tu fais abstraction de ce qu’il se passe pour créer ton truc. Et là maintenant, vu que l’information est continue et sans cesse, même si tu veux t’isoler, tu seras toujours au courant de ce qu’il se passe, ça te suit, c’est permanent. Il y a sûrement quelque chose dans cet album qui est dû à cette pression-là. Il y a des titres peut-être, comme « Dictate Of Transparency », qui mettent même l’accent dessus, qui parlent du monde dans lequel on vit.

Vous avez aussi déclaré que c’est « une déclaration forte, un testament de notre temps et un appel à la révolution. » Et l’idée d’appel à la révolution est quelque chose que l’on voit beaucoup aujourd’hui chez les groupes. Quelle devrait être cette révolution ? Qu’est-ce qu’il en coûterait ?

C’est marrant parce que la révolution, oui, mais je n’y crois pas. Je pense que les choses doivent aller en step by step. Chaque fois qu’il y a eu des cassures, il y a eu des grands pas en arrière qui ont été effectués après coup. Pour moi, la révolution est souvent une illusion, ça lévite et puis ça revient en arrière. Donc je pense que c’est un combat au quotidien, chacun doit prendre conscience qu’on a un rôle à jouer, aussi infime soit-il, et ça dépend que de nous. Certains y croient encore, parce que c’est sûr que romantiquement c’est plus intéressant, c’est sanguin, ça fait plaisir, mais je ne crois pas que ce soit efficace. Après, je suis peut-être déjà plein de désillusions [rires], mais je n’y crois plus. Je trouve déjà le mot révolution trop fort, c’est une évolution plutôt. Mais une évolution permanente, qui doit faire basculer les choses à un moment donné. On n’a pas vraiment le choix. Après, chacun imagine les choses comme il veut. Tu peux toujours penser que tu n’as pas besoin des autres, que tu peux tout faire tout seul, ça je n’y crois pas non plus. Mais je pense que les choses commencent déjà par soi, et le reste vient après.

Il y a dix ans vous aviez une chanson qui s’appelait « Slavocracy » sur l’idée que la démocratie pouvait parfois prendre un mauvais tournant. Pensez-vous que cette chanson est plus pertinente que jamais aujourd’hui ?

Je pense effectivement qu’elle est plus pertinente aujourd’hui que jamais. C’était déjà dans l’air du temps, mais je ne pense pas qu’il y ait besoin d’être plus spécifique. Les gens voient ce qu’il se passe. Effectivement, la démocratie est probablement le meilleur système connu mais il n’est pas sans danger non plus, il faut rester vigilant. Même en Suisse, où on a la chance d’avoir une démocratie qui est encore plus protégée, quelque part, parce que le pouvoir est partagé sur sept personnes, donc les risques sont limités, mais on a vu aussi surgir des failles. C’est sûr que si tu as les moyens financiers de défendre une idée et faire une propagande poussée, tu vas influencer les gens, même s’ils sont libres de voter ce qu’ils veulent. Certains vont se faire influencer plus que d’autres, c’est un danger aussi.

Pensez-vous que la musique puisse faire une différence pour améliorer la démocratie ?

Non, je ne pense pas qu’on puisse penser à ça, mais en tout cas on peut poser le sujet, la question. En vrai, ce qui est le plus important pour nous, c’est quand même de divertir. Nous restons des gens qui veulent faire de la musique qu’on puisse partager. Après, je me dis que s’il peut y avoir quelques idées intéressantes, si ça peut pousser les gens à se poser certaines questions, tant mieux, mais nous n’avons pas d’ambition politique ou quoi que ce soit.

Xy : C’est vrai que dans cette idée du divertissement, la musique, c’est aussi emmener les gens dans un voyage, leur apporter une échappatoire.

Sur l’album, on retrouve une chanson intitulée « Samael » et une autre « Angel Of Wrath », qui semble elle-même faire référence à l’archange Samael. Comment vous êtes-vous retrouvé avec ces deux chansons en référence au nom du groupe ?

Vorph : C’était une vielle idée d’avoir un morceau qui s’intitule « Samael ». Donc nous avions le titre [petits rires], mais nous n’avions pas l’idée, de quoi parler. Et là, les choses se sont faites un peu en parallèle, parce qu’ « Angel Of Wrath », c’est justement ce que je voulais éviter si nous faisions un morceau qui s’appelait « Samael », mais en même temps j’ai pu le développer sous un autre titre, donc ça m’allait bien. Et puis « Samael », c’était plus ce que j’avais envie de faire aujourd’hui, un morceau qui fait le lien.

L’album se termine sur une reprise du « Helter Skelter » des Beatles. A première vue, votre musique est assez éloignée de celle des Beatles. Mais quelle importance les Beatles ont-ils pour vous et à quel point ont-ils été une influence pour le groupe ?

Je ne pense pas que nous étions forcément fans des Beatles, mais nous étions fans de groupes qui étaient fans des Beatles. Donc indirectement, je pense qu’ils ont eu une influence importante mais c’était la musique de nos parents, ce n’est pas ce que nous écoutions nous-mêmes. Après, ce morceau, c’est quand même quelque chose de spécial dans la carrière des Beatles, ça n’a rien avoir avec le reste de ce qu’ils ont fait. C’est un peu le prototype du metal, et même de la musique industrielle : c’est dissonant, c’est presque punk ! Il y a plusieurs versions, et nous écoutions la longue version où on a l’impression qu’ils étaient saouls dans le studio, donc c’est spécial. Bien sûr, il a déjà été repris plusieurs fois mais ça faisait partie du challenge, de se dire « si on y va, il faut qu’on le fasse à notre sauce. » Finalement, ça prend autant de temps de faire une reprise et la tirer de ton côté que de faire un morceau original, il faut prendre en compte les choses qui sont là mais il y a beaucoup d’éléments à jauger, c’est une question d’équilibre.

Xy : C’est vraiment un travail d’adaptation. Nous avons rajouté des orchestrations qui n’étaient pas sur le morceau original. Nous n’avons pas essayé de reproduire exactement l’original, parce que ça a été trop fait. Le challenge était plutôt de garder le morceau mais d’y amener quelque chose d’un peu plus personnel.

« Nous avons toujours essayé de ne pas se mettre de barrière, de faire ce que nous avions envie. Même si parfois, commercialement, ce n’est pas nécessairement la meilleure solution, je pense que l’important c’est vraiment ça. Et après, si tu arrives à partager quelque chose avec les gens, c’est bien. C’est aussi le but du jeu. »

En 2015, Mas, qui était dans le groupe depuis vingt-quatre ans, est parti et a été remplacé par Drop. Vous vous attendiez à ce départ ou bien c’était une surprise pour vous ?

C’était un peu une décision commune.

Vorph : C’était un peu les deux. Je ne pensais pas que nous changerions de line-up. Mais en même temps, nous sentions bien que son intérêt était ailleurs depuis longtemps mais bon, nous nous y sommes accommodés au fil des années. Ça fait plus de dix ans qu’il fait du live. Alors, ça prenait de plus en plus de place dans sa vie, jusqu’au jour où nous avons eu des dates qu’il n’a pas pu faire, et c’est lui-même qui a trouvé quelqu’un pour le remplacer. Et après, avec Drop, ça a cliqué tout de suite. Franchement, nous avons été surpris à quel point quelqu’un qui était complètement investi dans la musique faisait la différence. Il connaissait notre musique depuis longtemps, donc ça a été rapide.

Xy : Nous avons fait deux dates avec lui, et il y a eu une synergie assez rapide.

Vorph : La décision a été vite prise. Mas avait pris la décision de se faire remplacer et puis nous, nous avons accepté sa décision. Ça n’a pas été tout à fait simple parce que, tu l’as mentionné, il était avec nous depuis plus de 20 ans, donc ce n’est pas facile. Mais il fallait faire ce qui était le mieux pour tout le monde. Je pense que personne ne regrette la décision, ni lui ni nous. Et nous sommes toujours en contact. On ne passe pas sur vingt ans d’existence commune comme ça, mais nous ne nous voyons plus beaucoup, et en même temps, nous ne nous voyions déjà plus beaucoup, parce qu’il est beaucoup en tournée.

Xy : Avec ce changement de line-up, inconsciemment, je me dis qu’il y avait peut-être aussi des doutes sur l’ambiance que nous avions dans le groupe à un moment. Finalement, ça nous a peut-être fait du bien de nous rafraichir, et apporter du sang neuf dans le groupe avec quelqu’un qui amène autre chose, et ça nous relance un peu.

Avec ce départ, vous êtes-vous remis en cause, par rapport à la musique que vous faisiez ?

Vorph : Nous avons eu la chance de partir sur cette histoire de jouer Ceremony Of Opposites en entier, donc de revenir en arrière dans notre histoire avec un nouveau membre.

Xy : Et puis le but c’était aussi de faire plaisir aux fans, et de trouver un croisement. Il faut faire quelque chose qui nous plait à nous, sinon c’est faux. Donc nous avons toujours essayé de ne pas se mettre de barrière, de faire ce que nous avions envie. Même si parfois, commercialement, ce n’est pas nécessairement la meilleure solution, je pense que l’important c’est vraiment ça. Et après, si tu arrives à partager quelque chose avec les gens, c’est bien. C’est aussi le but du jeu. Nous faisons de la musique, un groupe, pour nous d’abord et puis après pour les gens. Il y a un peu une démarche égoïste au début mais après, c’est aussi un but de partager.

Cette année marque les trente ans de la formation de Samael. Vous avez, pour l’occasion, monté le projet W.A.R. (Worship And Ritual) pour jouer vos deux premiers albums. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous replonger dans cette époque lointaine ?

Nous avions fait Ceremony Of Opposites avec le line-up que nous avons là, nous avons retravaillé ces morceaux, ce qui était déjà un exercice assez intéressant pour nous, de rester avec la boite et reprogrammer des morceaux. Mais nous avons quand même essayé de les recréer au plus proche de l’original. Et là, c’était un peu dans la même idée, d’essayer d’analyser ce que nous faisions à l’époque.

Vorph : Nous nous sommes aussi dit que ça n’aurait aucun sens de programmer ces deux premiers albums. Même si nous l’avons fait sur un ou deux titres, « After The Sepulture », « Into The Pentagram », mais pour la plupart ça ne collait pas. Ce sont deux périodes vraiment différentes. Ces deux premiers albums étaient encore complètement dans le jus, dans les influences que nous avions. Ils ne sont pas aussi personnels que ce que nous avons fait après. C’est un peu les testaments de ce que nous écoutions à l’époque, de ce que nous vivions à l’époque. Ils sont assez immatures, ils sont mal construits, mais c’est intéressant, ça a du charme. C’était dur d’attraper certaines parties parce que le son des morceaux était un petit peu aléatoire, mais c’est probablement ça qui les rend intéressant, au final. Il y a le charme des débuts.

Xy : Pour nous, W.A.R., c’est plus un groupe différent, quelque chose que nous avons voulu faire pour se replonger dans notre passé.

Vorph : Nous faisons nous-mêmes nos propres reprises [rires].

Xy : En gros, ouais, c’était notre vision de la chose. Et puis, bon, nous l’avons fait un peu comme ça pour nous. Nous avons fait deux dates en Suisse, un peu pour l’exercice, dans un premier temps, puis on verra si nous voulons le refaire ou pas. Mais ouais, c’était intéressant aussi.

« Il y a quand même beaucoup de gens dans le metal qui ont une bonne ouverture, des fois ils n’en parlent pas même [rires]. Mais c’est vrai, il y a plein de gens qui écoutent plein de styles différents et qui ne vont pas oser trop en parler pour rester un peu traditionnel, mais ils sont assez ouverts. »

Pour ces concerts, Xy, tu as rejoué de la batterie. Ça n’a pas été difficile de t’y remettre malgré toutes ces années à gérer le clavier et la boite à rythme ?

Non pas vraiment.

Vorph : Tu n’as jamais vraiment arrêté de jouer de la batterie, en même temps.

Xy : Pas complètement, non. Et puis après, en live, il y a ce côté batterie/percussion que nous gardons. Personnellement, je suis assez à l’aise avec le setup que nous avons maintenant. Comme je le dis souvent, c’est quelque chose de différent des autres groupes, mais je trouve que c’est une partie de notre son actuel aussi, et il y a un côté plus challenge, finalement, que nous aimons assez bien, de présenter quelque chose de différent.

Worship Him et Blood Ritual sont deux albums assez éloignés de ce que vous faites maintenant mais vénérés par pas mal de fans de black metal. Quelle était votre ambition et votre état d’esprit à cette époque ?

Vorph : Alors… [Il regarde Xy] je ne sais pas pour toi, mais pour moi, l’ambition était de faire un album et faire une tournée. C’était notre but, et ça n’a pas changé ! C’est juste que nous voulons le refaire à chaque fois [rires]. Mais c’était ça l’ambition : faire un album, une tournée, arriver avec quelque chose qui nous excite et puis le partager. Ce sont des morceaux qui étaient influencés par ce qu’ils appellent la première vague de black metal, ceux qui ont inventé le style, Venom en particulier. Je pense que sans Venom il y a beaucoup de groupes qui n’existeraient pas. Je ne dis pas que nous, nous n’existerions pas mais, en tout cas, nous n’aurions pas fait ces deux albums, ils n’auraient pas vu le jour. C’était des albums de fans, nous étions fans de musique et nous voulions faire ce genre là en particulier, et c’est ce que nous avons fait. Je comprends que les gens qui sont fans de cette musique puissent y avoir accès, car il y a une réciprocité.

Et malgré cette immaturité dont tu parlais, vous les aimez toujours ces albums ?

Mais c’est ça qui nous a fait un peu triper, de rejouer ça, c’était fun. Enfin, fun… C’était quand même du boulot ! Mais ça nous a replongés dans l’esprit que nous avions. C’est vraiment des capsules de temps. Chaque album fait ça, mais là ça allait chercher très loin. Au début, nous n’étions que tous les deux, batterie, guitare, point. Nous répétions dans un bunker… Ça me rappelait cette époque-là. J’avais presque encore l’odeur de moisissure du bunker [rires], parce que là nous avons un joli endroit pour répéter, c’est quand même autre chose.

Vous avez commencé à intégrer des éléments industriels à partir de Ceremony Of Opposites que vous avez ensuite développés. Est-ce que cette évolution a été comprise par les fans ? Ça n’a pas été dur de la faire accepter ?

Xy : Un petit peu au départ. C’est un peu depuis Ceremony Of Opposites que nous avons développé une identité plus personnelle. Et c’est vrai qu’il y a eu l’intégration du synthé qui à l’époque était moins courant, donc il a fallu le faire accepter, mais aujourd’hui il y a beaucoup de groupes qui le font. Et puis ensuite, il y a eu Passage, avec la boite à rythme, qui était vraiment encore quelque chose de différent. Le côté challenge nous pousse aussi à défendre quelque chose, à aller plus loin. Et personnellement, je trouve que c’est plus excitant parfois d’avoir un peu de challenge. Mais dans le metal, il y a quand même une ouverture. Parce que quand nous avions fait Passage, nous avions pas mal de craintes, et finalement ça a été assez bien accueilli. Donc je crois qu’il y a quand même beaucoup de gens dans le metal qui ont une bonne ouverture, des fois ils n’en parlent pas même [rires]. Mais c’est vrai, il y a plein de gens qui écoutent plein de styles différents et qui ne vont pas oser trop en parler pour rester un peu traditionnel, mais ils sont assez ouverts.

Il y avait le batteur de Gojira, Mario Duplantier, qui disait que malgré le fait que ce n’était pas une opinion populaire dans le public metal, le dernier Rihanna contenait des perles…

Il y a aussi une approche dans la musique pop que des fois je trouve intéressante. C’est plus dans la manière qu’un morceau est travaillé, les structures, ce n’est pas nécessairement des morceaux que j’aimerais seuls, mais je trouve qu’il y a un travail intéressant qui a été fait dessus. Le travail des effets, de la production, car c’est quand même super bien produit, qu’on aime ou pas. C’est comme un tableau qui est très bien dessiné qui ne nous plaira pas du tout mais on se dit quand même que le dessin est bien fait. J’aurais cette approche sur pas mal de morceaux pop.

« Quand on parlait de black metal à l’époque, ce n’était pas aussi défini que ça l’est devenu. Il y a eu des règles mais nous, d’abord, nous n’avons jamais dit que nous faisions du black metal, tout en le faisant. Nous nous en foutions de le mettre en avant. Ce que nous aimions, c’était plus un esprit. »

Et cette envie de faire de l’industriel, elle est arrivée rapidement ?

Assez, je pense.

Vorph : Dès que nous avons entendu de l’industriel [rires]. Il y avait différentes sortes d’industriels, mais nous, ce qui nous a parlé, c’était l’industriel avec les guitares à distorsions. Des groupes comme Godflesh ou Ministry, ça nous a tout de suite parlé, parce que ça faisait partie des choses que nous connaissions : sur le plan de la guitare, c’était ultra simple mais ce n’était pas un autre monde pour nous. Donc nous avons tout de suite intégré ça dans nos goûts, c’était des choses que nous avons aimé directement.

Malgré la différence entre ces premiers albums et ce que vous faites maintenant, est-ce que vous voyez des points communs, des choses qui sont toujours restées en vous et dans votre musique, par rapport à cette époque dans votre cave ?

Il y en a certainement, ouais. Pour moi, par exemple, le morceau que nous avons choisi pour introduire l’album, « Angel Of Wrath », même si nous n’aurions pas pu le faire à l’époque parce que nous n’avions pas la technique, mais je trouve qu’il a l’esprit des deux premiers albums, quelque part. Je le voyais très proche d’ « Into The Pentagram », par exemple. Même si, effectivement, ils n’ont pas grand-chose à voir si on les écoute successivement, mais je trouve que l’esprit est là. Il y a aussi que quand on parlait de black metal à l’époque, ce n’était pas aussi défini que ça l’est devenu. Il y a eu des règles mais nous, d’abord, nous n’avons jamais dit que nous faisions du black metal, tout en le faisant. Nous nous en foutions de le mettre en avant. Ce que nous aimions, c’était plus un esprit. Et ça, ça a été dit plusieurs fois, mais ça a été oublié depuis, parce que les gens ne savent pas qu’il y a un esprit, qu’on retrouve dans d’autres musiques. Par exemple, j’écoutais Diamanda Galás et pour moi, c’était le même esprit, c’était une noirceur, une aventure, un voyage un peu sombre. Et ça se ressent dans différentes musiques, pas uniquement dans le black metal tel qu’il est aujourd’hui. D’ailleurs, je ne peux pas exactement dire ce que c’est mais je sais que certaines personnes ont une vision très déterminée de ce que c’est, alors que ce n’était pas le cas à l’époque.

Fenriz de Darkthrone avait réagi à ce qu’était devenu le black metal. Lui en fan de musique punk, a été assez surpris de voir les gens se dévier autant de ce qu’était le black metal à l’origine.

Moi, je le dis tout le temps : c’est Venom qui a inventé ça. C’est Venom qui a fait le pont entre le punk et le metal sombre. Motörhead l’avait fait avant mais c’était plutôt entre le punk et ce qu’ils avaient inventé, parce qu’en plus, ce sont eux qui ont poussé l’enveloppe un peu plus loin dans le volume, la rapidité, etc. Mais Venom, c’est le premier groupe qui était un mariage entre Motörhead et Black Sabbath, quelque chose comme ça, et avec quelque chose de très punk aussi. Donc après, bien sûr, ça a été repris à toutes les sauces. Nous, nous ne voulions pas faire du Venom mais nous voulions garder l’esprit. Et c’est cet esprit de « on fait ce qu’on veut », et ça Venom l’avait compris assez vite.

Pour Hegemony, vous prévoyez une tournée spécifique, un set up particulier ?

Xy : Il n’y a rien de vraiment défini. Il y a des festivals qui se mettent en place déjà, rien d’officiel mais il y a quand même pas mal de choses qui se préparent. Ensuite, nous allons voir pour une tournée mais plutôt l’année prochaine, et jouer au plus d’endroits possible.

Vorph : Nous avons envie de défendre cet album, vu le temps que ça nous a pris. Nous allons peut-être le défendre sur le long terme aussi, on verra.

Et c’est un plaisir le live pour vous ?

Xy et Vorph : Ah, oui !

Vorph : Surtout quand t’as des nouveaux morceaux. Par exemple, la semaine passée, nous avons joué « Black Supremacy » pour la première fois, dans un festival en Italie. C’est là que le morceau existe vraiment pour moi. Bien sûr, on peut l’écouter sur disque, chacun en fait l’expérience, mais pour nous, c’est comme une naissance, c’est l’épreuve du feu, et ça s’est bien passé.

Xy : Et c’est vrai qu’avec le temps, un morceau grandit. Et le live, c’est le moment où t’as un vrai partage. Avec le public, le morceau est confronté à quelque chose de vivant, de direct. Alors que sur un album, il y a aussi un partage mais il n’y a pas un lien aussi direct. Donc le live, c’est super important, bien sûr, c’est ce qui fait qu’un groupe reste en vie.

Interview réalisée en face à face le 13 septembre 2017 par Matthis Van Der Meulen.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Retranscription : Matthis Van Der Meulen & Nicolas Gricourt.

Site officiel de Samael : www.samael.info.

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