« Sans Diamond Head, pas de Metallica. Sans Metallica, plus de Diamond Head », c’est la conclusion assumée par Brian Tatler du lien entre Metallica et Diamond Head. Car Diamond Head fait partie de ces groupes méconnus que vous êtes le seul à apprécier et à qui vous devez tout. Lars Ulrich a, à de nombreuses reprises, parlé des Anglais comme du groupe sans lequel Metallica n’existerait pas aujourd’hui. Pourtant Diamond Head n’a jamais vraiment percé. Honnêtement, vous connaissez autre chose que « Am I Evil? » ou « Helpless » ? Et qui n’a pas, au début, attribué à tort ces chansons à Metallica ? En tout cas, Brian Tatler est reconnaissant envers eux et le répète à plusieurs reprises : « Metallica nous a donné l’opportunité de nous reformer ».
Mais l’histoire de Diamond Head n’est pas intéressante que pour le reflet de gloire que lui a offert Metallica. Elle l’est parce que, comme Tatler lui même a été touché par le récits de groupes qui ont galéré, Diamond Head n’a jamais connu le luxe. Et une très grande majorité de musiciens se reconnaîtront dans ce parcours que nous allons évoqué ici.
Interview.
Votre dernier album en date, What’s In Your Head, date de 2007. Où en est l’avancée de l’écriture de son successeur ?
On a juste des petit bouts et des idées, pour les instruments surtout. Pas beaucoup de chant pour l’instant. Nous ne sommes pas pressés de faire un nouvel album. On en a fait un en 2005, un en 2007, les deux se sont vendus à autant d’exemplaires à peu près. On sait où est notre marché maintenant, donc on n’est pas pressés, on le fait au feeling. Si on avait su qu’il y avait ses grosses dates à venir, on aurait peut-être fait quelque chose, mais c’est un peu tard maintenant (rires).
Tu déclarais également que le fait de sortir un album classique ou d’expérimenter n’avait pas d’importance pour toi puisque vous ne vendez pas des millions d’albums. Le fait d’avoir du succès prive-t-il donc un groupe de sa liberté artistique ?
Oui, probablement. Il y a plus de pression à devoir prolonger le succès et on ne veut pas perdre des fans qu’on a gagnés en faisant un virage et en essayant quelque chose de nouveau. Les groupes qui essaient de nouvelles choses sont vraiment courageux, je trouve, et je les respecte. Si j’étais dans ce cas, ça m’inquiéterait de tout changer. J’ai ressenti ça un peu avec Diamond Head quand on a fait l’album Canterbury. Beaucoup de fans on dit « Où sont les chansons heavy ? », « Pourquoi avez-vous changé ? », « Pourquoi avez-vous fait des chansons acoustiques ?». On ne se rendait pas compte qu’on est supposé s’en tenir à une formule et qu’on n’est pas censés expérimenter.
Est-ce que cela veut dire que vous êtes plus motivés pour expérimenter aujourd’hui, vu qu’il n’y a pas d’enjeu ?
Oui, c’est vrai. Quand beaucoup de gens dépendent du fait d’avoir un album qui marche et qui a nécessité une fortune, alors il y a plus de pression pour qu’il fasse au moins aussi bien que le précédent. Mais lorsqu’on vend des petites quantités comme le fait Diamond Head aujourd’hui, alors on n’est plus poussés à se répéter. Et je n’aime pas me répéter. Donc on joue juste ce qui nous vient et si on aime ça, on fonce. Je ne me demande pas si ça sonne comme Diamond Head ou pas. Généralement je commence avec le genre de riff, d’ambiance ou d’atmosphère qui selon moi représente l’esprit de Diamond Head.
Tu as écrit ton autobiographie, intitulée « Am I Evil? ». Que ressent-on quand on se dit « Je vais simplement écrire l’histoire de ma vie et ça va intéresser des milliers de personnes » ?
(Rires) Je me suis juste dit que je devrais rassembler les idées et les souvenirs que j’ai accumulés au fur et à mesure des années sous forme d’un livre avant de tout oublier. Tu sais, je vieillis. On oublie beaucoup de choses, non ? C’est difficile de se souvenir de ce qu’on faisait à vingt ans et des choses comme ça. Donc j’ai lu beaucoup de livres de rock, et beaucoup sont supers et agréables, et ce sont ceux là qui m’ont probablement donné l’idée de faire pareil. Je me suis juste dit : « Si j’essayais d’en faire un, j’aimerais qu’il soit assez humoristique et pas ennuyant et plat ». J’ai donc essayé d’y mettre autant d’histoires marrantes que possible. Il semblerait aussi qu’il y ait beaucoup de mythes et de légendes à propos de Diamond Head, donc je voulais mettre les choses au clair, tu sais, confirmer ce qui était vrai et éclaircir ce qui avait été exagéré ou déformé.
Quels livres t’ont inspiré ?
Eh bien, j’ai lu un livre qui s’appelle « This Is Pop », de… Je ne me souviens plus du nom du type mais il était dans un groupe qui s’appelait The Tansads (ndlr : il s’agit d’Ed Jones qui a sorti en 1999 le livre This is Pop: The Life and Times of a Failed Rock Star). C’était un livre très agréable à lire, parce que ce n’est pas un groupe connu, mais c’était une histoire fascinante racontant comment ils essayaient d’y arriver. Et je m’y suis retrouvé. Tu sais, tu n’es pas obligé de dire : « Bon, on a vendu 50 millions d’exemplaires, on a tourné aux États-Unis et l’album est passé platine ». Tu n’es pas obligé d’avoir ce genre de livre, tu peux faire quelque chose de plus humble et honnête, brut même. Parler de la vie en tournée, quand on ne voyage pas en première classe. Tu voyages en camionnette et tu joues des concerts dans de petites salles devant une centaine de personnes. Je sens que beaucoup de gens pourraient s’y retrouver, et ça montrerait aux idéalistes qu’être dans un groupe de rock n’est pas aussi glamour qu’on pourrait le penser.
L’aurais-tu fait si Diamond Head n’avait eu absolument aucun succès ?
Je ne sais pas, c’est juste venu au bon moment. Je pense que j’avais probablement un peu plus de temps libre, donc je me suis dit qu’il y aurait probablement quelques fans de Diamond Head qui aimeraient lire ça. Donc j’ai fait un tirage de 500 exemplaires et on a vendu ça sur le site de Diamond Head. Je n’ai jamais envisagé qu’il serait publié ou qu’il deviendrait un best-seller, c’est vraiment quelque chose pour les fans. Tu sais, quand tu achètes un album, il y a un peu d’informations dans les livrets, je lis toujours ça et j’en veux toujours plus. Je suis fasciné par certains groupes et j’aime en savoir plus, donc je suppose que si vous êtes un fan de Diamond Head, alors c’est parfait. Vous pourrez lire des centaines de pages sur le groupe que vous aimez et découvrir toutes ces choses que vous avez toujours voulu savoir.
Faut-il avoir du succès pour produire un récit intéressant de sa vie ?
Pas vraiment, je ne pense pas. Je pense même que tu peux être « personne » mais que si tu l’écris bien, ça peut être intéressant. Je lis un livre en ce moment, « Rhinos, Winos & Lunatics » écrit par un type qui s’appelle Deke Leonard, à propos du groupe Man. Je n’ai jamais été un fan, je ne les ai jamais vus ni écouté un de leurs albums, mais le livre est tellement bien écrit qu’il est intéressant ; et bien sur, je me retrouve dans beaucoup des histoires parce que j’ai été dans les mêmes situations. Parce qu’il y a des milliers et des milliers de groupes comme ça, et encore plus de musiciens qui apprécient probablement ce genre de livres, qui peuvent probablement se reconnaître dans ma situation. Par ailleurs, c’est moi l’auteur. Ce n’est pas un livre sur, par exemple, John Lennon, écrit par un auteur lambda qui cherche juste à vendre des livres et à se faire un nom. C’est écrit par le type qui a fait la musique et vécu toutes ces choses, le gars qui était dans le groupe. Je trouve ça plus intéressant que simplement une vue d’ensemble de la carrière d’un groupe.
L’écriture t’a-t-elle permis de prendre du recul sur certains événements de ta vie ?
Oui, ça a été le cas. C’était intéressant de regrouper toutes ces choses et de les mettre par écrit pour que les gens puissent les examiner. Il y a des passages difficiles à revivre, plutôt déprimants. Tu sais, les moments où le groupe s’est séparé, ou lorsqu’on a eu des disputes ou des problèmes en studio, des choses comme ça. J’ai dû presque me remettre dans l’état d’esprit du moment, ressentir à nouveau à quel point c’était frustrant. Ces passages n’étaient pas très agréables à écrire mais ils sont importants au niveau de la chronologie, il faut que tout y soit. Il faut l’écrire et aller de l’avant ; et j’ai passé dix-huit mois à écrire tout ça sur l’ordi et à le mettre en page. Je suis content de l’avoir fait, qu’il soit disponible et que les gens puissent en apprendre plus sur moi-même et sur le groupe.
Penses-tu que le fait de le mettre par écrit t’a plus aidé que simplement repenser à certains événements de ta vie ?
Oui, ça a été bon de l’écrire, maintenant tout le monde peut le voir. Si tu te contentes d’y penser, ça n’a aucun sens, si ? C’est juste une idée abstraite, qui flotte dans le néant. En faisant des interviews comme celle-là, les gens me posent toujours des questions à propos de certains moments de la carrière de Diamond Head, et certaines de ces histoires, parce que je les ai racontées tellement de fois, sont parfaitement imprimées dans ma mémoire. Mais des centaines de concerts où rien de particulier ne s’est passé, juste des concerts sans conséquences, ont presque été effacés de ma mémoire. Je pourrais voir la date et regarder la salle sur papier, et rien ne me reviendrait.
Tu as déclaré à Bravewords que lorsque tu as monté le groupe, tu n’avais aucune idée qu’il durerait aussi longtemps, tu ne planifiais rien. Penses-tu que c’est justement avec un tel état d’esprit qu’on a le plus de chances d’aller loin ?
Probablement, oui. Je ne pensais pas que cela durerait longtemps. Je me souviens, lorsqu’on a fait notre premier album en 1980, je me disais que cela nous avait pris quatre ans entre la formation du groupe et notre premier album, et je me suis demandé : « Dans combien de temps ferons-nous notre quatrième album ? » et des choses comme ça. Ça semble tellement lointain quand t’as vingt ans, tu ne peux pas prévoir autant d’années à l’avance, il faut déjà se demander ce qu’on fait le lendemain. Donc je ne sais pas, je pense que ça a été une bonne thérapie de tout mettre sur papier. Qui aurait pu deviner qu’on aurait un second souffle grâce à Metallica ? Ils ont gardé le groupe vivant, presque, dans la presse, tu sais, ils ont fait en sorte que l’argent continue d’entrer et que le groupe continue d’être important.
Ouais, et regarde où tu en es aujourd’hui : tu as l’immense privilège de me parler. Donc Metallica t’a permis de parler à Radio Metal, c’est super ! (rires)
(Rires) Bien sûr ! Ça ne serait pas arrivé il y a des années. Je suppose qu’on peut dire ça comme ça.
Tu as également affirmé avoir beaucoup trop délaissé l’aspect business de ta carrière musicale. Ainsi, si tu pouvais revenir quelques années en arrière, changerais-tu la façon dont tu as géré ta carrière ?
Oui, je changerais des choses. Évidemment, avec le recul, il aurait été mieux qu’on ait un management plus professionnel. Je pense toujours que notre management était un peu amateur et apprenait tout sur le tas. D’un autre côté, nous aussi. Mais on était jeunes, et on a besoin de conseils, je pense, à dix-neuf, vingt, vingt-et-un ans, et on met notre confiance dans quelqu’un de plus âgé dont on pense qu’il sait ce qu’il fait et qui sait comment vous amener du point A au point B pour que tu puisses uniquement te concentrer sur ton boulot qui consiste à faire la musique, écrire les chansons, faire les concerts. Et tu espères que le manager va faire son boulot en coulisses qui consiste à faire rentrer l’argent et s’assurer que tout marche correctement. Et si ce n’est pas le cas, le groupe va rapidement se planter. Et une fois en 1985, c’est ce qui est arrivé à Diamond Head : notre label nous a lâché, on est tombé à court d’argent, les gens ont disparu pour rejoindre d’autres groupes et c’était la fin, on était plus ou moins morts et enterrés jusqu’à l’arrivée de Metallica qui a repris nos chansons et nous a donné l’opportunité de nous reformer. On aurait probablement disparu comme beaucoup de groupes de la New Wave Of British Heavy Metal. On aurait peut-être eu la petite référence ici et là, mais sans l’aide de Metallica, on n’aurait pas survécu jusqu’aujourd’hui.
La plupart des artistes, lorsqu’on leur demande : « Si tu devais tout recommencer, changerais-tu quelque chose ? » répondent « Rien« . N’est-ce pas un peu hypocrite ?
Eh bien, on ne peut pas recommencer, n’est-ce pas ? Les choses sont ce qu’elles sont. Comme je l’ai dit, je suppose que notre management est la première chose que je changerais, ça aurait été sympa d’avoir été mieux informé sur le business, et comment marchaient les choses, à qui il fallait parler et comment s’y prendre. Je pense qu’on était un peu enfermés dans notre petite bulle de composition de chansons et de préparation du prochain concert. Lorsqu’on nous donnait un contrat à signer, on ne comprenait même pas ce qu’il voulait dire. On regardait rapidement les premières pages, on se disait que c’était du charabia et on signait en espérant que tout se passerait bien. Alors qu’aujourd’hui, tu lirais tout et tu embaucherais un avocat pour le lire et s’assurer que c’est bon. En 1980, ce n’était pas le cas. On n’était pas le seul groupe à le faire. Il y a des tas d’histoires de gens qui se sont fait arnaquer dans l’industrie de la musique.
Quelle a été ta réaction quand tu as su que le Big Four avait choisi une de tes chansons pour jouer tous ensemble sur scène ?
Oh, c’était fantastique ! Tu sais, j’ai vu la vidéo sur YouTube et j’étais ahuri parce que de toutes les chansons de metal au monde, quel excellent choix que de prendre « Am I Evil? » (rires). Excellent pour moi en tout cas ! J’étais vraiment flatté.
Vous serez cet été à Amnéville [NDLR : interview réalisée le 12 mai 2011]. C’est la première fois depuis trente ans que vous jouez en France. Pourquoi une absence d’une telle durée ?
La dernière fois c’était en 83, donc ça fait à peu près vingt-huit ans, non ? Donc presque trente ans. Je ne sais pas, il y a simplement le fait que le groupe s’est arrêté, non en 1985, puis on n’a pas fait long feu lorsqu’on s’est reformés en 1990, on n’a même pas touché à l’Europe, on a juste fait le Royaume-Uni. Puis le groupe s’est séparé à nouveau, et depuis on a fait des tournées occasionnelles en Europe, on a même tourné avec Megadeth, mais ils n’ont pas joué en France. Ils ont joué en Espagne, en Allemagne, même au Luxembourg, mais on n’est pas passés en France. Je ne sais pas pourquoi on n’y a plus joué. Je pense que c’est aux promoteurs de faire venir le groupe. S’ils sont prêts à y mettre l’argent et payer ce qu’il faut, on serait ravis de venir.
Allez, avoue, tu n’aimes pas la France !
(Rires) Loin de là, c’est adorable ! J’aime la France ! J’ai été à Biarritz, j’ai été à Paris. On a joué à Paris, mais je suis aussi venu en tant que touriste, on a fait la tour Eiffel et des choses comme ça. J’ai aussi été dans le sud de la France et c’est absolument génial. Je suis impatient de venir en juillet.
Vu que ça fait un bout de temps, il faut que tu apprennes des mots en français.
Je ne sais rien dire, à part « Bonjour » et les choses évidentes (rires). Le français scolaire !
Tu veux que je t’apprenne quelques mots ?
Vas-y ! Comment dit-on « Good afternoon » ?
« Bonsoir » ! Par contre il faudra me créditer sur scène quand tu le diras ! (rires)
(rires) OK, je ferais ça !
On dit souvent que sans Diamond Head, Metallica n’existerait pas. Cependant, comme les membres de Metallica, notamment Lars, ne cessent de vanter vos mérites, ils utilisent leur succès pour vous faire découvrir. Peut-on dire, également que sans Metallica, Diamond Head n’existerait peut-être plus ?
Oui, absolument. Depuis qu’ils ont commencé à reprendre des morceaux en 1984. Évidemment, si Metallica n’était pas devenu aussi gros, ça n’aurait fait aucune différence, mais le fait que Diamond Head ait été repris par un groupe aussi énorme et important a renvoyé un peu de gloire sur Diamond Head. Ça a donné beaucoup plus d’importance et de crédibilité à l’héritage de Diamond Head parce qu’on a influencé le plus grand groupe de metal du monde.
Donc sans Diamond Head, pas de Metallica, et sans Metallica, pas de Diamond Head.
Eh bien, il n’y aurait pas de Diamond Head aujourd’hui. Évidemment, Diamond Head était là avant Metallica, mais, oui, je pense qu’on aurait disparu dans la fin des années 80 sans Metallica s’ils n’avaient pas fait de reprises – parce que beaucoup de groupes n’en font pas, ils se contentent de faire leurs propres morceaux, mais Metallica a décidé de faire des reprises pour les faces B et ça a été fantastique pour des groupes comme Diamond Head, Budgie, Motörhead, Mercyful Fate, ou tout autre groupe qu’ils ont décidé de couvrir.
N’en as-tu pas assez que les gens confondent et parlent de « Am I Evil? » comme d’une chanson de Metallica ?
Ça ne me gêne pas parce que je touche les royalties (rires) ! Je pense qu’on a tous fait ça, on a écouté un groupe et on s’est dit « C’est un super morceau » puis on a découvert qu’ils ne l’ont pas écrit, ils en ont juste fait une version sympa.
Est-il déjà arrivé que tu dises aux gens : « Mais non, ‘Am I Evil?’, c’est de moi ! » et que l’on ne te croie pas ?
Oui, ça m’est arrivé. Je disais : « C’est une chanson de Diamond Head », et on me répondait : « Non, c’est Metallica ! » Il faudrait leur dire de regarder les petites lignes imprimées sur l’album qui disent « écrit par Tatler, Harris en 1980 ».
Interview réalisée le jeudi 12 mai 2011 par phoner
Traduction : Stan
Site internet Diamond Head : www.diamond-head.net
juste, la premiere phrase de l’article dit « c’est le conclusion ».
merci de rectifier le faute hehe…
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Thanks!
Haha énorme la fin !
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