Arrivé au bout d’un cycle massif – après le simple album Sic Lvceat Lvx, le double album Contradiction et le triple album Triangle, puis l’EP The Maldoror Chants: Hermaphrodite pour temporiser –, Schammasch était attendu au tournant, c’est même un euphémisme. Une nouvelle ère s’est ouverte fin 2019 pour le combo suisse avec Hearts Of No Light, sous le signe à la fois de la continuité et de la rupture. La continuité parce que Schammasch met à profit en un album tout ce qu’il a pu développer musicalement jusqu’à présent. La rupture parce qu’il prend à bien des égards le contre-pied conceptuel de Triangle, cherche à « démolir le passé » pour laisser place au renouveau et dévoile des facettes musicales encore inédites.
Premier album d’un dytique, dont le second volet verra le jour ultérieurement, Hearts Of No Light est un album qui expose une vision de l’humanité d’un pessimisme noir. C’est aussi une œuvre d’art une nouvelle fois remarquable, qui transcende les genres, plein de symboles piochés dans la religion chrétienne, la mythologie et l’ésotérisme, et qui invite l’auditeur à la réflexion et à l’introspection.
Nous ne pouvions pas ne pas nous entretenir une nouvelle fois avec Chris S.R., tête pensante du groupe, qui désormais choisit de ne répondre aux interviews plus que par e-mail, afin de pouvoir prendre le temps de la réflexion. « Compare une session de jam à une phase de composition approfondie et imagine les deux résultats et à quel point ils seront différents. C’est pareil pour les interviews pour moi. » Une justification qui symbolise bien l’attention extrême qu’il consacre à tout ce qui touche à son art et qui ne tolère aucune imprécision.
English speaking readers : the original version of the interview is available here.
« Le leitmotiv que l’album suit est celui de la destruction. Il devrait démolir le passé pour laisser de la place pour que de nouvelles choses puissent pousser. »
Radio Metal : Avec Triangle, vous êtes arrivés au bout d’un cycle initié avec le premier album Sic Lvceat Lvx. Triangle a été une œuvre massive. Ne t’es-tu pas senti un peu perdu quand est venu le moment de réaliser son successeur ?
Chris S.R. (guitare et voix) : Le processus de composition a démarré assez facilement, mais plus loin nous allions, plus difficile ça devenait. Trouver une direction a effectivement été un problème, ce qui a requis beaucoup d’attention, de sacrifice et d’honnêteté envers moi-même.
Est-ce que l’EP Hermaphrodite t’a aidé à temporiser, te vider l’esprit et avoir une meilleure vision de la suite ?
C’était l’une des raisons pour lesquelles j’ai eu cette idée au départ, car il serait construit sur la base d’une matière existante, ce qui en conséquence impliquerait un processus de travail totalement différent, me donnant l’occasion de commencer quelque chose d’entièrement séparé, avec un esprit clair.
La dernière fois qu’on s’est parlé, tu nous as dit que tu prévoyais « de travailler avec un producteur différent » et que tu essayais « de rentrer en contact avec lui ». Au final, as-tu pu travailler avec cette personne ? Qu’est-ce que ça a donné ?
Je pense que la personne dont je parlais à l’époque était différente de celle avec qui nous avons fini par travailler, car ce plan s’est avéré être une impasse. Du coup, je ne peux pas dire comment aurait été la production avec quelqu’un d’autre, mais ça n’a pas d’importance, car la seule chose qui compte, en termes de travail de studio, c’est que je suis très satisfait du travail de Markus Stock/Klangschmiede Studio-E et nous allons probablement retravailler avec lui à l’avenir.
Tu as déclaré que la fin de la production de Hearts Of No Light a été très intense. Pour quelle raison ?
Chaque session de mixage atteint un stade où certaines choses deviennent des fardeaux, certaines choses doivent être abandonnées, certaines choses ne fonctionnent pas comme prévu. Mouler un album pour lui donner sa forme finale est toujours la partie la plus difficile de tout le processus créatif. Après des mois ou des années de travail et de préparation, ces moments sont ceux où la responsabilité artistique que tu as envers ton travail, envers toi-même, devient un pic de douleur, un tourbillon de folie, dans lequel tu commences à te remettre en question et à douter de tout ce que tu fais. Donner naissance ne vient jamais sans douleur, ou sans peur de l’échec.
Une fois de plus, plusieurs invités apparaissent : la pianiste classique Lillian Liu, le chanteur Aldrahn et l’artiste visuel et musicien Dehn Sora. Est-ce que le format de groupe « traditionnel » est trop limité pour tes aspirations artistiques ?
Ces collaborations n’ont rien à voir avec le line-up du groupe. Le line-up n’affecte pas vraiment la composition. Nous n’avons pas spécialement besoin des contributions d’artistes extérieurs, mais c’est toujours intéressant d’expérimenter avec des gens extérieurs, ils peuvent apporter de nouvelles facettes, de nouvelles couleurs, ouvrir différents chemins à suivre.
Peux-tu nous parler du travail de ces trois artistes extérieurs qui ont contribué à l’album ?
C’était trois situations individuelles. Lilian était la première des trois que j’ai contactés, bien avant qu’il y ait quoi que ce soit de clair concernant le nouvel album. J’ai découvert sa reprise de Deathspell Omega sur YouTube et j’ai été frappé par la beauté et la fluidité de ce morceau. Donc je l’ai contactée, pour voir si ça l’intéressait de faire quelque chose avec nous. Aldrahn, je l’ai contacté durant la production de Triangle, principalement en tant que vieux fan, vu qu’il a mentionné avoir aimé notre album Contradiction en interview, et j’en ai été reconnaissant. Je lui ai donc écrit, et nous avons eu des échanges mineurs au fil du temps et nous nous sommes rencontrés une fois à Londres, durant leur tournée avec Secrets Of The Moon. Je lui ai demandé de contribuer parce que j’étais très curieux de voir ce qui se passerait si on couplait sa folie géniale et notre musique. Je lui ai donné une liberté totale au niveau parole et chant (autrement ça n’aurait eu aucun sens), et je suis resté bouche bée quand il a envoyé ses parties. Elles ont conféré au morceau un tout nouveau visage et sens, c’était unique. Pour ce qui est de Dehn Sora, ça fait déjà des années que nous nous connaissons, et il a eu une grande influence sur moi en tant qu’artiste – principalement via l’œuvre de Treha Sektori – mais j’adore à peu près tout ce qu’il fait. Je trouve que c’est l’un des artistes les plus exceptionnels, les plus dévoués et les plus humbles dans la musique et la scène artistique extrêmes actuelles. Bref, pour revenir à sa contribution musicale sur l’album, celle-ci a eu un impact important sur le dernier morceau et sur le final de Hearts Of No Light – qui aurait été très différent sans lui. Après qu’il m’eut envoyé ses premiers jets, j’ai complètement réarrangé le final, afin de ne pas interrompre la fluidité et la beauté de ses parties, et j’ai donc développé davantage le morceau, encore et encore.
« En voyant la créativité comme un reflet, et l’art en tant que tel comme une expression de la vie et de la mort et tout ce qu’il y a entre, comment un artiste peut-il ne pas constamment changer et adapter sa création ? »
Valnoir a contribué à Triangle et maintenant c’est Dehn Sora qui contribue à Heart Of No Light. Les deux ont un pied dans la musique, un pied dans l’art visuel. C’est ça qui t’attire chez eux, le fait qu’ils aient une vision artistique multidimensionnelle ?
Nous avons choisi de travailler avec eux parce que tous les deux sont des artistes exceptionnels et très polyvalents.
La dernière fois qu’on s’est parlé tu avais dit qu’il y aurait un élément central dans l’album, totalement nouveau et qui changerait beaucoup votre son. En écoutant l’album désormais, il est clair qu’il y a de nouveaux éléments, mais je ne suis pas sûr de voir quel est cet élément central. Peux-tu nous expliquer ?
Je parlais de la collaboration avec Lillian Liu, cet élément central était censé être l’utilisation du piano. L’idée était de donner plus de place à ses parties, de vraiment construire certaines des musiques à partir de celles-ci, ce qui, même si certaines parties ont bien été créées ainsi, n’a pas fonctionné comme prévu, pour diverses raisons. Mais comme toujours avec la création artistique, certaines choses fonctionnent, d’autres pas, ou certaines choses fonctionnent avec des paramètres différents de l’idée originelle. On travaille avec ce qu’on a, et on essaye de faire en sorte que les morceaux collent aussi bien que possible, et parfois il faut laisser tomber certaines choses afin de ne pas créer d’obstacles.
Trois morceaux dans l’album sont très ambiants : « Winds That Pierce The Silence », « A Bridge Ablaze » et « Innermost, Lowermost Abyss ». A quel point sont-ils une conséquence de ton expérience à créer The Supernal Clear Light Of The Void, la troisième partie de Triangle ?
Il y a sûrement beaucoup de cette expérience dans « Innermost, Lowermost Abyss », mais pas tellement dans les autres morceaux que tu mentionnes, ceci dit. Ceux-ci ont été plutôt basés sur les contributions de Lillian, en particulier « A Bridge Ablaze ».
« A Paradigm Of Beauty » est probablement la plus grande surprise, avec son côté gothique dans la veine de Sisters Of Mercy mais aussi d’un groupe comme The Devil’s Blood. Quel a été le cheminement de pensée qui a mené à une telle chanson ?
Il n’y avait pas vraiment de cheminement de pensée durant la création de ce morceau. C’était une inspiration-guide, irréfléchie qui l’a créé. Mais sans mon amour pour The Devil’s Blood, cette chanson n’aurait jamais vu le jour. Il y a une grande différence entre les deux groupes que tu mentionnes. Je ne connais pas très bien Sisters Of Mercy, pour être honnête (et aussi, je n’ai pas l’impression qu’il y ait un véritable côté post-punk dans cette chanson, même si j’aime bien certains groupes dans ce style), mais je me sens très proche de la musique de The Devil’s Blood d’une certaine façon, évidemment.
Cette chanson contient aussi certaines des lignes vocales les plus mélodiques et accrocheuses que tu aies jamais faites. Est-ce quelque chose que tu as toujours eu en toi ou bien ça a nécessité un apprentissage vocal ?
Je n’aurais jamais pu faire quelque chose comme ça il y a plusieurs années. C’était le plus grand challenge à ce jour, en ce qui concerne le chant, et ça a été uniquement possible grâce aux expérimentations vocales de Triangle et Hermaphrodite. Mes capacités vocales se sont beaucoup accrues en faisant de nombreuses fois en live « Metanoia » et « Do Not Open Your Eyes » au cours des deux dernières années. Et je n’ai aucun doute que « A Paradigm… » aura un effet similaire au cours des prochaines années.
De manière générale, qu’est-ce que ça implique en termes d’apprentissage, que ce soit en termes technique ou de composition, d’explorer de nouveaux territoires à chaque album ? Est-ce la composition qui te pousse à utiliser de nouveaux outils ou bien ce sont les nouveaux outils que tu apprends qui te poussent à en tirer profit dans les nouvelles compositions ?
C’est dur à dire, et peut-être que c’est une vision trop analytique. Plein de choses se produisent pour moi en suivant simplement le flux créatif, sans trop y réfléchir. J’essaye généralement de faire ce qui me paraît naturel.
Il est clair que Hearts Of No Light est votre album le plus hétérogène. Sur Triangle, tu avais compartimenté ta musique en trois approches distinctes réparties sur trois disques. Ici, au contraire, tu mélanges différentes approches dans un seul disque. As-tu cherché à abattre les dernières barrières qui ont pu subsister sur Triangle ?
Le leitmotiv que l’album suit est celui de la destruction. Il devrait démolir le passé pour laisser de la place pour que de nouvelles choses puissent pousser.
« La conscience humaine est une progression profondément impressionnante de la nature, et c’est d’autant plus intéressant que le résultat final de cette conscience est si destructeur. »
D’un autre côté, quel serait le point commun, musicalement parlant, entre trois morceaux très différents comme « Ego Sum Omega », « A Paradigm Of Beauty » et « Innermost, Lowermost Abyss » ?
Ils montrent simplement trois visages différents du groupe. Même si les trois morceaux sont très différents, d’un point de vue musical, il est toujours évident qu’il s’agit de Schammasch.
Il y a des groupes qui sont connus pour une forme spécifique de musique et qui ne peuvent s’en détacher à cause du retour de bâton qu’ils subiraient de la part de leurs fans. Penses-tu qu’il soit nécessaire de bousculer les fans, ne pas les laisser s’habituer à un style ou une approche précis, afin de gagner votre liberté et de construire une base de fans qui attendent d’être surpris d’album en album plutôt que de toujours attendre la même chose ?
Contre-question : en voyant la créativité comme un reflet, et l’art en tant que tel comme une expression de la vie et de la mort et tout ce qu’il y a entre, comment un artiste peut-il ne pas constamment changer et adapter sa création ? En tout cas, c’est ma vision de ce qu’est l’art, et c’est sur la base de cette idée que nous essayons d’en créer. Je ne voudrais pas prêter attention à ce dont les gens extérieurs auraient besoin, à ce qu’ils voudraient, à ce à quoi ils s’attendraient ou ne s’attendraient pas de la part de Schammasch, concernant la composition musicale. La seule voix que je peux écouter dans ce contexte, c’est mon instinct artistique.
Hearts Of No Light est la première partie d’un concept en deux parties, dont la seconde verra le jour plus tard. D’un côté, on dirait que tu ne peux t’empêcher de faire des concepts multi-disques, d’un autre côté, tu n’as de toute évidence pas envie de reproduire les schémas passés. Du coup, comment ce concept en deux parties t’est-il venu ?
Principalement à travers deux envies musicales, l’une étant la première facette destructive, furieuse et sinistre, l’autre étant la facette songeuse, paisible et sereine. La musique que j’avais écrite avant que cette décision soit prise héritait trop des deux facettes. Ça n’aurait eu aucun sens d’essayer de les combiner. Ce qui, en revanche, avait du sens était d’utiliser le côté destructeur comme une manière de démolir les restes du passé et de s’en libérer, afin de créer un terreau plus pur et plus fertile pour la facette constructive.
L’artwork représente un ange avec une trompette, rappelant les sept trompettes de l’Apocalypse, avec des flammes en arrière-plan. Comme l’album semble pas mal parler de l’homme détruisant son propre environnement, as-tu l’impression que l’humanité est actuellement en pleine descente en enfer (« Katabasis ») ou proche d’une forme d’Apocalypse ?
Comment ne pourrait-on pas en avoir l’impression ? Il suffit de regarder autour de nous. On est en train de trébucher aveuglément sur une pente descendante à une vitesse qui ne cesse d’augmenter, en faisant apparaître des forces incontrôlables ayant des effets dévastateurs, et on les glorifie comme étant les plus grands exploits de l’humanité, pendant que tout brûle autour de nous.
Le dossier de presse parle de « l’esprit prométhéen » de Schammasch, à raison puisque le feu (destructeur et purificateur) est très présent dans Hearts Of No Light. Et Prométhée, tout comme le feu, peut être vu sous un angle négatif comme positif. Trouves-tu que les hommes ont cette ambivalence, qu’ils peuvent faire le bien mais leur tendance à se prendre pour Dieu est ce qui causera leur perte ?
Je dirais que, vu sous la perspective de l’évolution, l’être humain, ou la conscience humaine, est une progression profondément impressionnante de la nature, et c’est d’autant plus intéressant que le résultat final de cette conscience est si destructeur. Dans une vue d’ensemble, l’humanité ne sera qu’un autre exemple de l’éternel cycle de création et destruction, et dans l’immensité cosmique, elle n’aura pas fait la moindre différence. Nous ne sommes rien de plus que des ombres et poussières d’étoiles.
Triangle développait un concept spirituel plein d’espoir. A l’inverse, l’idée de Hearts Of No Light paraît très sombre et négative. Quelque chose a-t-il changé en toi pour adopter ce regard pessimiste, en partant de la lumière céleste pour redescendre dans les abysses ?
Tout, et tout le monde, est voué à constamment changer. Triangle a été écrit dans un état d’esprit totalement différent de Hearts Of No Light, évidemment, et dans un but totalement différent. Triangle avait besoin d’une contrepartie à un moment donné, et je pense que Heart Of No Light remplit ce rôle.
Dans The Supernal Clear Light Of The Void, tu décris « un élan spirituel où l’ego est complètement absent et où tu flottes dans la lumière et dans l’énergie unifiée du néant » et tu disais que tu ne voyais pas « ça comme quelque chose qui peut être atteint durant la vie humaine ». Si on considère que derrière le cœur, il y a l’ego, Hearts Of No Light semble adopter le point de vue contraire. Penses-tu que l’on soit condamnés à l’obscurité tant que l’on vit ?
Hearts Of No Light n’essaye pas d’édicter la moindre idée globale conceptualisée, c’est bien moins théorique et bien plus narratif que Triangle. Quand il y a de l’obscurité, il y a de la lumière ; quand il y a de la lumière, il y a de l’obscurité. Je pense que nous (« nous » dans le sens de société moderne) sommes principalement condamnés à vivre dans l’aveuglement, qui est juste un autre terme pour parler de l’obscurité.
« Aujourd’hui, l’art endosse le rôle d’un des derniers descendants survivants de la liberté individuelle. »
Cette idée de l’ego et de sa dissolution est également présente dans « Ego Sum Omega », donc on dirait que c’est très central dans ta philosophie. Peux-tu nous expliquer ce qu’est l’ego pour toi ?
L’ego est plein de choses, mais dans ce contexte, c’est l’aveuglement et l’ignorance de l’esprit humain quant à sa propre insignifiance. C’est le rejet de la vérité dans l’intérêt du confort et de la justification, ou au final de la raison.
Qadmon est un personnage de la Kabbale. Qu’est-ce qu’il symbolise pour toi ?
Adam Qadmon est l’archétype du premier homme. Pour moi, c’est un symbole du potentiel de l’être humain ou, de manière plus adéquate, de l’extension de ce potentiel dont découle un état de divinité. « Qadmon’s Heir » est une référence au potentiel perdu et gâché dans l’humanité moderne.
Globalement, l’album semble tracer un mouvement descendant, mais plus qu’une vraie descente en enfer, pourrait-on voir cet album plutôt comme une descente dans les profondeurs de l’esprit ou la psychologie humaine ?
N’est-ce pas là la vraie descente en enfer ?
Comme mentionné précédemment, on peut facilement faire un parallèle entre la nature ambiante de la dernière chanson, « Innermost, Lowermost Abyss », et le dernier disque de Triangle. Du coup, si on met ce morceau en perspective avec Triangle, qu’est-ce que cet abysse représente ?
Le revers de la médaille.
« A Paradigm Of Beauty » parle de la muse artistique. Quelle est la place de l’art dans cette vision pessimiste de l’homme et ce monde apocalyptique que tu dépeins ?
« A Paradigm Of Beauty » est l’éloge du divin esprit de la créativité, de la forme la plus pure d’amour que celui-ci peut être, et joue le rôle de contrepartie au tableau négatif qui est dépeint de l’obsession créative avec les chansons qui l’entourent. Je pense qu’aujourd’hui, l’art endosse le rôle d’un des derniers descendants survivants de la liberté individuelle.
Tu utilises à nouveau des symboles chrétiens (l’ange avec la trompette, l’Apocalypse), tout comme avec Triangle où tu avais utilisé le symbole de la Sainte Trinité. Quelle est ton histoire avec le christianisme ?
J’ai reçu une éducation occidentale standard assez « typique », dans laquelle la religion a joué un rôle, au moins de surface. Etant enfant, je croyais fortement en l’idée de Dieu, telle qu’elle est présentée par le christianisme. Considérant ceci, j’ai probablement hérité d’une grande partie de ces idées et images, et même si j’ai un point de vue très différent de celles-ci aujourd’hui, j’ai parfois l’impression qu’elles ont encore beaucoup de sens, pour être utilisées dans le but de refléter certains aspects de mes idées et points de vue actuels. Peu importe l’idée qu’on a des symbolismes religieux, quels qu’ils soient, on peut difficilement douter de leur caractère impressionnant, tout comme du fait qu’ils sont un reflet de l’esprit, de la vie ou de l’âme humains.
Certaines des paroles dans le livret sont imprimées à l’envers. Et plus généralement, tu utilises pas mal de symboles et d’imagerie ésotérique. Quel en est le but ?
Ces sections sont imprimées à l’envers parce qu’elles partagent toutes un certain feeling. Pour moi, ce sont un peu comme des voix inconscientes dans l’obscurité. Ce genre de chose se fait par pur instinct. Je n’y ai pas réfléchi en le faisant, j’ai juste suivi mon instinct. Ce genre d’élément a toujours une raison d’être, et cette raison d’être se base principalement sur la volonté de créer quelque chose de frappant et d’organique, quelque chose qui parle à tous les niveaux, où les aspects importants se reflètent les uns les autres à différents niveaux. Réflexion faite, ces choses sont aussi une excellente manière de susciter la perplexité et la confusion chez l’auditeur et, à travers ça, de produire un message du fait global, c’est-à-dire qu’aucun de ces mots n’est autre chose que l’expression d’idées, d’interprétations ou d’expériences passagères, qui ensemble créent un flux mouvant de vie et de mort, et du chaos intermédiaire. Ils sont tout sauf une vérité ultime.
Interview réalisée par email le 8 février 2020 par Nicolas Gricourt.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Schammasch : schammasch.com.
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