Même au point culminant de sa carrière, une formation durablement implantée dans sa scène si tant est qu’elle ait conservé une certaine aspiration artistique, a la même pression à chaque sortie d’album. Les grecs de SepticFlesh le savent et comme ils nous l’ont confié récemment : « C’est la première chose qui motive Septicflesh à créer quelque chose d’encore meilleur […]. Un album de Septicflesh est un défi. » Aujourd’hui dans le metal extrême dit « symphonique », on peut affirmer sans conteste que Septicflesh est devenu le nouveau maître du jeu. Depuis sa reformation en 2007, les trois albums qui se sont succédés, Communion (2008), The Great Mass (2011), et Titan (2014), se sont avérés mémorables et incontournables. Leur musique à la fois grandiose et subtile impressionne, indubitablement. Mais le groupe peut-il se surpasser à tous les coups ? Tel est l’enjeu de Codex Omega.
Difficile de ne pas frissonner dès les premières notes de guitare acoustiques de « Dante’s Inferno » rapidement rejointes par celles de délicats violons introduisant la première immersion aussi sauvage que vigoureuse que les grecs savent façonner à la perfection. Celle-là même qui donne tout son sens à des scènes cinématographiques spectaculaires, le parallèle avec les bandes originales de films à gros budget se faisant assez spontanément avec la musique des grecs. Mais on le sait désormais, SepticFlesh ne se contente pas de produire une musique symphonique massive (comme la redoutable pièce « 3rd Testament (Codex Omega) », par exemple). L’œuvre des musiciens propose toujours un plus, un élément qui change la donne. Ainsi « Portrait Of A Headless Man » verra, en plus de l’orchestre, apparaître du duduk (un instrument à vent arménien) ramenant une dimension orientalisante bienvenue. Dans le même esprit, de l’oud (instrument à corde de la même région) introduira « Martyr » et refera surface sur « Faceless Queen ». La présence de ces instruments résonne comme un voyage sur les terres sacrées du christianisme, un retour à l’origine en somme, et plus précisément au temps de l’écriture de la bible. Codex Omega porte ce nom car il est le troisième et dernier testament selon SepticFlesh. L’apport du metal extrême, notamment ces riffs d’une lourdeur et noirceur terrifiantes qui jonchent l’opus et s’opposent à des harmonies pleines de grâce (« Martyr »), rajoutent donc une dimension antagoniste au dogme religieux et en le renversant, il produit une œuvre profondément sévère.
Ce qui a fait le succès de SepticFlesh au sein de son public est bien toujours là. Ces ingrédients n’ont plus de secret pour les fans du groupe : il s’agit des montées en puissances progressives comme « 3rd Testament (Codex Omega) » et « Enemy Of Truth », pour ne citer que les plus grandiloquentes, mais aussi l’art de manier la tragédie, et en cela « Dark Art » obtient la palme de la pièce la plus tragique avec son introduction légère au piano, ses parties de chants clairs assurées par Sotiris clamant des « Save Me ! » poignants, ainsi que les quelques notes de guitares épiques qui précédent le refrain. L’ensemble étant évidemment toujours accompagné d’un orchestre plus intense que jamais. Tous ces éléments qui apportent une dimension apocalyptique à l’ensemble de l’album… Si bien que ce sentiment de « final sombre et grandiose » persistera sur la quasi-totalité des morceaux de l’opus, et c’est en cela que réside le véritable point faible de l’œuvre : sa dimension unilatérale. Tout repose sur un final dramatique et cataclysmique, donnant l’impression de se focaliser sur la conclusion d’un récit plutôt que sur son histoire complète. Le danger de ce parti pris musical étant de confronter l’auditeur à une certaine répétition et à un ressenti unique. Et si la première partie de l’album semble commencer en apothéose, un morceau comme « Faceless Queen » sonnera comme une redite des précédents et, si ce n’est pour ses passages à la mélancolie apaisante (Paradise Lost n’est pas loin…), la conclusion « Trinity » paraîtra anecdotique tant l’ensemble de l’action semble s’être déjà épuisé lors des trente premières minutes.
Dire que Septicflesh cède à une certaine facilité avec une telle richesse musicale serait paradoxal. Cependant, ils ont usé de leur recette (trop) habituelle dans Codex Omega tout en dessinant un seul et même tableau chaotique, au risque de s’essouffler et essouffler l’auditeur sur la longueur. Quand bien même le résultat reste puissant et redoutable, les derniers titres pâtissent de fait du manque de variété dans les ambiances traversées et des échos insistants de l’œuvre passée du groupe. Le clivage se fera donc entre les auditeurs qui prendront l’album dans son entier et qui ne parviendront pas à se détacher des trois prédécesseurs, et ceux qui se concentreront véritablement sur le son SepticFlesh quitte à prendre les pièces de l’opus séparément. Assurément, ces derniers seront les plus convaincus.
Lyric-vidéo de « Enemy Of Truth » :
Chanson « 3rd Testament (Codex Omega) » en écoute :
Chanson « Dante’s Inferno » en écoute :
Album Codex Omega, sortie le 1er septembre 2017 via Season Of Mist. Disponible à l’achat ici