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Interview   

Sepultura et son carré d’as


Sepultura serait-il en train de se bâtir un nouvel âge d’or ? Sa production musicale depuis quelques années, et en particulier depuis l’arrivée du batteur Eloy Casagrande en 2011 qui leur aura donné un sacré coup de fouet, sans oublier des shows toujours au top, nous poussent à répondre par l’affirmative. Machine Messiah avait déjà été une belle démonstration de force, autant brute que créative. Sepultura s’est dépassé. En attestent les aveux d’Andréas Kisser sur les difficultés à jouer les titres de l’album. Mais pas question de lever le pied : au contraire, Sepultura est sorti de ce dernier cycle à la fois renforcé techniquement et plus confiant que jamais en ses capacités.

En résulte un quinzième album, intitulé Quadra, à bien des égards directement inspiré de Machine Messiah, mais profitant d’une ambition à la hausse avec un concept musical et numérologique en quatre parties, déployant quatre facettes de ce qu’est Sepultura après trente-cinq ans de carrière. Nous parlons de tout cela ci-après avec le guitariste et principal compositeur, Andreas Kisser.

« La tournée de Machine Messiah a été très dure, car il y avait des chansons difficiles, il y avait des chansons avec de nouveaux types d’approches pour Sepultura. Il y a vraiment eu plusieurs chapitres dans la carrière de Sepultura et maintenant, nous sommes en train de commencer une nouvelle époque pour l’avenir, et Machine Messiah représente vraiment ce nouveau départ. »

Radio Metal : Tu as déclaré que sur Quadra, tu as ressenti « une envie irrépressible de revisiter le côté vieux thrash de Beneath The Remains ou Arise, mais vu à travers des yeux actuels ». Tout d’abord, vous ne vous en êtes jamais tellement préoccupés par le passé, du coup, d’où est venue cette envie irrépressible ?

Andreas Kisser (guitare) : En fait, nous avons divisé l’album en quatre, comme un double vinyle, donc avec les faces A, B, C et D. Et nous avons ramené cet aspect de notre musique dans la face A. L’idée était d’avoir une caractéristique différente sur chaque face, car Sepultura a fait un tas de choses dans sa carrière. Nous avons fait du thrash, des percussions, des orchestrations, des collaborations avec différents artistes et tout. La face A est donc plus connectée au vieux thrash de l’époque Arise et Beneath The Remains, mais pas forcément aux vieux albums en tant que tels. Je veux dire que je me suis souvenu des groupes que nous écoutions à cette époque. Nous écoutions beaucoup de Vio-lence, Sacrifice, C.O.C., English Dogs, Suicidal Tendencies, Exodus, Kreator… Ce thrash qui a énormément influencé Sepultura dans ses jeunes années, surtout durant l’album Schizophrenia. Nous ne voulions pas copier Arise ou Beneath The Remains. Copier des riffs de cette époque aurait été stupide : ça a déjà été fait. Ce n’était pas notre intention. L’intention était de retrouver ce feeling dans ce que nous composions, c’était une question d’attitude. Et évidemment, ce n’était pas une idée radicale, car nous avons utilisé des chœurs sur « Isolation », par exemple, qui est la chanson qui ouvre l’album. Nous voulions obtenir ce feeling thrash avec les éléments d’aujourd’hui et ce que nous ressentons aujourd’hui.

Ensuite, la face B était plus connectée au côté groove de l’histoire de Sepultura, comme l’époque Roots et Chaos A.D., et aussi Against, avec des chansons comme « Choke » ou « Sepulnation », ou bien notre dernier album Machine Messiah qui a une chanson qui s’appelle « Phantom Self » avec des rythmes brésiliens, avec un côté groovy. La face C de l’album est plus connectée au monde instrumental, avec plus de guitare acoustique, façon « Itsári », « Jasco », « Inquisition Symphony », et surtout « Iceberg Dances » du dernier album. Donc nous avons davantage exploré le monde instrumental. Et la dernière face de l’album, les trois dernières chansons sont plus connectées à la chanson « Machine Messiah », qui est plus lente, avec plus de mélodie dans le chant, etc. Nous avons aussi enregistré sur Revolusongs la chanson « Angel » de Massive Attack à laquelle cette face renvoie également. Donc nous avons quatre caractéristiques différentes, quatre lignes directrices, autour desquelles nous avons construit l’album. Donc oui, nous avons commencé plus avec le monde thrash, le côté cru de Sepultura, et ensuite nous avons montré et été inspirés par d’autres éléments différents que nous avons utilisés pendant trente-cinq ans dans notre musique.

Comme tu l’as mentionné, vous avez divisé l’album en quatre parties comme si c’était un double vinyle. Es-tu particulièrement attaché au format vinyle ?

Oui, je pense. C’est avec ça que j’ai appris à écouter de la musique, avec des collections de vinyles, la face A, la face B. La chanson qui ouvrait la face B a toujours été très importante dans le metal. Comme sur Number Of The Beast, par exemple, la chanson principale de l’album ouvre la face B. Sur Master Of Puppets, c’est « Disposable Heroes ». Même dans notre propre histoire, sur Arise, c’est « Altered State » qui ouvre la face B. Ce type de vision géométrique de la musique est très important. C’est très important pour construire une idée, construire l’idée de l’album, avec l’intro, le morceau d’ouverture, le morceau plus groovy, le morceau qui clôt l’album, etc. C’est comme ça que nous créons les chansons. Nous savions que la chanson numéro un devait être plus rapide, avec un côté thrash et tout, et nous avons travaillé dans ce but. Chaque chanson avait un message différent, un sens différent et une autre façon de se présenter. Donc nous avons exploré tout ce que nous avons fait avec Sepultura, tout en apportant, évidemment, quelque chose de nouveau sur Quadra, ce qui correspond à ce que nous écoutons aujourd’hui. On ressent bien à l’écoute que nous sommes là aujourd’hui et non en 1991.

Il y a en fait une dimension physique au format vinyle : quand la face A est terminée, il faut se lever pour changer de face et écouter la seconde partie. Penses-tu que ça encourage aussi à physiquement changer la musique et la découper en chapitres ?

Complètement ! Dès le moment où nous avons commencé à composer la musique, nous connaissions l’ordre des chansons de l’album, car nous savions que nous étions en train de travailler sur la chanson numéro trois de la face deux, par exemple. Donc c’était très connecté géométriquement. C’est la première fois que nous n’avions pas de titre de travail pour les chansons, nous avions juste des codes, comme « K1T2 », ce qui signifiait « face une, thème deux ». Nous travaillions autour d’idées comme ça, avec des codes, et quand nous sommes allés en studio, nous avions déjà l’ordre des chansons. Nous savions que la chanson huit serait la huitième piste et que la chanson trois serait la troisième piste, etc. Ça nous a beaucoup aidés à explorer et attribuer toutes les idées que nous avions, afin de les utiliser dans l’album, dans la bonne chanson et sur la bonne face.

« La principale question que pose Quadra est : pourquoi crois-tu aux choses auxquelles tu crois ? D’où est venue l’information ? Pourquoi défends-tu ces idées ? A quelle école es-tu allé ? Pourquoi ta grand-mère ou ton père t’a parlé de certains événements historiques ? Tu y crois simplement parce que ton père t’en a parlé, mais il pourrait avoir tort, on ne sait jamais ! [Petits rires] »

Vous êtes-vous mis dans un état d’esprit ou une émotion particulière pour chacune de ces quatre « couleurs » musicales ?

J’ai commencé sans trop y réfléchir. J’ai commencé à écrire des riffs ; lors des premières étapes, c’est surtout Eloy [Casagrande] et moi qui faisons ça. J’écris plein de riffs et d’idées avec une boîte à rythme et tout, et ensuite je lui envoie ce que j’ai fait et il me le renvoie avec ses idées. Il lui arrive aussi d’envoyer seulement des boucles ou quelques idées de parties de batterie, et je commence à écrire des riffs par exemple par-dessus. Nous commençons comme ça, à simplement écrire des trucs qui nous plaisent. Ensuite, nous réécoutons et disons : « Ceci pourrait mieux coller à la face trois. Ceci, on pourrait l’utiliser dans la partie un. Ceci serait plutôt pour la partie quatre. » Ensuite, nous commençons à arranger et à développer les chansons avec ces éléments, avec ce feeling, le feeling de la face A, ou la face C, quelle que soit la face sur laquelle nous sommes en train de travailler. Mais nous commençons de zéro, sans trop y réfléchir. Ce n’est que l’expression de riffs et de sentiments. Et évidemment, c’est de l’émotion, c’est là tout le but de la musique. Si nous ne mettions pas des émotions sur ces diverses faces, vous n’écouteriez pas. On peut très clairement ressentir dans Quadra que toutes les trois chansons, il y a un changement d’atmosphère, un changement de direction, un changement d’attitude, mais évidemment, c’est aussi un album, c’est un tout, et on peut aussi ressentir l’unité. On peut écouter de la première à la douzième chanson et ressentir que l’on passe par différentes approches. C’est plein de passion et d’intention.

Parmi les surprises de l’album, il y a les deux dernières chansons, « Agony Of Defeat » et « Fear; Pain; Chaos; Suffering » sur laquelle apparaît du chant féminin…

Comme je l’ai dit, la quatrième face a été très influencée par la chanson « Machine Messiah », avec ces éléments, un rythme lent, du chant plus mélodique, etc. « Agony Of Defeat » a été construite autour de ce feeling, et aussi celui de la reprise d’« Angel » de Massive Attack, que nous avons enregistrée sur Revolusongs et que nous avons jouée pour la première fois au Rock In Rio il y a quelques semaines. Nous adorons cette atmosphère. The Mission UK a également été une grande influence pour Sepultura pendant de nombreuses années, surtout durant l’époque Arise, crois-le ou non. J’ai toujours adoré ces trucs. Nous avons donc construit la chanson sur la base de ce feeling et cette atmosphère. La dernière chanson, « Fear; Pain; Chaos; Suffering », c’est une vieille idée ou un vieux souhait qu’une chanteuse fasse quelque chose avec Sepultura. Evidemment, nous écoutons des chansons de Led Zeppelin, Rush ou Metallica, dans lesquelles apparaît une chanteuse sur une partie spéciale, et enfin, nous avons eu la chance de le faire. Emmily Barreto est le nom de cette extraordinaire et fantastique chanteuse. Elle vient d’un groupe qui s’appelle Far From Alaska ici au Brésil et ils ont une carrière internationale, ils voyagent beaucoup et tout. Ils ne font pas du metal mais ils ont plein d’influences dans leur musique, y compris le metal, mais ils sont plus orientés électronique, ils utilisent des rythmes brésiliens aussi. Je l’ai enfin rencontrée il y a quelques mois, quand nous avons fait quelque chose ensemble pour une émission télé, et je l’ai invitée à prendre part à l’album. Elle a beaucoup aimé l’idée et elle a fait un boulot super ! Je suis très content du résultat.

Vous avez une instrumentale intitulée « The Pentagram ». Tout comme celle présente sur Machine Messiah, cette instrumentale est dans un format plus traditionnel pour le metal que vos anciennes instrumentales. Est-ce donc le succès d’« Iceberg Dances » qui vous a poussés à répéter l’expérience ?

Assurément. Oui. La troisième face est très influencée par la chanson « Iceberg Dances ». Evidemment, nous avons « Inquisition Symphony » et d’autres instrumentales, en particulier acoustiques, sur des albums de Sepultura tout au long de notre carrière, mais c’était principalement « Iceberg Dances » qui nous a inspirés parce qu’elle avait été vraiment marrante à enregistrer, et surtout à jouer en concert avec la guitare acoustique et tout. C’était une chouette expérience, et il est clair qu’« Iceberg Dances » était la raison principale qui nous a fait opter pour une troisième face plus instrumentale dans l’album.

Le pentagramme est un symbole très répandu dans le metal depuis le tout début, mais vous ne l’avez pas très souvent utilisé. Du coup, qu’est-ce que ce symbole représente pour vous ?

Ce n’est qu’un symbole géométrique qui est une étoile avec cinq pointes, et la chanson a été écrite sur une signature rythmique en cinq-quatre. Voilà pourquoi nous avons utilisé le pentagramme, car la géométrie était une influence importante sur cet album, avec la manière dont nous l’avons divisé en quatre, et tous les éléments de « quadra », qui est un terrain de sport, un symbole géométrique et un design géométrique aussi. Donc « The Pentagram » représente ces variantes dans ce que nous faisons, avec cette signature rythmique de cinq-quatre. Evidemment, le lien au monde du metal, en plus du côté géométrique et tout, ça a fait que ça avait du sens d’appeler la chanson « The Pentagram ».

« On ne peut appeler ça de l’art que si on travaille sur un terrain inconnu, un terrain où personne n’a été, car c’est ainsi qu’on parviendra à faire quelque chose de nouveau. Si tu restes sur le même terrain, à te copier toi-même ou à copier d’autres groupes, tu te retrouveras à faire ça éternellement, et c’est très ennuyeux de mon point de vue. »

D’un point de vue thématique, le livre de John North Quadrivium a été une source d’inspiration pour « plonger dans un monde mystique rempli de sens cachés ». Qu’est-ce que ce livre en particulier représente pour toi et comment vous a-t-il inspirés ?

Quand nous avons commencé à travailler sur le concept de Quadra, j’ai commencé avec les nombres, parce que de nos jours, tout n’est qu’algorithmes et nombres. Ce qu’on aime, la propagande qu’on va recevoir sur nos putains de réseaux sociaux et autre, tout n’est que nombres. Ils contrôlent tout, ils contrôlent la physique, les mathématiques, etc. Je suis donc rentré dans cet univers et j’ai trouvé Quadrivium, parce que le nombre quatre était, je crois, le point de départ. Nous sommes quatre membres dans le groupe, il y a quatre saisons dans l’année, les quatre cavaliers de l’Apocalypse… Il y a tellement de quatre dans notre culture ! J’ai donc été inspiré par le nombre quatre et après le reste est venu. Et le fait d’avoir trouvé Quadrivium était très cool. La géométrie, l’astronomie, la musique et les mathématiques, les quatre arts qui ont beaucoup inspiré, et c’est de là qu’il est parti, les algorithmes et comment ils contrôlent nos choix, si tant est qu’on croit avoir un choix [petits rires].

A propos de Quadra, tu as déclaré : « On vient tous de Quadras différents. Les pays, toutes les nations avec leurs frontières et leurs traditions ; la culture, les religions, les lois, l’éducation et un ensemble de règles au sein desquelles la vie se déroule. Nos personnalités, ce que l’on croit, comment l’on vit, comment l’on construit nos sociétés et nos relations, tout dépend de cet ensemble de règles avec lesquelles on a grandi. Les concepts de création, de Dieu, de mort et d’éthique. » Peux-tu nous en dire plus sur ton propre Quadra et comment il te définit ?

Tu peux le voir toi-même ; tu trouveras toi-même la réponse. Je veux dire que la principale question que pose Quadra est : pourquoi crois-tu aux choses auxquelles tu crois ? D’où est venue l’information ? Pourquoi défends-tu ces idées ? A quelle école es-tu allé ? Pourquoi ta grand-mère ou ton père t’a parlé de certains événements historiques ? Tu y crois simplement parce que ton père t’en a parlé, mais il pourrait avoir tort, on ne sait jamais ! [Petits rires] Pourquoi crois-tu en certaines marques ? Pourquoi crois-tu tel type d’information ? Si tu étais né au Brésil et moi en France, nous aurions des idées différentes, évidemment avec le même caractère, avec les mêmes types de goûts, mais si tu aimes le sport, tu aimeras certains types de sport, peut-être qu’en France on aime plus le tennis que le football, alors que si tu es né au Brésil, tu es né avec le football. Tu n’as pas le choix ! On est victimes de notre bagage culturel. Le Dieu en lequel tu crois, la façon dont tu traites les femmes, ce qu’est le mariage… Pourquoi dans le monde musulman on peut se marier avec deux ou trois femmes ? Ils ont tous des idées et des concepts différents, et personne n’a tort, parce que c’est comme ça qu’ils ont grandi et on doit le respecter, et ne pas attaquer et créer des stéréotypes en disant que mon Dieu est meilleur que le tien. Et ce concept de religion… Tu sais, les religions divisent. Ce ne sont que des concepts et pourquoi croit-on en ces concepts ? Pourquoi pense-t-on qu’ils sont vrais ? Je veux dire que quatre-vingt-dix pour cent de l’information que l’on a dans la tête nous a été implantée par l’école, par les universités, par les livres, par les films, par tout ce qu’on entend durant notre vie. Ce n’est donc pas que moi, c’est toi, c’est ton père, c’est ton voisin… On en est tous des conséquences et des victimes.

Le dossier de presse affirme que Quadra a vu les membres du groupe repousser leurs propres limites mentales et physiques et a été l’un des albums du groupe les plus durs à réaliser. Qu’est-ce qui a fait la différence par rapport aux albums passés ?

Nous sommes tout simplement de meilleurs musiciens ! Nous sommes un meilleur groupe. Machine Messiah, surtout, a été un album très différent pour Sepultura. Il a ouvert plein de nouvelles possibilités. Je veux dire qu’Eloy Casagrande, le batteur, est arrivé dans le groupe et a vraiment apporté plein de nouvelles possibilités. C’est un monstre ! C’est un musicien extraordinaire, probablement le meilleur batteur au monde aujourd’hui, et nous avons le privilège de l’avoir dans le groupe, où il apporte tellement d’énergie. Il a vingt-sept ans, c’est un professionnel, c’est un gamin très intelligent. On peut parler avec lui de n’importe quel type de sujet. Il est très focalisé. C’est quelqu’un qui nous – Paulo, Derrick et moi – a beaucoup inspirés à être meilleurs. C’est un sentiment fantastique. La tournée de Machine Messiah a été très dure, car il y avait des chansons difficiles, il y avait des chansons avec de nouveaux types d’approches pour Sepultura. Il y a vraiment eu plusieurs chapitres dans la carrière de Sepultura, et maintenant, nous sommes en train de commencer une nouvelle époque pour l’avenir, et Machine Messiah représente vraiment ce nouveau départ. Comme je l’ai dit, c’était très difficile sur la tournée de Kreator, quand nous avons fait le premier round de Machine Messiah. C’était très difficile de jouer les chansons et tout, mais au final, évidemment, parce que nous avons beaucoup joué les chansons dans plein de situations différentes, nous nous sommes améliorés !

« C’est très excitant de faire quelque chose de nouveau, car telle est notre conception de l’art, c’est-à-dire aller là où personne n’a été et créer des sentiments, des attentes et une forme de communication. Tout est une question de communication. Il ne s’agit pas d’impressionner qui que ce soit. »

C’est pourquoi nous avons écrit un album comme Quadra, parce qu’en tant que musicien, j’ai toujours voulu essayé de dépasser mes limites, je veux étendre mes capacités musicales. J’étudie la musique tous les jours. C’est le truc avec la musique : on n’arrête jamais d’évoluer, et il y a encore tellement de choses à apprendre, on ne sait jamais tout. Non seulement avec la musique, mais avec tout. La musique offre la possibilité d’aller dans différentes directions, et d’emmener les gens dans différentes directions aussi. Donc oui, c’était un album difficile, mais nous étions prêts. Nous nous sommes vraiment préparés physiquement et mentalement, et nous étions prêts à relever le défi. Au final, c’était difficile, nous avons beaucoup travaillé, mais c’était très agréable, car nous faisions des choses que nous adorions ! C’est un tel privilège d’avoir Jens Bogren à nos côtés pour produire l’album et Nuclear Blast qui soutenait tout ce que nous faisions. Nous avons travaillé tellement dur pour avoir cette opportunité que nous voulions faire le meilleur album que nous pouvions.

Ceci est le second album que vous faites avec Jens Bogren, et tu as été jusqu’à le qualifier de « cinquième membre du groupe ». Comment votre relation a-t-elle évolué depuis votre première expérience sur Machine Messiah ?

C’est le cinquième membre du groupe en studio ! Je veux dire que nous avons vu Jens Bogren travailler quand nous avons fait Machine Messiah, et il était génial, il était fantastique. C’est pour ça que nous avons répété tout le processus, que nous sommes repartis avec lui, à Stockholm et ensuite à Örebro. Nous avons fait exactement le même plan et tout. Mais nous nous connaissions mieux. Tout était tellement plus facile à accomplir. Il était à cent pour cent focalisé sur l’album. Mais chaque producteur qui a travaillé avec Sepultura était le cinquième membre du groupe. Ça n’a aucun sens de faire venir quelqu’un et de mettre des limites à ses idées, ses suggestions et son action. Un producteur a besoin d’avoir une liberté totale. En fait, c’est lui qui guide tout le processus, afin de trouver le meilleur son et le son dont nous avons besoin. Et nous travaillons en symbiose. Evidemment, ce n’est pas un dictateur sur le projet. Nous devons décider des choses ensemble, mais il est à cent pour cent libre de dire tout ce qu’il veut pour améliorer le projet. Donc oui, en ce sens chaque producteur est le cinquième membre, et il est clair que Jens était très passionné par le projet. C’est extraordinaire de travailler avec lui. C’est un producteur très intelligent, qui connaît très bien l’histoire de Sepultura, et il sait où il veut aller. Donc c’était le choix parfait.

Tu as déclaré qu’« il n’y a aucune raison de sortir un album à moins d’avoir quelque chose de nouveau à dire ». T’est-il déjà arrivé dans ta carrière d’avoir un doute ou d’hésiter par rapport à ce que tu avais à dire ?

Non, pas du tout. Tu sais, nous prenons au moins deux ou trois ans pour tourner dans le monde entier, à chaque tournée nous passons par un nouvel endroit, un nouveau pays où nous n’avons jamais été auparavant, ou une nouvelle ville, ou des festivals où nous jouons avec des groupes qui ne sont pas forcément metal… Donc nous apprenons beaucoup ! Notre esprit reste frais à chaque fois. Les idées, ce n’est pas ce qui manque ! [Rires]

Sepultura est un groupe qui a constamment marqué les esprits dans la scène, au moins jusqu’à Roots. Mais, même si vous n’avez jamais arrêté de vous renouveler, y compris après Roots, penses-tu que ce soit encore possible de marquer les esprits ? Je veux dire, les gens ne sont-ils pas aujourd’hui habitués à être confrontés à toutes sortes de musiques, d’expérimentations, de fusions de styles, etc., si bien qu’il devient difficile de les impressionner et d’être vraiment perçus comme innovants comme vous l’étiez à la vieille époque ?

Je m’en fiche. Je ne fais pas ça pour impressionner qui que ce soit [petits rires]. Je veux dire que la musique, c’est bien plus qu’une question d’impressionner les gens. La musique est quelque chose que l’on fait naturellement. Nous exprimons ce que nous ressentons, et nous jouons et présentons la musique comme nous pensons qu’elle doit être. Si les gens l’aiment, bien ; si les gens ne l’aiment pas, bien aussi. Nous avons beaucoup de chance d’avoir derrière nous une communauté de fans très fidèles à Sepultura, indépendamment des changements que nous avons connus dans notre carrière et tout. Nous avons des fans extraordinaires qui maintiennent le groupe en vie. Nous ne nous soucions pas de ça. Je veux dire, nous avons tellement de gens différents parmi nos fans, nous avons tout : des enfants, des grands-mères, des gens avec des cheveux courts, des cheveux longs, des gens qui ne portent pas les mêmes vêtements, on ne peut pas dire : « Lui, c’est un fan de Sepultura. » Car nous avons énormément d’albums différents à travers notre carrière ! Car c’est comme ça que nous fonctionnons ! Nous détestons copier des formules. On ne peut appeler ça de l’art que si on travaille sur un terrain inconnu, un terrain où personne n’a été, car c’est ainsi qu’on parviendra à faire quelque chose de nouveau. Si tu restes sur le même terrain, à te copier toi-même ou à copier d’autres groupes, tu te retrouveras à faire ça éternellement, et c’est très ennuyeux de mon point de vue. Donc pour notre part, c’est très excitant de faire quelque chose de nouveau, car telle est notre conception de l’art, c’est-à-dire aller là où personne n’a été et créer des sentiments, des attentes et une forme de communication. Tout est une question de communication. Il ne s’agit pas d’impressionner qui que ce soit.

Interview réalisée par téléphone le 10 décembre 2019 par Philippe Sliwa.
Introduction, retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photo : Marcos Hermes.

Site officiel de Sepultura : www.sepultura.com.br.

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