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Live Report   

Sepultura face à ses fidèles


Sepultura au CCO de Villeurbanne. CCO : Centre Culturel Œcuménique. Œcuménisme : mouvement visant l’union des diverses Églises (chrétiennes, plus précisément) en dépit des différences de doctrines et des schismes du passé. Par extension, l’oecumène peut signifier l’union des croyants, la masse des fidèles. Et quiconque connaît un tant soit peu Sepultura comprend la symbolique de tout cela. Et qui était présent en ce soir de février dans la salle villeurbannaise l’a, en outre, ressenti.

Schisme. Emprunter un tel terme pour parler de ce qui advint à Sepultura il y a dix-huit ans n’est pas si exagéré. S’il y a une partie des fidèles qui a préféré suivre (au moins virtuellement) et continue à n’avoir foi qu’en l’œuvre du Pasteur Cavalera, le Pape Kisser et ses cardinaux peuvent encore compter sur leurs fidèles, et même si leur communauté semble nécessairement plus maigre qu’à l’époque de Roots (en ce temps là, le groupe s’affichait dans le Transbordeur voisin, face à une foule à quatre chiffres), celle-ci n’hésite pourtant pas à remplir par centaines de têtes prêtes à remuer et de corps prêts à se heurter les salles où les Brésiliens se présentent, quelles qu’elles soient.

Artistes : SepulturaLegion Of The DamnedFlotsam And Jetsam
Date : 24 février 2014
Salle : CCO
Ville : Villeurbanne

Flotsam And Jetsam : c’est dans de vieux jeans qu’on fait le meilleur thrash.

C’est entre deux dates extrêmes – Behemoth quelques jours auparavant, le Vormela Black Fest quelques semaines après – dans ce même CCO que s’insère cette respiration thrash à tendance death (faudrait pas non plus faire trop redescendre la pression). Une soirée qui démarre avec Mortillery, combo revival-thrash old-school canadien, dont les retardataires (comme nous) ne verront rien (au cours de discussions, on nous jurera que c’était bon, oui, c’est tout)… Quoique , pour être en retard, il suffisait d’être à l’heure : début du programme à 19h sur l’affiche. Arrivé à 19h05, la salle est déjà à peu près pleine (ce qui est toujours agréable à voir, elle sera pleine à craquer au summum de la soirée) mais rien n’indique qu’un seul artiste est déjà monté sur scène. Par conséquent, quand enfin se pointe Flotsam & Jetsam sur les planches, une envie de se révolter surgit : qui a eu l’idée de mettre un tel groupe, avec une telle histoire et une telle discographie, aussi bas dans le programme ?

Flotsam & Jetsam, à la différence des groupes qui lui succéderont dans la soirée, c’est juste du thrash metal, qui aurait même plutôt eu tendance à rester simplement heavy (le T-shirt Judas Priest du bassiste donnant une bonne indication quant à leurs racines), voire prog, plutôt que d’aller folâtrer dans des contrées plus brutales. « Juste », « simplement »… ça peut paraître dépréciatif, mais la bande n’a pas besoin d’en faire des caisses pour impressionner. Existant depuis aussi longtemps que bien d’autres combos thrash classiques, ils n’ont pas besoin de suivre une recette : ils font partie de ceux qui l’ont développé. Et si l’on peut encore s’interroger sur la raison qui les a empêchés de suivre la même voie du succès que d’autres, alors que leur production discographique n’a jamais connu de baisse en termes de rythme (avec des sorties en moyenne tous les deux à trois ans) ou de qualité, l’on aura peut-être un début d’explication sur scène. Car si l’on sent une véritable envie de représenter leur art en concert, un amour pour la pratique du live, les membres de F&J ne sont pas vraiment ce qu’on peut appeler des showmen.

Mais cela ne décevra pas une partie du public qui profitera pleinement d’un groupe, rare dans nos contrées, et donc très attendu, surtout après l’annulation de leur précédente tournée, l’automne dernier. Les fans clament les paroles, l’agitation commence à naître tout particulièrement dans les premiers rangs et chacun peut apprécier le niveau des musiciens. Si Eric AK se montrera un peu essoufflé dès après le premier titre, le chanteur ne montrera plus de faiblesse pour le reste du concert. Kelly Smith à la batterie fera preuve d’autant de brutalité que de finesse sur son kit. Et la section de cordes (mention particulière pour les solos de Michael Gilbert) aura sorti tout son savoir-faire avec virtuosité. Et tant pis si aucun d’eux ne fait vraiment le spectacle (ce qu’il faut de communication et un peu de jeu sur les cymbales de la part d’AK…), Michael Spencer (le bassiste, fait rare dans ce registre, jouant tout aux doigts avec une certaine maestria) et Steve Conley (guitare) étant trop concentrés sur leurs instruments, la musique parle d’elle-même à travers une setlist basée sur les deux premiers opus du groupe (principalement un No Place For Disgrace qu’ils viennent de réenregistrer) et ne laissera pas de doute sur le fait que F&J est bien plus qu’un groupe de thrash parmi les autres.

Legion Of The Damned : puissant… et après ?

Ce qu’on ne peut pas affirmer au sujet de Legion Of The Damned. Ce qui n’est pourtant pas pour déplaire à leurs fans, nombreux ce soir-là, à en juger par les T-shirts frappés du logo du groupe dans le public ce soir-là et surtout par la masse agitée pendant tout le set dans un moshpit frénétique ininterrompu. Et heureusement que les Hollandais sont bons pour ça : donner le rythme à ce grand défouloir… Ou pour animer des compétitions de MRS : metal rythmique et sportif. Tout dans la vitesse à un tempo agressif, est-cela qu’on appelle de la musique ? Le groupe enchaîne, les cheveux dans les yeux, polluant le mix avec une basse aux claquements à tordre les boyaux, des plans rabâchés, tapant dans les fonds de corbeille de Slayer ici, ou dans les chutes de Kill ’em All de Metallica là. Jamais un sursaut d’originalité dans tout ça. Et dans cette longue ligne droite d’une heure, le chant invariable, sans modulation, de Maurice Swinkels ne fait qu’appuyer l’impression d’avoir assisté à l’interprétation d’un long, très long morceau, tournant en boucle et retournant les intestins. Une place aussi haut sur cette affiche sans doute justifiée par sa popularité mais aux antipodes des prouesses purement musicales du groupe le précédant.

Derrick Green (Sepultura) : gentil géant.

En tout cas, la fosse s’est bien chauffée. Et tant mieux car Sepultura n’a pas l’intention de la laisser refroidir et c’est par son côté death que les Brésiliens saisissent ce public à bras le corps. Mais peut-être pas par le versant le plus simple car c’est en piochant dans leurs dernières œuvres que le groupe choisit d’hameçonner la foule : « Trauma Of War » et « The Vatican », issus du ô combien brutal dernier né, The Mediator…, marquent le début des hostilités, suivis d’un « Kairos ». Choix de setlist casse-gueule ? Certainement pas : le public est là pour se défouler et se soumet à ce choix qui le maintient en ébullition jusqu’à une pastille plus populaire : « Propaganda », issu d’un des classiques thrash du groupe, Chaos AD.

Et de toute façon, plus qu’une setlist préférant ne pas coller les morceaux du dernier album, moins connus et pouvant calmer un public par leur nouveauté, plus tard, en milieu de concert, causant un creux en plein cœur de l’ambiance, Sepultura apporte au public des musiciens de gros calibre. Et en la matière, le dernier est le premier. Car Eloy Casagrande, le « petit jeune », la nouvelle recrue derrière la batterie, n’est pas le moindre des atouts des Brésiliens aujourd’hui. Sa vitesse, sa force de frappe, sa musicalité et même le plaisir des yeux apporté par son jeu semblent tirer le groupe vers le haut, au point de donner l’impression que les autres doivent suivre et faire en sorte d’être à son niveau et fournir le meilleur d’eux-mêmes. A commencer par Andreas Kisser qui donne tout ce qu’il a sur sa guitare, stupéfie par son jeu technique, montrant par là la difficulté de certains passages devenus tellement connus qu’on n’avait pas forcément conscience, sans le voir, du niveau requis pour leur donner vie. Un leader qui se transforme aussi en un frontman convaincant, montrant de quoi il est capable quand il doit se saisir du chant, envoyant Green en retrait au poste de percussionniste pendant leur reprise de « Da Lama ao Caos ».

Andreas Kisser (Sepultura) aura même eu droit à un bisou d’un fan…

Kisser, leader presque par défaut, car ce n’est pas le plus ancien membre de la bande, c’est-à-dire le bassiste Paulo Jr, qui se démarquerait dans ce rôle, brillant surtout par sa discrétion dans son coin de scène, ou Derrick Green qui, malgré son poste de premier plan dans le groupe, ne saurait s’arroger totalement ce rôle pour des raisons « historiques » que nombreux aimeraient lui rétorquer. Pourtant, d’un point de vue simplement mathématique, il est probable qu’une bonne partie du public a passé toute sa vie de metalleux avec l’Américain comme frontman actuel des Brésiliens (dix huit ans déjà, ça ne compte pas pour du beurre). Mais, plus important, d’un point de vue scénique, l’œuvre de Sepultura est plus qu’honorée par ce qu’en fait le géant Green. Ainsi, pour la période Cavalera, bien représentée, surtout dans le dernier tiers du concert – de Beneath The Remains (« Inner Self ») à Roots – avec des « Ratamahatta » et « Roots Bloody Roots » en rappel pour mettre le feu aux dernières réserves de jus d’un public bondissant comme un seul homme sur cet hymne en clôture – en passant par Chaos A.D. (dont la reprise de « The Hunt » de New Model Army, joué pour la première fois sur scène par le groupe durant cette tournée) et son hymne « Refuse/Resist » suivi d’un « Arise » mettant le coup de grâce avant les rappels – si de petites différences se font parfois sentir dans l’interprétation par le chanteur, ce dernier cache parfaitement ces particularités derrière son imposante prestance. Green est un modèle de frontman : aussi immense physiquement que par ce qu’il dégage, que ce soit sa puissance ou sa bonne humeur, regardant le public comme un ami.

Et finalement, le chanteur représente bien ce qu’est (re)devenu Sepultura aujourd’hui : un colosse trop grand pour tenir encore sur d’aussi petites scènes, dégageant une telle puissance qu’elle emplit la salle dans laquelle il se trouve. Et si on a parfois senti des pertes d’énergie dans le public, on mettra cela sur le compte des efforts déjà fournis pendant le set de Legion Of The Damned, car, à n’en pas douter, Sepultura doit revenir conquérir de plus grands plateaux. Les guéguerres de religions doivent rester au passé pour accorder aux Brésiliens le futur qu’ils méritent, au cœur d’une union autour d’un groupe culte.

Photos : Spaceman

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Galerie photos du set de Flotsam & Jetsam
Galerie photos du set de Legion Of The Damned
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