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Interview   

Sepultura : humain, trop humain


Sepultura est résolument tourné vers l’avenir, c’est en tout cas un principe sur lequel le guitariste Andreas Kisser insiste. Celui-là même qui a depuis longtemps fermé la porte à toute reformation du line-up dit classique et qui, comme il l’explique dans l’entretien ci-après, ne voit aucun intérêt à perdre du temps et de l’énergie à partir en tournée essayer de raviver la gloire d’un vieil album, comme ont pu récemment le faire d’anciens collègues. Car l’avenir pour Kisser s’appelle Machine Messiah, le quatorzième album du combo et second avec le batteur Eloy Casagrande qui, on le devine autant à l’écoute de l’opus que dans les propos du guitariste, a donné un nouveau souffle créatif au célèbre combo brésilien.

L’avenir à court et moyen terme est aussi en ligne de mire dans la thématique du concept de Machine Messiah, quant à la place prise dans nos sociétés par les technologies. Kisser souligne sa peur de voir l’humanité perdre ce qui la rend… humaine. Tout ceci, ainsi que l’apport essentiel du producteur Jens Bogren et les libertés artistiques que s’accorde Sepultura dans une de ses œuvres les plus ambitieuses, le guitariste nous en parle, fier se son album et du parcours jalonné d’épreuves qui les a menés jusqu’à celui-ci.

« Nous n’essayons jamais vraiment de nous copier nous-même, et faire ça, apporter de nouveaux éléments, ça constitue toujours un risque. Mais c’est ça la beauté de l’art ! Sans risque, il n’y a pas d’art. »

Radio Metal : Tu as déclaré que vous avez beaucoup travaillé au Brésil, faisant autant de pré-production que vous pouviez, de façon à ce que l’album soit aussi complet que possible. Pourquoi est-ce que cet album a nécessité autant de préparation ?

Andreas Kisser (guitare) : En fait, nous n’avons pas passé tant de temps que ça dessus. Bien sûr, j’ai des idées de riffs, de titres de chansons, etc. que j’ai recueilli pendant que nous étions sur la route durant les deux dernières années, en tournant pour The Mediator et en célébrant les trente ans de Sepultura, nous avons visité énormément d’endroits. De nos jours, c’est très facile d’enregistrer n’importe quelle idée musicale ou titre de chanson, etc. Mais en fait, nous avons vraiment commencé à travailler sur l’album seulement en février cette année. Donc en février, mars et avril, nous avons travaillé sur la composition, toutes les démos que nous avions, à développer les idées et faire les démos pour Jens [Bogren]. Donc nous avons en gros pris trois mois à tout écrire et trouver une direction. Nous avions environ onze à douze chansons sur lesquelles travailler. Et ensuite, en mai, nous étions déjà en Suède à travailler avec Jens, à tout enregistrer. Donc en ce sens, c’était assez rapide. Nous étions déjà prêts, vraiment, à travailler dessus. Nous avons passé énormément de temps sur les routes, nous avons pris un peu de temps libre au début de l’année et puis, en février, nous sommes arrivés frais et dispos pour travailler sur de nouvelles idées, surtout moi et Eloy [Casagrande], à échanger des parties de batterie, des riffs de guitare et autre, pour construire de zéro des parties, emprunter certaines directions, et ensuite avec tout le monde dans la salle de répétition à enregistrer des démos. Et puis, pour l’étape suivante, Jens est arrivé. Bien sûr, nous avons essayé de le rendre aussi complet que possible mais nous laissons aussi de l’espace, évidemment, pour l’apport du producteur et toute sorte d’improvisation qui peut se produire en studio. Donc nous laissons aussi de la place pour ça. Mais nous aimons être aussi prêts que nous le pouvons et ne pas passer trop de temps en studio à vraiment se demander [ce que nous allons faire] et essayer de trouver des riffs ici et là. Donc ça a parfaitement fonctionné ! Jens était un choix parfait, il a apporté des idées vraiment cool et fantastiques pour l’ensemble du projet.

Tu as en fait dit dans un des webisodes que tu t’étais préparé toute ta vie pour ce type de défi…

Tous les albums sont des défis ! Ce n’est pas facile de maintenir un groupe pendant plus de trente ans. Bien sûr, nous avons connu nos changements de line-up et autres, mais cette formation est là pour travailler sur le second album avec Eloy Casagrande, il est avec nous depuis cinq ans maintenant. Mais chaque album représente un grand défi parce que tu veux sortir quelque chose de neuf, et chaque album de Sepultura apporte quelque chose de neuf. Chaque album est très différent des autres, nous n’essayons jamais vraiment de nous copier nous-même, et faire ça, apporter de nouveaux éléments, ça constitue toujours un risque. Mais c’est ça la beauté de l’art ! Sans risque, il n’y a pas d’art. Dans toute la carrière de Sepultura, nous avons fait ça, surtout avec Roots, avec Against, avec Sepulnation, en utilisant des livres avec A-Lex ou Dante XXI… Tu sais, en explorant simplement de nouvelles idées, avec l’objectif principal de dépasser nos propres limites, d’étendre nos frontières. Et je pense que cet album était un grand défi parce que c’était l’album le plus musical que nous ayons jamais fait. Nous avons vraiment travaillé sur chaque détail, comme les leads de guitare, toutes les batteries, les arrangements pour la basse, tous les violons qui ont été suggérés par Jens qui connaissait ce mec qui vient de Tunisie et qui a ce formidable style oriental qui collait parfaitement à plein de chansons différentes de l’album, des idées de percussion, etc. Je veux dire que nous voulions vraiment explorer chaque chanson, de façon à ce qu’elles aient leurs propres caractéristiques. Une chanson comme « Machine Messiah » est très différente de « I Am The Enemy », qui est très différente de tout le reste. Ca constitue un réel défi de tout mettre dans un album. Et une fois de plus, Jens a été vraiment crucial pour donner cette unité à l’album parce qu’il l’a mixé, il a tout masterisé, etc. Je suis très content de tout ! Ça sonne super bien !

Est-ce que Jens a été impliqué dans la composition ?

Non, pas du tout. Toute l’écriture des chansons, c’était nous. Comme je l’ai dit, nous sommes venus au studio avec tout plus ou moins prêt, avec de la place pour du changement ici et là, au niveau de la structure, etc. Chaque fois, lorsque nous commencions l’enregistrement de la batterie, nous écoutions les démos, nous avons tous fait des suggestions, nous coupions ici, dupliquions ici ou changions là, ou peut-être qu’ici il y a un violon, peut-être qu’ici il y a une percussion, peut-être que nous pouvions mettre ce chant ici ou le retirer là… Tu sais, nous faisions vraiment une analyse détaillée. Donc nous sommes allés au studio s’assurant que les chansons étaient prêtes pour l’enregistrement des batteries. Et même lorsque les batteries étaient faites, nous pouvions changer des trucs ici et là sur les arrangements de guitare, de chant et tout. Mais au niveau composition, nous avons tout fait nous-même, et puis Jens, en tant que cinquième membre du groupe en studio, comme devrait l’être un producteur, avait une liberté totale pour apporter tout ce qu’il voulait au projet. Et nous avions une super communication. Jens est un chouette type, très intelligent, avec un super sens de l’humour, jeune et expérimenté. Il a une incroyable connaissance de la musique. Comme je l’ai dit, il regarde les petits détails et les choses qui rendront les chansons plus grandes et plus puissantes.

Tu as mentionné la chanson éponyme, « Machine Messiah », qui est une chanson lente avec des mélodies sombres et du chant clair qui semble inspirée par le metal gothique, et c’est un début très surprenant pour un album de Sepultura. Est-ce que démarrer avec une telle chanson est une manière de faire un genre de déclaration, montrer à quel point vous êtes libres artistiquement ?

Je le pense. Je veux dire que Sepultura s’est toujours battu pour ça. Depuis le premier jour, notre liberté de nous exprimer à notre façon a toujours été très importante pour nous. Et « Machine Messiah », c’est comme une grande ouverture, comme une intro pour tout ce qui se passera dans l’album, créant un genre d’attente, comme « qui est ce messie ? D’où vient-il ? Qu’est-ce que ce messie va être pour l’être humain ? Est-ce un sauveur ou bien un destructeur ? » [Petits rires] C’est le concept du messie qui revient sur Terre sous la forme d’un robot ou d’un truc biomécanique. Donc ça produit ce type d’intensité. Nous avons travaillé sur une chanson très similaire à ça lorsque nous avons enregistré l’album Revolusongs, sur lequel nous avions fait plein de reprises différentes de divers groupes, surtout des groupes qui ne font pas partie du monde du hardcore, du punk et du metal, comme Massive Attack, la chanson « Angel », qui avait ce type de mantra et de groove. Donc je pense qu’elles ont un peu la même atmosphère et c’était cool de travailler sur notre propre interprétation de ce message, de ce feeling. Je trouvais que c’était une super façon de commencer quelque chose comme ça. C’est presque comme un opéra qui parle de ce messie. C’est une ouverture très différente, et c’est quelque chose que nous apportons sur chaque album. Nous apportons tout le temps quelque chose de différent. Les fans de Sepultura s’attendent toujours à l’inattendu de notre part parce que c’est la seule façon pour nous d’apporter quelque chose de neuf, car nous avons de nouvelles choses à dire ou jouer.

« La robotisation de la société est très réelle et brutale. […] Et nous perdons cette capacité à nous regarder les uns les autres, face à face, les yeux dans les yeux, et nous sentir véritablement humains. »

Il y a effectivement plein de nouvelles saveurs sur cet album. On peut entendre des orchestrations massives sur « Sworn Oath », des arrangements orientaux sur « Shadow Self », du chant clair…

Ouais, exactement ! C’est l’exemple de ce dont je parlais à propos de ce pourcentage que nous laissons ouvert pour le travail en studio. Nous avions les chansons plutôt bien structurées mais laissant beaucoup d’espace pour plein d’idées de concepts, « je veux faire un plan de guitare ici ou une percussion là, » et autre. Et Jens est arrivé à cette période où nous analysions chaque chanson avant que nous n’enregistrions la batterie. Jens est arrivé avec cette idée d’amener cet ensemble de violons de Tunisie. Ce mec qui a écrit les arrangements pour les cordes vit à Örebro, en Suède, la même ville où nous avons enregistré l’album et il a aussi travaillé sur le dernier album de Moonspell que Jens a produit. J’ai pensé que c’était une formidable opportunité de faire quelque chose de différent avec cette saveur différente. J’adore la musique orientale, je possède divers instruments de Turquie, du Liban et de ce genre d’endroits. J’adore cette façon différente de jouer, ces gammes différentes, etc. Et Jens a suggéré ça et ça a ouvert tant de nouvelles possibilités différentes, tu vois, les conversations entre les violons et les leads de guitare, surtout sur « Phantom Self », et pour améliorer sur « Sworn Oath » cette atmosphère épique que les riffs possédaient déjà. Donc nous avons amélioré ça et rendu ça encore plus épique et puissant. Il a fait un boulot extraordinaire ! Je veux dire que la perception de Jens sur chaque chanson a été vraiment cruciale pour faire ces changements et prendre les décisions d’utiliser ces éléments supplémentaires dans notre musique.

Pour ce qui est du chant clair de Derrick, en fait, nous avons utilisé ses capacités mélodiques sur chaque album de Sepultura depuis qu’il est arrivé dans le groupe. Je veux dire que la chanson « One Man Army », en l’occurrence, sur Sepulnation regorge de mélodie. Des chansons comme « Water » ou « The Ways Of Faith » sont également pleines de mélodie. Il y a quelques chansons comme ça mais je pense ça crée un impact plus fort ici parce que c’est l’ouverture de l’album, peut-être, parce que c’est juste là, c’est la première impression qu’on a. Et bien sûr, nous nous améliorons. Je veux dire que nous avons l’impression d’être de meilleurs musiciens parce que nous sommes non-stop sur scène. Comme je l’ai dit, nous avons tourné trois ans dans le monde entier. En trente-deux ans, nous avons visité et joué dans soixante-seize pays, nous avons fait des festivals, des clubs et tous les types de situations, et ça aiguise le groupe, nous développons nos capacités et c’est ce que nous recherchons constamment. Je pense que Machine Messiah, l’album dans sa globalité, montre nos qualités de musiciens. Eloy Casagrande, le batteur, est un musicien sensationnel qui a apporté plein de nouvelles possibilités pour la guitare, la basse, tout. C’est un jeune batteur de vingt-cinq ans, bourré d’énergie et de motivation, et il collait parfaitement au style de Sepultura. C’est génial de toujours apprendre et explorer de nouvelles choses après autant de temps à être un groupe. Donc c’est super !

Est-ce qu’il y a un sens pour le côté oriental de « Phantom Self » dans le concept ?

Je pense que ça montre que ce messie vient pour le monde entier et pas pour une religion ou croyance spécifique. Il y a tant de religions différentes, tant que goûts différents, et je pense que la musique peut tous les unir, et non pas des concepts et le fait de se battre avec des mots, des livres sacrés et tout ça. Je trouve que c’est super qu’avec la musique, on puisse vraiment toucher au côté culturel et, à ce titre, se respecter les uns les autres, et apprendre les uns avec les autres. C’est donc un exemple de mélange des cultures qui fonctionne si tout le monde, avec ses propres caractéristiques, respecte celles des autres et n’essaie pas de se changer les uns les autres. Et nous parlons d’un messie, tu sais, nous parlons d’un robot qui a une sorte de foi et de croyance, ou pas [petits rires], c’est le point d’interrogation à propos de tout ce concept sur cette machine messie. Je trouve que ça colle. Ça montre que le monde est constitué de différents concepts et opinions, et nous devrions tous les respecter.

Vous avez aussi une chanson instrumentale qui s’intitule « Iceberg Dances », qui est assez folle et intense. Comment en êtes-vous venu à une telle chanson ?

Sepultura a plein de chansons instrumentales différentes, surtout « Inquisition Symphony » que j’ai écrite avec les gars à l’époque en 1987 pour le premier album de Sepultura. Depuis, nous avons fait tout un tas d’autres instrumentales différentes, comme « Kaiowas », le truc avec la tribu des Xavantes… Mais je voulais faire que cette instrumentale soit plus dans le format metal traditionnel, comme les chansons de Metallica, Iron Maiden et Rush, des chansons instrumentales iconiques, et utiliser les rythmes brésiliens et la guitare classique acoustique avec le groupe. Je voulais mettre ces éléments là-dedans et jammer. La chanson est venue de différentes idées et riffs mais en gros, lorsque nous étions dans la pièce, nous voulions juste ressentir les riffs et la chanson s’est construite toute seule pendant les répétitions. Ça s’appelle « Iceberg Dances » parce que la chanson change énormément, exactement comme les icebergs. Ils n’ont pas un endroit fixe où se tenir. Le paysage change tout le temps, c’est en mouvement constant. Et ça évoque un tout petit peu le sujet du réchauffement planétaire et comment les icebergs montrent au monde que nous sommes en train de fondre. C’est aussi comme un autre avertissement sur ce sujet ; nous continuons et les gens ne semblent pas tellement s’en soucier, même s’il y a plein de documentaires et d’informations sur internet à ce propos et tout. Je suis très fier de cette chanson parce que nous avons mis beaucoup de travail et de cœur dedans. Ce sera aussi un défi de la jouer en live mais je pense que ce sera la prochaine étape pour avancer. Nous allons nous préparer pour ces nouveaux concerts et vraiment apprécier la musique sur scène, ce qui est la raison principale pour avoir un album [petits rires].

« Faire tout un concert à ne jouer que Roots, ce serait une perte de temps et d’énergie sur quelque chose qui n’apportera rien de neuf au groupe. […] Nous sommes surexcités par le nouvel album, respectant notre passé, quittant le présent pour construire le futur. »

Le thème global de l’album est la robotisation de notre société actuelle. Considères-tu ça comme une continuation de l’album précédent, qui était inspiré par le film Metropolis et le fait que nous vivons dans un monde déshumanisé par la technologie ?

Exactement, ouais ! Assurément. C’est une continuation, si tu veux, du même sujet qui est de ne pas perdre notre part humaine. The Mediator Between Head And Hands Must Be The Heart, ça aborde exactement ça. Si tu vois le film metropolis, tu vois des gens qui vont au travail habillés pareil, agissant pareil, avec une mine très triste et perdue, ne pensant vraiment qu’à leur boulot, pendant que certaines personnes profitent du jardin d’Eden. Et Machine Messiah fait allusion à ça mais ça se passe aujourd’hui. La robotisation de la société est très réelle et brutale. Nous dépendons des ordinateurs et des smartphones pour tout, en gros, aujourd’hui, pour nous déplacer, pour payer les factures, pour communiquer avec les gens, et nous perdons cette capacité à nous regarder les uns les autres, face à face, les yeux dans les yeux, et à nous sentir véritablement humains. C’est de ça que nous parlons ici. Ce n’est pas comme si c’était une idée futuriste, c’est ce que l’on voit aujourd’hui et ce danger de perdre notre faculté à être humains. Tu vois des familles dans des restaurants ou des amis qui ne se parlent pas, chacun est sur son smartphone, et si tu as je ne sais quelle question, « quel est le nom de telle rivière en Ukraine ? », tu vas directement sur Google et tu ne fais même pas marcher ton cerveau ! Tu as la réponse là sous ton nez ! Tu n’exerces donc aucune réflexion, tu n’exerces aucun type de communication ou conversation. De moins en moins. Donc ça fait un peu peur de perdre cette aptitude d’avoir son propre point de vue, de se plaindre, de dire non ou de questionner les choses. En gros, c’est de ça que nous parlons à travers tout cet album.

En considérant le nom et le thème de l’album, on se serait attendu à ce qu’il possède plutôt des éléments de cyber metal et de musique industrielle, dans la veine d’un groupe comme Fear Factory par exemple, mais au contraire, cet album parait très organique. Etait-ce l’intention justement, de mettre en avant votre humanité, pour contraster ?

Ouais, complètement ! Je veux dire que c’est ce pour quoi nous nous battons dans cet album, ne pas perdre cette aptitude ou ce pouvoir humain que nous avons, se connecter à la nature et la ressentir autant que nous le pouvons. Donc ouais, clairement, nous voulions vraiment rendre tout davantage organique, plus réel, plus vivant. Tout était vraiment acoustique, comme les cordes et tout, avec l’implication de peu de machines. C’est le message principal, rester humains et ne pas perdre cette faculté.

L’artwork de Camille Della Rosa est intéressant, très coloré, mais on dirait aussi que c’est un clin d’œil à l’artwork de l’album Arise. Est-ce le cas ?

Je ne sais pas, on devrait lui demander ! [Petits rires] Cet artwork a été réalisé il y a environ six ans et je l’ai trouvé sur internet. J’avais déjà le nom, Machine Messiah, et je cherchais de nouveaux artistes, de nouveaux artworks et de nouveaux types d’expression. Evidemment, je connais plein d’artistes metal qui ont réalisé plein d’illustrations différentes pour de super groupes et tout, mais je voulais vraiment trouver quelqu’un de nouveau avec une nouvelle approche de tout. Et venir des Philippines, c’est déjà quelque chose de différent de tout ce marché et cette culture européens et américains, ou même sud-américains. L’artwork était fait, il était là, parfait pour toute la thématique et le concept de l’album. C’était vraiment dingue à voir ! Il était fait pour nous et il était déjà là ! C’était très coloré, très différent du dernier album. Il a effectivement un peu cette connexion avec Arise à cause des pinces de crabe, mais je ne sais pas ! Je devrais lui demander si elle été influencée d’une quelconque façon par l’artwork de Michael Whelan et autre. Elle avait ce côté à la Michael Whelan, Salvador Dali. Mais ouais, j’espère ! Je veux dire que plein de gens ont fait ce rapprochement et c’est super ! On dirait plus comme une machinerie d’Arise modernisée. Ça fait partie de notre histoire. Qu’elle l’ait fait exprès ou pas, ça n’a pas d’importance, c’est simplement là [petits rires].

Cette année vous avez choisi de célébrer les trente ans du groupe, à compter de la sortie de Morbid Visions. Mais cette année marquait aussi les vingt ans de Roots, que les frères Cavalera ont choisi de célébrer. Est-ce que ça signifie que cet album n’est pas aussi important pour toi qu’il l’est pour eux ?

Je ne sais pas ! Je veux dire que je me fiche vraiment de ce qu’ils en pensent ou le niveau d’importance qu’il a à leurs yeux. Pour nous, évidemment, c’est l’un des albums les plus importants de notre carrière, mais ils le sont tous. Et nous n’avons jamais fait ça, nous n’avons jamais joué un album complet pour une tournée, en tant que raison principale pour partir sur les routes. Nous l’avons fait quelques fois, je veux dire que nous avons effectivement joué Arise dans le cadre d’une célébration ici dans un petit pub à São Paolo, nous avons joué Chaos A.D. dans le cadre d’une autre célébration ici dans un endroit différent, genre à une fête spéciale, mais pas en tant que raison principale pour partir jouer de la musique en tournée. Je veux dire que nous l’avons fait il y a vingt ans, c’est un album fort et puissant, nous sommes très fiers, moi et Paulo, d’avoir fait partie d’une œuvre aussi extraordinaire, et si influente dans tant de styles, pas seulement dans le metal, ça a vraiment atteint plein de gens différents en dehors du monde du metal. Mais nous voilà en 2016 à parler d’un nouvel album, travailler dur sur de nouveaux trucs et être vivants aujourd’hui. Je veux dire que nous respectons énormément notre passé mais nous n’y sommes pas enfermés. Et pour être honnête, nous perdrions notre temps et notre énergie à faire quelque chose comme ça. Seize chansons, ça demande beaucoup de travail et de concentration pour faire quelque chose de décent, et pas seulement y aller et jouer pour jouer. Donc non, ça ne fait pas partie de nos plans. Bien sûr, à l’occasion de la célébration des trente ans, nous avons sorti des chansons de Roots que nous n’avions pas jouées depuis longtemps, comme « Spit » ou « Endangered Species », « Ambush », des choses comme ça que nous n’avions pas jouées depuis un bail, mais faire tout un concert à ne jouer que Roots, ce serait une perte de temps et d’énergie sur quelque chose qui n’apportera rien de neuf au groupe. Nous préférerions faire de nouvelles choses et vraiment concentrer notre énergie sur ce que nous faisons aujourd’hui. Nous sommes surexcités par le nouvel album, respectant notre passé, quittant le présent pour construire le futur.

« Ça a pris vingt ans à plein de gens pour commencer à écouter Sepultura et ne pas prêter attention aux ragots et toutes les conneries qui sortaient dans la presse. »

Max nous a récemment dit qu’il avait dû se battre pour obtenir l’accordage de Chaos A.D. et surtout celui de Roots parce que tu n’aimais pas l’idée de sous-accorder et tu voulais tout garder en Mi, comme les vieux morceaux. Pourtant, tu utilises toujours le sous-accordage, encore aujourd’hui. Est-ce que ça veut dire que tu as changé d’avis sur le sujet ?

Ouais ! [Rires] Je veux dire qu’il n’y a jamais eu de bagarre à propos du sous-accordage et autres. En fait, Dino [Cazares], de Fear Factory, est le gars qui a toujours insisté pour que Sepultura utilise le sous-accordage, même à l’époque d’Arise. Et sur Chaos A.D., nous avons changé pour un accordage en Ré, nous sommes descendus d’un ton complet, et sur Roots, nous sommes allés encore plus loin à Si bémol. Donc ce n’est pas quelque chose que nous avons changé du jour au lendemain, c’est quelque chose qui s’est produit lentement dans le processus d’enregistrement d’un album, en partant en tournée, en expérimentant ça sur scène et tout, et puis en baissant encore l’accordage. Et Black Sabbath l’a fait plein de fois avant, et Led Zeppelin, en essayant divers accordages et tout. Mais, tu sais, à la vieille époque, j’étais seulement inquiet que nous perdions un peu de l’impact et de la puissance des riffs rapides. Et tu pouvais voir sur Chaos A.D. que la musique a changé, et l’accordage avait beaucoup à voir avec ça aussi. Mais ouais, ça n’a jamais été une bagarre, c’était quelque chose que nous devions faire progressivement et pas seulement sauter dans le train juste parce que des gens nous mettaient la pression. Donc nous avons pris notre temps et l’avons vraiment fait de la bonne manière, je suppose.

Machine Messiah est probablement votre album le plus ambitieux depuis Roots. Est-ce que ça signifie que ça vous a pris vingt ans pour retrouver une confiance totale ?

Non, pas vraiment. Je pense que ça a pris vingt ans à plein de gens pour commencer à écouter Sepultura et ne pas prêter attention aux ragots et toutes les conneries qui sortaient dans la presse. Tu sais, je parle de la séparation avec les Cavalera et toutes ces merdes. « Qu’est-ce qui est Sepultura ? Qu’est-ce qui n’est pas Sepultura ? » et toutes ces conneries. Maintenant, les gens commencent à écouter la musique et ils parlent d’Against, de Nation, des trucs à côté desquels ils sont passés à cette époque. Et bien sûr, je veux dire que ça prend du temps. Nous sommes passés par trois batteurs différents, d’Iggor [Cavalera] à Jean [Dolabella], de Jean à Eloy Casagrande maintenant. Nous avons changé de managers. Nous avons changé de maison de disque également à trois reprises, de Roadrunner à SPV à Nuclear Blast. Mais tout ce qui s’est passé nous a aidé à construire ce que nous sommes aujourd’hui, tous les moments difficiles, les recherches de gens pour le groupe, les différents managers et tout. Tu sais, ça prend du temps de reconstruire sans arrêt quelque chose comme Sepultura, et c’est grosso-modo ce que nous faisons tous les jours. Nous construisons Sepultura tous les jours. Chaque jour nous nous réveillons, nous travaillons sur Sepultura, à jouer, tourner, penser à la musique, donner des interviews… Nous nous battons quotidiennement pour maintenir ceci en vie et en forme. Et nous apprécions énormément ce que nous faisons. Et Roots a pris environ quinze ans à arriver, depuis que Sepultura est apparu en 84 – de 84 à 96, ça fait presque quinze ans. Ça prend du temps pour que quelque chose soit vraiment prêt à ce niveau. Et pas de souci ! C’est toujours un grand défi et c’est un énorme processus d’apprentissage qui a lieu en chemin.

En 2013, le batteur Français Kevin Foley a remplacé Eloy Casagrande sur quelques concerts. Peux-tu nous parler de cette collaboration ?

C’était super ! Kevin était là à un moment très spécial. Eloy s’était blessé à la main et ses doigts étaient vraiment en mauvais état, et il ne pouvait pas jouer. Pendant environ une semaine, Kevin a fait un boulot extraordinaire ! Il a appris les nouvelles chansons, il a fait tous les anciens trucs, c’était incroyable ! Nous lui devons beaucoup, il était super avec nous. Encore aujourd’hui, lorsque nous jouons dans les parages, il vient nous voir. C’est devenu un bon ami. Nous l’avons remercié pour son apport, son talent et son énergie, et nous avons continué.

En 2011, tu es monté sur scène pour jammer avec Oil Cater sur « Slave New World ». De façon générale, as-tu une relation particulière avec la scène française ?

Ouais, je veux dire que je connais des gens parce que nous tournons énormément ! Les mecs de Gojira sont aussi de bons amis, nous adorons nos musiques respectives. C’est super de voir un groupe comme Gojira être influencé par Sepultura et maintenant nous écoutons leur musique, et bien sûr, ils nous influencent également. C’est génial ! C’est super, nous avons tourné tellement de fois en France, dans différentes situations, et nous avons hâte d’y retourner avec celui-ci !

Tu as récemment sorti un second album avec De La Tierra. Qu’est-ce ce projet représente pour toi ?

Il représente une opportunité de jouer avec des personnes différentes, des musiciens extraordinaires, deux argentins, Sr. Flavio et Andrés Giménez, et Alex González de Maná du Mexique. C’est super de faire du heavy metal en Espagnol et en Portugais ! De le faire dans ta propre langue. Ça ouvre plein de nouvelles possibilités musicalement. Car ce sont des langues totalement différentes, nous avons des backgrounds et des influences différents… C’est une chouette aventure ! Nous sortons maintenant notre second album, nous avons fait des concerts extraordinaires, de supers festivals durant ces deux dernières années. C’est top ! C’est un projet avec lequel j’apprends tellement aussi. C’est vraiment l’éclate d’être aux côtés de ces gars et de jouer en Espagnol et en Portugais. C’est génial !

Interview réalisée par téléphone le 29 novembre 2016 par Nicolas Gricourt.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Sepultura : www.sepultura.com.br

Acheter l’album Machine Messiah.



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