Qui aurait cru un jour que Les Sheriff, le fleuron du punk rock français des années 1980-1990, reviendraient sur la plus haute marche du podium, après leur split de 1999 en pleine tournée italienne ? En effet, après avoir traîné leurs amplis en écumant toutes les rades et les scènes de France et de Navarre pendant de très longues années, quasiment tous les membres du groupe avaient cessé leur activité musicale. Ainsi, Olivier, le chanteur, s’était dirigé vers le métier de tailleur de pierre, tandis que le bassiste Michel et le guitariste Fred étaient devenus respectivement maçon et poseur de clims… pas très rock n’roll tout ça ! Seuls le gratteux Fab et le batteur Manu sont restés fidèles à leurs premières amourettes sonores au travers de leur groupe, l’excellent The Hop-Là avec qui ils ont sorti quelques albums.
Or, c’est en 2012, dans le cadre des quinze ans de l’association Tout À Fond, que la formation au complet est remontée sur les planches devant sept mille personnes, pour ce qui devait être un seul et unique concert à Montpellier, leur ville d’origine. Mais voilà : devant la ferveur des milliers de fans et l’incroyable vitalité des Sheriff sur scène malgré le poids des années et quinze ans de silence, le groupe s’est rapidement remis sur les rails pour une poignée de concerts. Puis les quelques dates par-ci, par-là se sont enchaînées pour vite se transformer en tournées au fil des années ! Et dix ans après leur reformation, Les Sheriff sont toujours présents avec un line up un peu remanié depuis quelques années puisque Michel, Fab et Fred sont revenus à leurs occupations d’alors et ont été remplacés aux guitares par Ritchie Buzz et Pat (le guitariste de 1996), tandis que Manu est passé à la basse, permettant ainsi le retour de Seb, le batteur de 1997.
Pourtant, ils l’avaient toujours dit à qui voulait bien l’entendre, ils l‘avaient juré, ils l’avaient même craché : il n’était pas question de faire de nouvel album ! Mais, la pandémie passant par-là et les Montpelliérains trouvant sans doute le temps long durant les deux confinements, les vieux briscards se sont mis chacun de leur côté à travailler sur des bribes de compositions proposées par Manu. La suite ? On la connaît : le nouveau disque, Grand Bombardement Tardif sorti en automne dernier sur le label Kicking Records, vingt-trois ans après Électrochoc, s’est vendu comme des petits pains et a très bien été accueilli. Puis, quelques mois plus tard, le groupe a fait une énorme sensation au Hellfest sur la scène de la Warzone, gagnant au passage quelques nouveaux (jeunes) fans…
Artistes : Les Sheriff – Brigada Flores Magon – Supermunk
Date : 1er octobre 2022
Salle : Le Bikini
Ville : Toulouse [31]
Bref, inutile de dire que l’annonce du concert des Sheriff à Toulouse dans la salle du bikini le 1er octobre 2022 dans le cadre du Kicking Fest #26, huit ans après leur dernière venue, a mis tous les aficionados en émoi. Ainsi, en ce soir du premier jour d’octobre, l’arène du Bikini est remplie presque à ras bord. Les Toulousains (et les autres) ont répondu présents à l’appel des Sheriff en se pressant en masse devant les portes de la salle. Il faut dire qu’entre Les Sheriff, le Bikini et le public toulousain, il existe une véritable histoire d’amour qui s’est conclue dès 1988 avec la superbe pochette de l’enregistrement du live mythique Les Deux Doigts Dans La Prise. Autant dire que les héros de ce soir jouent à domicile… et presque dans des petits chaussons. Allez, trois, deux, un, zéro… c’est parti !
Mais pour l’heure, c’est à Supermunk que revient la lourde charge de lancer les hostilités devant un parterre malheureusement trop clairsemé. En effet, il est 19h30 et une bonne partie du public est restée dans le patio du Bikini pour profiter des derniers rayons de soleil (et des bars extérieurs), près de la piscine. Inconnu au bataillon par bon nombre de spectateurs ce soir, Supermunk n’en est pourtant pas moins un « super » groupe puisqu’il est composé du petit frère des Uncommonmenfrommars, Forest à la guitare et au chant (Sons Of Buddha, Napoleon Solo, Forest Pooky), de Le Bazile à la basse (No Guts No Glory, Not Scientists) et de Ben Bacon à la batterie (Annita Babyface & the Tasty Poneys, Not Scientists). Bref, que du beau monde ! Il est à noter que ce soir, c’est l’ex-Flying Donuts, Minmin, qui est derrière les fûts en remplacement de Ben, engagé ce soir-là sur une date avec Not Scientists. Évoluant dans un punk rock à la sauce 90’s, Supermunk fait montre d’un savoir-faire indéniable avec des compositions plutôt accrocheuses et des mélodies bien senties qui font mouche (« Ouh, My Darling », « Riot » ou le sautillant « Two Face One »,…). À ce titre, le chant de Forest (qui rappelle parfois ce bon vieux Scott Reynolds de All) est particulièrement incisif avec des intonations aériennes qui amènent pas mal de relief à l’ensemble. Derrière, la section rythmique n’est pas en reste et se focalise sur l’efficacité sans trop se perdre en fioritures inutiles. Difficile de ne pas taper du pied !
Malgré une salle plutôt vide qui ne se remplira qu’au compte-gouttes, Supermunk joue le jeu à fond et délivre une prestation de qualité certaine avec pas mal de communication entre les morceaux. Dommage que les spectateurs ne soient pas rentrés plus vite pour pouvoir apprécier à sa juste valeur la musique de la bande à Forest. Tant pis ! Les absents ont toujours tort…
Setlist :
Riot
Play Pretend
Medeyesa
Two Face One
Call Me The Devil
Ouh, My Darling
Monsters
Ballad
30 Years Or So
The Best Thing I Could Find
Low Life
Après un rapide changement de plateau, c’est au tour des Parisiens de Brigada Flores Magon de fouler les planches du Bikini, le temps qu’une bonne partie du public rentre lui aussi dans l’arène. Après près de quinze ans à défendre la cause d’un punk rock antifasciste militant et libertaire, le groupe a décidé de raccrocher les gants en 2010. Il aura fallu attendre 2020 pour que Brigada Flores Magon renaisse de ses cendres et le concert de ce soir est l’occasion parfaite pour Mateo et sa bande de promouvoir leur tout dernier album en date, Immortels, sorti il y a une petite semaine à peine. Et dès les premières mesures de « Ras Les Murs », on sent que les p’tits gars de la brigade ne sont pas là pour faire de la figuration. En effet, le groupe taille vite dans le lard avec son street punk corrosif en mettant en avant pas mal de brûlots d’antan (« Octobre 61 », « Ça Se Paiera », « Mauvais Garçons » ou « Continente Olvidado ») au travers de textes revendicatifs qui sont un formidable écho à l’actualité, notamment aux récentes élections italiennes (« Partisans »). Le parterre du Bikini, lui, est chauffé à blanc et se donne à fond dans le pit. Les choses sérieuses commencent… Qui plus est, les Parisiens appuient sur l’accélérateur au travers d’uppercuts sonores qui tapent là où ça fait mal (« Bienvenue En Enfer », « Violence », « Pour Ma Classe »…).
En ce qui concerne les nouveaux titres d’Immortel, Brigada Flores Magon n’en jouera que trois (« Honte À Toi », « Immortels » et « Eux Contre Nous ») et même si une grande partie du public les découvre ce soir, force est de constater qu’ils passent le baptême du live haut la main ! En fin de compte, malgré un temps de jeu plutôt court, le groupe a réussi à fédérer autour de lui un large public et à démontrer que sa récente reformation n’était pas un pétard mouillé. Brigada Flores Magon est bel et bien de retour… et il a encore des choses à dire !
Setlist :
Ras Les Murs
Ça Se Paiera
Partisans
Bienvenue En Enfer
Octobre 61
Honte À Toi
Mauvais Garçons
Violence
Continente Olvidado
Immortels
Pour Ma Classe
Eux Contre Nous
Rash
21h45. Il est l’heure pour Les Sheriff de monter sur scène devant un parterre déjà tout acquis à leur cause alors même qu’ils n’ont pas encore joué une seule note ! Il faut dire que le groupe a un capital sympathie ici à Toulouse et que les fans sont d’ores et déjà aux avant-postes, prêts à en découdre. Dès le fracassant « Je Veux Savoir Pourquoi » en guise d’ouvreuse, les Montpelliérains se mettent d’entrée de jeu le public dans la poche qui reprend à gorge déployée les refrains et mêmes les paroles. Quelle osmose ! D’autant plus que le quintet met en avant de nombreux morceaux classiques de sa discographie comme « Panik (A Daytona Beach) », « À La Chaleur Des Missiles », « Pendons-Les Haut Et Court », « Les 2 Doigts Dans La Prise » ou le terrible « À Coups De Batte De Baseball » repris en chœur par l’audience et qui a résonné longtemps dans tout le Bikini… On a affaire ce soir à un groupe qui joue avec les tripes et visiblement heureux d’être là. De son côté, le chanteur Olivier est en pleine forme (même s’il peine parfois à reprendre son souffle entre deux titres) et communique pas mal avec l’assemblée. Derrière lui, la machine Sheriff tourne à plein régime, notamment grâce à une section rythmique composée de Manu et Seb, en forme de rouleau compresseur (« Bon À Rien », « Soleil De Plomb ») ! Du côté des guitares, la paire Pat-Ritchie fonctionne à merveille et force est de constater que « le petit nouveau », Ritchie, amène beaucoup de peps avec un jeu très énergique (« Du Rock n’Roll Dans Ma Bagnole »). On a presque l’impression de se retrouver en face d’une bande de jeunes !
Comme on pouvait s’y attendre, quelques titres du nouvel album ont été joués à l’instar de « Soleil De Plomb », « Du Rock n’Roll Dans Ma Bagnole », « Montpellier » ou « Grand Bombardement Tardif » et ont été chaudement accueillis par les fans qui connaissaient (encore une fois) les paroles ! On regrette que d’autres nouvelles compositions n’aient pas été sur la setlist comme le très bon « Tailler Du Caillou » qui avait bien fait bouger le pit l’année dernière à Albi dans le cadre de l’Xtreme Fest Arena. Mais ne boudons pas notre plaisir, les Montpelliérains ont d’autres morceaux dans leur besace et non pas des moindres : « Condamné À Brûler », « Fanatique De Télé », ou bien « 3, 2, 1… Zéro » qui finira d’achever le pit avant de repartir sur un rappel nerveux et une forme d’apothéose et de terminer sur le classique des classiques : « Jouer Avec Le Feu ». Quelle gifle, mes aïeux… quelle raclée !
Au final, après huit ans d’absence dans la ville rose, Les Sheriff ont signé au Bikini un retour haut en couleur qui sera à marquer d’une pierre blanche tant ce concert-là a tenu toutes ses promesses ! Le public a certes terminé en sueur et sur les genoux, mais heureux de retrouver les darons du punk rock à la française en si bonne forme. Mais quel est donc leur secret à ces vieux roublards… ?!
Setlist :
Je Veux Savoir Pourquoi
Panik (A Daytona Beach)
À Coups De Batte De Baseball
Grand Bombardement Tardif
Soleil De Plomb
Fais Pas Cette Tête
Mets Le Turbo
Bon À Rien
Ça Fait Mal
Ma Lumière
Pendons-Les Haut et Court
Montpellier
À La Chaleur Des Missiles
Le Temps Est Elastique
Condamné À Brûler
Les 2 Doigts Dans La Prise
Du Rock n’Roll Dans Ma Bagnole
Pas De Doute
Fanatique De Télé
3, 2, 1… Zéro
Pile Ou Face
Pour Le Meilleur Et Pour Le Pire
Requiem 5 Étoiles
Jouer Avec Le Feu
merci Vincent pour ta réponse. Le concert du Bikini était du feu !!! j’ai vu les Shériff 3 fois cet été, Paris Trabendo, Drulhe et TOULOUSE! des moments exceptionnels!!! Merci pour ton article très détaillé sur ce concert merveilleux!!! ça m’a permis de retrouver toutes les sensations que j’ai eues!
Bonjour excellent article pour un concert brûlant!!!! par contre, je suis surprise que vous écriviez que Fred, ancien guitariste des Shériff, est retourné à ses occupations, alors qu’il est décédé en 2020.
Bonjour Pascale, merci pour ton retour sur l’article.
En effet, Fred est décédé en 2020 mais il avait déjà quitté les Sheriff depuis quelques années déjà. C’est pourquoi dans mon article, j’ai tourné ma phrase comme suit : « Fred [est] revenu à [ses] occupations D’ALORS » car ce n’est pas son décès qui a conditionné le fait qu’il ne soit plus dans le groupe, mais sa volonté quelques temps après la reformation de ne pas continuer l’aventure avec le reste de la bande.
Je n’ai juste pas précisé qu’il nous aviait quitté récemment car j’ai pensé que c’était hors sujet dans le cadre de ce live report du concert des Sheriff à Toulouse…
Ceci étant, Fred a apporté une pierre considérable à la musique des Sheriff !