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Interview   

Shinedown : le devoir de vérité


Décidément, Shinedown ne prend pas ses albums à la légère. Après un Attention Attention narrant une histoire faisant appel à des vécus et sentiments très intérieurs, le combo floridien a cette fois saisi le côté à la fois dramatique et historique de la période que nous vivons pour développer un concept tourné vers l’extérieur. Planet Zero dépeint un potentiel monde futur « avec zéro bon sens, zéro responsabilité, zéro tolérance pour les opinions différentes de ce qu’on entend sur Twitter ou à la télé ». Tout y passe : réseaux sociaux, cancel culture, les fractures idéologiques, les questions environnementales… A croire Shinedown, la science-fiction dystopique est proche de devenir réalité, si ce n’est déjà fait.

Planet Zero se veut avant tout une sonnette d’alarme pour une prise de conscience, car malgré tous ces problèmes le chanteur Brent Smith, que nous avons interrogé ci-après, garde foi en l’humanité. C’est pourquoi la musique de Shinedown est tout sauf déprimante : elle veut fédérer pour mieux instaurer le dialogue et la discussion sur tous ces sujets. Un album très humain dans sa philosophie, très centré sur l’essence du rock, et dans sa conception. L’honnêteté prime autant dans le son que dans les mots.

« Je trouve qu’une partie de ce qui est sorti ces dix dernières années est un peu fade. Et d’ailleurs, ça vaut pour nous aussi. Quand je pense à certains de nos albums, je me dis : ‘Mouais…’ la perfection a fini par s’insinuer dans le rock‘n’roll, et surtout dans le metal, où tout a fini par sonner trop parfait. »

Ce nouveau disque est votre deuxième concept-album consécutif. Cela signifie-t-il que, à ce stade de votre carrière, un album se doit d’être plus qu’un album ? Doit-il y avoir une dimension supplémentaire pour vous ?

C’est intéressant. Les deux projets dont tu parles… Nous n’avions pas nécessairement abordé l’album précédent, Attention Attention, dans l’optique d’en faire un album conceptuel. Il s’agit davantage d’une histoire que d’un concept-album. Ce qui est intéressant avec Planet Zero, c’est que nous nous sommes lancés dedans en observant ce que le monde entier a traversé ces deux dernières années au niveau humain, au niveau de la société, et en ayant conscience que certains pouvoirs en place, dont on pense qu’ils auraient les intérêts de la société à cœur, en sont bien loin.

En ce qui concerne ta question sur le concept… Est-il indispensable pour un artiste, de quelque genre que ce soit, de produire un album conceptuel ? Pas nécessairement. Mais je crois qu’il est important de comprendre que Shinedown prend le fait de faire un album très au sérieux. Je comprends bien la dynamique actuelle : la musique est illimitée, ce que je trouve génial. Il y a tellement de nouveaux artistes, tellement de jeunes gens incroyablement créatifs qui utilisent des outils comme YouTube ou SoundCloud pour proposer leur musique. Pour la jeune génération, l’idée de produire un album est peut-être bizarre, mais Shinedown n’a jamais été un groupe qui a dit : « Voici une collection de dix chansons, voilà vos trois singles, et le reste, c’est du remplissage. » Nous n’avons jamais fait ça. Si une chanson se retrouve sur l’album, c’est que nous voulions que le monde l’entende. Et dans l’ordre. Avant de faire ces albums conceptuels, nous étions toujours très spécifiques concernant l’ordre des chansons d’un album. En tant qu’artistes, nous accordons beaucoup d’importance au fait de proposer un album.

Je pense que la jeune génération, ce qu’on appelle la Planète Z – pardon, la Génération Z… Il y a tellement de planètes et de zéros dans mon monde en ce moment, je m’y perds ! [Rires] J’ai un fils de quatorze ans, qui appartient donc à la Génération Z, et c’est intéressant de les observer, lui et ses amis, parce qu’ils ont adopté le vinyle et font l’expérience de la découverte d’un album ou d’une chanson. Ils sont à fond dans le vinyle, le fait d’ouvrir le packaging, de regarder l’artwork et de lire les paroles, mais aussi de découvrir qui a écrit l’album, qui étaient l’ingénieur et le producteur, où il a été enregistré, ce genre de choses. C’est très intéressant à notre époque. Je trouve formidable que mon fils… Ce qui est génial, c’est qu’il se fout complètement que son père soit dans un groupe, parce que je ne rapporte jamais les choses à moi. Mais voir la façon dont lui et ses amis consomment la musique… Tout en découvrant les vinyles et en se disant : « Attends une seconde… Je peux écouter un disque de cette façon ? C’est cool ! »

Avant de parler du contenu conceptuel, Planet Zero est peut-être plus dépouillé, mais aussi plus varié, et comporte des sons nouveaux pour Shinedown. Il est également construit de façon narrative, avec beaucoup de petits interludes. Il est évident que vous y avez beaucoup réfléchi. Ces aspects étaient-ils prévus dès le début ou sont-ils apparus progressivement au fil du processus ?

C’est totalement apparu au fil du processus. Je me souviens qu’Eric et moi… Au tout début de la pandémie, en 2020, j’étais en Californie. Je l’ai quittée après environ vingt-huit semaines de quarantaine, et j’ai rejoint Eric en Caroline du Sud. Nous avons commencé à réfléchir à ce que nous allions écrire et à la façon dont nous allions l’écrire. Nous avons eu l’idée d’utiliser la méthode de la boule de cristal, en nous disant que nous écrivions pour un futur distant de trois ans. En 2020, nous voyions les choses de la façon suivante : « Personne ne va vouloir répéter ça ou même en parler. Tout le monde va aller de l’avant et personne ne voudra se souvenir de ce qui s’est passé. » Mais la réalité, c’est que les choses ont empiré, la situation est devenue polarisée, et nous prenions très au sérieux la façon dont nous allions parler de choses qui se passaient en temps réel. Nous avions également conscience que le processus serait différent cette fois-ci pour Shinedown, même si, quand nous écrivons des chansons et un album, nous sommes toujours extrêmement honnêtes. Nos fans le savent, qu’ils nous suivent depuis le début ou qu’ils nous découvrent tout juste. S’ils devaient décrire le groupe en un mot, je pense que nombre d’entre eux diraient que nous sommes très honnêtes. Pendant que nous étions les témoins de ces événements que nous utilisions pour notre musique et de tout ce qui se passait dans le monde et qui nous servait d’inspiration, nous avons commencé à nous demander comment ça allait sonner pour l’auditeur.

« L’album sera perçu comme controversé dans certains cercles, et ce n’est pas grave, parce que le groupe comme moi voulons créer des conversations qui amènent un vrai changement et de vraies actions, qui permettent d’aller de l’avant en tant que société, en tant que peuple, en tant qu’humains. »

Nous avons une réputation de groupe qui réalise des albums très cinématographiques, avec une énorme production, comme un mur de son, et nous savons parfaitement faire ça. L’autre aspect intéressant, c’est que j’ai commencé à appeler des studios en 2020 quand je suis arrivé en Caroline du Sud avec Eric. Je voulais savoir si nous pouvions seulement entrer en studio une fois que nous aurions écrit des chansons. Pouvions-nous aller enregistrer ? Et la réponse à cette question était non. Personne n’avait le droit d’aller dans quelque studio que ce soit. Aucun studio n’était ouvert, ils n’avaient aucune idée de la date à laquelle ils pourraient autoriser les gens à revenir enregistrer. Du coup, nous avons construit un studio sur la propriété d’Eric en dix-huit semaines. La raison est que nous nous sommes dit : « Si nous ne pouvons aller nulle part pour enregistrer, nous devons créer un environnement dans lequel le faire. » C’était très difficile, mais je suis ravi que nous l’ayons fait, parce que le studio est génial. Mais pour en revenir au son, Eric, Barry, Zach et moi avons décidé très tôt que l’album serait très direct au niveau du son. L’un des aspects de Planet Zero est que le chant est là, juste devant toi. Eric est à la fois le producteur, l’ingénieur et le mixeur de Planet Zero. Il était également producteur, ingénieur et mixeur sur Attention Attention. Faire ça avec un membre du groupe – et Eric est bien, bien plus qu’un bassiste – nous a permis d’être très méticuleux en termes de son.

Nous ne sommes pas le genre de groupe à écrire le même album encore et encore, et nous essayons de ne pas écrire la même chanson deux fois. Il était donc important de ne pas avoir trop de couches de guitares sur cet album. Il fallait plutôt les mettre davantage en avant. Nous avions des paysages sonores, d’autres instruments – des synthés, des cordes, des cuivres, ce genre de choses –, mais à la base, les chansons sont pour la plupart axées sur la batterie, la basse, et toute la férocité que je pouvais mettre dans le chant sur les titres qui avaient besoin d’intensité et d’agressivité. Mais l’objectif n’était pas de rajouter des couches et des couches de chant, plutôt de se concentrer sur une piste principale et de la mettre en avant. Évidemment, le disque comporte beaucoup de plateaux, de pics et de vallées d’un point de vue sonore, mais je ne dirais pas qu’il est dépouillé. Nous avons juste poussé l’ensemble au premier plan.

Eric Bass a déclaré que vous vouliez laisser les cicatrices sur la musique plutôt que de les gommer, car « la perfection entraîne la ruine du rock‘n’roll, et [vous vouliez] que chaque chanson ait sa part de danger ». Penses-tu que le rock‘n’roll ait perdu de sa dangerosité, aujourd’hui ?

Je pense que le rock‘n’roll est censé être dangereux pour plein de raisons différentes. Et quand je dis « dangereux », je n’y mets pas de connotation négative. Pour moi, c’est positif. Je trouve qu’une partie de ce qui est sorti ces dix dernières années est un peu fade. Et d’ailleurs, ça vaut pour nous aussi. Quand je pense à certains de nos albums, je me dis : « Mouais… » Je n’ai aucun regret concernant les albums passés, j’en suis très fier. Mais je pense que, ces cinq ou dix dernières années, avec la technologie, les ordinateurs, ProTools, Logic, ou même Garage Band… Il existe de merveilleux logiciels pour enregistrer de la musique, avec lesquels tu peux tout faire sonner exactement comme tu veux, mais la perfection a fini par s’insinuer dans le rock‘n’roll, et surtout dans le metal, où tout a fini par sonner trop parfait. C’était trop carré, ça ne sonnait plus comme un groupe. Ça ne sonnait plus comme si des humains avaient joué, mais comme si la musique était faite par un ordinateur. Avec cet album en particulier, nous ne voulions pas de ça.

De plus, pour cet album, Eric a été très clair avec Barry, Zach et moi : il voulait que, une fois que les chansons auraient été écrites et que nous saurions où nous allions, nous en fassions des démos afin de pouvoir les affiner avant de les enregistrer pour la version finale. Nous les avons étudiées, nous avons posé des questions. Barry écoutait en boucle les démos de ce qu’il jouait ou programmait à la batterie, et quand il a vraiment pris ses baguettes en studio, c’était plus ou moins : « Joue le tout sans t’arrêter. Tu pourras revenir dessus et rajouter des roulements si tu veux, mais pour l’instant, joue tout. » L’autre chose, c’était la guitare. L’objectif n’était pas d’obtenir un refrain au cordeau et de le copier-coller sur les deux autres refrains. Traditionnellement, une chanson comporte trois refrains. Le schéma est : intro, couplet, pré-refrain, refrain, couplet, pré-refrain, refrain, pont, double refrain, conclusion. Nous n’étions pas dans cet état d’esprit et nous n’avons pas essayé d’écrire ou d’enregistrer les chansons par petits bouts. Eric nous disait : « On va tout jouer, et si vous faites un pain au début ou au milieu, pas de problème, mais on reprend depuis le début. Il faut tout jouer d’une traite. » Ç’a aussi souvent été le cas pour le chant : « Chante tout d’un coup. » S’il fallait revenir en arrière et modifier des choses ici et là, c’était possible, mais nous voulions qu’on ressente que la chanson était jouée en intégralité pendant l’enregistrement. C’était important. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’album sonne de façon si brute, mais Planet Zero est également… Ce n’est pas un album qui joue la sécurité. Planet Zero est rock‘n’roll jusqu’à la moelle !

« J’ai foi en l’humanité. Que vous soyez un homme ou une femme, jeune ou vieux, quelle que soit la couleur de votre peau ou votre religion, c’est hors sujet et c’est vous que ça regarde. C’est ce qui fait de vous un individu. C’est ce qui fait que vous êtes vous, et c’est ce qui vous rend indispensable. »

Tu as décrit l’album comme étant sujet à controverse, et il s’attaque à des sujets dont le groupe s’était tenu éloigné jusqu’à présent. Pourquoi vous être tenus loin de ces sujets auparavant ? Aviez-vous peur du retour de bâton ? Est-ce que vous ne vous en souciez plus désormais et pensez que c’est devenu une nécessité ?

Je dirais que je m’en soucie plus que jamais. Le groupe s’en soucie plus que jamais. Cet album est intégralement basé sur le concept de vérité. Les pouvoirs en place doivent dire la vérité. C’est quelque chose que j’ai déjà exprimé. Il n’est pas impossible que ma citation concernant la controverse ait été retirée de son contexte. Je crois que ce que j’ai dit, c’est que l’album sera perçu comme controversé dans certains cercles, que ce soit la publicité ou les médias – ou même par le public, d’ailleurs. Et ce n’est pas grave, parce que le groupe comme moi voulons créer des conversations qui amènent un vrai changement et de vraies actions, qui permettent d’aller de l’avant en tant que société, en tant que peuple, en tant qu’humains. Nous n’avions pas peur d’aborder ces sujets, que ce soit l’environnement, la santé publique ou le gouvernement et la politique. Ce que nous voulions faire avant tout avec Planet Zero, c’était proposer un disque écrit par le peuple, pour le peuple.

Ce que j’ai vu pendant deux ans, alors que nous entrons dans la troisième année de la pandémie… Même si, techniquement, je crois qu’on ne peut plus parler de pandémie, parce que les chiffres sont très bas. L’objectif est de sortir de la pandémie, pas de contenir ce virus. C’est un virus, ce n’est pas le premier dans l’histoire de l’humanité, et je crois qu’après une vingtaine de variants, il faut apprendre à… Je ne dirais pas qu’il faut apprendre à vivre avec, mais il faut devenir résilients. Ce que j’ai constaté ces deux dernières années, c’est que les gens avaient du mal à croire ce qu’on leur disait. Les officiels du gouvernement, ceux qui étaient censés représenter le peuple – pas seulement aux États-Unis, mais au niveau mondial – ne disaient pas la vérité. Voilà comment je vois les choses : si vous n’avez pas la réponse, dites-le-nous, et dites-nous que vous y travaillez. Ce n’est pas un problème, parce que nous sommes tous impliqués depuis le premier jour, tous ensemble, en tant que planète.

On dit souvent qu’Internet reste invaincu. Ce n’est pas le cas. Mère Nature est invaincue. Si elle le voulait, elle pourrait nous anéantir en un claquement de doigts – et d’ailleurs, elle l’a déjà fait. Il faut regarder ce qui se passe vraiment. Dans n’importe quel pays, les officiels du gouvernement sont là pour représenter le peuple, pas pour être des dieux. Quand je vois certaines dictatures où les gens sont en place depuis vingt ou trente ans, je me dis : « Vous devez dégager et laisser la place à quelqu’un de plus jeune, qui comprend la société actuelle et qui sait comment aller de l’avant et avoir des conversations constructives sans polariser le public. » Pour être très direct, l’album parle de dire la vérité. Nous essayons d’analyser ce qui se passe et où nous pouvons aller à partir de ce point. J’ai foi en l’humanité. Que vous soyez un homme ou une femme, jeune ou vieux, quelle que soit la couleur de votre peau ou votre religion, c’est hors sujet et c’est vous que ça regarde. C’est ce qui fait de vous un individu. C’est ce qui fait que vous êtes vous, et c’est ce qui vous rend indispensable.

Nous vivons sur une planète incroyable, et nous ne sommes pas seuls. J’ai été sidéré – et nous en avons d’ailleurs parlé dans l’album – quand, au début de la pandémie, on a enfermé tout le monde en disant : « Quinze jours pour que la courbe se stabilise. » Au final, ça a duré quinze mois. Mais ce que j’ai remarqué, c’est la vitesse à laquelle la terre s’est remise sur pied. Pour nous autres humains, l’année compte trois cent soixante-cinq jours. L’une des choses que Mère Nature nous a apprises est que, si on lui donne quinze jours tous les ans, elle peut se retaper. Les humains mettent vraiment le bordel d’un point de vue environnemental. Est-ce que ce ne serait pas intéressant si, deux semaines par an, les gens passaient du temps avec leur famille ? On pourrait planifier ça chaque année pour laisser l’environnement se refaire une santé. C’est un vœu pieux, évidemment, mais pour nous, ce sont des questions, des conversations et des compromis que nous devons évoquer pour évoluer en tant que société.

La première chanson s’intitule « 2184 », ce qui est, j’imagine, une référence au 1984 de George Orwell. Dans les petits interludes, on entend une voix robotique féminine, comme dans un film de science-fiction. As-tu le sentiment que les romans et les films de SF ont souvent été prophétiques ? Penses-tu que nous devrions les prendre davantage au sérieux ?

Tu ne trouves pas intéressant que nous ayons toutes ces idées concernant le futur, qu’elles aient été transposées à l’écran, et que tout d’un coup, la vie se mette à imiter l’art ? Il se passe beaucoup de choses qui présagent une espèce de futur dystopique si nous n’y faisons pas attention. Et on en revient au fait de dire la vérité. Si tu as des questions sur la société, tu devrais pouvoir les exprimer. Tu devrais remettre l’autorité en question. Il n’y a rien de mal là-dedans. La réponse à ta question est oui. Je pense qu’on aime se demander à quoi ressemblera le futur. À quoi ressemblera 2120 ? Nous n’en saurons rien, parce que nous ne serons plus là. Mais c’est justement un autre élément important. Comme je l’ai dit tout à l’heure, j’ai un fils de quatorze ans. Je me demande ce que sera sa vie quand il sera centenaire, parce que j’ai envie de me dire qu’il pourra vivre jusqu’à cet âge, si ce n’est plus vieux. Ce que la société fait aujourd’hui a vraiment de l’importance.

« Nous écrivons des albums et des chansons qui parlent de l’esprit humain, mais avec l’idée que parfois, il faut faire l’expérience de l’échec pour savoir où aller ensuite. Je dis souvent : ‘Parfois, il faut tomber dans un trou pour apprendre à sortir du trou.' »

Certaines personnes veulent créer un monde qui tournerait autour de l’IA, du métavers et de la réalité virtuelle, mais il y a un problème intrinsèque avec ça : c’est virtuel ; c’est de l’intelligence artificielle. Ce n’est pas réel. Je crois que certaines entreprises technologiques se prennent un retour de bâton, en particulier avec ce concept de métavers. Si tu mets un casque de réalité virtuelle, ça va être marrant pendant une heure, si tu joues à un jeu ou que tu fais quelque chose de cool en réalité virtuelle, mais après, ça devient lassant, tu retires le casque et tu sors, tu traînes avec tes amis, tu vis le moment présent. Je ne comprends vraiment pas cette idée de construire un métavers qui ne soit pas la réalité. Pourquoi voulez-vous faire ça ? Quel est votre objectif avec ce truc ?

L’album parle également des réseaux sociaux et de leurs effets toxiques. D’un autre côté, il semble qu’on ne puisse plus esquiver les réseaux, de nos jours, surtout quand on est un groupe, et surtout avec la pandémie que nous venons de traverser. En tant que groupe, vous sentez-vous parfois pris au piège des réseaux sociaux ? Comment gérez-vous les effets négatifs ?

Oui. Mais l’autre chose, c’est que… Je vais le dire aussi simplement que possible, parce que c’est une question qu’on me pose beaucoup. Concernant les réseaux sociaux, je voudrais rappeler aux gens une chose très spécifique : c’est vous qui avez le contrôle. Vous choisissez ce que vous voulez écouter ou regarder, quelles applis vous voulez télécharger, sur quels réseaux vous voulez être présents. Et vous savez ce qui est génial avec les réseaux sociaux ? C’est qu’on peut les supprimer, ou faire une pause et y revenir plus tard. Je le rappelle constamment aux gens. C’est presque comme s’ils avaient oublié : « Attends un peu… Je peux le supprimer ! » Oui, tout à fait. Je crois que ça vient avec l’âge. Pour la jeune génération, tout se fait par incréments de vingt secondes. Si tu prends Tik Tok… J’apprécie Tik Tok pour ce qu’il peut faire d’un point de vue promotionnel, mais je ne vais pas y passer deux ou trois heures par jour. Je ne sais même pas comment je pourrais faire ça, parce que tout va tellement vite que même la jeune génération commence à voir les problèmes au niveau de… Les jeunes d’aujourd’hui ont un énorme problème d’attention ; ils n’arrivent pas à prêter attention à quelque chose plus d’une minute, même en cours. Il faut faire une pause, ne pas rester sur les réseaux. Ça ne peut que te liquéfier le cerveau. N’oublie pas que tu as le contrôle. Tu peux tout supprimer et y revenir plus tard. Voilà ce que j’ai envie de rappeler.

L’album est très accrocheur et a souvent un côté exaltant. Penses-tu que, lorsqu’on a des messages importants à faire passer, il est préférable qu’ils soient à la fois compréhensibles et séduisants ?

Je n’ai encore jamais entendu une question de ce genre. C’est l’une des questions les plus réfléchies qu’on m’ait posées depuis un bon moment. Pour y répondre, oui, à cent pour cent. Il y a un vrai combat sur cet album, une vraie rage et de la frustration, mais d’un autre côté, il y a aussi une grande force, beaucoup de triomphe et de confiance. Ce que nous avons toujours fait – et continuons à faire – en tant que groupe, et moi en tant que parolier… Shinedown parle de santé mentale depuis vingt ans, et nous y connaissons un rayon, parce que nous avons traversé beaucoup de choses. Nous écrivons des albums et des chansons qui parlent de l’esprit humain, mais avec l’idée que parfois, il faut faire l’expérience de l’échec pour savoir où aller ensuite. Je dis souvent : « Parfois, il faut tomber dans un trou pour apprendre à sortir du trou. » Pour moi, il est extrêmement important que les gens comprennent que votre histoire n’est pas basée sur vos échecs. Votre histoire est basée sur votre volonté de ne pas baisser les bras. Je pense que c’est un message que Shinedown a toujours voulu faire passer. Chaque fois que nous entrons en studio pour un nouvel album, nous pensons à ça. Il faut voir les deux facettes.

Pour en revenir au rock‘n’roll, ce qu’il y a de génial dans cette scène, c’est que c’est comme un pendule. La musique change, les styles changent, les modes vont et viennent, et c’est très bien. Mais pour moi, rien ne remplacera jamais de la batterie, de la basse, des guitares, du chant qui cogne et une chanson qui déchire. C’est impossible à remplacer, parce que c’est primal et très humain. À beaucoup d’égards, c’est très humaniste. Pour nous, le rock‘n’roll est bien plus qu’un style de musique. De notre point de vue, c’est un vrai mode de vie pour beaucoup de gens. La communauté rock et metal… Les gens demandent : « Est-ce qu’il y a un symbole du rock‘n’roll ? Est-ce qu’il existe un symbole d’unité ? » Oui, totalement, et il est juste là [il montre les cornes]. Quand tu vois ça et que tu es initié, tu comprends. Quand tu vois ça, tu sais que c’est là pour unir les gens. C’est là pour dire : « Nous sommes capables de surmonter tous les obstacles, du moment que nous pouvons faire des compromis. Plutôt que de laisser des forces extérieures nous séparer, nous allons apprendre à faire ça ensemble et à aller de l’avant. » Nous essayons de faire passer tous ces sujets et toutes ces émotions quand nous écrivons nos albums. Mais nous voulons aussi que les gens comprennent qu’il peut y avoir des obstacles sur la route, et qu’ils vont parfois devoir lutter. La vie est dure. C’est un long chemin, mais ne baissez pas les bras, et par pitié, n’abandonnez pas votre prochain, homme, femme ou enfant. N’abandonnez pas l’humanité. Nous avons toujours foi en l’humanité, mec, et je suis convaincu qu’un futur magnifique nous attend si nous sommes prêts à travailler ensemble.

« Si vous venez à un concert de Shinedown, vous êtes entré dans la salle sur vos deux pieds, mais notre mission est que vous en sortiez en flottant sur un nuage. »

Comme nous l’avons dit au début, Attention Attention, comme Planet Zero, était un concept album, mais la différence est qu’il était très personnel – il parlait beaucoup de vous. Attention Attention était davantage tourné vers l’intérieur, alors que Planet Zero est tourné vers l’extérieur. Penses-tu que le fait d’avoir abordé les sujets dont vous aviez besoin de parler dans Attention Attention a ouvert la voie à un album comme Planet Zero ?

Oui, parce que, encore une fois, nous n’avons pas abordé cet album de façon particulièrement… Fais-moi confiance, nous savions parfaitement que nous venions de faire un album conceptuel. À propos, concernant le film Attention Attention, qui est sorti aux États-Unis il y a quelques mois, nous sommes sur le point de pouvoir le mettre à disposition du public international en streaming. Vous pourrez donc le voir très bientôt. Mais oui, quand nous avons commencé à écrire ce qui est devenu Planet Zero, il y a eu un moment où nous nous sommes regardés et où nous nous sommes dit : « Comment a-t-on fait ça une deuxième fois ?! » [Rires] Nous ne nous sommes pas lancés dans le projet en voulant faire un nouvel album conceptuel. La différence entre Planet Zero et Attention Attention, comme tu l’as dit, c’est ce que dernier internalisait ce que nous avons tous traversé dans nos vies personnelles pour mieux le partager avec le monde. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de gens ressentaient la même chose que nous avec Attention Attention, et c’est ce qui était beau avec cet album. Mais Planet Zero est beaucoup plus tourné vers l’extérieur, parce qu’il parle de tout ce qui se passait en temps réel à ce moment-là.

Nous ne pensions vraiment pas que ça allait devenir un concept, mais ce qui a cimenté l’ensemble, c’est Cyren. On ne sait pas vraiment si c’est un homme ou une femme. Je sais que la voix paraît plutôt féminine, mais on ne sait pas vraiment ce qu’est Cyren. Eric n’a pas dormi pendant une bonne année, parce qu’il a fait office de producteur, d’ingénieur et de mixeur sur l’album, et il était très méticuleux à tous les niveaux. Au final, j’ai appelé notre ami Ted Jensen, qui s’est occupé du mastering sur Planet Zero. Il a assuré le mastering de tous nos albums, à l’exception du premier. Je l’ai appelé un jeudi et je lui ai demandé : « Hey, tu fais quoi lundi ? » Il a répondu : « Je ne sais pas, que veux-tu que j’en fasse ? » Et moi : « On débarque lundi. » Il m’a répondu : « Pas de souci. » Je suis retourné dans le studio, où Eric continuait le mixage, et je lui ai dit : « Devine quoi ? On fait le mastering lundi. » Il a répondu : « Attends une seconde, j’ai encore deux ou trois trucs à faire. Je veux tenter une idée que j’ai avec une voix. » Je lui ai dit : « OK, tu as quatre jours » [rires]. Il a créé Cyren en soixante-douze heures. Tous ces interludes, tout ce texte que Cyren récite et la façon dont cela cimente l’album, il a tout créé de zéro. Il a commencé à travailler dessus le jour où j’ai dit : « On fait le mastering lundi. Il faut qu’on se bouge, il faut y aller. » Il a créé tout ça en soixante-douze heures. C’est assez extraordinaire, mais c’est aussi ce qui fait que l’univers est si réel.

Tu as déclaré : « Quoi qu’il arrive, nous partageons cette planète, alors il est temps de se rassembler. » Penses-tu que la musique ait un rôle à jouer dans cette unification ? Ou qu’elle ait le pouvoir de changer les choses ?

Je pense que la musique guérit. Donc oui, pour répondre à ta question, j’en suis convaincu. Je pense que si tu regardes l’Histoire… Et c’est aussi un aspect de cet album, Planet Zero. Je l’ai fait écouter à un bon ami à moi – quelqu’un de très intelligent – parce que je voulais avoir son avis. L’autre jour, il m’a dit : « Par beaucoup d’aspects, cet album est très historique, parce que vous évoquez des choses qui se passaient littéralement en temps réel. Plus tard, les gens réécouteront cet album et s’en souviendront pendant des années. Mais il marque un moment dans l’histoire de l’humanité, et ce qu’il exprime est réel. » Les propriétés curatives de cet art qu’est la musique sont flagrantes dans notre culture. Plus que tout, la musique est un don. Le philosophe Frederick Nietzsche a déclaré : « Sans musique, la vie serait une erreur. » C’est une de mes citations préférées, l’une des plus fortes que j’aie jamais entendues. Je suis d’accord avec lui, et je pense que nous sommes extrêmement chanceux, en tant qu’humains, d’avoir la musique dans nos vies, d’avoir cette liberté d’expression et cette réserve illimitée de sons que nous pouvons créer – pas seulement avec des instruments, mais aussi avec des ordinateurs ou des synthétiseurs. Vocalement, nous sommes aussi capables de chanter pour les autres et de nous inspirer mutuellement. On parle de quelque chose de totalement indispensable : le pouvoir de la musique et des chansons.

Dans ce contexte, imaginez-vous les concerts pour cet album comme davantage que de simples concerts ? Il me semble avoir lu que vous vouliez en faire de grandes conversations…

Totalement. Le show que nous développons actuellement est l’un des plus complexes que nous ayons jamais faits. Nous avons littéralement tout remis à zéro – sans mauvais jeu de mots. Nous avions une toile vierge. En outre, la façon dont le show est agencé a changé : normalement, la scène est plate et le public regarde dans cette direction, mais nous avons pris la scène et l’avons tournée dans l’autre sens. Du coup, nous sommes au milieu du public, en plein milieu de la salle. La façon dont le show est agencé, dont tout va bouger, le choix des chansons pour la set-list… Un concert live fait vraiment partie intégrante de qui nous sommes en tant que groupe. Nous avons souvent répété que, si vous venez à un concert de Shinedown, vous êtes entré dans la salle sur vos deux pieds, mais notre mission est que vous en sortiez en flottant sur un nuage. Nous consacrons beaucoup d’efforts au développement de nos concerts et à la conception de notre set, parce que Shinedown n’a qu’un seul patron, le public, et il nous fait savoir ce qu’il ressent. Nous sommes toujours authentiques. Donc oui, le live est un aspect très important de ce que nous faisons. Et bien sûr, nous voulons que les gens fassent passer le message : « Hey, si tu ne les as jamais vus sur scène, vas-y. S’ils passent à côté de chez toi, je te conseille d’aller les voir. »

Interview réalisée par téléphone le 3 mars 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Tiphaine Lombardelli.
Photos : Jimmy Fontaine.

Site officiel de Shinedown : www.shinedown.com

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