Niklas Kvarforth, la tête pensante de Shining n’a de cesse d’exhiber une folie créatrice à l’œuvre depuis le premier ouvrage de ceux qu’on considère comme les géniteurs d’un genre obscur, le soi-disant « suicidal metal ». IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends est sa dernière expression en date, où il s’est inspiré des deux dernières années de sa vie, avec la négativité qu’on lui connaît. Surtout, IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends est un opus libéré de toutes contraintes, entièrement affranchi et dédaigneux des catégorisations, retrouvant, de l’aveu même de son créateur, une part de l’atmosphère tourmentée de V: Halmstad (2007), généralement considéré comme son chef-d’œuvre. Kvarforth s’est peut-être rendu compte qu’il s’était depuis légèrement enfermé dans une recette qui, même si la qualité de l’exécution et de la composition était toujours en rendez-vous, avait fini par banaliser son œuvre.
L’insanité prônée par Niklas Kvarforth est tout le contraire d’une entrave. IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends se fait le témoin d’une inspiration riche, qui se libère des carcans traditionnels du black metal. Il brille par l’atmosphère qui s’en dégage, ce dès le premier titre instrumental « Den Påtvingade Tvåsamheten » à l’approche quasi « symphonique », comme si l’insanité était sans cesse magnifiée et que la violence n’avait pas besoin de la force brute pour s’exprimer. Certes, un titre tel que « Vilja & Dröm » correspond tout de même aux canons classiques du genre, avec ses riffs malsains et son tempo soutenu. À ce titre, le travail de Rainer « Raikku » Tuomikanto derrière les fûts est remarquable. Les parties rythmiques de IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends sont suffisamment léchées pour ne jamais devenir monotones. Le jeu de Raikku, toujours à propos, est aussi brutal que subtil. « Framtidsutsikter » délivre une sérénité presque dérangeante, où la voix de Niklas, très calme, presque susurrée, crée une ambiguïté que l’on retrouve tout au long de l’opus : une sorte de grâce toujours sur le point de s’effondrer complètement. Le pont acoustique de « Människotankens Vägglösa Rum » illustre la mélancolie régnante, à l’instar de « Inga Broar Kvar Att Bränna », titre d’une délicatesse rare – ses arpèges méditatifs, son solo aérien – rappelant Opeth, audacieux à l’image de sa partie de banjo.
IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends n’est pas, à proprement dit, agressif, tout au plus désespéré à le hurler, lorsqu’à l’autre bout du spectre, le chant de Niklas relève parfois davantage du murmure. Les parties saturées ne forment pas l’essentiel de l’album, au risque de déplaire à certains habitués du metal extrême, mais disséminées ainsi elles n’en deviennent que plus retentissantes. Le thème de l’autodestruction cher à Niklas Kvarforth n’est pas développé de manière enragée. Il fait l’objet d’une réflexion marquée par la tristesse où la violence réside dans l’angoisse et la détresse mentale. L’outro de « Besök Från I(ho)nom » – titre qui à lui seul, avec sa structure singulière, fait fi de toute logique – et son lead de guitare qui s’efface lentement clôt l’album en laissant l’auditeur abandonné à lui-même, en proie à l’introspection sur ses propres tourments.
Le dernier opus de Shining ne souffre aucune limite relative aux genres. IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends est éclectique, alliant certains aspects du progressif, du folk et du jazz au black, même si l’on pourra contester qu’il possède le niveau de folie à fleur de peau et de douleur de l’album référence de 2007. Quand bien même, Niklas Kvarforth conte une histoire accablante et désenchantée et démontre une fois encore sa propension à transformer les côtés les plus sombres de l’humain en une chose qui s’avère, étonnamment et paradoxalement, belle.
Ecouter « Besök Från I(ho)nom » :
Album IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends, sortie le 20 avril 2015 chez Season Of Mist.
étonnant que tout le monde s’en branle. c’est Shining quoi. merde.