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Interview   

Shining : la fin justifie les moyens


Shining - Niklas Kvarforth by Ester SegarraNiklas Kvarforth est devenu avec le temps un personnage incontournable dans la scène metal extrême, jouant à la fois sur la fibre provocatrice et mystérieuse. Deux caractéristiques que l’on retrouve évidemment dans sa musique, particulièrement son nouvel opus IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends, – successeur de Redefining Darkness dont il nous avait parlé il y a trois ans et premier album sur le label français Season Of Mist qu’il considère aujourd’hui comme son « chez lui ». Un album chargé en émotion et dont il semble particulièrement satisfait et au sujet duquel nous avons cherché à en savoir plus.

Et comprendre l’origine de l’art, c’est souvent comprendre l’artiste. Or ici encore, Kvarforth reste bien souvent volontairement énigmatique, amenant parfois plus de questions que de réponses, lorsqu’il ne s’abstient pas carrément. Pour autant le chanteur nous en dit plus sur ces dernières années où il a atteint un point crucial, se reprenant physiquement en main, mais aussi sur les spécificités de Shining et sa propre approche de la musique et de son groupe.

Shining - Niklas Kvarforth by Ester Segarra

« Si nous n’avons rien fait qui soit de nature exceptionnellement extrême, il est probable que personne ne se souviendra de nos ‘accomplissements’ une fois que nous serons partis. »

Radio Metal : A propos de la signature sur Season Of Mist, tu as déclaré que « les négociations et discussions ont durées presque huit ans. » Pourquoi est-ce que ça a duré aussi longtemps ?

Niklas Kvarforth (chant) : Je connais Michael Berberian depuis à peu près dix ans, dans la mesure où je travaillais avec plusieurs artistes qui ont signés avec lui. Et puisque autant lui que plusieurs autres employés de Season Of Mist ont toujours été de grands fans de mon travail, presque chaque fois que nous nous croisions nous discutions de joindre nos forces. En revanche, pour quelque raison que ce soit, nous nous sommes retrouvés à signer avec d’autres. Mais désormais nous sommes chez nous.

Qu’est-ce qui au final vous a convaincu de signer ?

Plusieurs raisons. Mais principalement ce que je viens de dire et aussi le fait qu’au fil des années, Season Of Mist s’est vraiment développé pour devenir une bête féroce au niveau promotionnel. Shining a dû subir pas mal de merdes dans tout ce qui impliquent d’être un groupe, comme les tournées, la distribution, etc. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion que si nous devions continuer à faire ce que nous faisons à un niveau professionnel, les choses, et surtout les aspects promotionnels, devaient d’abord être réglées.

Pour votre précédent album, tu as dit vouloir montrer que l’obscurité, même la plus noire, pouvait être trouvée dans la lumière, alors que le thème principal de ce nouvel album, c’est la fin de toute chose. Peut-on voir cet album comme une sorte de suite ou une contre-réaction à votre précédent album ? Comme : « peu importe ce que nous faisons, peu importe si nous sommes heureux ou notre vie est pleine de lumière, nous retournerons finalement au ‘néant’ » ?

Peut-être. Peut-être pas.

Le nouvel album de Shining s’intitule IX : Everyone, Everything, Everywhere, Ends, et ça sonne en fait comme un titre parfait pour un album de fin de carrière… Peux-tu nous rassurer que ce ne sera pas la fin de Shining ?

Je ne peux jamais rassurer sur le fait qu’il y aura ou pas un nouvel album. Je ne peux pas dire ce qui se passera demain. Et oui, le titre est très intéressant à cet égard. Il peut signifier la Mort Totale, et il peut aussi représenter ce vers quoi le groupe ou quelqu’un dans le groupe pourrait se diriger. Seul le temps le dira. En revanche, le titre en soi m’a frappé l’esprit dès 2006, mais pour diverses raisons, il n’a pas paru sincère jusqu’à aujourd’hui. Et tu peux interpréter ça de la manière que tu veux.

Comment finira Shining à ton avis ?

Ne jamais gâcher une bonne surprise.

Penses-tu qu’il soit important d’être conscient que « tout le monde, toute chose, où que ce soit, a une fin » ? (NDT : traduction de « Everyone, Everything, Everywhere, Ends »)

En termes de mortalité, c’est évident, n’est-ce pas ? Je ressens une grande tristesse pour quiconque n’a pas conscience de, ou ne comprend pas, une vérité aussi basique. Néanmoins, il se peut que ce soit aussi quelque chose qui vient avec l’âge ? Pas seulement comprendre, mais aussi l’acceptation du fait que tout se terminera un jour et peu importe ce que nous faisons dans nos vies, si nous n’avons rien fait qui soit de nature exceptionnellement extrême, il est probable que personne ne se souviendra de nos « accomplissements » une fois que nous serons partis.

Est-ce que la conscience de la mortalité est une source de frustration pour toi, est-ce une manière de mieux apprécier ton temps sur terre ou est-ce, en fait, d’une certaine manière, un soulagement de penser que rien, y compris ta vie, n’est éternel ?

Absolument pas. C’est tout à fait l’opposé en fait. Je veux dire que je ne crois pas que quiconque, et je veux vraiment dire quiconque, apprécierait de vivre dans notre monde pour une éternité. En revanche, nous parlons de la chair en disant cela, et pas de l’aspect spirituel des choses.

Tu as déclaré que « pour une fois [tu es] extrêmement satisfait de ce que cet album est devenu. » Est-ce que cela veut dire que tu n’as jamais été à 100% satisfait de vos albums passés ? Qu’est-ce qui n’allait pas ?

Je ne pense pas qu’un artiste, quel qu’il soit, pourrait être à 100% content de ses travaux, et je ne suis clairement pas une exception. Si un telle chose venait à se produire, je ne pense pas qu’il serait possible de continuer ce que tu fais, dans la mesure où une fois que tu as atteint la perfection, alors où diable peux-tu aller après ça ? Il y a des choses que j’aurais souhaité qu’elles aient été faites différemment sur tous les albums, y compris IX, mais ce que j’essayais de dire, c’était que pour la première fois, j’avais un sentiment de satisfaction par rapport à comment les choses ont tournées cette fois-ci.

Shining - IX: Everyone, Everything, Everywhere, Ends

« Le titre en soi m’a frappé l’esprit dès 2006, mais pour diverses raisons, il n’a pas paru sincère jusqu’à aujourd’hui. Et tu peux interpréter ça de la manière que tu veux. »

Qu’est-ce qui a changé cette fois-ci ? Pourquoi es-tu « pour une fois » extrêmement satisfait de cet album ? Qu’est-ce qui a permis ça ?

Pour les dites raisons. IX donne le sentiment d’être le mélange parfait de tout ce que j’ai fait à ce jour, multiplié par un facteur cent. Ce sont de grand mots, je le comprends, mais c’est ainsi que je ressens les choses.

Tu as aussi déclaré « que ceux qui ont arrêté d’écouter Shining après [votre] cinquième album trouveront le nouveau rongé par ce que certains ont pu estimer avoir manqué à [vos] derniers albums… Cette atmosphère d’autrefois. » Comment peux-tu expliquer ça ? Pourquoi cette atmosphère a-t-elle en quelque sorte disparue après V : Halmstad ?

Elle n’a jamais vraiment disparue, il semblerait juste que la méchanceté et l’approche hostile est plus apparente sur cet album, et certainement la mélancolie vive qui était présente sur grosso-modo chaque album à ce jour, mais pour certaines raisons c’est devenu moins proéminent après Halmstad. C’est toujours difficile de déterminer comment les gens vont percevoir un album lorsqu’il vient tout juste de sortir. Mais personnellement, j’ai le sentiment que IX possède des clins d’œil distincts à The Eerie Cold, Halmstad et un peu l’album Angst aussi, ce qui, je crois, sera une bonne surprise pour ceux qui peuvent avoir le sentiment que j’ai été dans une direction différente avec les derniers albums.

La manière dont tu cries sur certaines chansons, par exemple « Besök Från I(ho)nom », est incroyablement viscérale. Comment parviens-tu à reproduire ces émotions fortes sur scène lorsque tu dois jouer les mêmes chansons soir après soir ?

2014 a été une année terrible pour moi. Je me suis méchamment fait mal au dos sur la tournée précédente, et autant mon corps que mon esprit étaient en train de tomber en miettes après des années d’abus d’alcool et, de manière générale, d’un comportement autodestructif. Je me suis retrouvé au pied du mur et m’a seule option était soit de totalement changer ma manière de vivre ou alors arrêter totalement la musique. En revanche, après que nous ayons joué au Japon en janvier, nous avions deux mois de pause avant d’aller au Canada. Une période que j’ai passé à faire de la psychothérapie, à suivre un emploi du temps strict, à faire de l’exercice, à faire du jogging, etc. Lorsque nous avons ensuite donné ce concert à Montreal, je ne suis senti putain d’inarrêtable et empli de puissance brute, ce qui était la première fois pour moi, et ça m’a fait voir les choses d’une manière un peu plus… positive – par manque de meilleur mot – et déterminé à emmener les choses au niveau au-dessus, pour ainsi dire. Comme je mène nos cérémonies avec un feu ardent tout droit sorti de mon cœur, ça combiné aux efforts pour me reconstruire physiquement, ça veut dire que ce que vous verrez la prochaine fois sur scène sera assurément quelque chose d’extraordinairement puissant et impénétrable.

A propos de la chanson “Framtidsutsikter » tu as dit qu’elle était « pour [toi] personnellement presque insoutenable à écouter. Ca rendra les choses extrêmement intéressantes a jouer en concert. » Qu’est-ce qu’il y a de si insoutenable pour toi dans cette chanson ?

Une fois que j’aurais sorti la troisième édition de When Prozac No Longer Helps (NDLR : livre contenant les paroles de ses chansons), qui incluront les traductions de toutes les nouvelles paroles, tu pourras peut-être comprendre pourquoi, ou peut-être pas. Honnêtement, là tout de suite j’ai le sentiment de vouloir laisser les gens écouter le nouvel album et se faire eux-mêmes leur propre opinion plutôt que je décortique ça pour eux.

Est-ce le signe que tu as réussi quelque chose de grand émotionnellement, lorsqu’une chanson devient presque insoutenable ?

Encore une fois, c’est à toi de le déterminer par toi-même.

Comment parviens-tu à jouer sur scène une chanson qui est presque insoutenable à écouter ?

Comme nous n’avons pas encore commencé à la jouer, je ne suis pas encore totalement sûr, mais ouais, comme je l’ai dit, ce sera, néanmoins, une expérience palpitante de voir comment ça ressortira.

Les albums de Shining ont toujours été variés et dynamiques. Est-ce le résultat direct des différentes émotions que tu ressens en écrivant ta musique ?

Oui.

Peux-tu nous en dire plus sur ce que tu traverses émotionnellement en écrivant un album comme IX : Everyone, Everything, Everywhere, Ends ?

Non.

Shining - Niklas Kvarforth by Ester Segarra

« J’essaie d’avoir le moins d’attente possible et de m’occuper moi-même de la plupart des choses qui concernent Shining, ce qui implique de ne pas donner aux autres trop de travail d’importance, autre que de jouer leurs instruments. »

La diversité d’un tel album passe, évidemment, par une polyvalence vocale. Comment entraînes-tu ta voix ou travailles-tu dessus pour pouvoir coller à ces différentes atmosphères ?

Comme d’habitude, je fais tout ce que je pense être bon et ça peut expliquer la polyvalence et la nature schizoïde globale de non seulement ça, mais aussi de tous nos albums. Je n’ai aucun entrainement protocolaire en fait, et je suis aussi plutôt content de ne pas avoir fait ça, dans la mesure où je crois qu’une fois que tu as appris à faire quelque chose par quelqu’un d’autre, tu appliques automatiquement ces règles implicites sur comment les choses doivent être faites. C’est pareil pour mon jeu de guitare. Je n’ai jamais été où que ce soit apprendre comment faire, tu sais, à l’exception de quelques leçons de guitare acoustique (peut-être deux ou trois) lorsque j’allais au lycée. Maintenant, le seul problème avec ça, c’est d’essayer d’apprendre à des guitaristes entraînés dans les règles à jouer mes riffs de la manière dont ils sont censés être joués, ce qui est assez difficile pour la plupart des gens que j’ai eu dans et en dehors du groupe.

Dans la biographie promotionnelle qui accompagne l’album, il est mentionné que « chaque sortie, chaque concert et interview devient un champ de bataille sanglant sur lequel Niklas Kvarforth lutte contre ses démons intérieurs. » Penses-tu que c’est la tension que les artistes ont en eux qui génèrent le grand art ?

Comme on dit : tout grand art est fait à partir de souffrance. Pour autant, ce que tu cites, c’est un communiqué de presse envoyé par notre maison de disque, et évidemment, il faut d’une manière ou d’une autre qu’ils fassent notre promotion autrement qu’en disant : « C’est un groupe et ils jouent de la musique. » Ceci dit, c’est assez bien dit je trouve, même si c’est aussi étrange pour moi d’entendre ou de lire ça.

Toujours dans la biographie promotionnelle, il est écrit que « Shining est plus qu’un simple groupe. » Es-tu d’accord avec ça ? Si oui, qu’est-ce que Shining pour toi ?

Shining est mon enfant, et ouais, je suis effectivement d’accord que Shining est bien plus qu’un simple gang qui se retrouve pour jouer de la musique ensemble. Martin Strandberg qui travaille actuellement sur un documentaire te donnera sûrement une meilleure réponse à cette question une fois le film terminé et sorti.

Le line-up de Shining a beaucoup changé avec les années. Comment l’expliques-tu ?

Parce que les gens craignent. Et s’ils ne peuvent être à la hauteur de mes attentes ou s’ils choisissent de prioriser autre chose que le groupe, alors c’est qu’ils ont abusé de mon hospitalité. En revanche, les choses ont évolué pour le mieux sur ce sujet, puisque nous sommes restés le même line-up depuis près de trois ans.

En fait, votre nouveau line-up n’a pas changé depuis deux ans. Et c’est la troisième fois que tu travailles avec le producteur Andy LaRocque. Dirais-tu que tu as trouvé les gens dont tu avais besoin et en qui tu peux faire confiance ? Penses-tu avoir trouvé un line-up qui ne changera pas dans les quelques années à venir ?

Tout du moins, il est clair que je l’espère, mais étant donné l’histoire de Shining, je suis préparé au pire. Le groupe autant que les gens qui travaillent avec nous et autour de nous sont aussi proches de la perfection qu’il est possible de l’être, mais pour ce qui est de la confiance, eh bien, c’est une toute autre histoire. J’ai toujours été très naïf pour ce qui est de ce genre de choses, malheureusement, du coup j’essaie d’avoir le moins d’attente possible et de m’occuper moi-même de la plupart des choses qui concernent Shining, ce qui implique de ne pas donner aux autres trop de travail d’importance, autre que de jouer leurs instruments.

Peux-tu nous en dire plus sur ta collaboration sur le dernier album de Benighted, Carnivore Sublime, pour la chanson « Spit » ?

Notre maison d’édition commune m’a demandé si je serais intéressé par faire ça et, puisque leur style de musique est quelque chose sur laquelle je n’avais jamais travaillé avant, j’ai fini par donner mon accord. Et maintenant, avec le recul, je suis content de l’avoir fait, car en a résulté un profond lien d’amitié entre moi et leur chanteur Julien.

Puisque leur chanteur Julien Truchant travaille dans un hôpital psychiatrique, les paroles de Benighted parlent beaucoup de maladies mentales. Se pourrait-il que ce soit en partie ça qui t’a attiré vers ce groupe ?

Je n’ai été au courant de ça qu’après l’enregistrement.

Merci d’avoir pris le temps de nous répondre !

Merci pour le soutien et assurez-vous d’assister aux cérémonies à venir en France plus tard cet automne ! Et bordel, allez chez votre magasin de disque et achetez une copie du nouvel album, et si vous avez un bout de cerveau, tant que vous y êtes, assurez-vous d’acheter une copie du nouvel album de Mysticum.

Interview réalisée par email le 17 avril 2015 par Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Ester Segarra.

Site officiel de Shining : www.shiningasylum.com.



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