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Interview   

Shining (Norvège) : l’univers Blackjazz prend de la hauteur


Jørgen Munkeby - ShiningEn 2010, on avait été happé par un vent frais qui rend complètement givré. C’était Shining et son étonnant Blackjazz. Un album à la croisée du metal, de l’industriel et du jazz, tout droit sorti de l’esprit extra-terrestre de Jørgen Munkeby, saxophoniste très en vogue actuellement. Un album débarqué sans crier gare – même quand on a connu la discographie pré-Blackjazz du combo – mais fruit de vingt années de tentatives, comme nous l’explique le Norvégien. Trois albums (en comptant le Live Blackjazz) plus tard, Munkeby est loin d’avoir fini d’explorer le vaste univers qui s’est ouvert à lui, et dont il nous livre aujourd’hui un nouvel aperçu avec International Blackjazz Society.

Jørgen Munkeby, quand on l’interroge, a parfois le regard qui pénètre dans le vague, à pister les réponses à l’intérieur de lui-même, où une multitudes de choses semblent se passer. Après l’avoir longuement « cuisiné » à deux reprises par le passé (une fois en 2010, pour l’album Blackjazz, et une autre en 2013 pour One One One), c’est fou comme il reste toujours quantité de sujets à aborder. Comme si Shining, au fil du temps, apportait plus de questions que de réponses. Ainsi nous sommes revenus sur cette performance à couper le souffle sur le rocher de Trolltunga, en Norvège. Sur les nombreux changements de line-up qui sont survenus ces dernières années, sujet en apparence banal qui débouche pourtant sur des échanges intéressants. Plus généralement, nous revenons aussi sur les origines de l’univers Blackjazz. Ou évidemment sur le nouvel opus qui marque une certaine jointure, tout en ouvrant l’horizon vers de nouvelles choses.

Shining 2015

« J’ai toujours été un geek en musique et j’ai toujours trouvé que l’innovation était plus importante que le fait d’être populaire. »

Radio Metal : Il y a eu beaucoup de changements de line-up ces dernières années, au point où, en dehors de toi, aucuns des musiciens qui étaient présents sur Blackjazz ne sont encore aujourd’hui dans le groupe. Que s’est-il passé ?

Jørgen Munkeby (chant, guitare, saxophone) : En fait, c’est vrai ! Aucuns des musiciens sur Blackjazz ne sont encore là ! C’est juste. Eh bien, je ne suis pas très sûr de ce qu’il s’est passé. Entre le premier et le second album nous avions les mêmes personnes mais après ça, nous avons eu des changements. En gros, cela s’est fait graduellement. Tout le monde change. Certains décident qu’ils ne veulent plus être musiciens… Le premier mec qui est parti du groupe a décidé qu’il voulait devenir médecin au lieu de musicien. Du coup, il est normal qu’il quitte le groupe et se concentre sur ses études. D’autres fois, il se peut que ça soit des raisons musicales… Tu sais, nous avons aussi pas mal changé notre musique. Il est donc naturel que peut-être les goûts musicaux de certains musiciens s’orientent ailleurs. Shining est devenu de plus en plus heavy et dur. Peut-être que certains ont voulu jouer plus de jazz ou de country, ou quelque chose comme ça. Ca a donc du sens de changer de musiciens lorsqu’ils ont envie de faire autre chose. Et qui sait ? Peut-être que nous rejouerons avec certains de nos anciens musiciens. Je n’ai jamais viré personne dans le groupe. Ils ont toujours décidé d’eux-mêmes de quitter le groupe.

Est-ce qu’il se pourrait aussi que tu aies une vision musicale trop forte et que peut-être cela ne laisse pas assez de place pour que les autres musiciens puissent s’exprimer dans Shining ?

Tous les membres qui ont été dans le groupe ont voulu que le groupe ait une direction musicale forte. Ils ont donc tous compris ce que nous faisions. Evidemment, je suis celui qui montre la direction mais quand même, j’ai toujours eu le sentiment que les gens dans le groupe soutenaient ça et aimaient ce que nous faisions, et qu’ils pensaient que c’était une bonne chose pour le groupe d’avoir une vision forte. Si j’étais un membre de Shining qui avait décidé de partir, j’aimerais ce que nous faisons et je serais fier que Shining ait un certain style, mais si personnellement je voulais jouer un autre type de musique là tout de suite… C’est possible d’aimer deux choses à la fois ! C’est possible d’aimer ce que Shining fait et, à la fois, se dire que désormais j’aimerais faire autre chose. Je ne crois pas… Tu me demandes si j’ai une trop forte vision… J’ai effectivement une forte vision ! Et Shining a une forte vision, et c’est peut-être pourquoi les gens ont décidé de partir mais je ne crois pas que ce soit parce que c’est négatif. Je n’ai jamais eu l’impression que ce fut un problème pour les musiciens. J’ai toujours eu l’impression qu’ils voulaient juste, pour une raison ou une autre, faire autre chose. Je parle souvent avec ces musiciens, ce sont toujours mes amis. Je viens juste de croiser notre ancien bassiste hier, il a ramené son enceinte de basse et il me la livrait parce que nous allons la prendre pour la tournée. Peut-être est-ce plus facile à comprendre si je te dis que tous nos musiciens ont toujours été des musiciens professionnels. Tous ceux qui ont été dans le groupe n’ont été que musiciens. C’est leur métier. Ils jouent dans Shining mais ils jouent aussi plein d’autres types de musiques. Comme notre précédent batteur, il a joué dans Shining mais c’est aussi l’un des batteurs de pop les plus prisés de Norvège ! Tandis que notre précédent bassiste, qui a quitté le groupe il y a tout juste six mois, joue dans des groupes de pop et son propre groupe de country. C’est comme ça avec les musiciens professionnels. Comme je l’ai dit, c’est possible d’aimer plein de types de musiques différents ! Mais le truc, c’est que tu n’as pas le temps de te consacrer à tout ! Car nous tournons beaucoup avec Shining, et si tu es en tournée avec Shining, tu ne peux pas en même temps être en tournée avec un autre groupe. Ce sont surtout pour des raisons pratiques, je pense.

Est-ce que ce pourrait être aussi parce que Shining ne paie pas assez par rapport à des groupes de pop ?

Oh ouais ! C’est sûr que ça joue un rôle. Les groupes de pop en Norvège, surtout lorsqu’ils jouent en Norvège… Car la Norvège est un pays riche, tous les salaires sont élevés mais les prix aussi sont élevés. Donc si tu vis dans un appartement, ça coûte cher mais d’un autre côté tu gagnes beaucoup aussi. Ce qui veut dire que si tu compares le prix des billets ou le cachet moyen des musiciens en Norvège par rapport à en France, en Allemagne ou aux US, c’est bien plus élevé mais les gens ont besoin de gagner autant parce qu’ils doivent payer leurs factures qui sont aussi plus élevées. Avec Shining, nous sommes un groupe de musiciens norvégiens mais nous jouons à quatre-vingt pour cent en dehors de Norvège – nous jouons en Allemagne, en France, etc. Donc nous dépendons de revenus européens, ce qui veut dire que nous ne pouvons pas payer les mêmes salaires que si nous jouions uniquement ne Norvège. Et aussi la musique pop est généralement mieux payée parce qu’il y a plus d’argent à se faire dans ce style. Donc c’est sûr que tous nos musiciens ont d’autres groupes. Ils jouent dans des groupes de pop avec lesquels ils peuvent gagner bien plus mais ils jouent quand même dans Shining parce qu’ils aiment la musique. Ils peuvent jouer de la pop que peut-être ils n’aiment pas autant et gagner beaucoup d’argent, et puis jouer avec Shining et gagner moins mais ils aiment la musique.

D’ailleurs, as-tu trouvé un bassiste permanent pour remplacer Tor Egil Kreken ?

Ouais, nous avons un nouveau bassiste qui a joué avec nous sur, je crois, trois concerts. Il a joué au Hellfest, c’était son premier concert. Il a joué au Graspop le jour suivant et le truc dans la montagne sur le Trolltunga encore après ça. Mais il est prévu qu’il fasse tout ce que nous avons calé à l’avenir, comme toute la tournée et tout, ce sera lui. Et nous verrons combien de temps il tiendra et si ça fonctionne bien. Mais là tout de suite, il semblerait que ça marche super bien !

Jørgen Munkeby - Shining

« Lorsque j’ai commencé le saxophone, je n’avais jamais entendu de jazz ! A l’époque, je n’écoutais que du metal, […] je n’ai aucune idée pourquoi j’ai choisi le saxophone ! »

Comment parviens-tu à maintenir la continuité du son de Shining et de Blackjazz malgré tous les changements de line-up ?

La raison est que je possède les clefs du son Blackjazz. Je sais comment le faire. Je compose la musique. Tant que nous ne changeons pas trop de musiciens à la fois, si tu ne changes qu’un musicien à la fois, tu peux passer plus de temps à comprendre comment faire sonner le musicien comme il est censé sonner dans le groupe. Aujourd’hui, comme nous en avons discuté, nous avons un nouveau bassiste, donc ça implique d’une part, de lui apprendre les chansons, évidemment, et d’autre part, qu’il s’habitue à jouer d’une certaine façon qui colle avec le guitariste qui est actuellement dans le groupe et avec la musique. Et ça, c’est toujours différent d’un groupe à l’autre : les riffs sont écrits d’une certaine façon et ça prend du temps à s’y habituer. Et puis c’est aussi une question de son, ça prend du temps à trouver un son qui fonctionne de la même manière. Ça revient à trouver les bonnes pédales. En général, je me retrouve à acheter une bonne partie des pédales essentielles que le mec précédent utilisait et qui a établi un certain son. Donc, le bassiste que nous avions avant le nouveau gars, il était avec nous depuis 2008 et il avait un son très caractéristique. Bien sûr, ça fait partie de la façon dont il joue mais ça a aussi à voir avec le matériel qu’il utilisait – la basse, les pédales, l’ampli et l’enceinte. Donc comme je te l’ai dit, nous venons juste de lui racheter son enceinte et si je me demande quel type d’ampli nous devons acheter, je lui en parle. L’une de ses pédales les plus importantes, c’est la Darkglass Microtubes, et dès qu’il est parti, j’en ai acheté une parce que c’est celle qu’il gardait tout le temps activée. Et il avait une pédale de dingue pour la fuzz qui était très rare mais j’ai réussi à en dénicher une. J’ai amassé plein de pédales essentielles. Nous avons un autre guitariste qui parfois intervient lorsque notre guitariste principal ne peut pas assurer un concert – pour la prochaine tournée, notre guitariste de substitution jouera la dernière partie de la tournée -, et là tout de suite, je suis en train d’attendre une pédale de guitare qui est, je dirais, un son signature que notre guitariste principal utilise généralement. J’en aurais donc deux pour que l’autre gars puisse utiliser la même. Et aussi, pour ce qui est des albums, nous avons fait appel au même ingénieur de Los Angeles pour le mixage, qui s’appelle Sean Beaven. Il a mixé Blackjazz et tout depuis lors, et il est aussi co-producteur depuis One One One. Il a donc une grande responsabilité dans le son de nos albums. Je lui envoie des démos et il me renvoie des idées de choses à peut-être changer ou pour d’autre motifs de batterie ou des choses dans le genre. Et nous avons fait appel au même ingénieur pour le mastering, Tom Baker, qui est aussi de Los Angeles, depuis Blackjazz. Donc toutes ces choses permettent la cohésion du son et ça maintient les caractéristiques de notre son.

Mais ça veut aussi dire que les nouveaux musiciens n’ont pas tellement de marge de manœuvre pour avoir leur propre son…

C’est une remarque pertinente. C’est une question d’essayer de trouver le juste milieu entre le son signature du groupe et ce dans quoi les musiciens sont les meilleurs. Lorsque tu intègres de nouveaux musiciens, la première chose à faire, c’est d’essayer de faire sonner les anciennes musiques aussi bien qu’avant. Lorsque nous intégrons un nouveau bassiste, la première étape est de lui apprendre à sonner aussi bien ou presque que l’ancien bassiste sur les chansons que nous avons déjà. Et ensuite, une fois que ça fonctionne, il est possible d’essayer de nouvelles choses. Mais au début, il est encore trop tôt pour faire ça. D’abord il faut que ça sonne aussi bien qu’avant. Et ensuite, lorsque vient le moment de composer de nouvelles musiques, tu peux davantage impliquer les nouveaux musiciens et peut-être qu’ils prendront part à la création d’un nouveau style ou… C’est là où ils peuvent apporter leurs idées personnelles au groupe. Par exemple, notre batteur aujourd’hui, son nom est Tobias [Ørnes Andersen], il joue avec nous depuis un moment, il a sans doute fait plus de cent concerts – il n’a pas joué sur One One One mais il a commencé à jouer avec nous presque tout de suite après cet album -, et avec le nouvel album, il a été très impliqué dans la musique. Son style de jeu est une composante très importante des nouvelles chansons. Ça prend un peu de temps, ça ne se fait pas immédiatement mais au bout de quelques années, lorsqu’ils ont l’opportunité de prendre part à la création d’un nouvel album, leur style personnel intègre le groupe.

La dernière fois que nous nous sommes parlé, tu nous as dit qu’avec One One One tu voulais voir si tu pouvais être un peu plus direct et avoir une série de super chansons individuelles. Quel était donc ton état d’esprit cette fois ? Quel était ton but, ton idée globale ?

Ca a aussi commencé avec la volonté de faire une chanson à la fois. Je voulais écrire une chanson, la répéter, l’enregistrer, la mixer, la masteriser, la sortir et puis trois mois plus tard, recommencer. Ainsi, il y aurait eu une nouvelle chanson tous les trois mois. Mais j’ai parlé à différents labels à cette époque et il était difficile de leur faire tous aimer l’idée. Certains labels adoraient l’idée et d’autres voulaient que nous sortions un album complet. J’en ai eu marre de rester planté là à attendre qu’ils se décident. Donc j’ai continué à faire de la musique et après avoir fait deux chansons, j’ai tout de suite commencé à penser en termes d’album. J’avais deux chansons et je me disais : « De quel genre de chanson avons-nous besoin maintenant ? » J’ai donc ajouté des chansons et j’ai commencé à déterminer un ordre. Très tôt j’ai changé d’idée et au lieu de penser à des chansons individuelles j’ai pensé en termes d’album. J’ai donc réfléchi à la manière dont ça commencerait, comment ça se terminerait, comment seraient les transitions… Chaque chanson que j’ai faite, je la personnalisais pour la faire rentrer dans le plan de l’album. Au final, en réalité, c’était l’opposé de One One One.

En fait, International Blackjazz Society semble opérer une sorte de synthèse entre les deux approches que sont celles de Blackjazz et de One One One, en ayant la folie du premier et l’accroche du second…

Je crois que tu as complètement raison. J’ai entendu un gars il y a deux semaines au cours d’une interview dire que selon lui le nouvel album était le lien manquant entre Blackjazz et One One One. Je pense que tu as totalement raison. Si Blackjazz était le côté droit – le côté expérimental, étrange, fou de l’univers Blackjazz – et One One One était le côté gauche – le côté plus ordonné, concentré, accrocheur, rock, commercial de l’univers Blackjazz -, avec le nouvel album, International Blackjazz Society, nous avons des chansons venant des deux côtés. Nous avons les chansons rock accrocheuses et nous avons les trucs jazz expérimentaux. D’ailleurs, certaines chansons ont été enregistrées live en studio avec tout le monde dans la même pièce, comme on fait dans le monde du jazz. Je pense que le nouvel album est plus varié et incorpore tout le large spectre de Blackjazz. Il y a tout, des côtés jusqu’au milieu. Nous avons aussi une putain de ballade sur l’album ! C’est la première fois que nous avons une vraie ballade. Je ne sais pas quelle est sa place dans l’univers Blackjazz. Nous verrons bien mais il se peut que ça l’élargisse un peu à l’avenir. Il est encore trop tôt pour le dire. Nous verrons si nous la jouerons souvent dans nos concerts ou si nous ne la ferons jamais.

Shining 2015

« Qu’on considère Blackjazz comme une toute nouvelle approche de la musique […], pour moi, c’est ‘mission accomplie’. »

Comme tu l’as mentionné, « House Of Control » est ta première tentative pour faire ce qu’on peut considérer être une ballade, dans la mesure où tu sonnes très émotionnel dessus. Est-ce que ça démontre à quel point tu as gagné en confiance en tant que chanteur ?

Je n’aurais jamais pu faire cette chanson avant aujourd’hui. Il a fallu que j’apprenne à chanter suffisamment bien. Il a fallu que je prenne beaucoup de temps pour travailler ma technique vocale et pouvoir faire ça. Mais ça m’intéresse toujours d’apprendre de nouvelles choses et de m’améliorer. C’est aussi en partie pourquoi j’ai voulu faire cette chanson, car c’est toujours bien de tester ses propres limites et voir ce qu’on est capable de faire. Cette chanson vient certainement, en partie, de mon désir d’essayer de devenir un meilleur chanteur.

Avant ça, tu considérais Blackjazz, Live Blackjazz et One One One comme formant une trilogie. Mais International Blackjazz Society sonne une nouvelle fois comme une évolution du concept musical Blackjazz. Donc la trilogie est-elle devenue une tétralogie ou bien vois-tu plutôt Blackjazz comme un seul et même concept continu ?

[Petits rires] Tu sais, lorsque j’ai parlé de trilogie, je mettais le doigt sur le fait que ces trois albums étaient un « truc Blackjazz ». Et comme tu le dis, même avec notre quatrième album, nous faisons encore ce truc Blackjazz. Je pense donc, effectivement, que c’est devenu un projet continu. Je suis fier de ce que nous avons fait en 2010 avec l’album Blackjazz. Je trouve que c’est une approche nouvelle et intéressante du metal et du jazz, et actuellement, je songe à poursuivre sur cette lancée, pour explorer ce monde que nous avons découvert. Et peut-être l’étendre un peu, comme avec la ballade « House Of Control ». Donc la trilogie est devenue quatre et peut-être que ça deviendra cinq.

Tu sembles être très fier de ce terme Blackjazz et, évidemment, du style musical qu’il représente. L’innovation musicale est devenue assez rare de nos jours. Du coup, est-ce que cette fierté vient du fait que tu sois parvenu à véritablement innover avec Blackjazz ?

Il se peut que soit une des raisons. Je pense qu’une autre raison est que ça m’a pris vingt ans à trouver ça. C’est aussi plus un truc personnel. Lorsque j’ai commencé le saxophone, je n’avais jamais entendu de jazz ! A l’époque, je n’écoutais que du metal, ce qui fait qu’il est d’autant plus étrange que je n’ai pas choisi de faire de la guitare ; je n’ai aucune idée pourquoi j’ai choisi le saxophone ! Donc, ouais, j’avais neuf ou dix ans, je jouais de mon saxophone par-dessus des albums de metal, et ça, c’était en 1990. Et en 2010, vingt ans plus tard, c’est là où j’ai enfin eu le sentiment d’avoir trouvé une manière de combiner le saxophone et le metal qui semblait bien sonner, qui était naturelle et intéressante. J’ai essayé pendant vingt ans et je ne trouvais rien qui fonctionnait. Je pense que c’est ça ma plus grande source de fierté, le fait d’avoir enfin trouvé le moyen de combiner les deux choses que j’aime le plus en musique : le metal et le jazz. Mais je pense aussi, comme tu l’as dit, que l’innovation musicale est importante et de nos jours, beaucoup de musiques sonnent identiques. C’était probablement déjà le cas auparavant mais je sais avec certitude qu’aujourd’hui – parce que je vis aujourd’hui [petits rires], donc c’est plus facile pour moi de parler d’aujourd’hui – beaucoup de musiques sonnent pareil, et une bonne part des musiques pop les plus populaires ne paraissent pas très innovantes, alors que j’ai l’impression que certains des gros groupes les plus populaires d’autrefois l’étaient. Je pense que les Beatles sont devenus célèbres parce qu’ils ont fait quelque chose de nouveau. Pareil avec Elvis. Pareil avec les Rolling Stones. Pareil avec Black Sabbath. De façon générale, je considère l’innovation musicale comme importante. De toute façon, j’ai toujours été un geek en musique et j’ai toujours trouvé que l’innovation était plus importante que le fait d’être populaire. Donc qu’on considère Blackjazz comme une toute nouvelle approche de la musique – et j’ai vu beaucoup d’autres gens, de fans, de groupes, de journalistes ressentir la même chose -, pour moi, c’est « mission accomplie ». C’est ce que je voulais faire et c’est ainsi que c’est perçu. Ça me rend heureux ! Mais nous n’en avons pas encore fini. La plupart des gens dans le monde n’ont encore jamais entendu parler de Blackjazz, et j’aimerais qu’autant de gens que possible en entendent parler. J’aimerais continuer à répandre la musique à travers le monde.

Que mets-tu derrière ce mot « Blackjazz » aujourd’hui ? Comment le définirais-tu ?

Aujourd’hui… C’est plus facile pour moi de te dire comment je l’ai défini lorsque je l’ai imaginé, car au bout d’un moment, un nom devient juste un nom. Comme mon nom, Jørgen, je ne pense jamais à ce qu’il signifie. C’est pareil avec la musique progressive, ce n’est plus vraiment progressif. Ca appartient à une certaine époque. C’est pareil avec la période artistique qu’on appelle le modernisme, ce n’est plus moderne. C’est vieux mais ça s’appelait le modernisme, c’était considéré comme moderne fut un temps et puis c’est juste devenu un nom. Je pense c’est aussi ce qui est en train de se passer avec Blackjazz. Je ne pense plus trop à d’où ça vient. Mais ça a commencé… Tout d’abord, je voulais un super nom d’album et aussi je voulais que ce nom d’album puisse aussi faire office de style musical. Je connaissais quelques albums qui étaient comme ça. En l’occurrence, l’album d’Ornette Coleman qui s’appelait Free Jazz – en fait il s’appelait Ornette Coleman’s Double Quartet Free Jazz -, et ce nom Free Jazz est devenu un sous genre musical du jazz. Idem pour l’album de Venom qui s’appelle Black Metal, qui a aussi donné son nom à un sous genre du metal qu’on appelle le black metal. C’était vraiment ça l’idée : j’ai pris un mot, une partie de l’album d’Ornette Coleman – le mot « jazz » – et la moitié du titre Black Metal et je les ai assemblés. C’était donc une combinaison de Free Jazz et de Black Metal, ce qui a donné Blackjazz. C’est de là que ça vient. Et j’essaie toujours de m’en rappeler. De me rappeler d’où ça vient, de me rappeler que la musique que nous faisons doit contenir des traces de jazz. Ca ne doit pas forcément sonner comme du jazz mais il se peut que ça soit dans la façon dont la chanson a été écrite, dans le fait que les musiciens dans le groupe ont été des musiciens éduqués au jazz, dans le fait que j’utilise un saxophone, dans les rôles des musiciens au sein du groupe et le fait que nous renversons certaines parties, peut-être le saxophone bat le temps et le batteur joue en dehors du temps, dans le fait que nous improvisons… Toutes ces choses sont des éléments venant du monde du jazz. Mais parfois, comme je l’ai dit, je dois me rappeler d’où nous venons et que les deux éléments importants de notre musique sont le metal et le jazz.

Sur One One One, vous aviez une chanson qui s’appelle « Blackjazz Rebels » et désormais vous avez un album qui s’appelle International Blackjazz Society. Est-ce que tu étends le concept musical de Blackjazz à un concept de communauté ?

Comme je l’ai dit, j’ai vraiment envie de répandre Blackjazz dans le monde. Je sais qu’il y a plein de musiciens qui souhaitent jouer une combinaison de jazz et de metal, et je sais qu’il y a des fans qui aiment ces deux genres. Donc je pense que Blackjazz a un potentiel et ce serait super si d’autres gens le connaissaient et l’appréciaient. Donc trouver le nom International Blackjazz Society était assurément une façon de poser les bases pour que ça puisse se produire, construire quelque chose autour duquel les gens qui ont ce type d’intérêt puissent se rassembler et se réunir, en mettant en place une sorte de mouvement, en rendant ça excitant et intéressant, et pour que les gens aient le sentiment de contribuer à aider ce nouveau truc à grandir. J’ai vu un épisode de Sonic Highways de Dave Grohl, je ne sais plus où c’était mais je me souviens d’un groupe qui disait qu’en pratiquant une nouvelle musique à l’époque, ils avaient le sentiment qu’il n’y avait pas de scène [pour cette musique], ils avaient besoin d’une scène, il n’y avait qu’un groupe qui faisait ce type de musique et il leur manquait une scène. Donc, ils ont voulu avoir une salle spécialisée dans ce type de musique qu’ils pratiquaient. Ils voulaient que tous les groupes qui s’y produisaient jouent le même type de musique, ils voulaient qu’un paquet de fans viennent aux concerts, ils voulaient… Une scène pouvait aussi être une façon d’habiller un point de vue politique. Tu vois, les gens pouvaient être communistes ou peu importe, ce pouvait être un truc religieux qui liait les gens, ce pouvait être un truc sociologique – tout le monde pouvait être de classe moyenne ou de la classe populaire -, ce pouvait être la couleur de peau comme dans le hip-hop – le fait est qu’ils étaient tous noirs, même si ce n’est plus le cas aujourd’hui… Toutes ces choses faisaient une scène. Et le fait d’avoir trouvé le nom International Blackjazz Society n’était qu’une étape pour, comme je l’ai dit, poser les bases et que ça puisse se produire.

Shining - International Blackjazz Society

« Ceux qui n’ont pas aimé [l’album d’Ihsahn en 2010] ont détesté la ‘trompette’, ils disaient. Ça me prouvait que les gens sont vraiment putain de stupides ! Ce n’est pas une putain de trompette ! C’est juste que ça n’est pas une guitare ! »

Qui sont les membres de l’Intenational Blackjazz Society ? Comment les reconnaît-on, au-delà du fait qu’ils écoutent Shining ?

Eh bien, il y a un système d’adhésion. Il y a neuf niveaux d’adhésion dans l’organisation. Nous avons neuf symboles différents pour chaque niveau. Le premier niveau est représenté par un certain symbole et tu l’obtiens sur un patch lorsque tu achètes l’album… Mais les gens ont plein de façons de sentir une appartenance à l’organisation ou au mouvement. Les gens ont très vite commencé à faire leurs propres trucs. Ils ont fait leurs propres t-shirts. Certains ont fait des anneaux avec le logo gravé, des genres de collier en métal… Et ils mettent le drapeau avec nos couleurs sur leur site web. Il y a tout plein de façon de montrer qu’on appartient au mouvement. Pour te dire la vérité, je n’ai pas trop eu le temps de vraiment suivre ça mais, surtout en France et quelques autres endroits, les gens ont commencé à créer leurs propres groupes et à se rencontrer, à monter leurs propres petits clubs, ce qui, je trouve, est cool !

J’ai vu sur votre page Facebook des visuels qui véhiculaient une idée de rébellion. Est-ce que ce mouvement est une sorte de rébellion pour toi ?

Lorsque j’ai commencé à faire la musique Blackjazz, j’ai clairement vu ça comme une rébellion. C’était une rébellion contre le jazz qui était rigide et usé ; l’innovation dans le jazz s’est un peu arrêtée. C’était aussi une rébellion contre les gens dans le monde du metal qui étaient très conservateurs et pensaient que tout ce qui n’avait pas un putain de pentagramme ou toutes ces croix renversées n’étaient pas du metal. J’ai joué du saxophone sur l’album qui est sorti en 2010 d’Ihsahn, l’ancien frontman d’Emperor, l’un des plus grands groupes de black metal au monde, et beaucoup de gens ont adoré cet album mais ceux qui n’ont pas aimé ont détesté la « trompette », ils disaient. Ca me prouvait que les gens sont vraiment putain de stupides ! Ce n’est pas une putain de trompette ! C’est juste que ça n’est pas une guitare ! Ça ne veut pas dire que c’est une trompette ! Donc Blackjazz était aussi un peu une rébellion contre les fans de metal stupides et conservateurs [petits rires].

Les chansons « House Of Warship », « House Of Control » et « Church Of Endurance » semblent liées. Le sont-elles ?

Ouais, comme je l’ai dit, tout l’album a été créé de façon à ce que tout soit lié. Et les titres sont une manière de lier. Tu vois, « House Of Warship » et « House Of Control » sont liées par les mots « House Of » et « Church Of Endurance », c’est un… Le titre « House Of Warship », tu pourrais sans doute t’attendre à ce que ce soit « House Of Worship », comme dans « vénérer un dieu » (NDT : « worshiping a God », en anglais), alors que j’ai changé ça en « warship » (NDT : navire de guerre), et une église (NDT : « church » en anglais) est un endroit où tu vénères. J’aime inter-changer les choses et les relier. J’aime aussi prendre une mélodie provenant d’une chanson et l’utiliser dans une autre chanson ou la changer, la jouer à l’envers… Nous avions un album en 2005 qui s’appelait In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster, et puis lorsque nous avons sorti notre nouvel album, en 2007, la première chanson de l’album s’appelait « In The Kingdom Of Kitsch You Will Be A Monster ». Généralement, la chanson qui porte le titre de l’album est sur l’album en question, alors que nous, nous l’avons mise sur un autre album. J’imagine que j’aime ce genre de choses, et c’est probablement pourquoi tu as le sentiment que ces trois chansons sont liées. Mais comme je l’ai dit, elles ont aussi été composées de manière à ce qu’elles donnent l’impression d’être liées.

Comme tu viens de le dire, tu aimes emprunter des parties d’autres chansons pour les utiliser dans de nouvelles chansons. Donc, est-ce que cette partie intense, un peu névrosée, qu’on entend vers la fin de « Burn It All » serait une référence à « The Madness And The Damage Done » ?

Ouais, et le martèlement de la partie de batterie [il chante le rythme], ce sont exactement les mêmes parties que l’on trouve dans « The Madness And The Damage Done ». Je pense aussi que nous avons peut-être le [il chante un rythme disco]… Même si je ne m’en rappelle plus, il se peut qu’il y ait un groove un peu disco à la fin de « Burn It All ». Je sais que fut un temps j’en avais un ! [Petits rires] Je ne suis pas sûr s’il a fini sur l’album ou pas ! Mais c’est la même chose que sur « The Madness And The Damage Done ». Et lorsque j’ai écrit « Burn It All », j’essayais de combiner « Fisheye » et « The Madness And The Damage Done ». [Il chante le rythme de « Burn It all »], c’est un peu comme le groove de « Fisheye ». Donc ouais, c’est un autre exemple où je mélange des choses. Et parfois même, j’emprunte à d’autres artistes ! Les deux chansons « Admittance » et « House Of Warship », je ne parlerais pas d’ « emprunt » mais c’est inspiré d’une chanson intitulée « Tribute To Trane » de George Garzone, sur un album qui s’appelle The Fringe In New York. Je ne suis pas certain que tu dirais que c’est… Ça ne sonne pas pareil mais la façon dont c’est composé, les accords et la façon dont le saxophone est joué, si tu prends cette chanson et tu échanges le piano et le vibraphone par de la guitare distordue et la contrebasse par notre basse distordue, évidemment les accords sont différents, mais ça donnerait à peu près le même type de chanson. Il y a un autre exemple sur la chanson « The Last Stand ». C’est difficile d’identifier exactement d’où viennent les idées mais je trouve que le groove de cette chanson fait très Nine Inch Nails. C’est le même genre de tempo qu’on trouve chez Nine Inch Nails, c’est la façon dont Trent Reznor compose les motifs rythmiques et [il chante le riff] est assez proche de « The Hand That Feeds ». Ce n’est pas la même chanson mais le [il chante un riff en deux parties], la seconde partie vient de cette chanson. Des trucs comme ça. Ce ne sont pas les mêmes riffs mais je sais exactement d’où les idées proviennent.

J’allais justement te dire qu’on peut entendre dans votre musique de nombreux éléments, que ce soit vocaux ou dans les parties, qui sonnent vraiment inspirés par Nine Inch Nails ! Est-ce que tu as un rapport particulier au travail de Trent Reznor ?

Notre producteur Sean Beaven a produit Pretty Hate Machine, il a enregistré « Hurt » sur The Downward Spiral, il a mixé certains de ces trucs, il a été ingé son live de Nine Inch Nails pendant plusieurs années, il a produit Antichrist Superstar et Mechanical Animals de Marilyn Manson… Il faisait partie de cette scène représentée par Manson et Nine Inch Nails dans les années 90 et il en fait toujours partie. Il a produit un album de Manson il y a quelques années (NDLR : The High End Of Low, en 2009). Donc le lien sonore vient aussi de sa façon particulière de mixer. Et ça vient aussi du fait que j’aime ce son. Lorsque j’enregistre et compose, j’incorpore certains de ces éléments dans mes compositions et les sons. Et dernièrement j’ai été bien branché par leur musique aussi. Je n’écoutais pas lorsque j’étais plus jeune mais j’ai écouté à partir de 2008. Cet album est un peu un hommage aux trucs industriels des années 90. Il y avait d’ailleurs une partie de refrain dans « Thousand Eyes » qui sonnait beaucoup comme du Ministry mais nous l’avons changée, donc elle n’y est plus. Ministry, Nine Inch Nails et Marilyn Manson, cette époque où ils étaient nouveaux et construisaient ce nouveau monde, je trouve qu’on y trouve vraiment plein de super choses.

Shining @ Trolltunga

« [Blackjazz] était une rébellion contre le jazz qui était rigide et usé [et c’]était aussi un peu une rébellion contre les fans de metal stupides et conservateurs [petits rires]. »

D’ailleurs, sur « The Last Stand » ton chant sonne très Trent Reznor, et puis il y a cette partie de clavier dans « Burn It All » qui sonne aussi très Nine Inch Nails…

Le synthé d’ouverture ? Ouais, c’est très facile de sonner comme ça ! Si tu prends un synthé des années 90… En fait, c’est juste un Oberheim 1000, c’est un synthé des années 90, et si tu joues avec ça, tu sonnes tout de suite comme le Nine Inch Nails des années 90 ! [Rires] Si tu ajoutes un effet stereo spread d’un Eventide H3000 avec ce que l’on appelle un micro pitch shift, je crois que c’est le patch 236 ou quelque chose comme ça… Bref, c’est un preset très classique sur une unité que ces groupes utilisaient. Tout le monde l’utilisait mais surtout Nine Inch Nails et Marilyn Manson, et ils avaient cet effet constamment sur leur voix. Donc voilà ! T’es de retour dans les années 90 à faire du rock industriel ! [Rires] Pour ce qui est de cette ouverture, cette ligne de basse, je ne l’ai prise nulle part. Je ne crois pas que tu trouveras une chanson de Nine Inch Nails qui comporte quelque chose qui y ressemble mais le son est complètement dans une veine industrielle des années 90 à cause du synthétiseur.

J’ai lu que tu écoutais toutes les musiques pop américaines qui sortaient, comme Nicki Minaj, pour te maintenir à la page sur les nouvelles méthodes de production. Peux-tu nous en dire plus là-dessus et ce que tu en retires ?

Tout d’abord, il y avait l’EDM ou le dubstep, avec Skrillex et des choses comme ça, ils ont commencé à utiliser des basses synthétisées distordues baptisées Massive, et c’est vraiment distordu, avec une large enveloppe, ça fait comme wahwahwahwah… Et après ça, ils ont commencé à utiliser des synthétiseurs de basse plus modernes, le truc du pitch shift stereo spread dont je t’ai parlé et qui est devenu populaire. Ça m’a donné des idées. Lorsque j’ai entendu ça, je me suis dit : « C’est un son de synthé vraiment sympa ! Il faudrait peut-être que j’essaie de mon côté. » En l’occurrence, le synthétiseur de Skrillex que j’ai mentionné, Massive de Native Instruments, dès que je l’ai entendu, j’en ai acheté un et je trouve que ça sonne super avec Shining aussi. C’est une question de rester actuel par rapport à la façon dont la musique populaire est masterisée : comment la musique sonne, quel niveau d’aigus ils ont, quel niveau de basses ils ont, quel niveau sonore ils ont, quel niveau de saturation ils ont, comment cette musique moderne sonne… Je ne dis pas que tout le monde doit sonner comme ça mais lorsque tu reçois un master qu’on t’as envoyé, tu dois décider si c’est bien ou pas. Peut-être que tu te dis qu’il n’y a pas assez de basses ou d’aigus, et c’est toujours bien de savoir ce qui se fait, savoir si tu vois juste ou pas. En gros, être à la page t’aide à prendre plein de décisions, je pense. C’est difficile de te donner des exemples concrets, mais ça aide de rester à la page et c’est inspirant. Certaines des nouvelles musiques sont plutôt pas mal, tu sais ! [Petits rires]

Penses-tu que la musique pop est injustement méprisée par les metalleux ?

Ouais, je le pense. Je pense que c’est peut-être une question, pour les metalleux, de… Je crois que ça leur donne l’impression d’avoir un ennemi contre lequel s’unir, ça leur permet de se resserrer. C’est pareil dès que les Etats-Unis commencent une guerre, soudainement ils arrêtent de se chamailler sur des affaires internes et toutes les choses sur lesquelles ils se chamaillent habituellement, car tout d’un coup ils ont un ennemi ! On a pu voir ça dans les guerres à travers l’histoire. Dès que l’Allemagne a commencé la Guerre Mondiale, tout d’un coup l’Allemagne était unie. Et je pense que c’est pareil avec les gens dans le metal : lorsqu’ils ont un ennemi, ils se sentent plus forts, plus unis entre eux. Mais je pense que ce n’est pas nécessaire.

Quelle est ta musique pop préférée ?

J’aime Eminem, en l’occurrence. J’aime Brad Paisley, c’est un musicien américain de country. Ces deux-là sont probablement mes musiciens de pop préférés. Aucun des deux n’est vraiment de la pop, l’un fait de la pop country et l’autre du hip-hop pop [petits rires]. Donc Eminem et Brad Paisley !

Une chose que l’on peut remarquer, c’est que tous les albums Blackjazz possèdent neuf chansons. Je ne peux pas croire que c’est une coïncidence, dans la mesure où je sais que tu es un dingue de nombres. Donc, qu’est-ce que ce nombre représente pour toi ?

[Rires] Le neuf a toujours été mon nombre préféré depuis que je suis gosse. Je ne peux pas vraiment dire que c’est la raison mais c’est un fait, que lorsque j’étais gamin, le nombre neuf était mon préféré. C’est intéressant ce que tu dis [petits rires].

Est-ce que ça veut dire que tous les albums de l’univers Blackjazz auront neuf chansons ? Supposons que tu aies une dixième chanson, est-ce que tu la mettras de côté ?

[Rires] Il y avait quelques autres chansons sur le vinyle de l’album Blackjazz. Il y avait quelques pistes bonus, l’une s’appelait « RMGDN » et l’autre était juste une version rallongée de « Fisheye », je crois. Mais il y a un truc dans le fait d’avoir neuf chansons qui me donne l’impression que… C’est un bon nombre ! Ça ne fait pas trop, ce n’est pas trop peu non plus. C’est juste ce que je ressens ! Je ne peux pas vraiment… Je ne me suis pas vraiment posé pour mettre en place une règle selon laquelle chaque album que nous sortons doit avoir neuf chansons. En fait, c’est un peu une coïncidence mais je pense quand même que quelque chose se produit lorsque ça passe à dix, ça devient soudainement un peu excessif.

Shining @ Trolltunga

« Pour te dire la vérité, j’avais peur que quelqu’un tombe dans le vide et se tue ou que toute la falaise se brise, car il n’y a jamais eu de concert là-dessus, avec autant d’équipements et de basses fréquences. »

Cet été, vous avez joué à 700 mètres de hauteur sur le rocher de Trolltunga. La vidéo et les images sont vraiment impressionnantes ! Comment vous êtes-vous retrouvés à faire ça ?

Un gars qui vit dans le coin nous a proposé de le faire. C’est lui qui a eu l’idée d’organiser un concert là-haut. J’ai tout de suite pensé que c’était une super idée mais je me suis aussi dit que ça allait être très onéreux et dangereux, et vraiment difficile à organiser… Et ça l’était ! [Rires] Et comme je l’ai dit, nous avions aussi le Hellfest et le Graspop les deux jours précédents, et j’avais peur que… Le but a toujours été de le filmer et j’avais le sentiment que nous devions nous rendre sur place la veille pour que ça puisse se faire. Mais nous ne pouvions pas décaler le jour du concert sur le Trolltunga et nous ne pouvions pas décaler les festivals, du coup nous avons dû faire avec. Donc nous avons pris l’avion le soir après le show en Belgique, au Graspop. Nous avons volé jusqu’à Bergen et conduit toute la nuit jusque dans la montagne, nous avons dormi quelques heures et puis nous nous sommes levés le matin pour prendre l’hélicoptère et nous rendre sur place. Mais avant ça, nous avons passé environ deux mois à planifier tous les putains de détails : quelles longueurs de câbles il fallait, quelles étaient toutes les petites choses que nous devions amener là-haut, les tailles et le poids de tout ça, car nous devions nous assurer que ça pouvait rentrer dans l’hélicoptère. Tu sais, nous ne pouvions pas emporter trop de choses, car l’hélicoptère avait un espace limité, mais il fallait bien que nous ayons tout le nécessaire parce que s’il manquait un câble, ça aurait pris cinq heures à aller le chercher et le concert n’aurait pas pu avoir lieu ! Il a donc fallu prévoir beaucoup de choses, ça a coûté beaucoup d’argent et pour te dire la vérité, j’avais peur que quelqu’un tombe dans le vide et se tue ou que toute la falaise se brise, car il n’y a jamais eu de concert là-dessus, avec autant d’équipements et de basses fréquences. Mais tout le monde a survécu et tout a bien marché. On a pu avoir le film du concert. J’ai d’ailleurs terminé notre première vidéo officielle de ce concert, pour la chanson « Last Day ». J’ai édité la vidéo et Sean a mixé la musique. Je l’ai uploadé il y a quelques jours au label. Je ne suis pas certain quand ça sortira mais ce sera sûrement dans une ou deux semaines (ndlr : la vidéo se regarde ici). Ce sera donc formidable ! Et il est possible que nous finalisions le reste du concert. Nous avons joué trente-six minutes ou quelque chose comme ça. Nous avons juste joué, je crois, six chansons. Nous avons commencé à jouer et avons joué d’une traite jusqu’à la fin ; c’était comme un concert normal, seulement c’était dans un lieu très, très inhabituel.

Et qu’est-ce que tu as ressenti pendant le concert ? J’imagine que vous ne pouviez pas bouger comme dans un concert normal…

C’était une impression très étrange d’être là-haut. C’est là que ça m’a vraiment frappé. C’est très haut, c’est à 1100 mètres d’altitude, l’air est raréfié, il y a de la neige partout et lorsque l’on marche sur la falaise, il y a un vide de 700 mètres. Du coup, tu es pris de vertige mais j’ai pu passer quelques heures pour m’habituer à l’endroit. Lorsque nous avons joué, nous étions pleins d’adrénaline. C’est juste le truc le plus étrange auquel j’ai participé ! C’était filmé avec un drone et plein de caméramen, et d’ailleurs, au début du concert il y avait aussi l’hélicoptère qui nous survolait. Du coup, au début, il y avait un hélicoptère et un drone au-dessus de nos têtes, des caméramen, et des haut-parleurs qui envoyaient du son de partout. C’était vraiment, vraiment démentiel ! Je crois que ça m’a pris environ une semaine à m’en remettre après le pic d’adrénaline.

Est-ce qu’il y aura un DVD de l’événement ?

Je ne sais pas. J’ai été très occupé ces derniers temps avec cette vidéo et une autre vidéo, et nous sommes en train de finaliser les photos, les tournées et tout… Je n’ai donc pas… Finaliser cette vidéo a impliqué beaucoup de travail. Mais maintenant que je l’ai fait, je sais comment sont les images et ce qui fonctionne ou pas. J’ai presque terminé d’éditer la vidéo d’une autre chanson et si nous voulons faire quelque chose pour tout le concert, peut-être que nous n’aurions pas besoin de faire quelque chose d’aussi tape-à-l’œil ; on peut rester plus longtemps sur certains plans et tout. Peut-être que ça ne représente pas tant de travail, mais pour le moment, je n’en ai aucune idée… Je pense que ce serait super de rendre tout le concert disponible. Mais pour le moment, je ne sais pas. J’ai encore beaucoup de travail pour tout assembler. Il faut que ça ait l’air bien.

Quel serait le prochain endroit insolite où tu aimerais jouer ?

Je n’en ai aucune idée ! Il faudrait que ce soit sur la lune ou quelque chose comme ça ! [Rires] C’est assez difficile de battre un tel lieu !

Tu as une façon particulière de jouer du saxophone qui donne parfois l’impression que tu racontes une histoire, que ce soit sur une chanson comme « House Of Warship » ou même certaines des interventions que tu as faites sur les albums d’Ihsahn. Est-ce ainsi que tu approches ton jeu au saxophone, comme une sorte de narration abstraite ou sans mots ?

Je suis content que tu dises ça ! Le fait d’avoir commencé à chanter, je pense que ça a vraiment changé la façon dont je joue du saxophone. Parce que lorsque tu chantes, tu racontes vraiment une histoire, tu tiens tes notes plus longtemps, tu ne joues pas toutes ces notes, tu chantes juste quelques notes et je pense que ça m’a fait changer ma manière de jouer du saxophone. Je trouve que ça fonctionne bien avec la musique metal. J’adore aussi jouer des trucs rapides, je trouve ça marrant, mais je trouve aussi amusant de jouer d’une façon très chantante ou criée. J’aime les deux approches. Le fait de penser aussi comme un chanteur lorsque je joue, c’est la seule explication que j’ai.

Shining @ Trolltunga

« Je pense que tout le monde a un mec dingue en lui. […] C’est mieux qu’il ressorte pendant les concerts qu’à d’autres moments ! [Rires] »

Tu joues aussi d’autres instruments, comme la flûte ou la clarinette. Comment se fait-il qu’on ne les entend plus dans Shining ? Tu crois que ça ne conviendrait plus ?

Ouais… J’avais l’impression d’avoir déjà fait ça et puis, pour te dire la vérité, j’en ai marre d’avoir à emporter plein de trucs avec moi en tournée ! A un moment donné, je jouais du saxophone, de la flûte, de la clarinette basse, de l’accordéon, un synthétiseur électronique qu’on appelle EWI et de la guitare. Je jouais de tous ces instruments pendant nos concerts. C’était l’enfer d’amener tous ces trucs en tournée, les prendre, les reposer… C’est aussi pour des raisons pratiques. Mais je pense que la raison pour laquelle Blackjazz fonctionne si bien, c’est parce que nous n’avons pas inclus trop d’éléments différents. Nous avons quelques éléments de jazz, quelques éléments de metal et quelques éléments industriels, et c’est tout. Si tu inclus trop de choses, tu pourrais finir par te disperser.

Depuis que Blackjazz est sorti, on dirait que tu es devenu le saxophoniste à qui tout le monde fait appel lorsqu’ils ont besoin d’un saxophone ! Qu’est-ce que ça te fait de participer à toutes ces collaborations ?

Je trouve que c’est super d’être le saxophoniste que les gens appellent lorsqu’ils veulent un sax à la Blackjazz, ou un sax jazz metal. C’est une fierté pour moi. Je ne suis pas le seul à jouer du saxophone mais je pense avoir un style particulier que les gens reconnaissent et peut-être veulent dans leur propre musique. Comme tu l’as dit, j’ai joué avec Ihsahn sur quelques albums – d’ailleurs j’ai joué sur une nouvelle chanson avec Ihsahn la semaine dernière qui sera sur son nouvel album -, j’ai joué avec Marty Friedman, j’ai joué avec Devin Townsend et quelques autres projets qui ne sont pas encore sortis avec d’autres artistes et que je ne peux pas vraiment mentionner. Je trouve que c’est super, j’adorerais en fait plus.

Je sais qu’il existe un enregistrement de la chanson « The Madness And The Damage Done » avec Ihsahn au chant. Est-ce que tu vas enfin la sortir un jour ?

[Rires] Peut-être ! Les fichiers sont quelque part sur un disque dur. Il l’a enregistré et me l’a renvoyé, je crois qu’il était prévu que ça sorte sur un single avec autre chose et ça ne s’est jamais fait, et je ne l’ai jamais finalisée. Je ne sais pas ! Je n’en ai aucune idée ! [Petits rires] Peut-être, peut-être pas.

On sait que vous avez débuté en tant que groupe de jazz acoustique, et les deux premiers albums sont presque impossibles à trouver. As-tu déjà envisagé de les rééditer ?

Ouais, j’ai les droits sur les deux. Je possède les masters et j’ai tous les artworks qui sont prêts. Je pourrais les sortir quand je veux. C’est juste que je ne m’y suis pas encore mis. Si je trouve un moment où j’ai le sentiment que ça a vraiment du sens de les sortir, pour une raison ou une autre, alors je pourrais le faire. Mais pour le moment je me concentre sur le futur.

Est-ce que tu te verrais avec Shining refaire un album acoustique ?

Je ne crois pas que Shining fera à nouveau un album de ce genre. Je pense que nous sommes tombés sur quelque chose qui fonctionne super bien et, évidemment, nous allons probablement le développer et le changer un peu, mais je ne pense pas que nous reviendrons en arrière, vraiment. Je n’aime pas revenir en arrière ! J’aime aller de l’avant !

Ça ne te manque pas de jouer du jazz plus traditionnel ?

Ouais, parfois ça me manque. Mais je n’ai tout simplement pas le temps de faire tout ce que je veux ! Il y a plein de choses que j’aime faire et que je n’ai pas le temps de faire. Mais tu as raison, ça me manque mais ainsi va la vie. Lorsque j’étais gamin, je faisais beaucoup d’arts martiaux, du ju-jitsu et des trucs comme ça, et j’ai fait ça pendant dix ans. C’est quelque chose qui me manque vraiment. Je pense que ce serait la première chose à laquelle je me mettrais. J’avais d’ailleurs prévu de me mettre au krav maga il y a un mois mais je n’ai jamais trouvé le temps. Mais lorsque je reviendrai de tournée, je vais probablement me remettre aux arts martiaux.

Lorsqu’on te voit en concert, tu es presque effrayant avec ton attitude et tes expressions. Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête lorsque tu es sur scène ?

Je pense que tout le monde a un mec dingue en lui. Et peut-être que ce mec dingue ressort ! C’est mieux qu’il ressorte pendant les concerts qu’à d’autres moments ! [Rires]

Alors comment faisais-tu avant Shining ?

Probablement qu’il ressortait de temps en temps ! [Rires]

Interview réalisée par téléphone le 24 septembre 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Shining : www.shining.no.



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