Sidilarsen a vingt ans. Un bel âge où, malgré soi en tant que groupe, on fait le point et où les questions de type « Qu’est-ce que l’on va faire ? » se pointent. Indéniablement, l’envie est toujours là et le groupe peut compter sur son dernier album dont ils sont très fiers, Dancefloor Bastards, pour les propulser vers l’avenir. Avec un line-up vraiment stable, les Toulousains abordent le futur confiant, avec certes de nombreuses inquiétudes liées au climat politique actuel, mais toujours prêts à arpenter les scènes du monde entier (de Clisson à Moscou et pourquoi pas Barcelone) en étant motivés à l’idée de défendre des idées humanistes. Nous avons eu la chance de passer la journée avec eux lors de leur passage au Bus Palladium le 23 mars dernier. Alors montez avec nous et ruez-vous sur le dancefloor !
Lorsque nous calons cette journée, rendez-vous est pris pour 14H30 avec comme début de programme la mise en place du groupe de 14H30 à 15H. Et effectivement peu après 14H30 devant le Bus Palladium, le groupe et son équipe, ponctuels, déchargent le camion.
Camion qui est, sans hésitation aucune, l’élément le plus ennuyeux de leur statut de musicien comme l’indiquent David et Viber quand on les questionne à ce propos. Le camion et les kilomètres. Et même si David confie qu’au début de leur carrière route et camion étaient plutôt plaisants, Viber fait remarquer avec humour que quand tu connais toutes les aires d’autoroute, il vaut mieux ne pas compter les heures passées les fesses rivées sur les fauteuils d’un van. « Nous sommes des camionneurs ! ». La chanson « Go Fast » a d’ailleurs été écrite en réaction à cette situation explique David. Et le chanteur de reconnaître que Toulouse n’est pas forcément très bien située. En effet, le groupe est plus souvent dans le nord est de la France, en Belgique ou en Hollande et aimerait bien se développer en Espagne, dont Barcelone n’est qu’à trois heures de route de la ville rose. Pour l’instant, cela ne se fait pas. Viber explique qu’il leur faudrait jouer dans quelques festivals là-bas pour développer un minimum de notoriété sur laquelle s’appuyer ensuite.
Dans l’immédiat, Sidilarsen trouve son public au Benelux, en Allemagne ou encore en Russie, Russie où ils se sont produits récemment avec le groupe Severny Flot, grâce bien sûr à une envie du groupe et aussi suite à un travail de Samuel (batterie) qui a démarché là-bas depuis deux ans. Et même si au début il a fallu dire non à certaines propositions, le groupe a finalement trouvé un agent intéressant et a monté un échange avec Severny Flot, groupe russe assez connu dans son pays qui a ouvert pour eux sur cinq dates cet automne dont le Divan du Monde parisien. En échange, les Russes les ont fait jouer à Moscou et dans cinq villes différentes, dans des conditions très agréables et une ambiance fraternelle face à des salles combles. A Moscou, les Sidi se sont produits dans une salle type Olympia, devant deux mille personnes. Et le public russe est totalement en découverte, très avide, ce qui est du pur plaisir pour les musiciens.
Ces derniers ont d’ailleurs été touchés par l’intensité du retour de spectateurs nettement plus impliqués, plus enthousiastes qu’en France, et qui profitent à fond de l’espace de liberté qui leur est offert pendant le concert. Conséquence : le public restitue fois dix ce que le groupe peut leur donner sur scène.
Quant à la situation politique interne de la Russie, le groupe n’y a pas été vraiment confronté. Parce que la tournée ne leur a pas non plus laissé le temps de flâner et parce que Severny Flot les a accueillis dans de bonnes conditions, évitant de jouer dans des bars de seconde zone. Et aussi parce qu’ils n’y allaient pas dans un esprit politique ou revendicatif qui aurait été déplacé mais dans la générosité, l’envie de partager. Evidemment, ils ont ressenti des choses mais de très loin. Et étonnamment, leurs hôtes russes, qui n’hésitent pourtant pas à dénoncer la situation en Ukraine par exemple, donc pas totalement dociles, leur ont expliqué que la Russie était un si vaste pays que seul un gouvernement autoritaire pouvait la gérer. Sidilarsen ayant apprécié son escapade russe continue à développer sa notoriété soviétique avec deux autres dates, à Saint-Pétersbourg et à Moscou dans le cadre du festival PolygonFest, respectivement les 22 et 24 juin.
Juin sera donc bien occupé avec le premier passage du groupe au Hellfest ! Les chanteurs confient être très heureux de participer enfin à cette célébration qu’est le Hellfest qui a une place spéciale dans le coeur des gens et dans les médias. Leur position sur la Mainstage en début de festival ne les gêne pas. C’est leur premier passage, c’est déjà bien ! Ils comptent tirer tout le parti de cette belle opportunité qu’ils voient aussi comme une reconnaissance. Et David de plaisanter sur la séance de gymnastique matinale qui leur est offerte ! Effectivement, il faut courir sur une Mainstage assurément !
Russie, Clisson, c’est bien de voyager mais il est temps de revenir à Paris, 6 rue Pierre Fontaine. Il se passe des choses. Plus exactement, un problème technique de taille est à résoudre. De taille de scène par rapport à la vidéo. Pour l’instant, les installations vidéo ne peuvent pas être mises en place même si, au vu de l’ambiance plutôt club du mythique Bus Palladium, Sidilarsen a emmené sa configuration minimaliste, celle qui leur permet de proposer quelque chose d’intéressant même dans des petites salles et qui, même s’ils ne l’utilisent pas souvent, a fait ses preuves en Hollande par exemple. David ne lâche pas l’affaire et obtient gain de cause : la scène est agrandie. Il est 15H et Antoine le régisseur du Bus, s’attelle à installer trois rallonges. Avec tout le matériel du groupe qui a été déchargé et qui trône au beau milieu de la salle, il faut un peu jouer à Tetris mais David est satisfait de pouvoir proposer un show complet. Et les rallonges auront une autre utilité bienvenue : Rico, le manager du groupe, pourra y ranger toutes les boites de matériel dessous !
Pendant que la scène gagne quelques centimètres, David s’occupe de l’installation des écrans et Samuel installe sa batterie. Et David de demander au reste du groupe de prêter main forte. Lui part installer le stand du merchandising. Ca y est la ruche est à pied d’œuvre, prête à peaufiner chaque détail, un écran pas totalement droit par exemple. Viber et David confieront d’ailleurs être très perfectionnistes, obligés d’être carrés pour ne pas perdre de temps, pour que tout soit fluide. Ils peuvent s’appuyer sur une équipe compétente qui sait aussi travailler dans la convivialité. En plus les Sidilarsen ont leur propre matériel ce qui leur permet d’être autonomes, autonomie qu’ils apprécient. Ce soir, ils se produisent dans une salle de taille de capacité minimale au niveau scène. Habituellement les écrans sont plus grands et ils installent des visuels qu’ils ne peuvent pas utiliser ce soir. Viber explique qu’ils se sont posés la question de conserver leurs installations quand ils jouent sur des scènes trop petites et qu’ils ont opté finalement pour cette configuration alternative qui permet de présenter un show particulier, inédit pour un petit lieu. Un choix qui, comme indiqué ci-dessus, a très bien fonctionné dans des clubs en Allemagne ou en Hollande.
Le Bus Palladium est effectivement un club, au cachet indéniable, haut lieu des nuits parisiennes depuis les années soixante. Un bar est sur la droite de la salle, tandis qu’une espèce de salon se tient sur le côté gauche. Des énormes poteaux carrés sont recouverts de pochette de disques. Une belle exposition de talents : Bowie, Soundgarden, Black Sabbath, les Stooges ou encore Nirvana. Nirvana qui est un des artistes que les deux chanteurs citent quand on leur demande quel morceau de rock ils auraient aimé avoir écrit. Viber ajoute aussi « Paint It Black » des Rolling Stones tandis que David cite « Tostaky » de Noir Désir en évoquant son riff tellement incroyable.
A propos de riff et de guitare, dans la salle les choses continuent à avancer. On voit les pédaliers des guitares sortir des boites. Et il faut trouver un ventilateur pour refroidir l’ordinateur que gère Samuel pour piloter les effets. Il est 15H. 16H le son arrive, il faut marquer les emplacements des rétroprojecteurs. Rico s’y emploie. Une somme de détail en quelque sorte. Rico qui veille au grain, rappelle que les modifications de scène ont demandé du temps et qu’il faudra accélérer les balances. Il se trouve heureusement que Shaarghot, la première partie du soir, arrive une heure plus tard que l’horaire prévu initialement. Une heure donc de gagné pour les Toulousains. 16H23, les premiers tests micro sont réalisés. 16H30, Rico rappelle qu’il reste une heure pour les balances.
Dans son pédalier, en plus de ses pédales, Benjamin « Benben » Lartigue a une setlist. Une setlist dans laquelle David explique sans prétention aucune qu’avec six albums, ils peuvent désormais mettre la crème de la crème de leurs morceaux, les plus efficaces sans oublier de glisser des titres plus inattendus pour donner un peu de relief. Viber souligne que finalement le groupe tombe assez vite d’accord sur la liste des morceaux à jouer.
17H. Après la batterie, les guitares et la basse interviennent et les balances promettent un gros son. La salle va trembler ! Si toutefois Colin, l’ingénieur du son, arrive à débarrasser les musiciens d’un bruit qui les dérange vraiment. Fort heureusement, il y arrivera. Sidilarsen s’appuie sur « Back To Basics » pour avancer les balances. Toujours un plaisir d’écouter les titres d’un groupe de cette manière privilégiée, dans cette ambiance « balance ». Les musiciens utilisent aussi « Walls Of Shame » et « Le Jour Médian » issus du dernier album que les Sidis avaient hâte de défendre sur scène comme l’explique Viber. Le chanteur d’ajouter qu’ils en sont arrivés au point où les morceaux ont pris leur essor sur scène, que les titres sont enfin libérés en concert, et eux avec. David constate de plus un vrai tournant sur la scène metal avec cet album ; les gens qui avaient du mal à comprendre Sidilarsen et sa musique jusqu’à présent sont désormais plus attentifs, les médias et la presse metal s’intéressent plus à eux. Et d’étayer ce sentiment avec leur aventure en Russie ou encore leurs passages au Hellfest ou à l’Xtrem Fest.
Il est très exactement 17H49 quand les balances se terminent et que Viber et David nous accordent avec une grande gentillesse une demi heure d’interview dans le fumoir qui se trouve à l’étage du Bus Palladium, heureusement désert à cette heure-ci. C’est l’endroit le plus éloigné de la scène où Shaarghot libère ses décibels pour sa balance. Antoine, le régisseur du Bus, veille désormais au grain et demande au groupe, à 19H45, d’accélérer car la salle ouvre à 20H.
Les premiers spectateurs qui entrent dans la salle peu après 20H15 découvrent les installations de la première partie : pied de micro fait de tuyauterie et de plomberie, installations sur les côtés avec des barbelés – qui ne résisteront pas tout le concert -, ventilateurs qu’H.R Giger n’aurait sûrement pas renié, tonneau – qui sera jeté en slammeur sur le public durant le concert -, jerrican. Une vraie scène industrieuse. Ce soir, Sidilarsen n’a pas choisi sa première partie contrairement à ce qu’ils avaient pu faire à Grenoble récemment ou au Divan du Monde il y a quelques années en lançant un concours. Et même si le côté compétition ne plaît pas trop aux chanteurs, ils apprécient d’aider les jeunes groupes par ce biais. Ceux qui ne sont pas retenus profitent quand même d’une exposition auprès des fans de Sidilarsen.
Le groupe monte aussi sur Toulouse des concerts et des découvertes metal par le biais de l’association Antistatic. Une belle façon d’aider les nouveaux groupes qui montre que l’implication de Sidilarsen va au-delà de la simple musique. Les Toulousains ont toujours été concernés par le monde qui les entoure dépassant le simple cadre du divertissement comme quand il y a quelques années, ils incitaient les jeunes à voter. Ils restent toujours concernés par le climat actuel de notre beau pays et la montée des extrémismes leur fait peur. Tout comme ce glissement de notre époque où être humaniste, anti-facho, anti-homophobie, anti-misogynie semble parfois devenir une exception.
Les chanteurs le constatent notamment chez les jeunes qui affichent de plus en plus ouvertement des opinions plutôt angoissantes, alimentés par de la désinformation, de la fausse information. David explique, attristé, révolté, que maintenant quand tu prônes des valeurs humanistes, de respect des autres, homosexuels, femmes, etc, tu te fais traiter de bisounours ou de sale gauchiste. « Maintenant, j’y vais cash » indique le chanteur « Oui je suis un sale gauchiste, je suis un bisounours ! ». Et le groupe de rester néanmoins ouvert à la discussion avec des gens d’opinion différente, sans tomber dans une moralisation stérile et en posant des limites quand par exemple quelqu’un arrive avec des visions fascisantes pour ne pas hésiter à lui dire que ses idées sont mauvaises.
Le combat des Sidi se situe actuellement sur l’information : comment et où aller chercher l’information, comment éviter le piège de la désinformation, des fausses informations, des informations à chaud diffusées extrêmement rapidement surtout dans notre époque marquée d’attentats. Même si David reconnaît une responsabilité des mass media sur l’information prodiguée (on l’a vu récemment avec TF1 qui invite à débattre uniquement cinq candidats à la présidentielle au mépris de l’équité réclamée par une démocratie), il alerte sur le gros danger d’internet et des réseaux sociaux, Twitter par exemple. Une fausse information est si vite diffusée, relayée et s’avère même après pléthores de démentis difficile à faire sortir de la tête des gens qui l’ont consommée en première approche sans chercher plus loin.
Et Viber de continuer dans cette idée, expliquant que malgré tout, un journaliste est tenu à une certaine vérité par rapport à ce qu’il dit, par rapport aux gens dont il parle. Une erreur peut arriver évidemment mais il est tellement plus facile de faire des papiers sur le Net, caché sans dire son nom. Donc oui, les Sidi ont la noble envie d’attirer l’attention des jeunes sur comment bien s’informer, laissant ensuite chacun libre de ses opinions, sans juger que leur propre opinion vaut plus que celle de n’importe quel citoyen. Gageons qu’ils apportent leur pièce à cet édifice de lutte contre la surinformation actuelle et ses pièges, essayant d’éviter que le peuple ne gobe tout et n’importe quoi nourri par on ne sait quelle peur. Un homme ou une femme bien informé en vaut deux assurément !
Parlons maintenant des concerts les ami(e)s.
Artistes : Sidilarsen – Shaarghot
Date : 23 mars 2017
Salle : Bus Balladium
Ville : Paris [75]
Dans l’immédiat, Shaarghot monte sur scène. Il est 20H45, le concert démarre. Ultra efficace tant musicalement que visuellement, corps badigeonnés de peinture et autres lentilles bizarres, avec une animation scénique bordélique et maîtrisée. Une déflagration. En deux secondes les pogos démarrent et ne cesseront jamais. Le chanteur obtiendra même un wall of death. En un peu moins d’une heure, le groupe aura retourné le Bus…et laissé des marques. Beaucoup de visages sont noircis par les caresses du chanteur et sa peinture qui laisse quelques souvenirs. Mais qui part à l’eau rassurez-vous !
Avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu – la première partie a légèrement débordé – Sidilarsen attaque en proposant de « Retourner la France » et par la même le Bus Palladium. « Back To Basics », énorme, continue d’enfoncer le clou de ce concert démarré pied au plancher. Gros son, musiciens impliqués, tout va bien de ce côté. A déplorer tout de même une salle qui s’est quelque peu vidée, la fosse est quand même légèrement moins pleine pour les Toulousains. « Guerres A Vendre » rencontre un beau succès auprès d’un public très motivé qui entonne des « Sidi ! Sidi ! » spontanément. Et quelques « A Poil » auxquels David réplique avec humour que le groupe ne se déshabillera pas tant que tout le public restera habillé !
Ambiance bon enfant donc mais concernée : David précise que personne ne pourra les retenir, aucun terroriste, aucun raciste, aucune élite égoïste. Et de dire un mot sur Trump avant « Wall Of Shame », sur les murs qu’il fait construire, précisant que le groupe lui est là pour construire des ponts. Le chanteur invite d’ailleurs le public à réaliser un wall of death pour symboliser ces murs de la honte. Après un court solo de batterie, les titres se suivent mais ne se ressemblent pas. Le lourd « Go Fast », le relevé « On En Veut Encore », le plus lancinant « I Feel Fine », l’excellent « DanceFloor Bastards » ou le joli « Frapper sur La Terre » nous emmènent de belle manière vers la pause rappel.
« Est-ce que tu es prêt à vibrer ? » demande David de retour sur scène avec ses acolytes. Et « Comme On Vibre » de rencontrer un gros succès auprès des fans. « C’est peut-être le seul risque à faire des concerts de metal, prendre du plaisir ! » indique le chanteur avant de remercier Mass Hysteria, No One Is Inncocent, Black Bomb Ä et de demander au public de faire du bruit pour la scène française. Des remerciements seront aussi adressés au Bus Palladium, au public avant de clore la soirée sur « Des Milliards » et ses paroles sans équivoques « Nous sommes des milliards contre une élite, impossible qu’ils nous évitent ». Sur les écrans, défilent d’innombrables photos d’identité qui représentent ces milliards. Le concert se termine vers 23H45 avec les fans reprenant a capela les paroles militantes de ce dernier morceau.
Un set impressionnant après une journée fort sympathique.
Reportage et photos : Loic « Lost » Stephan.