Sigh est synonyme d’entrain. Entrain à propos de la mort, de la morbidité, du macabre et de toutes ses variantes. Le groupe prône une forme de légèreté autour des thèmes autrement malsains, à l’image d’un The House Of 1000 Corpses de Rob Zombie et de l’inénarrable sourire du Captain Spaulding. Surtout, Sigh est exubérant. À un degré rarement atteint. Si l’on ne sait jamais vraiment comment aborder un opus des Japonais, une chose est absolument certaine : Graveward, successeur d’In Somniphobia (2012) est déluré. Complètement déluré.
Que les aficionados du groupe soient rassurés, c’en est bel est bien terminé des enregistrements « à la friteuse » (en lo-fi, selon certains canons des puristes du black metal). Graveward s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur sur une base davantage heavy que black. Si la production n’est pas exemplaire et est assez mièvre notamment concernant les basses, Sigh arrive tout de même à rendre justice à la myriade d’arrangements, même si quelques lignes de claviers risquent de provoquer des acouphènes (particulièrement sur la fin de « The Tombfiller »…). Surtout, Sigh démontre encore l’étendue de ses (trop ?) nombreux talents.
L’album s’ouvre avec « Kaedit Nos Pestis » sur des envolées à la Yngwie Malmsteen avant de s’en aller swinger. Et se termine sur « Dwellers In A Dream » qui se la joue Rainbow/Deep Purple sur un entrain quasi punk et orchestrations façon big band. Les très thrash « The Forlorn » et « Out Of The Grave » démontrent une science du riffage traditionnel à la Slayer, avant de laisser place à des lignes de claviers et arrangements électro sous acides. La plupart des soli de l’album correspondent à ce que Insomniphobia laissait prévoir : un feeling résolument heavy et entraînant sur « A Messenger From Tomorrow » et « Dwellers In A Dream ». Graveward se veut d’ailleurs plus grandiloquent, en témoigne les passages de cordes, cuivres (comme sur la chevauchée nippone « The Tombfiller ») ou autres instrumentations, et surtout de chœurs (« The Trial By The Dead », « Out Of The Grave »). La voix participe à façonner les multiples visages de Sigh, tantôt mélodique sur le refrain de « Graveward » ou agressive sur « Kaedit Nos Pestis ». Elle est même parfois digne d’un générique d’animé de Shonen (« The Tombfiller », encore une fois…) quand elle n’use pas du vocodeur sur l’émotionnel « A Messenger From Tomorrow », où semble par ailleurs s’inviter le robot R2D2, car même dans les moments de grâce Sigh ne peut s’empêcher de paraître décalé.
Dans l’univers de Sigh, il faut s’attendre à tout. Et certes, Sigh est divertissant et a une approche résolument barrée de sa musique, très cinématographique, au final, à l’instar de l’introduction de « The Molesters Of My Soul ». Seulement, tout aussi imprévisible qu’il est, il ne surprendra plus vraiment les habitués. Si l’évolution musicale entre Scenes From Hell et In Somniphobia était sensible, Graveward fait directement écho à l’opus précédent, et les quelques variétés qu’il apporte ne suffisent pas à amoindrir cette impression de « déjà-vu » dans leur discographie. Quand bien même, les Japonais ont ce don d’exceller dès lors qu’il s’agit de faire fi des restrictions inhérentes aux genres et de nous amener hors de notre zone de confort. La musique de Sigh ne souffre d’aucun complexe et a presque un côté parodique de la gravité des thèmes abordés. Graveward démontre cependant que le talent de composition est réel, si tant est que l’on arrive à suivre ce qui est proposé. Ce qui, même au terme de dizaines d’écoutes, n’est pas une mince affaire.
Ecouter les titres « Kaedit Nos Pestis », « Graveward », « The Tombfiller », « The Forlorn » et regarder le clip de « Out Of The Grave » :
Album Graveyard, sorti le 13 avril 2015 via Candlelight Records.
Putain ! Il y a du chemin parcouru depuis leur premier album. Vraiment à écouter de toute urgence et sans apriori.
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