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Chronique   

Silver Lake – Silver Lake


La pandémie a tout de même quelques aspects positifs. La mise en pause forcée de l’activité musicale a permis à certains musiciens de grandes formations de réaliser des projets souhaités de longue date, eux qui n’avaient jamais eu le temps de les concrétiser auparavant. Esa Holopainen, guitariste lead d’Amorphis, avait besoin de cette interruption pour donner vie à son projet solo sur les conseils du producteur finlandais Nino Laurenne. L’objectif de cette entreprise – intitulée Silver Lake pour rendre justice à tous les collaborateurs du guitariste – était de mettre en avant les talents d’écriture de ce dernier. Silver Lake prend ses distances avec les frasques techniques auxquelles peuvent s’adonner les guitaristes en solitaire. Il rejoint une démarche concernée avant tout par la qualité de la mélodie, sans les contraintes imposées par Amorphis.

Silver Lake profite d’une production suffisamment polyvalente pour concorder avec les multiples facettes de sa musique. L’introduction instrumentale éponyme de l’opus respecte une tradition mélodique nordique, sorte d’amalgame entre leads épiques, arrangements folks et dimension presque orchestrale. De quoi introduire sans brusquer les premiers accords de « Sentiment » et l’élégance du phrasé de Jonas Renske (Katatonia) qui prouve à nouveau son aisance à rendre chaque progression acoustique gracieuse. Preuve en est, Jonas Renske est le seul chanteur à avoir le privilège de s’illustrer sur deux compositions avec « Apprentice » tant sa participation a enthousiasmé Esa. Car Silver Lake n’est pas réellement l’œuvre d’un seul homme. Esa Holopainen joue le rôle de « catalyseur » de la créativité, s’adressant à une pléthore d’invités prestigieux en fonction des registres des chansons. Si la fibre harmonique et mélodique du compositeur est vite reconnaissable, notamment pour ceux se souvenant de la phase plus rock d’Amorphis, Silver Lake ne peut pas être considéré comme une simple extension de ce dernier. « Storm » profite d’une rythmique pop sautillante et de lignes de guitare minimalistes, deux éléments portés par le timbre de la star suédoise Håkan Hemlin qui évoque sans peine la majesté des paysages finlandais. « Ray Of Light » témoigne d’une culture musicale faisant écho aux années 80 avec un rock léger emmené par la batterie de Gas Lipstick (ex-HIM) et survolé par les aigus et la sensibilité à fleur de peau d’Einar Solberg de Leprous.

Esa Holopainen considère ses invités comme des « jokers » qui lui permettent de transcender les chansons. Le guitariste ne brille jamais pour lui-même, il cherche avant tout à mettre en valeur ses collaborateurs. « Alkusointu » est un changement brutal d’orientation musicale, Esa en revient à une guitare au son plus acéré, mais aux ardeurs largement modérées par la lenteur du tempo, précédant les élancées de saxophone et de claviers. La tonalité plus grave du morceau est due à la performance parlée de l’acteur finlandais Vesa-Matti Loiri, à l’instar de ce que Christopher Lee a pu réaliser pour Rhapsody. Les liens apparents avec Amorphis sont éclatants et logiques sur « In Her Solitude » qui accueille la voix de son frontman Tomi Joutsen. La structure fait des alternances typiques entre riffing heavy/voix death et refrain ouvert/voix claire, avec un développement instrumental progressif en guise de pont, en réalité peut-être le seul véritable calque contenu dans Silver Lake. L’énergique « Promising Sun » mené par Björn Strid de Soilwork permet à Esa de donner dans le riffing aussi rapide que grandiloquent, tout en se détachant à l’inverse du spectre de sa première formation. L’exécution perd en prestige lorsque le guitariste accompagne Anneke Van Giersbergen. Esa se contente d’une rythmique pop rock et un riffing basique qui ne profite pas des vertus de leur simplicité. Un écueil que la prestation sans éclat d’Anneke peine à relever.

Silver Lake réussit à dresser le portrait d’Esa Holopainen en tant que musicien accompli. Celui capable d’écrire, d’arranger et de structurer avant de briller par sa pratique instrumentale de la guitare et celui capable de collaborer sans brider. Esa Holopainen se met au service d’autrui, conscient que sa musique en sera bénéficiaire. Silver Lake peut s’aborder avec la curiosité qu’un amateur d’Amorphis peut avoir envers une entreprise d’Esa, il lui rendra en ouvrant les portes d’un univers où la mélodie est reine et qui interpelle par sa diversité bien davantage que par ses liens avec le groupe.

Clip vidéo de la chanson « Storm » :

Album Silver Lake, sortie le 28 mai 2021 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici



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