Parfois, il suffit d’un événement imprévu pour chambouler nos habitudes et nous remettre en question, souvent pour le meilleur. C’est plus ou moins ce qui s’est passé pour Epica qui a dû revoir ses plans suite à la grossesse de sa chanteuse Simone Simons (de là à dire que c’était vraiment « imprévu »… nous ne sommes pas dans le couple Simons/Palotai pour le savoir). En conséquence, pour son nouvel album The Quantum Enigma, le groupe a revu sa manière de fonctionner, sortant de la routine en s’engageant dans un travail davantage collaboratif et profitant pleinement du temps qu’il leur a été imposé hors des scènes. Le résultat est cet album à la production massive qui voit Epica recentrer sa musique et élaguer les surplus.
Nous avons profité de la venue du claviériste Coen Janssen et de Simone Simons sur la Capitale pour parler avec eux, entre autres sujets, de cette phase de conception particulière et décortiquer ce nouvel opus qui, sans doute, marquera un jalon dans l’histoire des Hollandais. L’occasion également d’évoquer plus particulièrement la grossesse de la chanteuse qui ne l’a certainement pas empêché de grimper sur les planches jusqu’à son cinquième mois, de quoi ravir l’instinct maternel de nos lectrices…
Radio Metal : Quel était votre état d’esprit lors de la composition de The Quantum Enigma ? Quel était votre objectif avec cet album ?
Coen Janssen (claviers) : Nous essayons à chaque fois de faire le meilleur album possible. Ce n’est pas comme si nous avions de longues réflexions à l’avance. Tout le monde écrit des mélodies, puis vient le moment où il faut créer un nouvel album. On s’échange nos idées et on essaie d’en tirer le meilleur parti. On a un contrôle limité sur le résultat final. On fait simplement en sorte qu’il soit aussi bon que possible.
Cet album a été apparemment marqué par une plus grande collaboration entre les membres du groupe. Aviez-vous un désir conscient de faire un album plus collaboratif que par le passé ?
Simone Simons (chant) : Dans le passé, nous avons toujours utilisé Internet comme moyen de communication. Comme nous avons tous un studio à la maison, nous écrivions les chansons chez nous et nous nous les envoyions les uns aux autres. Mais nous avons vraiment eu une bonne expérience avec le nouveau studio, Sandlane Recording Facilities (ndlr : studio basé en Hollande). Nous étions tous réunis et c’était très agréable. Nous avons beaucoup aimé le studio et nous avons composé ensemble là-bas. Ça paraît tellement évident à raconter, beaucoup de groupes font ça. Mais nous vivons loin les uns des autres, donc ce n’est pas facile pour nous. Cette fois, nous avons décidé d’être ensemble beaucoup plus souvent pour créer la musique. Pour cet album, tous les membres du groupe sauf moi – j’ai écrit les paroles – ont composé des chansons qui se sont retrouvées sur l’album. Les garçons se sont ensuite réunis pour les finaliser et faire en sorte qu’elles répondent à nos critères de perfection. C’était très sympa et, d’une certaine façon, rafraîchissant.
Coen : À nos débuts, il y a douze ans, nous faisions ce que font tous les groupes : on écrivait ensemble, dans une salle de répétition. Mais quand on tourne et qu’on joue beaucoup, on répète beaucoup moins. Grâce à Internet, on peut écrire des chansons et les envoyer aux autres depuis son salon. C’est devenu une habitude pour nous, mais ça nous a un peu déconnectés les uns des autres. Je dirais que la façon dont nous avons fait les choses cette fois-ci a porté ses fruits sur le résultat final. Les chansons ont plus des airs de chansons, les détails sont plus travaillés. Nous nous sommes plus amusés parce que nous étions tous ensemble, et ça s’entend.
Avez-vous le sentiment que, par le passé, les albums n’étaient pas assez collaboratifs ?
Oui. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de faire les choses différemment. Par exemple, sur Requiem For The Indifferent, je trouve que nous avons un peu perdu de vue la direction que les chansons devaient prendre. Elles sont devenues trop longues, trop… Je ne trouve pas le bon mot pour l’expliquer…
Simone : Trop inachevées ?
Coen : Oui. À un moment donné, on a complètement perdu le cap.
Simone : Pour cet album, nous avons également eu beaucoup de temps pour écrire et enregistrer. Je ne pouvais plus tourner à cause de ma grossesse. Avant, pour chaque nouvel album, nous étions toujours sur la route, et entre deux étapes de la tournée, il fallait écrire et enregistrer. C’était très stressant. Ensuite, nous repartions en tournée, nous recevions le mix et nous devions l’écouter dans les aéroports ! Je m’en souviens très bien. Pour cet album, nous avions un an entier sans tournée. Ça n’était encore jamais arrivé ! Après onze ans sur la route, c’est agréable de se poser, de se concentrer sur l’album et de repartir en tournée avec une énergie nouvelle et la motivation pour faire la promotion du nouveau disque.
Pour la première fois dans votre carrière, vous n’avez pas fait appel à Sascha Paeth pour la production, mais à Joost Van Den Broek. Aviez-vous aussi besoin de changement au niveau de la production ?
Coen : Oui, je crois que nous avions besoin d’un nouveau regard. Cela dit, Sascha a travaillé avec nous sur les chansons et les lignes de chant. De par notre bonne expérience dans le nouveau studio, qui se trouve en Hollande, nous voulions enregistrer là-bas. Nous aurions pu demander à Sascha de nous rejoindre, mais c’était plus simple de travailler avec Joost. Il connaît le studio et c’est un ami. Nous le connaissions déjà parce qu’il faisait partie d’After Forever. C’est un producteur qui monte, il a fait du très bon boulot avec ReVamp et d’autres groupes néerlandais. C’est un caméléon musical ! C’était vraiment rafraîchissant de travailler dans un environnement différent, avec des gens différents. Nous n’avons pas du tout exclu Sascha, qui fait après tout partie du groupe depuis le début. Mais tout s’est très bien passé.
Simone : Changer de décor est toujours utile pour se réinventer. Comme l’a dit Coen, Sascha est avec nous depuis le début, et Joost, lui, avait un regard complètement objectif. C’est toujours bon, pendant le processus d’écriture, d’avoir quelqu’un qui ne fait pas vraiment partie du groupe. Par exemple, quand on écrit une chanson et qu’un membre du groupe dit : « Il faudrait changer ça », on n’a pas toujours envie d’obéir. Il suffit que ça vienne d’une personne extérieure et objective pour qu’on soit plus enclin à sacrifier certaines choses. La personne extérieure a un aperçu de l’ensemble du tableau, tandis que nous avons tendance à être trop impliqués. Joost est très énergique, très positif. C’est un type très cool, c’était sympa de travailler avec lui.
On dirait que vous avez souhaité sortir de votre zone de confort et relever un défi avec cet album…
Tout à fait.
Coen : Bien sûr. Quand on fait ça depuis dix ans, il ne faut pas que ça devienne une corvée. Nous voulions faire quelque chose de nouveau. La grossesse de Simone nous a donné la possibilité de faire une pause et de sortir de notre zone de confort, si tu veux appeler ça comme ça. Je crois que ça s’est traduit par le meilleur album qu’on ait fait jusqu’à présent.
Simone : Nous avons pris des risques, mais quand on a passé toutes ces années à faire ses preuves, on peut se permettre de prendre des risques plutôt que d’emprunter la voie de la sécurité. Nous le sentions tous très bien et nous faisions confiance aux gens avec qui nous avons travaillé. Nous sommes aussi très satisfait du mixage réalisé par Jacob Hansen : il a tiré Epica un peu plus vers le haut. Nous avons une très bonne équipe avec nous aujourd’hui, et nous sommes totalement derrière The Quantum Enigma.
Coen : Si on me posait la question, je dirais qu’on fera pareil pour le prochain album.
Simone : Oui, même s’il faudrait que je sois à nouveau enceinte ! (rires) Je vais attendre un peu pour le deuxième ! En fait, il faudrait qu’on fasse une pause dans les tournées. Cette fois-ci, nous n’avons pas eu le choix. Nous étions en train de planifier toujours plus de concerts et j’ai appelé les garçons pour leur dire que j’étais enceinte. « Oh ! Super pour toi ! Merde, on ne peut plus tourner ! » D’une certaine façon, ce qui s’est passé était une bonne chose.
The Quantum Enigma est également le premier album avec Rob Van Der Loo à la basse. Le fait qu’il ait rejoint le groupe pour tourner il y a deux ans lui a-t-il permis d’être plus à l’aise avec ses membres et sa musique avant d’entrer en studio ?
Coen : Certainement. Il est évident qu’il faut apprendre à se connaître. Rob faisait déjà partie de Mayan avec Mark, Isaac et Ariën, et Simone avait aussi tourné avec eux. En fait, j’étais le seul qui devait apprendre à le connaître, même si nous nous étions déjà croisés sur les scènes hollandaises. Rob est un type très bien et un bassiste exceptionnel. Nous n’avons jamais douté de ses capacités en studio. Rob n’est pas quelqu’un qu’il faut pousser dans une certaine direction : il sait quoi jouer et comme le jouer. Il a également écrit trois chansons pour le groupe, et elles sont très bonnes.
Simone : La basse a une place plus importante dans le mix. Elle ne sert pas seulement à soutenir la musique, elle ajoute quelque chose. Elle apporte un certain groove à la musique. On entend que Rob est un bassiste à 100 %, et pas un guitariste qui aurait aussi appris la basse. Il est bassiste dans son cœur et ses reins, comme on dit en néerlandais ! Et il cuisine très bien ! Il cuisinait pour nous en studio, nous étions tous ravis ! (rires) J’adore la nourriture, donc ça a créé des liens entre nous. J’aime le cinéma, et Rob est un dingue de films et de musique, donc nous étions tout le temps en train de planifier des sorties au cinéma. Nous y sommes allés ensemble en Australie. Il a vraiment sa place dans le groupe. Il a un super sens de l’humour et il peut jurer comme un charretier ! (rires)
Coen : C’est un type très bien et un musicien très professionnel. Nous sommes vraiment contents de l’avoir dans le groupe.
Vous avez publié sur Internet un making-of contenant énormément de musique. N’aviez-vous pas peur de trop en dévoiler ?
C’était une décision réfléchie. La musique va de toute façon se retrouver sur Internet, les gens l’entendront d’une façon ou d’une autre. On peut toujours essayer de la cacher un peu : nous n’avons utilisé que les pistes instrumentales, sans les paroles ou les lignes de chant. Nous avions fait ce que nous pensions être une bonne idée, et nous avons présenté beaucoup de musique pour attirer le public. Pour nous, c’est aussi beaucoup plus excitant de partager notre travail avec les fans et de voir ce qu’on en retire. Nous ne voulons pas que la musique reste secrète pour le plaisir de la garder secrète. J’ai hâte que l’album sorte et que tout le monde en profite !
Simone : Les fans adorent les photos et les vidéos prises en coulisses. Donner des informations à travers une vidéo est le dernier mode de communication, parce que les gens aiment les images en mouvement. Tout le monde n’apprécie pas d’avoir à lire des tas de choses ; les photos et les vidéos sont donc un bon moyen de montrer ce qui se passe. Le public se sent plus impliqué. Nous en dévoilons beaucoup, mais c’est tellement sympa de partager. Les fans ont été un peu surpris, on a beaucoup entendu : « Wow, ça fait beaucoup de musique ! L’album n’est même pas encore sorti mais c’est déjà mon préféré ! »
Coen : C’est comme un cadeau pour les fans. Je trouve ça plus sympa de faire des cadeaux que d’en recevoir. C’est agréable.
Simone : Les auditeurs peuvent s’habituer au nouveau son grandiose d’Epica. Ils sont un peu préparés, ils n’auront pas de crise cardiaque en écoutant l’album !
Coen : Le premier single est déjà sorti, avec une lyric-vidéo pour aller avec. Il y aura également un vrai clip pour une autre chanson. Avant même la sortie de l’album, il y a pas mal de musique à se mettre sous la dent.
Epica est un groupe assez jeune – comme vous l’avez dit, vous avez débuté il y a douze ans. Au fil des années, avez-vous remarqué un changement dans le mode de communication avec les fans ? L’explosion d’Internet a été impressionnante…
Simone : Nous avons plus de deux millions de fans sur Facebook, c’est énorme ! Nous utilisons Instagram, Twitter…
Coen : Il n’y avait rien de tout ça quand nous avons commencé. Nous avions un forum, qui existe toujours mais qui va bientôt fermer, parce que plus personne ne va dessus. Avant, tout se faisait depuis un site Internet et un forum.
Simone : C’est incroyable la façon dont tout ça s’est étendu, tout est sur Internet aujourd’hui. Même plus besoin d’aller en concert, les gens postent les vidéos sur YouTube – des vidéos parfois prises avec de mauvais téléphones, malheureusement, donc la qualité s’en ressent.
Coen : C’est ce qui s’est passé avec la nouvelle chanson de Metallica : il y a déjà une vidéo avec dix angles de prise de vue différents ! C’est fou, la façon dont les choses fonctionnent désormais ! À l’époque de MySpace, beaucoup de gens nous suivaient, puis Facebook a pris la relève. On ne sait pas à quoi on aura droit dans deux ans !
Simone : Les gens seront assis dans ton salon ! Il va nous falloir une plus grande maison ! (rires)
Coen : Avec les lunettes Google, tu pourras avoir un flux continu, 24 heures sur 24 !
Simone : Je ne veux pas que les gens sachent ce que je porte comme sous-vêtements !
Coen : Il faudra que tu évites de regarder dans le miroir ! (rires)
L’album s’intitule The Quantum Enigma et les paroles reflètent ce sujet. Avez-vous un intérêt particulier pour la physique quantique ? Avez-vous lu des livres sur le sujet pour trouver l’inspiration ?
Simone : Ça vient de Mark Jansen. C’est lui, le physicien quantique du groupe.
Coen : Pas en vrai !
Simone : (rires) Il est très intrigué par le concept. Il lit des livres sur le sujet et il a déjà écrit des paroles autour de ça pour « Kingdom Of Heaven », sur Design Your Universe. Pour cet album, j’ai dit à Mark que ce serait intéressant de faire un disque concept. The Divine Conspiracy était un véritable concept-album au niveau des paroles ; celui-ci l’est à moitié. Nous avons toujours des sujets récurrents, une ligne directrice qui traverse les paroles. Ça peut être spirituel, philosophique, scientifique, politique, religieux… Cet album-ci est très spirituel et scientifique, je dirais. Il évoque l’esprit, la perception de la réalité. Ça paraît très intellectuel, dit comme ça ! (rires)
Coen : Évidemment, nous sommes très intellectuels ! (rires)
Simone : Donc, « l’énigme quantique »… Je te laisse expliquer pendant que je bois mon eau !
Coen : Ça parle de ce mystère scientifique, de ce test qui a été réalisé pour voir comment les particules au niveau quantique réagissent quand on leur fait traverser un trou. Dans des conditions rigoureusement identiques, si on les regarde, le résultat est X, mais si on ne les regarde pas, le résultat est différent. Il suffit de regarder quelque chose pour l’influencer. Rien qu’en te regardant, je te change. Si tu pouvais résoudre cette énigme quantique, tu pourrais faire ce que tu veux !
Pas moi, j’en suis incapable !
Moi non plus, je suis trop occupé à élever deux gamins !
Dans le passé, Epica a sorti des chansons avec une tonalité moyen-orientale, mais cette fois, vous avez poussé les choses encore plus loin vers l’est avec l’interlude « The Fifth Guardian ». D’où vient cette influence ?
C’est venu de « Chemical Insomnia », la chanson qui suit l’interlude et qui a été écrite par Isaac. Le refrain comporte cette mélodie qui me rappelait – puisque c’est moi qui ai écrit l’interlude – une mélodie chinoise ou japonaise. Je me suis dit que ce serait cool d’en faire une longue intro. Les paroles n’ont rien à voir avec la Chine, mais ça a pris cette direction à cause de cette mélodie. J’avoue que ça sonne très chinois, mais c’était l’objectif ! (rires) Ça apporte de la nouveauté. Sur Design Your Universe, nous avions un interlude aux sonorités arabisantes, et sur le dernier album, il y avait cette chanson très gothique, du style de ce qu’on faisait il y a dix ans, avec le piano un peu flippant. Nous avons toujours été très influencés par la musique de films, et cet interlude a également un petit côté bande original qui correspond bien à l’album, je trouve.
Simone : C’est aussi un super moment de tranquillité. L’album est très brutal, le mixage très « dans ta face ». Cette chanson permet de se détendre, de méditer, de dormir un peu, et puis « Chemical Insomnia » vient te réveiller.
Coen : C’est marrant, « Chemical Insomnia » qui réveille…
Simone : Oui, elle est bonne ! J’aime cet aspect de l’interlude. Ce qui est drôle, c’est que je ne savais même pas que cette chanson avait été écrite. Après mon accouchement, je regardais « Kung-Fu Panda », avec cette scène où la tortue se tient au sommet de la montagne et finit par mourir. La musique de cette scène… J’en ai des frissons rien que d’en parler ! J’ai dit à mon mari que je la trouvais magnifique. J’adore ce côté asiatique.
Coen : L’interlude est inspiré par cette musique précise, d’ailleurs !
Simone : Je ne savais pas qu’ils avaient écrit cette chanson parce que j’étais un peu occupée à accoucher, allaiter, ce genre de choses. Les garçons m’ont autorisée à faire une pause, et quand j’ai entendu la musique par la suite, je me suis dit que c’était une sacrée coïncidence. Puis Coen m’a dit qu’il avait lui aussi beaucoup aimé le film. Nous avons réussi à rester connectés même en voyant le film séparément ! C’est grâce à Jack Black !
Coen : La musique a été composée par Hans Zimmer, qui est l’un des plus grands et des meilleurs compositeurs de musique de film. Évidemment, c’est super si les auditeurs entendent des similitudes entre notre musique et la sienne. Mais quand on utilise ce type d’instruments et les accords chinois, ça ressemble tout de suite à « Mulan » ou « Kung-Fu Panda ». Les autres gars trouvent que ça ressemble au thème de « World Of Warcraft », qui se passe aussi en Chine.
Simone : Nous n’avons pas entendu de musique quand nous avons tourné en Chine, donc c’est une coïncidence de ce côté. Mais pour chaque album, nous faisons appel à des influences hors d’Europe. Nous nous inspirons d’autres cultures parce que nous adorons voyager et parce que nous les trouvons fascinantes. Nous sommes tous de très grands fans de cinéma et de musique de films, et ça s’entend forcément dans notre musique. Nous faisons du metal symphonique, et la partie symphonique prend de la place !
À l’exception de « Sense Without Sanity » et de la chanson-titre, les chansons sont plus courtes que sur les albums précédents et ne dépassent pas 5:30. Y avait-il une raison spécifique, un désir d’être plus concis ?
Coen : Nous voulions nous concentrer davantage sur les chansons elles-mêmes, cette fois. Plutôt que d’écrire des trucs énormes, nous voulions avoir des structures plus simples. L’objectif étant d’en faire des chansons plutôt que des œuvres musicalement très intéressantes ou peu importe. Et puis, nous retrouver pour jammer avant l’enregistrement nous a vraiment aidés à…
Simone : Supprimer le n’importe quoi ? (rires)
Coen : Oui, à arrêter les conneries, à aller à l’essentiel et à boucler le truc. Mais il y a tout de même 13 chansons, comme sur le précédent. Ou c’était 12, sur le précédent ?
Simone : Nous avons toujours eu un mélange de chansons longues et courtes, mais sur Requiem For The Indifferent, je trouve que les choses sont allées trop loin. C’était excessif. Il fallait retrouver un équilibre.
Coen : Les chansons restent assez longues. Quand on va voir une station de radio pour leur demander de les jouer, on s’entend dire : « C’est deux fois plus long que ce qu’on passe d’habitude ! » (rires)
Simone : C’est vrai, mais ce n’est pas marrant de se limiter à trois minutes. J’aime la variété : j’aime les chansons courtes, mais j’aime aussi les plus longues. Les chansons longues sont plus complexes, on peut se dire : « Oh, il y a cette partie qui arrive, je l’aime bien ». Mais pour moi, en tant que chanteuse, devoir les mémoriser… J’ai moins de travail que les garçons, qui doivent jouer tout le morceau, mais c’est tout de même beaucoup de travail pour mémoriser les chansons longues. Je quitte la scène, puis je reviens, et de temps en temps, c’est trop tôt ou trop tard ! C’est marrant. C’est le cerveau de maman, pas encore à 100 % de ses capacités normales ! (rires)
Simone, ton chant est plus aigu qu’il ne l’a jamais été sur certaines parties de cet album ; je pense à « Unchain Utopia », « Living In The Heart » ou « The Essence of Silence ». Voulais-tu pousser ta voix et tester tes limites ?
J’ai fait ce que je pouvais, d’une certaine façon. Après mon accouchement, ma voix a changé de façon positive. Devenir parent est un sacré événement dans une vie, ça débloque des émotions qu’on ne pensait pas avoir. J’ai enregistré avec mon fils dans le studio. Je ne dormais pas la nuit, et entre deux enregistrements, je devais allaiter, changer les couches et manger très vite avant de retourner chanter. Mais Joost a travaillé avec moi pendant l’enregistrement et m’a aidée à donner le meilleur de moi-même. Lorsque nous avons fait le planning pour l’enregistrement, nous avions 18 chansons à faire et je devais chanter sur 16 d’entre elles. Quand Joost m’a dit que nous avions dix jours devant nous, j’ai pensé : « Je ne vais jamais y arriver ! » Pour l’album précédent, nous avions moins de chansons et j’avais mis plus de temps ! Cette fois, comme j’étais une jeune maman épuisée, je pensais que j’aurais besoin de plus de temps, mais les choses se sont faites très vite et très facilement. Joost connaissait mes limites, savait ce que je pouvais enregistrer chaque jour, et il était toujours très vite satisfait. Il me disait : « C’est bon, j’ai ce qu’il me faut pour travailler ». Et je lui répondais : « Tu es sûr, tu ne veux pas qu’on y passe deux heures de plus ? » « Non, c’est bon, j’ai ce qu’il faut ». Et je me disais : « Oh, c’est cool ! » Mais c’était très intense, un vrai défi. C’est un album vraiment spécial pour moi, d’un point de vue personnel et professionnel. Je suis très satisfaite du résultat, nous avons de très bons retours jusqu’à présent. Pour « The Essence of Silence », j’entends beaucoup : « Wow, Simone est encore meilleure qu’avant ». Je dois dire merci à mon fils, je crois. Il chante, lui aussi ! Quand j’écoute les pistes acoustiques, il essaie de chanter. C’est très drôle !
Tu vas en faire un metalleux !
Oui, il grandit avec cette musique. Il était déjà avec moi sur scène en Chine, en Indonésie, en Australie, en France et en Belgique ! Mon mari est aussi dans le metal, donc il grandira en écoutant cette musique.
Coen : Et donc il finira sans doute par être fan de Lady Gaga !
Simone : Ou rappeur ! Il se dira que le metal, c’est nul !
Coen : Parce que papa et maman ont toujours tort !
Simone : Je suis très curieuse de voir comment ses goûts musicaux évoluent.
À ce sujet, tu as fait la tournée des festivals d’été alors que tu étais enceinte de cinq ou six mois. Comment était-ce de se retrouver sur scène avec un membre supplémentaire dans le groupe ?
Tout le monde pensait que j’étais à deux doigts d’accoucher parce que mon ventre était énorme ! Coen a vu mon ventre sur Skype avant mon accouchement, et il était encore plus gros. Il m’a même dit : « J’y crois pas, tu es énorme ! » Le bébé était l’un des invités spéciaux non annoncés du concert Retrospect. (rires) Personne n’était au courant. Les garçons pensaient que j’avais pris du poids et que je mangeais trop de chocolat, mais toutes les filles disaient : « Mais non, vous ne voyez pas qu’elle est enceinte ?! » Les garçons ne savaient pas que la prise de poids due à la grossesse n’a pas le même aspect. Sur la fin, je devais demander l’aide de mon manager pour mettre mes chaussures parce que je ne pouvais plus me baisser ! Je devais plier ma jambe vers l’arrière et il essayait de me faire entrer dans mes chaussures. Quand j’y repense, c’était drôle. Mais ça ne m’a pas empêchée de headbanguer, même si je ne pouvais pas sauter ou courir partout, parce que j’avais besoin de l’air pour chanter, pas pour faire du sport ! Ça s’est très bien passé. C’était cool d’avoir un septième membre sur scène.
La question vaut pour vous deux : le fait d’avoir des enfants a-t-il changé quoi que ce soit pour vous en tant qu’artistes ? Cela a-t-il une influence sur votre musique ?
Coen : Oui, bien sûr. Ça change la vie à tous les niveaux – uniquement en bien, je pense. C’est ce que je disais à Simone quand elle n’était pas encore maman : ça rend la vie plus facile. Les décisions sont plus faciles à prendre, parce qu’elles se basent sur ce qui est le meilleur pour toi, pour ta famille et pour tes enfants. Les choses sont plus faciles d’une certaine façon, mais aussi plus difficiles parce qu’on manque de sommeil ! Tu commences à réfléchir à des choses qui ne t’avaient jamais traversé l’esprit avant. Comme ce qui se passe en Ukraine et en Russie en ce moment : est-ce que ça va nous affecter ? Et s’il finit par y avoir une guerre, tu penses aux enfants.
(Simone doit quitter l’interview pour une séance photos ; nous finissons l’interview avec Coen.)
Ça change ta façon de voir la vie, mais je ne pense pas que ça change quelque chose à la vie de musicien. Je continue à tourner alors que j’ai des enfants. C’est mon boulot. Un journaliste doit aussi s’absenter pour son travail.
L’an dernier, Epica a fêté ses dix ans avec un concert très ambitieux intitulé Retrospect. Comment s’est passé ce concert ? Comment se prépare-t-on à un événement de cette ampleur ?
C’était le plus gros concert qu’on ait jamais fait : entre l’idée initiale et le concert lui-même, les préparations ont pris presque deux ans. Nous avons tout fait nous-mêmes, y compris la location de la salle. C’était un sacré boulot. Ça nous a pris beaucoup de temps et causé beaucoup de stress, mais ça en valait la peine. C’est un magnifique documentaire sur nos dix ans de carrière. Je suis très fier de ce DVD.
Vous avez toujours été un groupe très prolifique et régulier, avec un album tous les deux ans environ. Est-ce important pour vous de maintenir cette régularité ou est-ce simplement l’appel de l’inspiration ?
On travaille un peu par cycles. On enregistre un album, et on veut évidemment le vendre, donc il faut en faire la promotion en le jouant. Et puis, au bout d’un an ou un an et demi, c’est terminé. Votre album est sorti il y a deux ans, donc les gens réclament de la nouveauté. Les fans veulent entendre de la nouveauté, et les musiciens veulent jouer de la nouveauté, donc on commence à écrire de nouvelles chansons. C’est très naturel. Je pense que tous les groupes fonctionnent sur un cycle de deux ou trois ans – sauf quand on s’appelle Metallica !
Interview réalisée le 20 mars 2014 par Tiphaine.
Retranscription et Traduction : Tiphaine.
Fiches de questions et introduction : Spaceman.
Photos : Stefan Schippers (sauf la première par Tim Tronckoe)
Album The Quantum Enigma, sortie le 2 mai 2014 chez Nuclear Blast.
merçi pour l’interview!
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