C’est un réel plaisir que de retrouver le chanteur James Michael, toujours aussi lumineux et chaleureux. A côté lui, c’est un Nikki Sixx détendu, extrêmement amical qui est venu défendre son premier album de sa vie post-Mötley Crüe. Les deux musiciens sont sur la même longueur d’onde. Leur complicité ne fait aucun doute. Ils se complètent et se tournent l’un vers l’autre pour réagir à leurs propres propos, nous faisant oublier le cadre formel de l’interview. Il est même touchant de voir l’admiration briller dans les yeux de James lorsqu’il fixe son bassiste du regard pendant que celui-ci évoque avec nous la fin de Mötley Crüe. Ils étaient faits pour s’entendre et leur groupe, Sixx: A.M., ne pouvait que fonctionner.
Et les voilà de retour, à mettre les bouchées doubles, James, Nikki mais aussi le guitariste DJ Ashba s’étant libérés de tout autre engagement pour s’investir corps et âme dans Sixx: A.M.. Ce n’est pas moins qu’un album en deux volumes qui est prévu pour cette année, baptisé Prayers For The Damned, qui voit le trio rejoint par le batteur Dustin Steinke et les deux choristes de tournée, Amber Vanbuskirk et Melissa Harding. Un album – tout du moins, le premier volume que nous avons pu écouter – très actuel, dans la forme comme dans le fond, marqué à la fois par leurs récentes expériences de concert mais aussi par une époque agitée, un monde blessé, les poussant « à la limite du désespoir » mais trouvant toujours le moyen de se redonner de l’énergie.
Nikki et James partagent donc avec nous leurs analyses sur tous ces sujets, créant un échange une fois de plus passionnant.
« C’est presque comme si le monde avait le sentiment d’être blessé et que nous étions tous en train de panser ces blessures, et nous réagissons simplement à ça et essayons de trouver notre chemin à travers ça, de donner un sens à ça et peut-être trouver de l’espoir à l’autre bout. »
Radio Metal : Tout le monde dans l’industrie dit que les albums ne se vendent plus. Du coup, qu’est-ce qui pousse un groupe comme le vôtre à prendre le risque de sortir un double album, même si les deux volumes sortiront séparément ?
James Michael (chant & production) : Je ne vois pas ça comme un risque. Je vois ça comme une opportunité. C’est une opportunité pour nous de ne pas adhérer à cette idée selon laquelle le rock est mort et les albums ne se vendent pas. Je veux dire qu’il y a des faits et les faits abondent certainement un peu dans ce sens mais notre raison d’être est de faire et créer de la musique destinée à être écoutée d’une certaine façon, et simplement parce que la tendance prend une autre direction, ça ne doit pas vraiment affecter notre processus créatif. Nous voulons faire des albums, des œuvres, que les gens écoutent. Nous ne pouvons jamais contrôler… Si quelqu’un veut juste écouter une chanson par ci par là, on ne peut pas l’en empêcher.
Nikki Sixx (basse) : Mais notre responsabilité est de produire une expérience d’écoute, tout comme les prestations live ; c’est notre responsabilité de faire ça. Les gens disent que plus personne ne va aux concerts de rock, alors ça veut dire que nous allons arrêter de tourner ? Tu vois où je veux en venir ? Et puis qui dit ça ? Je vais te dire qui le dit : ce sont les gens qui ne font que compter les dollars et ne comptent pas les fans.
James : Quand nous étions jeunes, nous achetions un album, nous rentrions chez nous, nous le mettions sur la platine, nous mettions notre casque et nous l’écoutions et étions transporté où l’album était censé nous transporter. C’est tout ce que je connais, c’est tout ce que nous connaissons. C’est la seule façon de faire de la musique et de la vivre que nous connaissons, et le simple fait que la tendance est ailleurs ne signifie pas que nous ne voulons pas continuer à créer de la même façon que nous l’avons toujours fait.
Est-ce que ce pourrait être un acte de rébellion de sortir un double album aujourd’hui ?
Nikki : Non, ce n’est pas de la rébellion. Je vais être honnête avec toi, de bien des façons, nous nous sommes nous-mêmes freinés. Nous avons sorti le premier album sans intention d’être un groupe ou ne serait-ce qu’avoir un nom de groupe. Nous écrivions juste des chansons pour accompagner le livre et une des chansons est arrivée en tête de classements. Les gens ont commencé à dire : « C’est un groupe important qu’on doit faire tourner. » Et nous avons débarqué, en criant et disant : « Non, nous ne sommes pas comme un groupe normal qui tourne. » Nous avons donné des concerts et il y avait quelque chose comme huit à dix mille personnes tous les soirs lorsque nous jouions, et nous nous disions : « Wow ! » C’était revigorant et c’est pour ça que nous avons fait This Is Gonna Hurt. Nous voulions le soutenir avec une tournée mais nous n’avons pas pu à cause de problèmes de timing et d’emploi du temps. Ensuite, nous avons fait un album studio [Modern Vintage], que nous avons pu un peu jouer, et ça nous a rappelé ce que nous voulions faire en termes d’album qui passerait l’épreuve des concerts. Nous étions lancés, nous avions tant à dire ! Nous ne voulions pas les sortir toutes (les chansons, NDLR) en même temps parce que ça ferait trop de musique à absorber pour les gens. Même moi, en tant qu’énorme fan de musique, si mon groupe préféré arrivait avec vingt-deux chansons, je serais là : « Merde, ça sera trop dur de tout absorber ! » C’est donc pour ça que nous les sortons en deux parties, espacés de quelques mois et d’une tournée. Je pense juste que c’est la nouvelle étape logique dans ce que nous devons faire.
En fait, vous n’aviez même pas terminé de promouvoir Modern Vintage que vous annonciez déjà travailler sur un nouvel album…
Ouais ! [Rires]
Il y avait-il donc un genre de désir irrépressible de créer à nouveau ?
James : Je pense que plusieurs choses se sont passées. Il y a vraiment eu un changement dans la façon de penser Sixx : A.M. Nous sommes arrivés à un stade, pendant que nous travaillions sur l’album Modern Vintage, pendant que nous tournions en fait, où nous avons décidé que Sixx : A.M. deviendrait notre principal centre d’intérêt, qu’il deviendrait notre engagement à temps plein pour nous tous. Dès que cette décision a été prise, le jus créatif a commencé à couler. C’est devenu incontrôlable et nous avons commencé à composer et… Très tôt, je crois que c’était vers la fin avril, nous avons décidé : « Faisons un double album. » C’est devenu tout un concept qui a commencé à prendre forme. Nous nous sommes donc mis au travail avec l’intention d’écrire deux albums parce que c’était très important pour nous de continuer à fournir à nos fans de plus en plus de musique. C’était vraiment quelque chose d’intentionnel.
Nikki : Et nos critères de qualité sont élevés au sein du groupe, donc il n’est jamais arrivé un moment où nous avions un album, ou peut-être un et demi, avec quelques restes. Chaque album a été écrit en ayant conscience de l’autre album. Donc lorsque nous avons une chanson comme « Rise », qui est le premier single tiré de Prayers For The Damned, cet album, eh bien, il y a un genre de réponse sur l’autre album. Et il y a une chanson sur cet album qui s’appelle « Better Man » et elle a une réponse sur l’autre album. Elles ont des frères et sœurs et relations entre elles, et elles ne sont pas forcément sur le même album. Ça donne de l’espace pour respirer, ce qui, pour des compositeurs, est vraiment bien. C’est un peu comme ranger dans une boite les dix chansons, genre : « Ok, Nous avons dix chansons, comment se corrèlent-elles entre elles ? » Car, comme l’a dit James, nous voulons que vous écoutiez, que ce soit en streaming ou sur vinyle, peu importe comment vous écoutez la musique, j’aime l’idée que vous écoutiez l’album en entier.
« Les gens ne sont pas subtils, les gens ne sont pas calmes et c’est pourquoi des politiciens comme [Donald] Trump ou Bernie Senders gagnent une telle adhésion, car ils sont bruyants, ils haussent la voix et sont tapageurs, […] ce n’est pas une période pour être calme. Et je pense que ces albums le reflètent musicalement et au niveau des paroles. »
James : Et c’était excitant pendant la création de ces deux albums, et c’était le cas plus d’une fois, parce que nous savions que nous avions une plus grande toile à peindre, nous avions bien plus d’espace à couvrir parce que nous savions que nous faisions deux albums. Très tôt au cours du processus, lorsque nous travaillions sur une chanson, nous étions là : « Je crois que celle-ci sera la quatrième chanson du second album. » C’était donc vraiment un besoin de notre part de pouvoir y réfléchir en ces termes, et il y avait plusieurs fois où, avec une chanson que nous pensions avec certitude serait sur le premier album, nous nous sommes dit : « Autant nous voulons qu’elle soit sur le premier album, autant ça a plus de sens ici, sur le second album. » L’histoire et le thème ont donc commencé à se développer, c’était quelque chose de dynamique. Ce n’était pas simplement mettre en place une histoire. Ce n’était pas comme si nous écrivions la chanson numéro une et c’était la première chanson du premier album et la seconde chanson… Nous bougions les choses et c’était une façon vraiment amusante d’assembler ce puzzle, ce que nous n’avions jamais fait auparavant en tant que compositeurs, le fait d’avoir deux fondations sur lesquelles apposer nos petites briques. C’était vraiment une super expérience pour nous.
Nikki : Ouais, c’était assurément un challenge très excitant !
Il semble qu’il y ait toujours une source bien particulière d’inspiration pour les albums de Sixx: A.M. Les deux premiers étaient basés sur des livres et pour Modern Vintage, c’était « cette incroyable lignée de musiques qui [vous] ont inspiré à travers les années ». Du coup, quelle a été la source d’inspiration cette fois-ci ? Tu as notamment prononcé le mot concept, donc…
James : Ce qui est intéressant à ce sujet, c’est qu’on nous pose souvent cette question et lorsque tu y réfléchis bien, The Heroine Diaries Soundtrack n’était pas nécessairement un album basé sur un livre, c’était un livre basé sur une vie. Donc, l’album était également basé sur des expériences de vie, oui, qui étaient également abordées dans le livre sous forme écrite. Et ensuite, lorsque nous avons fait This Is Gonna Hurt, le processus de réflexion faisait que c’était un album basé sur ces photographies mais la réalité est que c’étaient des photographies basées sur la vie et ensuite nous avons écrit des chansons basées sur ces mêmes sujets liés à la vie.
Nikki : Ou des sujets liés à nous, individuellement, alors qu’une chanson comme « Smile », n’était pas nécessairement relié à quoi que ce soit. Ce n’était pas une photographie. C’était tout un… C’est difficile à expliquer, nous vivions et respirions la même expérience mais il y avait tout plein d’influences différentes qui en émanaient. C’est vraiment qui nous sommes, nous sommes très réfléchis et très conscients de ce qui se passe.
James : Exact. Donc ces nouveaux albums sont très similaires dans le sens où ils sont basés sur de profondes observations de choses importantes qui se passent dans le monde et dans nos vies. Avec Sixx: A.M., il a toujours été question d’aborder des sujets très sérieux mais ensuite, les peindre de façon à ce qu’il y ait un côté positif, avec toujours une part d’espoir.
Nikki : Nous en avons presque fait de la poésie sombre ayant une fin pleine d’espoir. C’est simplement naturel pour nous.
James : Exact. Donc, pendant que nous écrivions ces albums, évidemment, plein de choses se passaient dans le monde, on vit une époque très cru, donc il était naturel pour nous de réagir à ça. Une chanson comme « Rise », notre premier single, aborde clairement ce genre de sujets, des choses qui ont vraiment une très grande importance en ce moment dans le monde. Je crois que nous avons toujours fait ça, nous avons toujours écrit des chansons qui sont en partie très personnelles, presque au point d’être inconfortables, mais aussi très observatrices de la vie et comment les choses sont liées. C’est ce qui est palpitant pour nous dans ce que Sixx: A.M. est en train de devenir, ce qu’il signifie pour les fans. Nous voyons toujours des fans venir à nous pour nous dire à quel point notre musique les a affectés à un niveau personnel. Tu ne peux pas faire autrement que d’être, d’une certaine façon, profondément affecté par cet état de… C’est presque comme si le monde avait le sentiment d’être blessé et que nous étions tous en train de panser ces blessures, et nous réagissons simplement à ça et essayons de trouver notre chemin à travers ça, de donner un sens à ça et peut-être trouver de l’espoir à l’autre bout.
Est-ce donc ce qui explique la tonalité plus lourde de l’album, musicalement et au niveau des thématiques, par rapport à Modern Vintage ?
Nikki : Une partie correspond à une réaction, de façon très comparable au fait que This Is Gonna Hurt était une réaction aux concerts que nous avons donné pour The Heroin Diaries. Nous sommes partis sur la route pour Modern Vintage et nous étions là : « Voilà, c’est ça notre truc, ce que nous aimons. » C’est-à-dire être un peu plus porté par les guitares, et tu ajoutes à ça la dynamique et puis, au niveau des paroles, ce dont James parlait, donc tout ceci se manifeste de façon organique. Je suis curieux de voir ce qui se passera après ces deux albums et les tournées, comment sera l’album après ce double album parce qu’il sera directement influencé par tout ceci, par la promo et les concerts et puis il y a des offres de tournées dans des stades qui arrivent pour l’Amérique et l’Europe… Donc après ça, quand nous composerons, je pense que ce sera intéressant. Nous ne savons pas quelle direction ça va prendre.
James : Ouais et je pense qu’en plus d’être un reflet de nos expériences sur la route et à jouer live, ces albums semblent également plus bruyants, ils semblent plus agressifs, et c’est le cas parce qu’aujourd’hui nous ne vivons pas une époque tranquille. Et je pense que ça se reflète dans ce qu’il se passe aux Etats-Unis en ce moment. C’est une année d’élection et, clairement, c’est le cycle d’élection le plus explosif dont j’ai le souvenir dans ma vie. Les gens ne sont pas subtils, les gens ne sont pas calmes et c’est pourquoi des politiciens comme [Donald] Trump ou Bernie Senders gagnent une telle adhésion, car ils sont bruyants, ils haussent la voix et sont tapageurs, que l’on soit d’accord ou pas avec leurs positions sur quelque politique que ce soit, l’idée est que ce n’est pas une période pour être calme. Et je pense que ces albums le reflètent musicalement et au niveau des paroles.
« Nous sommes à une époque désespérée […] et je pense que les gens se sentent impuissants, les gens se tournent vers des choses vers lesquelles ils ne se seraient peut-être pas tourné auparavant, que ce soit la religion, la politique ou peu importe. »
Modern Vintage était votre première tournée en tête d’affiche. Du coup, si je comprends bien, ça vous a beaucoup inspiré…
Nikki : Ouais, énormément !
James : Absolument et je pense que ces albums le reflète clairement. Il est vrai qu’il y a deux moments qui se produisent sur scène et que tu ne peux nier. L’un est lorsque tu fais quelque chose sur scène et ça trouve un écho important auprès du public, ça fonctionne, et tu te dis : « Ça va être génial, faisons davantage de trucs comme ça sur le prochain album. » Et ensuite, l’autre chose, c’est lorsque ça ne fonctionne pas et tu te rends compte que ça ne passe pas très bien en live. Donc tu tires les leçons de ces expériences en studio.
Nikki : Car nous savons que nous allons partir pendant un bon moment pour jouer ces chansons en concert. Donc, pendant que nous les écrivions, parfois elles n’avaient pas de titre, nous les appelions « on veut ouvrir pour vous » ou « on espère vraiment que vous nous laisserez ouvrir pour vous » [rires]. Nous plaisantions parce que ce que nous voulons faire, c’est partir sur les routes et ouvrir pour des gens et, putain, nous voulons mettre le public à genoux et qu’ils se disent : « Ouah, c’était incroyable ! » Et peu importe avec qui nous tournerons, ils finiront le boulot. Nous n’avons pas encore mérité cette position. Nous avons fait dix-neuf concerts en tête d’affiche, nous allons en faire neuf en Amérique. Nous allons faire ce truc qu’on appelle des pré-sessions où on joue des soirs entre deux dates normales et où on peut jouer toutes les chansons qu’on veut, il se peut que nous jouions dans des clubs de cinquante à cent places… Nous nous faisons donc simplement plaisir à jouer ces chansons en live.
Il y a de nombreuses connotations religieuses dans cet album, avec l’illustration et plusieurs chansons comme « Prayers For The Damned », « Everything Went To Hell », etc. James, tu implores même « ciel, aide-moi à être un homme meilleur » sur « Better Man ». Y a-t-il une raison ou un sens spécifique derrière ces références religieuses ?
A chaque fois que Dieu ressort, on dirait comme… Ce n’est pas ce que les gens présupposent. [il réfléchit] C’est un mot pour… C’est comme, dès qu’on utilise le mot « Dieu », c’est presque comme « putain », c’est un mot puissant mais pas d’une manière religieuse. Lorsqu’il est dit dans « Prayers For The Damned » : « Si je tends le bras vers Dieu, peut-être que cette fois-ci il dira une prière pour les damnés. » Est-ce sarcastique ? Est-ce sincère ? Sommes-nous tous les damnés ou sommes-nous tous quelque part où nous pourrions profiter d’un brin de spiritualité ? Je ne suis pas religieux, donc je ne sais pas mais j’aime ce mot.
James : Tu sais, ce qui est intéressant à mon sens à ce sujet, et ça s’accorde un peu avec ce que tu racontes, [c’est qu’]on remarque que les gens trouvent la foi au moment le plus critique, crucial et désespéré de leur vie et parfois ça en devient presque cliché ; il y a quelqu’un qui se fait rattraper par un genre de scandale, eh bien, la première chose qu’il fait, c’est qu’il découvre Dieu, n’est-ce pas ? Et ça devient presque un cliché. Mais il y a quelque chose là-dedans, il y a quelque chose lorsqu’une personne est poussée au point où il semble n’y avoir aucune autre alternative, aucune autre option, alors même quelqu’un qui n’est pas croyant va parfois lever les mains au ciel et dire : « Tout ce que j’ai essayé n’a pas marché, peut-être que ce sera ça la solution. » Et je pense qu’il y a quelque chose là-dedans. En tant que société globale, j’ai l’impression que nous sommes à une époque désespérée, nous sommes à une époque cruciale et je pense que les gens se sentent impuissants, les gens se tournent vers des choses vers lesquelles ils ne se seraient peut-être pas tourné auparavant, que ce soit la religion, la politique ou peu importe, peut-être qu’ils recherchent un moyen de changer la façon dont les choses se sont déroulées jusqu’à présent. Je pense donc que c’était très naturel pour nous, lorsque nous écrivions… Souvent, nous écrivons précisément à ce seuil de désespoir. Lorsque tu abordes n’importe quel sujet, souvent, naturellement tu… C’est comme une personne qui n’a peut-être jamais mis les pieds dans une église dans sa vie mais qui dira : « Sacré nom de Dieu ! » Il fera ça, il fera appel à ça et je ne sais pas si c’est quelque chose qui se fait super naturellement ou si peut-être il y a un Dieu qui [le] canalise mais peu importe ce que c’est, nous avons tous tendance à le faire. Et je pense que c’était très approprié de notre part, à plusieurs moments sur ces albums, de nous pousser au niveau des paroles jusqu’à la limite du désespoir, jusqu’à ce stade où tu pourrais être amené à invoquer Dieu pour t’aider, que tu y crois ou pas.
Nikki : Et c’est marrant, tu sais, pour nous, maintenant que nous avons fini d’écrire et réfléchissons à certaines paroles, nous nous rendons compte qu’il y a non seulement des nuances et connotations religieuses mais également plein de référence au sang, et nous n’en avions pas conscience. Tu es en train d’écrire vingt-huit chansons et avoir ces conversations intimes où tu tends et relâches la tension dans les paroles, et ensuite tu te dis : « Ouah ! Ok, ça c’est intéressant ! Il y a un parallèle quelque part là-dedans, je ne sais pas… »
James : Et j’aime le fait qu’il y ait de multiples références au même type de choses, parce que ça marque dans le temps où nos esprits étaient lorsque nous étions en train de créer ces trucs et je trouve ça palpitant ! C’est le même… Toutes les chansons sur ces albums proviennent de quelque chose de particulièrement authentique, pur et honnête alors que si on se projette dans cinq ans, je sais que nous n’écrirons pas le même album et que nous regarderons la vie à travers une paire d’yeux différente. Donc ceux-ci sont les yeux avec lesquels nous regardons le monde et la vie aujourd’hui.
James, la dernière fois que nous nous sommes parlé, tu nous as dit que tu ne pensais « pas qu’il y ait un quelconque besoin [d’avoir un batteur] pour le processus créatif. »
Les deux : [Explose de rire]
Nikki : C’est lui qui a dit ça ? Parce que moi aussi je n’ai pas arrêté de le dire !
James : Bordel ! Bordel ! [Rires]
« Mötley Crüe était un peu arrivé en bout de course […]. Je suis très reconnaissant que Sixx: A.M. soit arrivé à cette période parce que ça aurait été vraiment difficile pour moi, en tant qu’artiste, de me retrouver en quelque sorte coincé. »
[Rires] Et tu as insisté sur le fait que Sixx: A.M., c’était « trois très proches amis qui se trouvent faire de la musique ensemble. » Du coup, qu’est-ce qui au final vous a poussé à intégrer un batteur permanent dans le groupe désormais ?
Eh bien, je pense que c’est un peu ce à quoi Nikki faisait allusion avant ; nous sommes partis sur la route, nous avons vu ce que ça faisait d’être dans un groupe, et pas juste un groupe à trois mais à six. Nous avons des choristes et nous avons Dustin [Steinke] qui joue la batterie pour nous. Ca paraissait être une progression importante et naturelle pour ce groupe de…
Nikki : …ça s’est produit aux répétitions. Nous étions là : « Ouah ! Ça fait du bien ! Il colle vraiment et c’est un super batteur. » Pour moi, en tant que bassiste, bon sang, quel super batteur il fait ! Et il convient au son de Sixx: A.M. Il a un super feeling et ça a apporté des qualités organiques au groupe.
James : Ouais et d’une certaine façon, ça nous donne une assise. C’était vraiment excitant pour moi, lorsque nous allions en répétition, de pouvoir voir Nikki et lui se connecter. Car nous avions créé une alchimie assez spéciale en studio jusqu’à présent, mais la voir se produire naturellement et humainement entre… Voir Nikki et Dustin travailler l’un avec l’autre est passionnant. Ce genre de choses, c’est ce que tu veux systématiquement obtenir avec un groupe. Pour ma part, travailler avec les filles, nos choristes, c’était pareil ; c’était tellement passionnant de pouvoir explorer des choses différentes vocalement, du fait que nous avions ces deux autres voix que nous pouvions exploiter. Donc, une fois que tu as vécu ça, comment ne pas le ramener en studio lorsque tu redémarres le processus créatif ?
Donc diriez-vous que ça a changé la dynamique du groupe d’avoir ces membres supplémentaires ?
Nikki : Ça n’a pas changé la dynamique qu’il y a entre nous trois, car nous faisons tout le travail d’écriture, James se charge de toute la production, mais ça a assurément changé… Je suppose que, musicalement, ça a étiré le groupe.
James : Oui, ça nous a offert bien plus d’options. Ça nous a assurément permis d’explorer encore plus de choses. C’est palpitant ! C’est vraiment une période palpitante pour ce groupe. Une chanson comme « Rise » est un parfait exemple, simplement par la façon dont la chanson démarre et sonne, c’est quelque chose que nous n’aurions pas pu faire avant. Nous n’avions pas ces sons à notre disposition.
Vous avez été très productifs avec Sixx: A.M. depuis la formation du groupe, et maintenant vous sortez deux albums. Nikki, comment expliques-tu que durant cette période tu aies été bien plus productif avec Sixx: A.M. qu’avec Mötley Crüe ? Qu’est-ce que Sixx: A.M. a que Mötley Crüe n’avait pas ces dernières années ?
Nikki : Nous sommes très proches, nous sommes tous les trois extrêmement créatifs et nous avons la même vision en tête. Mötley Crüe était un peu arrivé en bout de course, en ce sens. Nous étions un groupe, nous avions un super répertoire à jouer en concert mais la créativité a un peu disparue, elle était plus dans les productions et ce genre de choses. Je suis très reconnaissant que Sixx: A.M. soit arrivé à cette période parce que ça aurait été vraiment difficile pour moi, en tant qu’artiste, de me retrouver en quelque sorte coincé. Tout en étant au même endroit, nous étions tous ailleurs et c’est quelque chose que j’ai déjà vu se produire auparavant, tu sais. Ça arrive.
Tu as donné ton dernier concert avec Mötley Crüe le 31 décembre de l’année dernière. Comment t’es-tu senti à jouer ces chansons et fouler la scène pour la toute dernière fois avec ces gars ?
Je suppose que je profitais du moment, j’appréciais être là, j’appréciais les fans. Je n’ai pas ressenti de chagrin ou quoi que ce soit. Voilà comment je me sentais : « C’est super, mec ! Nous l’avons fait ! » Ca faisait du bien. Mais je ne suis pas la bonne personne à interroger sur un retour de romance. Je ne le fais pas très bien. Je vis le présent et j’envisage le futur mais l’idée de regarder en arrière… Tu peux mentionner, par exemple, une ancienne petite amie, ça ne me fera rien. Tout ce qui est dans le passé est le passé. Ça devient un truc compartimenté. Je suis sûr que tu pourrais en parler à mon thérapeute, il te dira ce qui cloche [petits rires] mais ça fonctionne très bien pour moi !
Donc même le jour suivant, lorsque tu t’es rendu compte que tu laissais derrière toi trente-cinq ans de ta vie, tu n’as rien ressenti ?
Le jour suivant j’étais dans un avion à sept heures du matin en route pour Mexico et tout ce à quoi je pensais, c’était dormir et écouter la musique que nous étions en train d’écrire, car nous en arrivions au stade où nous devions prendre des décisions importantes à propos de quel album sortirait en premier, quelles chansons sortiraient en premier, etc. Ça ne veut pas dire que je suis quelqu’un de froid mais c’est ainsi que je suis constitué. Peut-être qu’avec le temps je deviendrais plus songeur et me dirais : « Oh, c’est… » Mais, tu vois, je ne suis pas comme la majorité des gens. Je n’ai même pas de disque d’or ou de platine chez moi, ça c’est le truc de James ! Je ne célèbre pas les choses.
James : J’ai réfléchi à ça et ce que je me suis demandé, c’est certes ce que tu ressentirais le jour suivant mais aussi tous ces autres gens autour du groupe, le management, le label, les équipes, et tout ça… Je parie que c’était bien plus dramatique et bien plus un vide pour eux parce qu’il y a plein de gens qui ont construit une bonne partie de leur vie autour de cette machine, pas seulement les quatre membres mais une énorme famille de personnes. C’était donc intéressant de penser à : « Comment c’était au bureau le jour suivant ? »
Nikki : Exact ! Ouais, je peux l’imaginer.
« Plus de groupes, d’athlètes, etc. devraient se dire : ‘Je suis arrivé au max. Arrêtons et laissons ça tel que ça a été.’ […] Je pense que les artistes devraient être plus soucieux de leurs fans et moins de leur compte en banque. »
De nos jours, on voit de plus en plus de tournées de reformation et de groupes qui jouent la sécurité avec leur répertoire classique, ne faisant presque plus de nouvelle musique. Toi, tu as à l’inverse choisi d’aller complètement à l’encontre de ça. Penses-tu que ces groupes de rock manquent d’audace de nos jours et que c’est ce que vous ramenez avec Sixx: A.M. ?
Je ne sais pas, j’ai le sentiment que nous sommes un nouveau groupe. Même si nous existons depuis quelques temps, ça donne l’impression que c’est presque le début du groupe, de bien des façons. C’est vraiment palpitant. Même si je suis reconnaissant que nous ayons ce superbe répertoire derrière nous et que plein de gens qui nous découvrent se disent : « Ouah ! Je ne m’étais pas rendu compte que vous aviez autant de musiques ! » C’est génial pour nous dès que nous préparons les setlists et ce genre de choses. Nous avons tellement de musiques parmi lesquelles choisir et je pense que ce sera formidable pour nous lorsque nous aurons répété plein de musiques de façon à pouvoir jouer des chansons différentes suivant notre humeur.
Mais c’est une décision audacieuse que de mettre un terme à une carrière de trente-cinq ans pleine de succès pour en commencer une nouvelle…
Ouais, je ne pense pas que ce soit si audacieux. Je pense que c’est la bonne chose à faire ! Je crois que plus de groupes, d’athlètes, etc. devraient se dire : « Je suis arrivé au max. Arrêtons et laissons ça tel que ça a été. » Je veux dire que je suis fier de Mötley Crüe. J’ai écrit ces chansons ! J’étais une part importante de ce groupe, de ce qu’il projetait. J’en suis donc fier mais ça c’était avant, laissons-le et laissons les fans l’apprécier pour ce qu’il était au lieu de le faire traîner lorsqu’il est évident qu’il est temps d’arrêter. Je pense que les artistes devraient être plus soucieux de leurs fans et moins de leur compte en banque.
Tu as même dit que tu ne jouerais plus jamais la moindre chanson de Mötley Crüe. C’est assez radical.
James : Je vais lui faire changer d’avis [rires].
Nikki : Voilà le truc, j’ai effectivement dit ça, c’était il y a un moment, parce que je veux vraiment que les gens écoutent Sixx: A.M. Ce qu’il va se passer, c’est que nous n’allons jamais nous appuyer là-dessus mais si nous décidons de dégainer quelque chose pour s’amuser, ici et là, ça ne posera pas de problème. Mais je ne veux pas arriver et faire cinq chansons de Mötley Crüe pour les rappels. Ca ne fera que remettre en cause tout ce pour quoi nous avons travaillé.
Ça te plairait [James] de jouer quelques chansons de Mötley Crüe ?
James : Bien sûr ! Ouais, mais par rapport à ce qu’il dit, je crois que Mötley Crüe était un vecteur incroyable qui a été créé par Nikki pour qu’il puisse s’exprimer et, pour autant, il y avait un groupe dans lequel il a été avant Mötley Crüe avec lequel il s’exprimait également, et Sixx: A.M. est arrivé, ce sont tous des moyens d’expression. C’est une personne incroyablement expressive et créative. Donc, pour ma part, ça ne me surprend pas. Je veux dire que Mötley Crüe était un nom qui a eu un incroyable succès et dans lequel il a pu s’exprimer. Sixx: A.M. aussi, Sixx: A.M. est fait pour que nous nous exprimions mais le réel objectif c’est : tant qu’il continue à créer et que les gens créatifs continuent à créer, je crois que le nom sous lequel c’est fait peut changer, ce n’est pas si important.
Je crois avoir lu que, pour ces deux albums de Sixx: A.M., vous aviez quelque chose comme trente chansons en tout. Est-ce que ça signifie que vous avez un troisième album qui serait presque prêt à enregistrer ?
Nikki : [Rires].
James : Tu sais, nous écrivons toujours plein de musiques. Le fait que nous ayons un double album était très intentionnel. Ce n’était pas comme si nous avions prévu de faire un album mais nous en avons finalement écrit deux. Nous nous sommes posés et nous avons dit : « Ecrivons deux albums et faisons en sorte que ce soit presque comme deux livres façon recto verso. » Les histoires que nous avons racontées étaient très intentionnelles. C’était donc un important défi pour nous mais ce n’était pas quelque chose qui est arrivé par hasard, c’était quelque chose que nous avons intentionnellement fait. Je suppose que nous aurions pu écrire trois albums mais ça aurait fait bien trop à digérer.
Nikki : Nous avons des chansons, dont certaines que nous n’avons pas complètement finies. Lorsque nous commencions à voir ce qu’allaient être ces albums, nous commencions à dire : « Oh, ok. » Doucement, ils ont commencé à devenir… [Au départ] il y avait dix chansons chacun et ensuite nous n’arrivions à nous résoudre à en mettre certaines de côté, donc nous avons prévu onze chansons chacun. Je sais que le premier album en a onze. Je ne sais pas, le second album pourrait bien en avoir treize, il pourrait en avoir dix, nous ne savons pas vraiment mais il y a plein de gens impliqués dans nos vies – le management, le label, etc. -, et ils montrent beaucoup de passion pour ces chansons. Nous laissons un peu ces chansons s’imprégner en nous pendant un moment pendant que nous nous préparons à sortir le premier et voir où ça va.
James : Il est clair que nous sommes déjà en train de penser au prochain album. Pas le volume deux mais l’album après ça. Je vais te dire : quand nous allons partir sur les routes en mai, nous aurons probablement déjà quelques chansons en cours pour l’album suivant.
Interview réalisée en face à face le 22 février 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Céline Hern.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Site internet officiel de Sixx: A.M. : sixxammusic.com
Nikki Sixx l’hypocrite dans toutes ses œuvres. C’est un peu le Patrick Sébastien du rock.
En tout cas l’interview est amusante à lire.
« Du coup, quelle a été la source d’inspiration cette fois-ci ? »
Cela me fera toujours sourire ce genre de question quand on sait que ce sont toujours les même sujets qui reviennent dans les chansons. Amour, mort, séparation, Dieu, maladie, fête, sexe ect.
« James : le réel objectif c’est : tant qu’il continue à créer et que les gens créatifs continuent à créer, je crois que le nom sous lequel c’est fait peut changer, ce n’est pas si important. »
Très drôle quand on sait que Mötley Crüe n’a pas changé le nom du groupe avec John Corabi.
« Tu as donné ton dernier concert avec Mötley Crüe le 31 décembre de l’année dernière. Comment t’es-tu senti à jouer ces chansons et fouler la scène pour la toute dernière fois avec ces gars ?
Nikki : Je suppose que je profitais du moment, j’appréciais être là, j’appréciais les fans. Je n’ai pas ressenti de chagrin ou quoi que ce soit. Voilà comment je me sentais : « C’est super, mec ! Nous l’avons fait ! » Ca faisait du bien. Mais je ne suis pas la bonne personne à interroger sur un retour de romance. Je ne le fais pas très bien. Je vis le présent et j’envisage le futur mais l’idée de regarder en arrière… »
Haha… Hard Force 25 Octobre 1994
« Il apparait que le jour où Vince Neil a quitté Môtley Crüe ce fut presque une bénédiction.
Nikki Sixx : L’une des meilleures journées de ma vie. Je suis rentré à la maison et ma femme m’a alors dit que mon visage avait changé. Elle savait que c’était fini, je lui ai dit qu’il s’était barré, et elle m’a répondu que j’étais comme un nouvel homme dans la maison. Lorsque il est parti ce fut comme une délivrance. Comme lorsqu’on se bat avec sa copine pendant si longtemps qu’on se sépare d’elle et que cela se révèle une bonne chose ! Merci Dieu ! C’est émotionnellement un drôle de truc ! »
Cette interview dans Hard Force est anthologique.
Tommy Lee ne vaut pas mieux.
[Reply]
« nous avions un super répertoire à jouer en concert mais la créativité a un peu disparue »
>> la chanson « sex » en est le parfait exemple.
C’est plutôt l’envie de créer qui a disparue… bref.
Ils ont déjà du matos pour le prochain album, et bien. A ce train là, il en fera plus qu’avec le CRÜE.
[Reply]