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Interview   

Skyblood : le monde de Mats Levén


Skyblood, derrière ce nom énigmatique se cache en réalité le projet solo d’un des chanteurs de metal les plus doués et en vogue depuis trente ans : Mats Levén. Après avoir participé à quantité de groupes et projets, dont Yngwie Malmsteen, Therion et Candlemass, sans compter les innombrables collaborations ponctuelles, finalement on est surpris de constater que Mats Levén n’avait jusqu’à présent jamais sorti d’album solo.

Mais Skyblood est un peu plus qu’un album solo. C’est surtout un alter ego et son univers qu’on découvre sur la pochette de ce premier opus. Une manière pour Mats Levén, ironiquement, d’échapper à lui-même et aux cases dans lesquelles les gens ont pu l’enfermer. Car Skyblood, c’est aussi un chanteur qui prend sa liberté, qui suit son intuition sans trop réfléchir, faisant pour la première fois les choses véritablement à sa façon, avec toute la diversité de ses influences.

C’est ce que nous explique Mats Levén dans l’entretien qui suit, revenant également sur son départ il y a un an de Candlemass, alors qu’il avait fini ses enregistrements de chant pour l’album qui deviendra The Door To Doom.

« Skyblood, c’est moi faisant semblant d’être tout seul, en plein hiver, sur une autre planète, ou peu importe, et d’avoir vécu plein de choses [petits rires]. C’était une façon amusante de me détacher de moi-même, parce que j’en ai un peu marre de Mats Levén. »

Radio Metal : Tu sors le premier album de ton projet solo Skyblood. Les chansons sur cet album ont été composées à divers moments, une chanson comme « The Not Forgotten » remonte même à vingt ans. Est-ce que ça veut dire que ça faisait vingt ans que cet album était en développement ?

Mats Levén (chant) : Non, pas vraiment, mais j’ai effectivement commencé à écrire cette chanson il y a longtemps. Je l’avais en tête depuis de nombreuses années. Je jouais dans Candlemass, je faisais un tas de choses, donc je n’ai jamais trouvé le bon moment pour sortir un album. Il a fallu quelques années avant que je me sente prêt à sortir un album dont les chansons me paraissaient suffisamment bonnes. Et après la séparation avec Candlemass, j’ai eu la chance que Napalm Records me contacte. C’était le timing parfait, parce qu’à ce moment-là, j’avais énormément de démos de prêtes, donc je trouvais qu’il était temps que je fasse l’album. J’ai écrit énormément de chansons, mais parmi toutes les chansons présentes sur cet album, seule une a été écrite cette année. Le reste, j’ai commencé à l’écrire au moins il y a peut-être cinq ou six ans, et j’ai terminé d’écrire la plupart des chansons au cours de l’année dernière. Quand j’ai su que j’avais un album à faire, je m’y suis vraiment remis et j’ai réécouté toutes les chansons, j’ai changé des parties, j’ai réécrit de la musique et des paroles, et ainsi de suite.

A quel moment exactement l’idée de faire un projet solo t’a traversé l’esprit ?

Je n’ai jamais arrêté d’écrire des chansons, que ce soit pour moi ou pour d’autres gens ; j’ai coécrit des albums sur lesquels j’ai chanté. J’ai toujours su qu’un jour je voudrais faire un album complètement selon mes propres conditions, sans que quiconque me dise quoi faire. J’ai tellement d’influences… Je voulais juste écrire un album qui soit exactement comme ce que je ressentais sur le moment. J’ai donc toujours voulu faire ça. Mais aussi, pendant longtemps, ça a été un peu dur pour les artistes, parce qu’on ne savait pas comment sortir les albums [petits rires]. On est de la vieille école, on a l’habitude de sortir nos albums par le biais d’une maison de disques, à l’ancienne, et puis tout d’un coup, avec le phénomène du téléchargement, il n’y avait plus d’argent pour les albums. La transition a été difficile pendant un certain nombre d’années. C’était une bonne chose que Napalm me contacte parce que, encore une fois, il y a un côté vieille école dans cette façon de faire : le fait de sortir des vinyles et des CD, d’avoir une bonne maison de disques en soutien, comme au bon vieux temps. Ça me paraissait très naturel, plus le fait qu’ils ont beaucoup aimé mes démos. C’était super.

As-tu eu peur de la direction que prenait l’industrie musicale ?

Peut-être pas peur, mais je n’arrivais pas vraiment à décider… Par exemple, je me disais que je sortirais l’album moi-même mais à la fois, je trouvais que c’était trop de travail de faire ça seul. Je sais le temps que j’ai à consacrer à la promotion et autre. De toute façon, je pense que c’est sain de commencer à travailler avec le streaming et tout. J’ai moi-même Spotify et j’aime bien. Je me dis toujours que le rock va survivre quoi qu’il arrive. Simplement, je ne savais pas vraiment comment sortir cet album, car je voulais vraiment que les gens l’entendent. Je voulais avoir un label derrière moi qui puisse promouvoir le nom. C’est pour ça que j’ai attendu toutes ces années aussi, parce que je ne savais pas avec quel label travailler. Par chance, Sebastian chez Napalm Records était fan de ce que j’avais fait avant, donc il a vraiment voulu ce projet. C’est vraiment ce qui m’a décidé à sortir cet album, car j’avais quelqu’un d’autre qui me donnait de l’assurance.

Même si tu joues la plupart des instruments, il y a plein de gens qui contribuent à cet album : Marcus Jidell, Fredrik Akesson, Martin Axenrot, Snowy Shaw, etc. Qui sont ces gens pour toi ? Je veux dire que tu dois avoir une affinité particulière avec eux pour les inclure dans ton projet solo…

Absolument. Marcus et moi avons par exemple joué ensemble dans quelques groupes. En fait, nous avons fait quelques concerts ensemble avec Candlemass et Krux quand je jouais avec eux. Ça fait longtemps que nous sommes amis. Avec Fredrik, évidemment, nous avons fait Southpaw il y a vingt ans, nous avons fait le premier album ensemble, et puis nous avons joué avec Krux sur trois albums, nous avons fait des concerts, etc. J’ai bien sûr joué dans Therion avec Kristian Niemann. Mon idée au départ pour l’album était que Marcus Jidell et moi ferions toutes les guitares. J’ai commencé à enregistrer avec lui il y a cinq ans. Marcus a seulement eu le temps de faire peut-être deux ou trois chansons, et ensuite nous avons fait une pause. Puis tout le truc avec Candlemass s’est passé, nous avons commencé à parler de faire un album, et d’ailleurs Marcus l’a produit. Tout d’un coup, nous étions tous les deux très occupés. Je n’avais pas envie de sortir mon album solo quand j’étais dans Candlemass. Donc toute l’idée de faire jouer Marcus sur l’intégralité de l’album ne s’est jamais concrétisée, parce qu’il était de plus en plus occupé sur d’autres choses. C’est pour ça que Marcus ne joue que sur deux ou trois chansons dans l’album. Les guitares de Fredrik sont principalement des guitares rythmiques qu’il a enregistrées il y a environ dix ans sur des démos, mais elles sonnaient encore tellement bien que je les ai gardées sur l’album. Donc Fredrik n’a pas été impliqué dernièrement sur cet album, mais il a été suffisamment sympa pour me laisser utiliser ses vieux enregistrements de guitare. Et puis j’ai aussi fait appel à Kristian Niemann de Therion parce que je ne sais pas jouer de la guitare lead comme ils le font [petits rires]. J’avais vraiment besoin de quelques très bons guitaristes lead.

Ce que l’on peut remarquer, c’est la diversité stylistique de cet album : il y a du heavy metal, du doom, des côtés symphoniques, progressifs, théâtraux… Dirais-tu que c’est un résumé de toutes les expériences que tu as connues durant tes trente ans de carrière ou est-ce plutôt pour souligner la diversité de tes goûts et affinités en tant qu’artiste et auditeur ?

Je n’ai pas délibérément voulu mettre en valeur différents styles. C’est juste comme ça que je compose. Je me fiche un peu de la direction que peut prendre une chanson. Une fois que je commence à composer, j’essaye juste de rendre la chanson aussi bonne que possible dans ce style donné. En grandissant, j’écoutais plein d’autres musiques qui n’étaient pas du hard rock, comme David Bowie, Peter Gabriel, Supertramp, etc. Donc je suppose que parfois on peut entendre un peu une influence de David Bowie sur certaines chansons. C’était la liberté que j’avais en écrivant les chansons tout seul et en faisant cet album. Je faisais tout ce qui me passait par la tête ! Et quand j’ai choisi les chansons à mettre dans cet album, j’ai simplement suivi mon intuition. Je savais que je voulais que « Le Venimeux » soit la dernière chanson, parce qu’elle était longue, elle faisait dix minutes, et je trouvais que c’était mieux en dernier. Je savais que je voulais que « The Voice » soit au début, c’était une bonne ouverture avec un tempo rapide. J’ai essayé de déterminer un enchaînement naturel, quelles chansons iraient bien ensemble. Mais j’ai environ vingt autres chansons qui attendent de sortir. Je trouvais que celles-ci allaient bien ensemble. Et puis j’ai écrit cette année une chanson qui s’appelle « For Or Against ».

« J’ai grandi avec bien d’autres musiques que le hard rock. Il s’est juste trouvé que des amis étaient des hard rockeurs et j’ai un peu suivi cette direction, ce que j’adore et j’en suis reconnaissant, c’est cool. Mais parfois, le hard rock est très conservateur, et je voulais vraiment tenter ma chance à faire tout ce que je voulais musicalement. »

Penses-tu que certains de tes groupes ou projets passés ont déteint sur toi et ont influencé cet album ?

Oui, bien sûr. Surtout, je dirais, des groupes comme Therion et peut-être parfois Krux. Si je repense à ma carrière et me demande quels fans pourraient aimer cet album, je dirai probablement les fans de Therion, car ce que j’ai écrit sur Gothic Kabbalah fait un peu écho à ce que je fais ici, je trouve, personnellement. Je ne sais pas, mais oui, le fait d’avoir joué avec Therion a participé au son de cet album. Krux aussi. J’ai probablement fait dans les quarante albums en tant que chanteur lead. Donc c’est sûr que toute l’expérience que j’ai gagnée à travailler avec toutes ces personnes différentes [a eu un impact].

En fait, on dirait que c’est plus qu’un album solo, puisque non seulement tu ne l’as pas nommé Mats Levén mais Skyblood, mais aussi il y a quelque chose de très cinématographique dans la musique et les visuels – surtout avec ce personnage qu’on voit sur la pochette –, ce qui donne l’impression que tu as construit tout un univers. Etait-ce ton objectif ?

Oui, tu as raison à ce sujet ! En fait c’est cool que tu poses la question parce que tu es le premier à le faire. C’est ça qui est marrant : il y a un an, je savais que j’allais faire un album solo, mais je n’avais pas de nom à lui donner. Je voulais lui donner un nom spécifique. Quand j’ai vu le dessin qui est devenu l’artwork – nous l’avons un peu changé –, j’ai soudainement pensé : « Ouais, c’est Skyblood. Ce gars, c’est Skyblood. » Car Skyblood était l’un des noms potentiels que j’avais en tête. Et tout d’un coup, comme tu l’as dit, c’est devenu un personnage, presque comme dans un livre de science-fiction, une série télé ou un film, et j’ai construit ma propre petite histoire pour lui : qui est Skyblood, qu’est-ce qu’il a vécu, etc. C’est devenu mon alter ego, comme un personnage qui me représente, mais ça reste un personnage inventé. Une fois que j’étais dans cet univers dans ma tête, je pouvais projeter et finir les paroles, en faisant semblant d’être lui. Je me disais : « D’accord, ces paroles, si c’était Skyblood, si c’est lui qui avait vécu ça, comment devrais-je le formuler ? »

Du coup, qui est Skyblood ? Quelle est son histoire ?

Une grande partie de mes pensées et mes sentiments sont projetés à travers Skyblood, ça ne fait aucun doute. J’ai ma propre histoire à propos de Skyblood, sur qui il est et ce qu’il a vécu, mais je la garde dans ma tête, presque comme si j’étais en train d’écrire un script. Plus le temps passe, plus je trouve de nouvelles idées sur ce que ce gars a vécu, ce qui est évidemment basé sur mon propre vécu et ce que je pense de certaines choses. Par exemple, sur l’artwork tel qu’il est aujourd’hui, il trimbale un gros livre, le manifeste, parce qu’à l’origine, il y avait une arme dans cette main, mais je n’en voulais pas. Donc Joakim Ericsson, qui a fait l’artwork, a changé ça. Ce livre qu’il trimbale sont ses pensées sur différents sujets, politiques et autres. Quand vous verrez le livret de l’album, vous verrez que les textes sont écrits comme s’ils étaient dans un livre aussi. C’est censé avoir l’air d’être un livre et ses pensées sont dans ce livre. Donc Skyblood, c’est moi faisant semblant d’être tout seul, en plein hiver, sur une autre planète, ou peu importe, et d’avoir vécu plein de choses [petits rires]. C’était une façon amusante de me détacher de moi-même, parce que j’en ai un peu marre de Mats Levén. J’ai fait tellement de types de hard rock et de metal différents que les gens s’attendent à ce que je sonne d’une manière donnée. Certaines personnes s’attendent à ce que je sonne doom, d’autres à ce que je sonne power metal, or ça ne me plaisait pas trop. Donc j’ai vraiment voulu donner un nouveau nom à ce projet, car j’avais besoin de faire peau neuve, après tous les albums que j’ai faits. C’est pourquoi ça a fait beaucoup de bien et ça a été libérateur d’écrire cet album à travers un nouveau nom et un nouveau personnage, et c’était Skyblood.

Quand tu dis que tu en avais marre de Mats Levén, ce n’était pas tant que tu avais marre de qui était Mats Levén mais plus de qui il était aux yeux des gens ?

Exactement. J’ai toujours été qui je suis, c’est sûr, mais certaines personnes pensent : « Ouais, Mats Levén adore le power metal. » Certaines personnes pensent : « Non, c’est un mec qui aime le classic rock », à cause des trucs que j’ai faits avec Treat ou autre. Certaines personnes pensent que je suis un mec qui aime le doom. Mais étant jeune, j’ai grandi avec bien d’autres musiques que le hard rock. Il s’est juste trouvé que des amis étaient des hard rockeurs et j’ai un peu suivi cette direction, ce que j’adore, et j’en suis reconnaissant, c’est cool. Mais parfois, le hard rock est très conservateur, et je voulais vraiment tenter ma chance à faire tout ce que je voulais musicalement. Donc si une chanson est une chanson doom et la suivante est du metal symphonique… Je n’y pense même pas ! Car j’écris énormément à l’intuition et au feeling. Mais peut-être que quand je repense à une chanson, au bout d’un an, je peux dire : « Ouais, c’est devenu une chanson progressive » ou « C’est devenu un hit ». Mais je n’y réfléchis pas trop quand j’écris.

Est-ce que cet univers que tu as créé, et même la musique en général, est un peu devenu ton refuge ?

En un sens, oui. D’une certaine façon, je vis une vie très simple avec ma famille, ma femme et mes enfants, ce qui est super. Mais d’un autre côté, là tout de suite, je me fais un peu passer pour quelqu’un d’autre, en créant mon propre petit monde. C’est très important pour moi d’avoir ceci dans ma vie, d’être créatif et d’enfin pouvoir faire les choses comme je pense qu’elles doivent être faites, par rapport au clip ou à l’artwork, tout. Il est clair que c’est mon petit monde et qu’il m’est très important. C’est en partie la raison de ma séparation avec Candlemass. Je voulais emmener les choses plus loin, je voulais travailler plus, tandis que les gars dans Candlemass sont plutôt contents de là où ils en sont. Ils veulent jouer environ vingt concerts à l’année, et c’est cool. Ça fait trente ans que je suis musicien, à en vivre à cent pour cent, donc j’ai parfois une perspective un peu différente. Donc maintenant, je suis très content de pouvoir me concentrer à cent pour cent là-dessus.

« Candlemass, c’est un peu un passe-temps. Or je ne peux pas avoir des passe-temps, mec [rires]. Chaque euro que je gagne, je le gagne en composant ou en jouant de la musique. J’ai donc une perspective différente. »

J’allais justement te parler de Candlemass, car j’ai discuté avec Mappe et il m’a dit comment ça c’était passé et il a dit qu’il pensait que « ça a été un peu un choc pour [toi], à cause de la rapidité de la décision qu’[ils ont] prise » mais qu’à l’avenir, tu comprendrais leur décision. Ça s’est passé il y a un peu plus d’un an, du coup comprends-tu leur décision aujourd’hui ?

Eh bien, j’ai compris ce qui s’est passé plus ou moins directement. J’étais très frustré les derniers six mois, parce que je voulais que les choses avancent, je voulais que Candlemass soit un plus gros groupe, je voulais que nous fassions plus de choses. Je trouvais que Candlemass avait un super héritage et plein de bons albums, plein de bonne musique, mais toujours aucun succès. Candlemass est un groupe « héritage » et a un peu tout le temps le même public, ce qui est cool si c’est ce qu’on veut, ce n’est pas du tout un problème. Mais ce n’est pas comme ça que j’envisageais les choses. Donc c’était un peu frustrant pour moi. Les autres gars ont des boulots normaux à côté. Candlemass, c’est un peu un passe-temps. Or je ne peux pas avoir des passe-temps, mec [rires]. Chaque euro que je gagne, je le gagne en composant ou en jouant de la musique. J’ai donc une perspective différente et une relation différente par rapport à l’importance de la musique, parce que je fais ça à plein temps, et c’est le cas depuis les années 90. C’est pourquoi c’était frustrant pour moi, et eux-mêmes étaient frustrés parce que je leur mettais trop la pression sur différentes choses, et ça les stressait un peu.

Evidemment, l’intention était que je devais chanter dans Candlemass parce que j’avais enregistré tout l’album. Tout l’album était terminé et mixé. Le mixage était fini mais je n’étais pas très content du mix et nous avons eu des disputes à ce sujet. Au final, j’avais simplement l’impression que nous voulions des choses différentes pour le groupe. Ça n’a pas marché. Donc je le comprends complètement. Je veux dire que c’est toujours triste quand on doit se séparer et se quitter, car nous avons vécu de très belles expériences ensemble, nous avons fait de bonnes choses, mais à bien des égards, c’est comme dans la vie : les séparations sont très bonnes parfois et nécessaires pour passer à l’étape suivante et faire quelque chose de nouveau, et c’est en tout cas ce qui m’est arrivé. En fait, c’était un soulagement, autant pour eux que pour moi, quand ça a été décidé, surtout quand Napalm Records m’a contacté deux semaines plus tard. Je pense que Candlemass est dans une très bonne position, Johan est super, le nouvel album est super. Je pense qu’ils sont très heureux maintenant et je suis très heureux également.

Es-tu en bons termes avec eux ? Car tu as eu quand même une longue histoire avec Leif Edling et Candlemass, à les aider pendant les changements de chanteur avant même que tu deviennes toi-même leur chanteur…

Oui. Je veux dire que Lars [Johansson], le guitariste soliste, a toujours été d’un grand soutien. Il m’a félicité pour les nouvelles chansons, le contrat avec la maison de disques et tout. J’ai fait un album avec Lars il y a deux ou trois ans ; il a fait un genre d’album solo blues sur lequel j’ai chanté, donc nous avons toujours eu une bonne relation. Les autres gars ne m’ont plus contacté après l’été dernier. Donc je ne sais pas. Mais c’est cool. Je les ai croisés deux ou trois fois quand ils jouaient, nous avons un petit peu parlé et tout va bien. C’est presque comme recroiser une ancienne petite amie un an plus tard, tu te rends soudainement compte : « Wow, c’était probablement bien que l’on se soit séparés. On n’a pas tant de choses en commun. On voulait avoir des choses en commun, on pensait que ça allait aller mais… Maintenant, quand on y repense, on sait qu’on n’était pas fait l’un pour l’autre. » C’est comme ça, je pense. Ensuite, bien sûr, j’ai une longue histoire avoir Leif depuis le milieu des années 90. J’ai commencé à travailler avec Leif il y a presque vingt-cinq ans, mais tu sais, Leif est… [Réfléchit] Disons que je n’étais pas le premier chanteur à être remplacé, pour ainsi dire, dans Candlemass [petits rires]. Je crois que c’est la septième fois que ça arrivait, donc… Les choses sont ce qu’elles sont. J’ai passé de très bons moments dans Candlemass, nous avons fait de très, très bons concerts. Je me souviens surtout de ça, de tous les très bons concerts que nous avons donnés, et des moments où nous nous sommes bien amusés aussi. Donc c’est génial. Mais les gens sont différents et on a tous différentes manières de mener notre vie. Je suis content des années durant lesquelles nous avons travaillé ensemble, donc c’est cool.

Ce serait intéressant d’entendre ta version de l’album…

Oui. Je suis sûr que ça sortira un jour, car Leif sort toujours tout ce qu’il fait, toutes les démos, etc. Il a déjà tout sorti avant [rires], donc je suis sûr qu’il va sortir ça un jour même sans me demander.

Qu’as-tu pensé des nouvelles lignes de chant de Johan ?

Je n’ai jamais eu d’exemplaire, donc je ne sais même pas s’ils font mention de moi dedans. Car j’ai enregistré toutes les chansons et Johan a chanté ce que j’avais fait. Enfin, d’après ce que j’ai entendu. Ce sont les mêmes chansons. Ça avait déjà été enregistré, donc Johan y a été et avait mon chant, je suppose, comme guide. Je suis sûr qu’il a chanté des trucs différemment aussi, mais la plupart des lignes vocales sont celles de Leif de toute façon, car il a écrit toutes les chansons. Donc pas de problème.

Revenons maintenant sur Skyblood. Tu as déclaré : « Ceci est qui je suis. Ceci est Skyblood. Skyblood équivaut à la fierté, l’empathie et la rage. » Est-ce que ces trois mots sont ceux qui te définissent le mieux ?

Ce sont probablement les mots qui me définissent, en tout cas maintenant, au moment où j’ai fini l’album, il y a genre six mois. Il y a plein de choses, politiquement parlant, qui me gonflent, et ça fait partie de la rage, mais la rage peut être plein de choses. Idem pour la fierté. Ce sont des sentiments que j’ai l’impression d’avoir en moi quand j’écris de la musique, ce qui est super parce que parfois c’est un excellent moteur d’être en colère quand on écrit quelque chose, de même que d’être triste ou de se sentir empathique envers quelque chose. « The Voice », le premier morceau chanté dans l’album, pour moi, il parle beaucoup de fierté et de s’affirmer, mais aussi d’empathie envers autrui, d’aider les gens qui n’ont pas autant de chance que nous, de les aider à progresser et à être plus forts. Cette chanson a aussi une part de rage, et c’est de la rage envers les gens qui traitent mal les autres. Ce sont juste des sentiments que j’avais dans ma tête, plus ou moins, quand j’ai fait cet album. Je ne peux pas mieux l’expliquer que ça [rires].

« Je ne peux pas survivre juste avec Skyblood, parce que ça ne fait que me coûter de l’argent [rires]. Mais je trouve toujours du boulot pour pouvoir survivre. Normalement, d’une façon ou d’une autre, j’arrive à m’en sortir. […] Financièrement parlant, ce n’est pas une bonne idée [petits rires], mais c’est une super idée pour ma passion et mon cœur. »

Tu viens de mentionner la chanson « The Voice », qui est le premier single de l’album, en plus de sa première chanson. Je suis sûr que ce n’est pas une coïncidence, vu que tu es chanteur et que ta voix est ton instrument principal. Et dans la chanson, tu chantes : « Remplis le vide – Déchaîne la voix ». Du coup, que représente ta voix pour toi ? Quel genre de vide essayes-tu de remplir avec ta voix ?

Wow, je ne sais pas, mec ! C’est une question difficile ! Un truc étrange, c’est que normalement, quand je fais un album, je me concentre uniquement sur mon chant et je suppose que je suis plus conscient de ma voix et je pense à ma voix, mais quand j’ai fait cet album, j’avais tellement d’autres trucs à faire – que ce soit les arrangements, la production, le fait de jouer d’autres instruments, etc. – qu’une fois que j’ai commencé à chanter, je n’y pensais pas trop. J’ai foncé, pour ainsi dire. Je n’ai pas trop réfléchi à ce que je faisais sur cet album. Mais pour revenir à ta question, je ne sais pas ! Je n’ai pas de bonne réponse à cette question. Ou alors, je pourrais essayer d’expliquer un peu plus les paroles. Le truc avec « The Voice » et l’idée aussi derrière Skyblood… Ce qu’il tient dans sa main droite, le bâton, c’est comme un microphone, et Skyblood utilise un peu sa voix comme une arme aussi. C’est un peu comme dans Dune, les livres de science-fiction, où il utilise sa voix, son microphone pour parler aux gens ou pour influencer les gens, presque comme un politicien utiliserait sa voix pour duper les gens. Dans ce cas, Skyblood utilise sa voix pour influencer les gens de différentes façons. Donc j’avais un peu ça en tête quand j’ai bouclé ces paroles aussi.

Plus généralement, comment as-tu façonné ta voix en tant que chanteur ?

Tout est une question d’expérience, je suppose. J’imagine que le fait de chanter avec différents groupes ou projets, ça aussi ça a aidé. C’était cool de jouer avec Therion, en l’occurrence, quand nous avons fait Gothic Kabbalah. Sur certaines chansons que j’ai écrites, comme « The Perennial Sophia », j’ai pu chanter un peu plus dans un style à la David Bowie, ce que je n’avais jamais fait avant mais j’ai toujours voulu avoir l’occasion de le faire. Ça m’a donné l’occasion de faire quelque chose d’autre avec ma voix. Mais si ta question est plus par rapport à la façon dont la voix change avec les années, ce n’est pas quelque chose auquel j’ai beaucoup réfléchi. Je suppose que la seule chose qui se passe est que plus longtemps tu chantes et plus tu fais de concerts et d’albums, plus tu gagnes en assurance et plus tu commences à essayer des choses différentes quand tu fais des chœurs ou du chant lead, car tu sais que tu peux te faire confiance. Et je suppose que tu apprends un peu plus ce qu’est ton son signature. Quand tu commences le chant, tu te reposes encore beaucoup sur les autres chanteurs avec qui tu grandis et qui t’inspirent, mais au bout d’un moment, tu réalises que tu dois te reposer sur toi-même, sur tes propres sentiments et sur la façon dont tu as vraiment envie de chanter à certains moments. Car au début, quand tu chantes, tu ne sais pas vraiment : « Est-ce que ça sonne ringard ? Est-ce que c’est bizarre si je fais comme ça ? » Mais au bout d’un moment, tu réalises : « Hmm, ouais, en fait ça sonne plutôt bien ! » Ça fait sûrement partie de notre développement et de la façon dont on commence à dépendre de nos propres idées vocales.

Particulièrement sur cet album de Skyblood, j’ai l’impression que je n’ai jamais été aussi détendu avec mon chant. Si j’ai été aussi détendu en chantant sur cet album de Skyblood, c’est parce que je fais tout ce que j’ai envie faire, car personne ne me dit quoi faire. Parfois c’est bien quand quelqu’un te dit quoi faire. Ça fait partie de l’expérience quand on fait partie d’un groupe ou autre : tu fais des compromis et tu es peut-être un peu plus réservé [petits rires]. Tu fais une répétition ou un enregistrement et tu te tiens tranquille, mais je ne pense pas du tout comme ça avec Skyblood. J’y vais sans rien brider. Si ça fait du bien de crier, je le fais. Ça a toujours été comme ça en live, de toute façon, car personne ne pouvait m’arrêter, donc c’est ce que je faisais. Mais je l’ai aussi un peu fait sur cet album, j’ai pris les choses comme elles venaient.

Tu as en fait commencé la musique en jouant de la mandoline et du violon à l’âge de onze ans. Comment ce background t’a aidé en tant que chanteur ?

Je ne sais pas si ça m’a vraiment affecté en tant que chanteur. Je pense que ce qui m’a affecté le plus en tant que chanteur, tout du moins la façon dont je sonne aujourd’hui, c’est que j’ai écouté plein de styles différents de musique quand j’étais enfant. J’ai été élevé avec plein de choses différentes. J’aime vraiment plein de voix différentes et de styles de musique différents. Je pense que ça m’a plus influencé en tant que vocaliste ou en tant que compositeur sur cet album également. Quand je jouais de la mandoline et du violon, c’était vraiment super et marrant, absolument, mais je ne suis pas sûr si ça m’a vraiment affecté plus tard. Je ne crois pas trop. Je suppose que ça m’a fait comprendre que j’avais un côté musical et que j’étais capable de jouer des instruments, ce qui était cool parce qu’alors j’ai commencé à jouer de la guitare quand j’ai commencé à écouter plus de metal, vers 1980. Ça m’a donc aidé à ce niveau.

Peut-être que ça t’a aussi aidé à avoir une vision plus globale de la musique et moins centrée sur le chant…

Peut-être, mais à la fois, je pense que j’ai voulu jouer du violon et de la mandoline simplement parce que j’ai été élevé avec tous les opéras et toute la musique classique que mon père écoutait. C’est sans doute pourquoi j’ai voulu essayer le violon, car ça me semblait sympa. Pour la mandoline, la plupart des enfants n’essayaient pas de jouer de cet instrument. A la place ils jouaient de la flûte, car quand j’étais enfant, on pouvait choisir entre la flûte et la mandoline, et pour une raison, j’ai opté pour la mandoline [petits rires]. Mais j’ai probablement continué avec le violon parce que j’aime le son du violon et j’ai beaucoup entendu de musique classique quand j’étais enfant.

« J’ai quelques idées sur la façon dont je veux présenter le projet sur scène, et il se pourrait que ce ne soit pas ce à quoi les gens s’attendent. […] Je ne veux pas faire ce genre d’album et ensuite monter sur scène en ayant l’allure d’AC/DC [petits rires], même si j’adore AC/DC. »

Un des temps forts de l’album est clairement la dernière chanson : « Le Venimeux », qui est une longue chanson progressive de dix minutes. Comment a-t-elle vu le jour ?

La première partie, les deux minutes et demie, la partie lente est quelque chose que je jouais tout le temps quand je traînais à côté du piano, et je pensais toujours à mon père en jouant ça. C’était un peu sur lui, en un sens, quand j’ai commencé à écrire ça. C’était donc une partie séparée, avec presque un titre indépendant au départ. Ensuite, j’ai commencé à jouer les autres trucs et c’est devenu une chanson. J’ai toujours su que cette chanson allait être une chanson qui serait à la fin de l’album, car j’ai fait tout ce qui me passait par la tête dessus. Je me mettais sur de nouvelles parties et ça ne s’arrêtait jamais. Je m’en fichais, je l’ai laissée être une chanson progressive, sans règle, plus ou moins. Ensuite, au bout d’un moment, j’ai rassemblé ces deux morceaux, et c’est devenu une longue chanson, mais au départ, c’étaient deux parties séparées.

Pourquoi avoir utilisé un mot français pour le titre de cette chanson ?

J’avais un titre de travail qui était un peu similaire, avec un mot en français. Quand j’ai écrit les dernières paroles de la chanson, j’ai écrit ça tout à la fin. Je n’avais pas prévu de voix sur ce passage à l’origine, mais quand j’ai fait tout le truc parlé, j’ai voulu que ça clôture tout l’album. J’aime le mot « venomous » en anglais, ou « poisonous ». Ensuite, vu que j’avais donné un titre en français avant, j’ai cherché : « Ça se dit comment en français ? D’accord : ‘le venimeux’. » Et bien sûr, mon nom de famille est Levén, donc ça avait du sens. C’était un jeu de mots avec mon nom.

Quel avenir envisages-tu pour Skyblood ?

Cet album sort le 22 novembre et j’ai vraiment envie de sortir le prochain album d’ici dix-huit mois après ça. Je vise une sortie du prochain album pour début 2021. Je veux sortir un troisième album après l’été 2022. Je veux sortir trois albums sur les quelques prochaines années, pour commencer. C’est mon objectif pour l’instant. Evidemment, j’espère faire autant de concerts et de festivals que possible afin de pouvoir jouer la musique de Skyblood sur scène. C’est ce que j’attends avec impatience. En dehors de ça, je ne peux pas survivre juste avec Skyblood, parce que ça ne fait que me coûter de l’argent [rires]. Mais je trouve toujours du boulot pour pouvoir survivre. Normalement, d’une façon ou d’une autre, j’arrive à m’en sortir. Mais Skyblood est très important pour moi. Evidemment, ce n’est pas une question d’argent parce que le peu d’argent que je gagne avec ça, je le réinvestis dans les clips, l’impression de T-shirts ou autres. Je le fais par amour d’enfin pouvoir faire quelque chose totalement par moi-même. Financièrement parlant, ce n’est pas une bonne idée [petits rires], mais c’est une super idée pour ma passion et mon cœur.

As-tu monté un groupe live pour Skyblood ?

Non, pas encore. Je sais peut-être avec quels batteurs je vais jouer, mais je n’ai pas encore décidé du type de line-up dont j’ai envie. J’ai quelques idées sur la façon dont je veux présenter le projet sur scène, et il se pourrait que ce ne soit pas ce à quoi les gens s’attendent. Il faudra attendre pour voir.

J’imagine, que ce projet a un gros potentiel pour mettre en place un spectacle assez théâtral.

Oui, mais d’un autre côté, ça coûte très cher de partir sur les routes, jouer et apporter plein de matériel. Il faut donc faire ça intelligemment. Mais je ne veux pas faire ce genre d’album et ensuite monter sur scène en ayant l’allure d’AC/DC [petits rires], même si j’adore AC/DC.

As-tu d’autres projets dans les tuyaux ?

L’autre chose que je fais en ce moment, c’est que j’ai quelques amis qui ont sorti un album qui s’appelle Opera Diabolicus. C’est dans un style doom/Mercyful Fate. Snowy Shaw était impliqué dedans aussi. Nous avons sorti le premier album, 1614, en 2012. Ils ont écrit le nouvel album, donc je vais faire du chant dessus en tant qu’invité. Snowy Shaw chante et joue de la batterie aussi. Ça sonne vraiment génial ! Les gens qui aiment les choses que j’ai faites avec Leif Edling vont probablement adorer cet album. C’est un peu doom. Et le premier album est super aussi ! Opera Diabolicus, allez écouter ça ! Donc ça c’est ce que je fais là tout de suite, mais plus tôt cette année, j’ai fait du chant pour tout un album aussi, avec un guitariste et compositeur finlandais inconnu. Ça sonne totalement différent de tout ce que j’ai fait auparavant. En fait, ça sonne un peu comme l’univers de Ghost, en l’occurrence. Ce sont des chansons vraiment sympas. Je ne peux pas trop en parler parce qu’il n’a pas encore décidé comment il allait le sortir, donc ce n’est pas officiel, mais j’aime tellement les chansons que j’ai décidé de le faire, et j’espère vraiment qu’il trouvera le moyen de le sortir. Voilà les choses que j’ai faites cette année, en plus de mon propre album, le mix et tout ce je fais maintenant pour Skyblood.

Interview réalisée par téléphone le 12 novembre 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Mats Levén : matsleven.com

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