Avec son nouvel album Repentless, Slayer est à un tournant dans sa carrière, le plus important même qu’il ait jamais rencontré : le guitariste-compositeur Jeff Hanneman n’est plus, le batteur emblématique Dave Lombardo a quitté les rangs, même la relation de très longue date avec le producteur Rick Rubin et son label American Recordings a été rompue. Et pourtant, Slayer reste indiscutablement Slayer. C’était même là tout l’enjeu de ce nouvel opus, il fallait que le duo Kerry King / Tom Araya, accompagné de Gary Holt et Paul Bostaph dont les statuts contractuels restent encore à être fixés, prouve la validité de cette décision de continuer avec ce que certains ont pu considérer comme un demi-Slayer.
A quelques heures de monter sur scène ce lundi 26 octobre au Zénith de Paris, pendant que Kvelertak entamait déjà les hostilités, nous avons rencontré un Kerry King d’humeur souriante pour le questionner, en sujet principal, sur la psychologie derrière cette décision et la manière dont Slayer – et en particulier les deux survivants du line-up classique – s’est adapté à une situation difficile, autant au niveau musical que relationnel.
« Je comprends les inquiétudes des gens parce que jusqu’à ce que nous l’ayons fait, j’étais moi-même inquiet ! »
Radio Metal : Après le départ de Dave Lombardo et le décès de Jeff Hanneman, beaucoup de gens remettaient en question l’avenir de Slayer et votre capacité à faire un nouvel album qui serait au niveau. Qu’est-ce qui vous a poussés à résister et faire un album face à cette défiance ?
Kerry King (guitare) : Au bout du compte, l’une de mes décisions était : « Je veux jouer ! » Et si je fais de la musique, ça sonnera forcément comme du Slayer. Du coup, ça n’a aucun sens pour moi… A moins que Tom ne décide qu’il veuille arrêter, je n’ai aucune raison de faire ce que je fais pour quelqu’un d’autre que Slayer. Tu sais, je n’ai aucun plaisir coupable en musique auquel je voudrais m’adonner. De toute façon, je ne saurais pas faire quoi que ce soit d’autre que ça ! Donc, tant que Tom est intéressé pour aller de l’avant, ceci est tout ce que je prévois de faire.
Donc tu dis que l’idée d’arrêter Slayer ne t’a jamais traversé l’esprit ?
Non, pas moi. Je veux dire qu’avec Tom nous nous sommes tous les deux mis d’accord pour dire que si l’un de nous deux partait, alors Slayer serait fini. Au début, nous avons discuté de ça parce que j’étais assis sur un paquet de musique. Je ne me souviens plus sur quelle tournée nous étions mais il n’était pas très expansif par rapport à ce qu’il voulait faire, donc un jour, je suis allé le voir et j’ai dit : « Hey mec, es-tu prêt à faire un album ? Parce que moi, je vais en faire un. J’ai toute cette musique et je veux la sortir avec Slayer, mais si tu ne te sens pas de faire un album là tout de suite, je vais m’en occuper moi-même ! » Et c’est là que nous avons décidé de le mettre en route. Je pense que nous avons montré à tout le monde que nous pouvons encore faire de la musique qui sonne comme Slayer, même s’il n’y a plus que nous deux. Je veux dire que Paul a été là pendant dix ans il y a de ça quelques temps mais je comprends les inquiétudes des gens parce que jusqu’à ce que nous l’ayons fait, j’étais moi-même inquiet ! Mais je savais que nous avions de bonnes choses, donc nous avons décidé d’enregistrer ça, de faire un album et de le proposer aux gens.
Est-ce que tu as eu l’impression que, pour la première fois depuis très longtemps, Slayer avait quelque chose à prouver ?
Juste un tout petit peu. Je veux dire que, musicalement, la moitié de nos contributions étaient parties parce qu’elles se sont envolées avec Jeff. D’ailleurs, une fois que Jeff a été blessé, je crois que c’était au début 2011, j’ai commencé à travailler sur plein de choses parce que je ne savais pas s’il allait apporter quoi que ce soit, il a donc fallu que je suppose qu’il n’allait rien apporter. J’ai immédiatement commencé à faire plein de choses parce que je ne savais pas s’il contribuerait avec dix chansons, cinq chansons, la moitié d’une chanson… Je ne savais pas, j’ai donc dû partir du principe qu’il n’allait rien apporter, car c’est la seule façon d’être préparé. J’écrivais donc des tonnes de trucs et lorsque nous sommes allés en studio, je crois que nous avons enregistré quelque chose comme dix-neuf chansons. Il nous reste donc sept, huit ou neuf chansons qui attendent juste des paroles. Nous n’avons jamais pris autant d’avance après avoir sorti un album. Parfois nous avions deux chansons, peut-être trois, mais cette fois, nous avons presque les deux tiers du prochain album qui est terminé. Nous sommes donc en bonne forme !
Le fait de s’être préparé à ce que Jeff ne contribue pas du tout peut sembler être une attitude très pessimiste et dépourvue de sentiment mais le temps t’a donné raison. Est-ce important pour toi de toujours anticiper toute éventualité et ne pas te laisser surprendre par les événements ?
Je pense que, plus que tout, je me le dois et je le dois à Tom parce que nous sommes ceux qui ont été là depuis toujours. Je le dois donc à moi et à Tom d’abord et puis je le dois, dans un second temps, aux fans de Slayer parce que je pense que les fans de Slayer veulent que nous continuions. Il est certain que des tragédies se sont produites au cours de l’année dernière ou des deux dernières années, mais je compare ça à lorsqu’AC/DC a continué après la mort de Bon Scott. Et si nous avions tous dit : « Angus, tu dois raccrocher ! » Pense à toute la merveilleuse musique que nous aurions loupée ! Evidemment, ce n’est pas le même scénario mais c’est une situation similaire. Je crois simplement qu’en étant dans ce business depuis aussi longtemps que je l’ai été, c’est mieux d’être préparé que de n’être prêt pour rien du tout !
Jusqu’à aujourd’hui, la musique de Slayer, c’était Jeff et toi, et vous deux aviez des styles de composition différents. Désormais, tout repose sur tes épaules. Est-ce que tu as ressenti une appréhension ?
Mon interrogation numéro une, personnellement, était de savoir si j’étais capable de faire les trucs un peu effrayants et lugubres parce que ça, c’était le truc de Jeff et ça l’a toujours été. La partie en guitare clean de « When The Stillness Come », je l’avais depuis vingt ans mais je n’étais pas pressé de la terminer parce que Jeff se chargeait toujours de cet aspect et rien ne m’obligeait à finir la chanson. Puis cet album est arrivé et c’était la première que nous avons enregistrée. Et je me disais : « Si je peux y arriver avec celle-ci, alors j’aurais couvert toutes les bases. » Ensuite nous l’avons faite, nous avons mis le chant dessus, Tom l’a chantée et j’étais là : « Ouais, c’est vraiment bon ! » J’étais vraiment confiant quant à la tournure que la chanson avait prise et par rapport à cette partie de Slayer qui aurait pu manquer parce que Jeff n’avait pas contribué à cet album, à l’exception de « Piano Wire ». Car je pense que… Je veux dire que c’est plutôt aux fans d’en décider plus que moi mais selon moi, pour avoir un album de Slayer qui soit complet, nous avons besoin d’avoir ce type de chansons. Donc ouais, il y avait celle-ci et puis nous avons fait « Pride In Prejudice », et c’en est une autre qui sonne vraiment heavy et sombre. Je pense donc que tous les aspects de base sont couverts ! J’ai fait tellement de choses qu’il y en avait pour tous les goûts ! C’est heavy, c’est rapide, c’est un peu punk… J’essaie de faire des choses qui ne sonnent pas les unes comme les autres. L’une des choses qui m’inquiétaient, c’était de faire des chansons et que certaines d’entre elles sonnent similaire parce que je les avais toutes composées. Je voulais juste m’assurer que j’approchais les chansons de manière à ce que chacune ait sa propre identité et n’emprunte pas à d’autres chansons.
« Jeff était un drôle de gars ! Il vivait à Hemet, qui est à environ une heure et demie de Los Angeles, et il vivait reclus. Il allait simplement là-bas et était Jeff ! Et s’il se sentait de composer, il le faisait, et s’il ne se sentait pas, il ne le faisait pas ! »
D’après Tom, il y avait un équilibre entre toi et Jeff. « Avec Jeff, c’était plus ouvert, et les choses se faisaient, et la magie se produisait, » alors que toi, tu « ne permets pas à la magie de se produire, » c’est très carré. Comment as-tu fait pour compenser l’absence de cet équilibre ?
Je ne sais pas. Ne sachant pas ce que Tom a dit, je pense que ce que Tom veut dire c’est que lorsque Jeff arrivait avec une chanson, il n’avait peut-être pas de paroles. En général, lorsque j’apporte une chanson, j’ai des paroles – c’est déjà fait – et je sais où je les veux, et je vais même les chanter pour lui et enregistrer une esquisse de chant. Je pense que sa définition de « laisser la magie se produire », c’est le fait de le laisser trouver où les mots doivent aller, alors que moi, je sais déjà où ils vont. Donc je suppose que ça a du sens de dire que ce n’est pas aussi ouvert parce que c’est déjà fait mais je reste ouvert à la manière de présenter les choses. Je sais exactement où je veux qu’elles soient mais si tu as une idée, je suis totalement pour l’essayer aussi.
Tom a aussi dit que la relation qu’il avait avec Jeff était très différente de celle qu’il avait avec toi. Il a dit que lui et Jeff « étaient plus proches » que lui et toi, surtout en termes de communication. Du coup, est-ce que ta relation avec Tom a évolué depuis ?
Un petit peu. Et je pense que c’était ainsi auparavant parce que ces gars restaient toujours dans le bus alors que moi je suis toujours dans la salle. Je ne veux pas être dans le bus à moins que nous allions quelque part. Et eux, ils vivaient dans le bus ! Je veux dire qu’ils ont des loges pour eux, bien sûr, mais lorsque nous étions à un concert, Jeff ne venait pas à la salle avant de monter sur scène. Nous sommes un peu des opposés en ce sens. Parce qu’il ne voulait pas avoir affaire aux gens. Il voulait être dans son monde et ne pas avoir à parler aux gens, pour faire peu importe quoi… Il détestait la célébrité ! Ca ne l’intéressait pas. Et je pense que ça vient de là parce que Tom et Jeff étaient toujours dans le bus. Et moi, j’étais toujours à l’intérieur parce que, comme je l’ai dit, à moins que nous nous rendions quelque part, je ne veux pas rester dans ce tube ; c’est fait pour dormir et conduire ! [Rires] Mais ouais, Tom et moi, c’est sûr que nous nous parlons davantage parce qu’il n’y a plus que nous deux maintenant ! Et, tu sais, je suis davantage conscient qu’il faut tenir Tom au courant des choses alors qu’avant, je ne m’occupais que de mes trucs. Je me contentais de faire mes trucs, je fais mes échauffements, je fais mes interviews… Je sais que j’ai un concert à donner en bas sur scène, donc… Je ne voulais pas être dans le bus ! [Rires] C’est juste que je n’aime pas ça ! Mais je suis mieux au courant de ce qu’il se passe, je soumets des choses à Tom, comme aujourd’hui, nous allions jouer une chanson différente mais nous voulons la répéter une fois de plus demain aux balances avant de la jouer, donc… J’essaie d’être attentif à ce qu’il ressent, par rapport aux concerts, où nous jouons et ce avec quoi il est à l’aise.
Comment est la dynamique du groupe aujourd’hui, avec Gary et Paul ?
Je trouve que c’est merveilleux ! C’est une nécessité pour la préservation de Slayer, c’est certain. Mais le produit que nous offrons aux gens est putain de béton ! Je n’ai pas Gary dans mes retours parce que je sais qu’il ne merde pas. La seule chose que j’ai dans mes retours, c’est Paul, parce que c’est comme ça que je suis le tempo. Si je n’avais pas besoin d’entendre Paul, je ne le mettrais pas dans mes retours non plus parce qu’il ne déconne jamais ! C’est super en place ce que nous proposons aujourd’hui ! La performance est super.
Tu as mentionné à plusieurs reprises le fait que depuis les années 90, tu as enregistré toutes les parties de guitare rythmique et qu’une bonne part des idées sur les derniers albums venaient de toi. Comment expliquer cette baisse des contributions de Jeff sur les albums et le fait qu’il n’enregistrait aucune guitare rythmique ?
Généralement, je passais en premier [durant l’enregistrement], même au tout début lorsqu’il jouait ses propres rythmiques. Mais ensuite, une fois que nous avons fini d’enregistrer mes pistes, je sais où sont les bosses et les hauts et les bas ; c’est bien plus facile pour moi de jouer par-dessus moi-même que ça l’est pour lui de jouer par-dessus moi. Je pense que nous nous sommes tous les deux rendus compte que ça rendait l’album plus en place. Ce n’était pas parce qu’il ne pouvait pas le faire ou quoi que ce soit de ce genre, car il jouait les leads sur tous ces albums. Je pense qu’à un moment donné dans le passé, c’était juste pour économiser du temps, et puis c’est resté. Pour ce qui est de la composition, il a beaucoup fait dans les années 90 et j’ai beaucoup fait dans les années 2000. Mais ensuite, World Painted Blood, c’était presque à égalité, ce qui est curieux. God Hates Us All c’était surtout moi. Christ Illusion, c’était surtout moi. Mais ouais, sur World Painted Blood Jeff avait beaucoup d’idées et se sentait… C’est juste que parfois il ne se sentait pas de faire des trucs ! Jeff était un drôle de gars ! Il vivait à Hemet, qui est à environ une heure et demie de Los Angeles, et il vivait reclus. Il allait simplement là-bas et était Jeff ! Et s’il se sentait de composer, il le faisait, et s’il ne se sentait pas, il ne le faisait pas !
Tu as déclaré que tu as « longtemps réfléchi [au sujet d’impliquer Gary dans l’écriture du nouvel album], mais [tu] ne pensais pas que les fans de Slayer seraient prêts pour ça. » Mais en fait, on a vu les fans accueillir Gary à bras ouverts et même certains d’entre eux avaient hâte de le voir contribuer à Slayer. Donc, au bout du compte, n’était-ce pas toi celui qui n’était pas prêt, plus que les fans ?
Non, pas du tout. Maintenant, si Gary avait contribué à l’album, au-delà des leads, nous aurions entendu toutes sortes de merdes à ce sujet ! Et le fait que nous ne l’ayons pas fait [a probablement évité que ça se produise]. Tu sais, ce n’est rien qu’une question… Si Gary avait contribué à cet album, je crois toujours que les gens nous en auraient voulu. Bon, je veux dire que certains ouais, d’autres non. Il y aura toujours des gens là-dehors qui… Je veux dire que j’aurais pu avoir James Hetfield sur l’album que les gens s’en seraient plaints ! Les gens sont simplement comme ça ! Donc plutôt que de se retrouver mêlé à ça, j’ai simplement dit : « Nous avons plein de musiques, finissons ça, balançons à Gary des solos parce qu’on ne peut pas avoir une double attaque de guitare sans deux guitares… » Et j’avais le sentiment qu’en jouant ces chansons en live, au moins il aurait l’impression d’avoir quelque chose là-dedans qui faisait partie de lui. Ca me semblait être la bonne manière de faire. Je veux dire que je suis toujours un fan, tu sais. J’adore toujours Judas Priest, Sabbath, Maiden, j’adore toujours tous mes héros et lorsqu’ils font quelque chose qui me dérange, je m’en souviens, en tant que fan ! Et je ne voulais pas que ce genre de chose accompagne l’album.
« J’aurais pu avoir James Hetfield sur l’album que les gens s’en seraient plaints ! Les gens sont simplement comme ça ! »
De quelles choses te souviens-tu qui t’ont dérangé ?
Turbo ! Je déteste Turbo, mec ! C’est là où Judas Priest… Tu sais, ils ont toujours été Judas Priest et puis est arrivé cette petite période où ils ont sorti l’album Turbo et où ils ont essayé d’être un genre de mélange entre Priest et Mötley Crüe ou Priest et Twisted Sister… J’adore Priest encore aujourd’hui mais ils ont fait Turbo, et puis ils sont revenus avec Ram It Down et je me suis dit « ok », ils ont rattrapé leur erreur. Et ensuite ils sont revenus avec Painkiller, et j’étais là : « Oui ! Mon Priest est de retour ! » Donc, en tant que simple fan, je me souviens de choses de ce genre et j’essaie de nous orienter vers de meilleures directions.
Je sais que tu avais récemment en tête d’accueillir officiellement Gary dans le groupe. Lui en as-tu parlé ? Est-ce qu’il serait partant pour passer à l’étape suivante et devenir un membre officiel de Slayer ?
J’imagine. Et on dirait que nous sommes super lents mais je crois que nous sommes à peine en train de gérer le contrat de Paul. Car nous avons bouclé l’enregistrement et l’album, et ensuite tout le monde est parti de son côté. Et il fallait que le cas de Paul soit géré d’abord, et lorsque ce sera fait, alors nous nous occuperons de Gary. Mais pour ma part, Gary est là jusqu’à ce que Gary ne veuille plus être là.
Tu as dit qu’à en juger l’offre qu’ils vous ont faite, American Recordings ne voulait plus de Slayer. Penses-tu que la relation qu’entretenait Slayer avec American Recordings et Rick Rubin était arrivée en bout de course ?
C’est possible. Tu sais, au final, nous avions notre contrat avec Nuclear Blast sur la table. Et je savais que je voulais le signer. Mais Tom et moi étant de la vieille école – je veux dire que nous sommes là depuis trente et quelques années, tu vois -, nous avons tous les deux eu le sentiment que nous devions à American de leur donner une chance de nous faire une offre. C’est l’une des raisons pour lesquelles ça a pris autant de temps pour signer le contrat avec Nuclear Blast, car nous voulions qu’American vienne à nous avec quelque chose. Et ils ont communiqué leur offre et, personnellement, j’aurais souhaité qu’ils disent juste : « Vous savez quoi ? Je pense que c’est mieux pour nous tous si vous passiez à votre offre suivante. » Peut-être qu’ils ne veulent pas faire… Je veux dire qu’avec American, à chaque fois que nous avons fait un album, il y avait une distribution différente, il n’y avait aucune continuité, sauf pour le fait que nous étions avec American. Mais, par exemple, d’un point de vue presse, le fait de mettre en avant l’album n’était pas une priorité. C’était toujours relégué au second plan. Avec Nuclear Blast, j’étais très excité parce que je savais que tout le monde dans ce label sont des fans de metal et ils pensent comme si l’album était le leur ! Ils ont obtenu un classement numéro un en Allemagne, en l’occurrence lorsque nous étions en Allemagne, et putain, ils étaient plus excités que je ne l’étais ! C’est donc très important pour eux. Mais le truc avec American, tu vois, c’est que j’ai toujours des amis là-bas et j’en aurais toujours mais je suppose qu’ils voulaient prendre une autre direction.
Evidemment, la musique, c’est de l’émotion. Du coup, où puises-tu tes émotions de manière à faire ta musique, quelles sont tes sources émotionnelles d’inspiration ?
Tu sais, je suis quelqu’un de très heureux mais je relève aussi les défauts de la société. Les gens ne savent pas conduire, les gens ne savent pas comment se comporter en public, les itinéraires dans les aéroports, il n’y a que des conneries qui font chier, mais je ne vais pas me mettre à poursuivre tout le monde en justice ! Tu vois ce que je veux dire ? Je peux me contenter d’entretenir cette émotion et lorsque je commence à faire de la musique, enfin, pas tant de la musique que des paroles, je la déverse. J’essaie aussi, avec les chansons, d’en faire comme des petits films, pour qu’elles soient très visuelles, surtout avec une chanson comme « When The Stillness Come ». Je crois que nous devrions faire une vidéo pour celle-ci parce qu’elle possède tout plein de types de visuels. Enfin, j’imagine qu’elle n’a même pas besoin de faire l’objet d’une vidéo parce que justement elle est tellement visuelle par rapport à ce qu’explique que tu as tout de suite les images qui te viennent en tête ! J’essaie de donner une identité à chaque chanson. Ce n’est certainement pas un album conceptuel. Je n’ai aucun véritable désir de faire un album conceptuel. Je trouve juste une phrase ou un titre, je pense à des choses qui me mettent en colère et je pars de là !
Il y a quelques années, Slayer a sorti une chanson qui s’appelle « Jihad »…
Nous allions presque la jouer ce soir ! [Rires]
Et aujourd’hui la situation avec l’extrémisme religieux aussi bien qu’avec la liberté d’expression a plus que jamais empiré. Penses-tu que Slayer pourrait encore aujourd’hui, avec tout ce qui s’est passé récemment, aborder ce type de sujet dans une chanson ?
Il n’y a pas beaucoup de choses dont j’ai peur de parler, et je pense que le problème dans le monde est que pas assez de gens sont prêts à en parler. Lorsque nous présentons ces choses, c’est généralement assez générique. Il n’y a pas d’avis arrêté, pour ainsi dire. Ca ne dit pas « c’est bien, ce n’est pas bien », ça balance juste des sujets et c’est aux gens de se faire leurs avis. C’est quelque chose que j’apprécie particulièrement à notre propos. Nous ne nous attaquons pas à des sujets controversés. Nous ne faisons qu’en parler et les faire ressortir, nous les portons au grand jour, je suppose. Il y a des choses que je ne ferais certainement jamais – [il réfléchit] je ne sais pas, je suis sûr qu’il y a des choses [rires], il y a des choses qui sont hors de portée. Mais les religions n’en font pas partie. Je pense que si la religion était discutée ouvertement et, surtout en Amérique, n’était pas un tel lavage de cerveau, beaucoup plus de gens se feraient leur propre idée plutôt que d’être contraints à croire des choses.
« Je suis un athée, donc si je ne crois pas en Dieu, je ne peux pas croire au diable, autrement ça n’a aucun sens. »
Blackie Lawless de W.A.S.P. nous a dit qu’ « aucun autre genre de musique n’est aussi obsédé par l’idée de religion que le metal ». Et Slayer, évidemment, nourrit cette obsession, il suffit de regarder l’artwork de Repentless. D’où vient cette obsession ?
Je ne sais pas. Peut-être parce que les personnes religieuses – je ne trouve pas le bon mot -, prennent sur elles… Plus tant aujourd’hui mais probablement vers la fin des années 80, début des années 90, avec par exemple le PMRC et des choses de ce genre, ils essayaient de censurer ces albums parce qu’ils n’adhéraient pas à leurs idées. Ceci étant dit, je ne m’amuse pas à aller coller l’autocollant inverse sur leurs tracts qui disent « vous avez tort ». Je pense que, peut-être pas le metal, mais surtout Slayer… Par exemple, je suis un athée, donc si je ne crois pas en Dieu, je ne peux pas croire au diable, autrement ça n’a aucun sens. Mais je crois qu’il est important que les gens – et ça rejoint ce que je disais à propos de la question précédente – aient des informations pour se faire leur propre avis. C’est le seul véritable message que j’essaie de transmettre parce que trop de gens ne font que suivre tout ce qu’on leur dit, sans rien remettre en cause.
Ces dernières années, tu as perdu ton technicien guitare qui était avec toi depuis très longtemps et ensuite, un an plus tard, ton collègue Jeff. Je sais que tu es quelqu’un de très terre-à-terre par rapport à la mort – comme tu l’as dit, tu es athée – mais quand même, est-ce que ces événements t’ont fait un peu réfléchir sur la vie et la mort ?
Peut-être un peu. Je veux dire que ça fait également partie du fait que nous vieillissons, nous allons voir de plus en plus de gens mourir. Et ceci étant dit, lorsque nous montons sur scène, bien plus de choses font mal qu’auparavant parce que nous sommes en train de devenir vieux ! Ouais, mon technicien guitare, c’était un énorme choc parce qu’il n’avait aucun problème. Je ne savais pas que c’était un accro récréatif aux médocs, je n’ai jamais su ! Et il n’avait que trente et quelques années. J’ai reçu un appel la veille du 1er avril, donc j’ai cru que c’était une blague ! Mais non, il est mort dans son sommeil ! C’était difficile. Je n’aurais jamais cru avoir jamais besoin de trouver un autre technicien guitare ! C’était un bon ami, il faisait attention à moi, il faisait un super job sur scène… C’était difficile. Et ensuite, l’année suivante, Jeff, c’était super difficile. Même si nous savions que Jeff était malade, nous ne savions pas jusqu’à quel point il deviendrait malade et se détériorerait. Et c’était un sérieux enchaînement de coups de poings droite-gauche ! Ca faisait beaucoup à encaisser.
Comment est-ce d’être dans Slayer à cinquante-et-un ans par rapport à lorsque vous étiez dans votre vingtaine, lorsque le groupe était au sommet de sa forme ?
Nous sommes toujours au sommet de notre forme ! Nous sonnons super bien. Je prends du temps pour m’échauffer, genre, religieusement [rires]. J’avais l’habitude de faire ça une heure avant de monter sur scène et aujourd’hui, nous sommes au début de la tournée, donc je commence une heure et quart ou une heure et demie plus tôt, juste pour m’assurer que tout est comme il faut. Parce que nous arrivons toujours à fond les ballons, tu sais, nous n’ouvrons pas avec « South Of Heaven », nous ouvrons avec des putains de trucs rapides, donc il faut que nous nous y préparions. Je m’échauffe le cou, je m’échauffe le dos, et heureusement, jusqu’ici, tout fonctionne bien.
Comment fais-tu pour te détacher de Slayer après tant d’années, pour t’aérer l’esprit ?
Simplement en allant à la maison et en n’étant plus Kerry King pendant une seconde. Si tu aimes le hard rock, tu vois bien à quoi je ressemble… C’est difficile de se détacher de Slayer. Mais une fois que tu en sors, tu as deux, trois ou cinq restaurants auxquels tu vas tout le temps. J’ai déjà signé tous les autographes, j’ai pris toutes les photos, maintenant je peux me contenter d’être moi-même. Le simple fait de ne pas avoir à sortir et secouer la tête cinq fois par semaine, c’est ça ma manière de faire une coupure avec Slayer.
Interview réalisée en face à face le 26 octobre 2015 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Slayer : www.slayer.net.
Interview intéressante sortant un peu de la promo habituelle (normal, l’album est déjà sorti…;-)). On savait bien que derrière l’ours « King » se cache un être humain, tout simplement. Nous sommes tous mortels…
Ce gars a certes des défauts mais c’est génial de le voir s’exprimer aussi ouvertement et naturellement. Belle interview !
Excellente interview, très honnête je trouve. Une bonne discussion à bâton rompu, voilà ce dont Kerry a besoin pour retaper sa réputation ^^
Excellente interview, sans détour, comme souvent sur ce site.
Kerry King, tes trop mortel ! Je partage la même vision que toi, mon pote : « Je suis un athée, donc si je ne crois pas en Dieu, je ne peux pas croire au diable, autrement ça n’a aucun sens »! Et le Blackie Lawless de W.A.S.P. qui a dit qu’ « aucun autre genre de musique n’est aussi obsédé par l’idée de religion que le metal », il a dû fumé la moquette avant son interview ! Sé pas parce qu’on est un groupe de metal, qu’on est obligés d’êtres obsédés par la religion, elle, qui nous a déjà assez imposée des trucs débiles comme ça ! Enfin bref : Jeff Hannemmann, repose en paix, et Kerry King, continues !!!
« Et le Blackie Lawless de W.A.S.P. qui a dit qu’ « aucun autre genre de musique n’est aussi obsédé par l’idée de religion que le metal », il a dû fumé la moquette avant son interview ! Sé pas parce qu’on est un groupe de metal, qu’on est obligés d’êtres obsédés par la religion, elle, qui nous a déjà assez imposée des trucs débiles comme ça ! »
Ah ouais, ah ça cogite dur là-dedans, dis-donc…
Pourtant il ny a que dans le metal où il ya une certaine allegorie de références religieuse a ce point dans ce point . Dans l’imagerie
Quelque soit le coté d ailleurs .