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Chronique Focus   

Slipknot – We Are Not Your Kind


Slipknot, ou l’art de diviser toute une scène. Quoi qu’il en soit, l’immense notoriété du combo masqué leur permet de se moquer de ceux qui les considèrent toujours comme un groupe d’adolescents attardés incapables de produire un riff décent depuis de nombreuses années. Slipknot était revenu sur le devant de la scène avec .5: The Gray Chapter (2014), premier album sans le bassiste Paul Gray décédé en 2010 et sans le batteur Joey Jordison, We Are Not Your Kind voit lui aussi le jour au sein d’un contexte compliqué : Chris Fehn a été licencié du groupe en raison d’un conflit financier et la fille de 22 ans de Shawn Crahan est décédée il y a malheureusement quelques mois. Le sixième album du béhémoth originaire de l’Iowa est plus que jamais un exutoire et n’altère donc pas ses thématiques : il est toujours question d’une misanthropie omniprésente et d’un dégoût profond pour l’être humain.

Sans revenir sur les déclarations de Corey Taylor qui décrivait l’album comme une passerelle entre le premier ouvrage et Iowa et la réponse de Jim Roots qui prétendait que, au contraire, Slipknot n’était plus le même groupe : il faut avouer que We Are Not Your Kind contient tout de même une forme de rage sincère que les premiers efforts contenaient. Le riffing de « Birth Of The Cruel » sort tout droit du néo-metal des années 90, suppléé par les scratchs et effets électro de Sid Wilson et Craig Jones, ainsi que le jeu toujours aussi net et percutant du batteur Jay Weinberg. « Nero Forte », qui profite d’une belle dynamique entre sa pulsion rythmique et sa mélodie de refrain éthérée, nous gratifie en sus d’un pont tout en percussions qui remémore (enfin) l’intérêt d’avoir autant d’éléments sur scène pour créer cet environnement de brutalité collective. Slipknot manie avec talent tout ce qui a fait sa renommée, à savoir les transitions glauques tirées de séries B, apportant des respirations bienvenues (« Insert Coin », « Death Because Of Death » et la plus convaincante « What’s Next », une berceuse macabre faisant le lien avec « Spiders »), et le riffing néo-metal et tribal couplé à l’alternance du chant hurlé et clair de Corey Taylor, à l’instar de « Critical Darling » ou de l’ouverture « Unsainted ». Le problème, c’est que si la science du contraste est bel et bien maîtrisée par Slipknot (la lumière qui émerge de l’obscurité, tout ça…), elle finit parfois par devenir un poncif, un véritable leitmotiv. Lorsque Slipknot s’en libère, cependant, pour ne devenir qu’une boule de nerfs, à l’image de « Red Flag » qui est un condensé d’agressivité de la première à la dernière note, il peine à communiquer son entrain. Comme si le riffing assisté de son lit de percussions ne touchait plus, vestige d’une époque révolue.

Ce sont le contraste (même téléphoné et en abus) et l’atmosphère malsaine qui constituent les meilleurs ingrédients de Slipknot. Les notes de piano dissonantes et inquiétantes de l’audacieux « Spiders » font intervenir un élan de créativité bienvenu sur ce We Are Not Your Kind, plus entraînant que les chœurs lyriques grandiloquents d’« Unsainted ». « Spiders » est un hybride entre un vieux Nine Inch Nails et Blacklight Burns (et une petite touche d’ambiance horrifique, lointain héritage d’Alice Cooper, pourrait-on reconnaître) qui permet à Corey Taylor de sortir de ses lignes de chant stéréotypées. L’audace, on la retrouve également sur les presque sept minutes de trip-hop de l’immersive « My Pain », aux samples lugubres à peine ponctués de quelques notes de clavier et de murmures. Enfin Slipknot parvient de nouveau à instiller une forme de tension qui précède « Not Long For This World » qui condense les meilleurs éléments du metal de Slipknot. Cependant la vraie catharsis intervient peut-être sur la pseudo-ballade « Liar’s Funeral » – noire et mélancolique, et qui ne fait que monter en intensité – et ce « liar » vociféré par Corey Taylor qui légitime à lui seul la présence du titre sur l’opus, presque un moment de grâce.

We Are Not Your Kind paraît être un album juvénile : l’agressivité inhérente des compositions et les rythmiques énergiques renvoient effectivement à ce que le groupe proposait avec Iowa, avec évidemment davantage de maîtrise. We Are Not Your Kind ravira les fans de Slipknot puisqu’il propose exactement tout ce que le combo a forgé et maîtrise. Pourtant, la réussite de l’opus est surtout lorsque le groupe sort de sa zone de confort, à l’image de « Spiders » et « My Pain ». Slipknot a un potentiel, osons le dire, plus mature, plus subtil. Le riffing bidonné fonctionne, mais la véritable emprise sur l’auditeur passe par l’art de ciseler d’autres atmosphères.

Clip vidéo de la chanson « Solway Firth » :

Clip vidéo de la chanson « Unsainted » réalisé par Shawn Crahan :

Album e Are Not Your Kind, sortie le 9 août 2019 via Roadrunner. Disponible à l’achat ici



Laisser un commentaire

  • Utilitariste gaulois dit :

    Je craignais le pire après les premiers morceaux mis en ligne.

    Finalement, je suis très agréablement surpris. L’ensemble est convaincant et entraînant. De bons riffs, bonne ambiance, très bon chant.

    Excellent pour moi.

  • Peut-être que j’en espérais un peu trop après 5 ans d’attente et un « The Gray Chapter » dont je ne me lasse toujours pas d’écouter, d’autant que les premiers titres divulgués avant la sortie de ce nouvel album m’avaient pas mal convaincu… mais je dois admettre qu’à l’écoute final de ce « We Are Not Your Kind », c’est plutôt la déception qui prime.

    Une déception relative on va dire, car je rejoins la critique de RM qui souligne tous ces éléments intéressants disséminés dans plusieurs titres. Mais là où le bat blesse, c’est qu’il s’agit justement de choses disséminées ça et là. En fait, aucun morceau ne fait l’unanimité et c’est ça qui m’empêche de m’enthousiasmer dans l’ensemble. Bien sûr les précédents albums de Slipknot n’étaient pas parfaits de bout en bout, mais celui-ci est probablement le plus inégal de tous à mon goût, à égalité avec le tout premier (mais lui c’était assez compréhensible).

    Le groupe semble avoir plus de difficulté à nous transporter dans son univers, malgré la mise en scène et les (trop) nombreux intermèdes qui parsèment cet album. Par moment, on se demande même si c’est vraiment du Slipknot et pas seulement du Stone Sour version Trash (oui j’exagère… à peine).

    Il va me falloir plusieurs réécoutes et un peu de temps pour mieux l’apprécier, mais pour l’instant c’est assez mitigé dans mon cas. Et Comme le commentaire de Bordo Keskia le dit, je regrette aussi l’absence du titre « All Out Life », seulement réservé à la collector japonaise. C’est un bon morceau et il aurait pu un peu relever au global la note (très moyenne) de ce nouvel opus. Décidément il n’est pas notre genre non plus cet album^^

  • Matteo Wolf dit :

    Il est grand temps, que ross robinson vient botter le cul à corey et au clown. Je n’ai rien contre une évolution, mais attendre 5 ans pour cette daube, c’est ce foutre de la gueule des gens. Heureusement, que Jim à refuser de faire un double sa aurait été pire rammstein et soad

  • Bordo Keskia dit :

    Après un « All Hope Is Gone » décevant, et un « Gray Chapter » un peu plus convaincant, j’étais très loin d’imaginer me prendre de grosses claques en écoutant cet album.

    Corey s’était peut être un peu enflammé en comparant cet album à Iowa, mais une chanson comme « Orphan » avec son riffing à la « Heretic Anthem » fera frémir de plaisir les fans de l’ancienne époque!
    Il ne m’étonnerait pas que « Nero Forte », « Orphan » et « Critical Darling » soient jouées en live prochainement, en plus de « Unsainted » déjà présente sur la setlist.

    quelques petits bémols :
    -« Insert Coin », sans doute la moins bonne intro du groupe,
    -« Death Because of Death » et « What’s Next », deux pauses de 1 minute pour « respirer » quand on écoute tout l’album mais qui n’apporte rien d’autre,
    -« Spiders » qui va beaucoup diviser,
    -et l’absence de « ALL OUT LIFE » !! qui aurait bien plus sa place que l’insipide « Not Long For This World ».

  • Mouais, de toute façon, dès qu’un groupe de la scène nü-metal des 90’s revient avec un nouvel album, celui-ci fait constamment l’objet de chroniques élogieuses, que ce soit dans la presse spécialisée ou sur les différents Webzines, même si ce qu’ils font est archi-mauvais. A croire que ces groupes sont appuyés par des managers pleins aux as qui « arrosent » tous les mags et Webzines…

    • Ah ben on ne va pas vous mentir, avec ce que RM a touché pour dire du bien de cet album, Amaury paie des vacances aux Maldives à toute l’équipe au printemps prochain !

    • Même si je serait totalement d’accord avec toi, la chronique n’engage que l’avis du chroniqueur (je l’espère ^^), et je pense qu’on serait bien mal placé pour penser que Amaury ne donne pas son réel avis.

  • Chronique très bien écrite qui donne l’eau a la bouche sur l’un des albums métal le plus attendu cette année…
     » les rythmiques énergiques renvoient effectivement à ce que le groupe proposait avec Iowa  » ==> bave

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