Quand Tom Angelripper veut du changement, il ne fait pas semblant. C’était le grand ménage en janvier : le frontman a remercié ses acolytes Bernd « Bernemann » Kost (guitare) et Markus « Makka » Freiwald (batterie), pour quelques semaines plus tard accueillir une toute nouvelle brigade composée de Yorck Segatz (guitare), Stefan « Husky » Hüskens (batterie) et surtout du revenant Frank « Blackfire » Gosdzik (guitare). Sodom non seulement voit le retour d’un musicien qui a marqué son histoire, avec les emblématiques Persecution Mania (1987) et Agent Orange (1989), mais passe également de trio à quatuor pour la première fois de sa carrière.
Premier témoin de ce nouveau Sodom, cherchant à la fois à se renouveler et à se rapprocher de ses racines, sort aujourd’hui un EP baptisé Partisan. C’est à cette occasion que nous avons longuement échangé avec Angelripper, afin de tout savoir sur les motivations derrière ce grand chamboulement, l’état d’esprit du nouveau line-up et ses ambitions sur l’avenir de Sodom. Forcément, avec le retour de Blackfire, nous n’avons pu nous empêcher de soulever quelques questions d’ordre plus historique sur la formation, tandis que le frontman profite des thématiques des nouvelles musiques pour partager son inquiétude sur le monde actuel.
« On dirait que ces trente ans ne sont jamais arrivés, tu sais [rires]. [Blackfire] n’a jamais changé ! Il a la même allure, il joue avec le même son de guitare, il écrit le même type de chansons, c’est toujours un mec très cool. Il y a un esprit fort. »
Radio Metal : En janvier de cette année, tu as annoncé un grand changement de line-up dans Sodom, avec les départs de tes collaborateurs de longue date Bernd « Bernemann » Kost et Markus « Makka » Freiwald. Tu as déclaré qu’« après avoir beaucoup réfléchi, [tu avais] décidé de prendre cette décision difficile afin d’ouvrir la voie à de nouveaux défis ». Quels ont été tes axes de réflexion à cet égard ?
Tom Angelripper (chant & basse) : Ouais, c’est une très bonne question. Je voulais changer beaucoup de choses dans Sodom. Je voulais changer la setlist – j’ai toujours discuté avec Bernemann de changer la setlist – et j’ai toujours songé à prendre un second guitariste. Bernemann n’aurait jamais accepté un second guitariste à ses côtés. Et puis il y avait d’autres problèmes dans le groupe. J’ai donc pris la décision de changer. Parfois c’est bien de changer sans plus attendre, sans discuter. Mais je pense que c’était une excellente décision, car maintenant j’ai la chance de pouvoir travailler plus sérieusement sur les chansons, sur la mise en place d’une autre setlist, et avec un second guitariste. Mais c’est comme un nouveau groupe, je dois recommencer. Il y a plein de choses à faire quand on change de line-up. Mais je suis satisfait. Le groupe continue, c’est très important pour moi.
Une justification que tu avais donnée pour cette décision était pour « éviter une possible routine qui empêcherait de poursuivre [votre] travail créatif de façon optimale ». As-tu le sentiment que vous tombiez dans la routine, que la créativité du groupe commençait à s’épuiser à ce stade ?
Oui ! On parle de routine : j’ai besoin d’avoir plus de contribution à ma musique, j’ai besoin de plus d’activité. J’ai besoin de membres du groupe qui s’intéressent vraiment au Sodom historique. Être dans un groupe, ce n’est pas juste un boulot à faire, c’est plus que ça. Quand je parle aux autres gars, comme Yorck ou Husky, par exemple, ce sont de grands fans de Sodom aussi, et ils s’intéressent vraiment aux vieilles musiques historiques, ils aiment le metal old school. Avec Bernemann et Makka, nous avons fait de merveilleux albums, comme Decision Day qui a été une grande réussite, mais j’ai besoin de plus. Mon problème était que, lorsque nous faisons un concert, je ne veux pas faire toujours les mêmes chansons. Je veux pouvoir changer des choses. C’est un business dur, il faut donc être réactif, faire plus. Dans ce business, il faut se donner plus pour la musique et les activités autour. Quand j’ai passé un coup de fil à Frank Blackfire, je n’ai jamais vu ça comme un ancien membre qui revenait dans Sodom ; je sais que Frank jouait dans Assassin et son propre projet, mais il ne passe pas beaucoup de temps avec eux, et quand je lui ai parlé, il a dit : « Je veux à nouveau rejoindre Sodom, j’ai plein de temps pour composer des chansons, aller aux répétitions, et tout ça. » J’en suis très satisfait !
En fait, Bernemann et Makka ont eux-mêmes publié un communiqué disant qu’ils attendaient « avec impatience de créer le successeur de Decision Day et [avaient] déjà enregistré plein d’idées de chansons. Malheureusement [tu] ne partageais pas [leur] enthousiasme ; [tu avais] mis fin à [votre] collaboration via WhatsApp sans même écouter les nouvelles musiques ». Comment expliquer qu’après tant d’années de collaboration, et ce avec succès, vous vous soyez éloignés à ce point ?
Oui, je crois que Bernemann a joué vingt ans avec nous, ce qui est long, mais durant les dernières années, j’avais l’impression que ça ne les intéressait plus tellement. Je ne sais pas. Quand nous avons fait le concert des trente-cinq ans à Zeche Bochum, en Allemagne, j’ai parlé à Bernemann de faire venir des musiciens invités sur scène, parce que c’était un show très spécial. Il a dit : « D’accord, on va le faire. » Au final, nous avons fait les balances avec Bernemann et Makka, et après ça, ils ont quitté la salle de concert. J’étais très déçu, car je voulais faire des balances avec les anciens membres, je voulais parler un peu de ce que nous pourrions faire durant le show. Je me suis donc dit que les anciens membres et tout ne les intéressaient pas vraiment. C’est là que je me suis dit : « Je dois changer. » C’est tellement triste après tant d’années, Bernemann et Makka étaient de bons amis à moi, mais ce n’est pas que de l’amitié, c’est aussi un business et donc il faut faire quelque chose. Nous sommes un groupe qui joue sur les scènes internationales, nous devons faire plus de concerts, essayer d’obtenir plus de tournées, etc. Je sais qu’ils avaient des idées pour le prochain album après Decision Day. Il m’a dit : « J’ai plein de riffs pour le nouvel album », mais je n’ai jamais rien entendu ! J’ai dit à Bernemann : « D’accord, tu as de nouvelles idées, de nouveaux riffs de guitare, pourquoi tu ne me les envoies pas ? » Je suis le leader du groupe, donc je dois décider ce que nous allons faire. Je ne sais pas. Je n’ai plus envie de parler d’eux. J’ai entendu que Makka et Bernemann veulent reformer un nouveau groupe, ils recherchent un nouveau chanteur ou bassiste, je ne sais pas. Je leur souhaite le meilleur et de la chance pour le futur, car Bernemann est un très bon guitariste, ce sont de très bons musiciens. Quand ça fait longtemps qu’on joue de la musique, on ne peut pas s’arrêter, on ressent le besoin de faire quelque chose. J’espère qu’il aura l’occasion de faire un nouvel album et tout.
La grande nouvelle avec ce nouveau line-up, c’est le retour de Frank « Blackfire » Gosdzik après près de trente ans. Il a fait partie des deux grands classiques de Sodom : Persecution Mania et Agent Orange. As-tu une nostalgie pour cette époque ? La magie que vous aviez sur ces albums t’avait manqué ?
Oui, c’était extraordinaire ! On dirait que ces trente ans ne sont jamais arrivés, tu sais [rires]. Il n’a jamais changé ! Il a la même allure, il joue avec le même son de guitare, il écrit le même type de chansons, c’est toujours un mec très cool. Il y a un esprit fort. Il est tellement cool, j’aime son jeu de guitare. Quand nous avons fait notre première répétition, c’était génial. Quand nous avons joué « Nuclear Winter » et « Agent Orange » en répétition, quand il a commencé à jouer de la guitare, ça sonnait exactement comme sur les albums ! Frank est quelqu’un qui n’a jamais changé son son de guitare. Son son de guitare est très net et brillant. C’est complètement différent du son de Bernemann. Et maintenant, quand nous allons jouer des chansons comme « Nuclear Winter », notamment avec le second guitariste, ça sonnera comme sur un album. Et puis, nous pouvons désormais faire d’autres chansons, car il y a plein de chansons qui nécessitent une seconde guitare, il faut deux guitaristes. Maintenant nous pouvons les rajouter à la setlist. C’est important. Je suis tellement satisfait.
Frank est arrivé dans la salle de répétition et il y avait un esprit. C’était comme revenir aux années 80. Nous avons aussi une nouvelle salle de répétition qui est située près de là où nous répétions au début, en 1982-1983, quand nous avons eu notre première salle de répétition. L’esprit revient et c’est très important, l’esprit historique, l’esprit des années 80. Nous ne voulons pas nous copier nous-mêmes, on ne peut pas copier un album comme Agent Orange ou Persecution Mania, mais on peut essayer de porter l’esprit du metal old school ; nous essayons de faire quelque chose de nouveau avec l’ancien esprit. Sur les nouvelles chansons, quand Frank a trouvé des riffs de guitare pour une chanson comme « Partisan », j’avais l’impression que ça aurait pu être sur un album du type Agent Orange ou Persecution Mania. C’est la direction que je veux prendre. Mais, encore une fois, nous ne voulons pas copier Agent Orange, ce n’est pas possible, parce que nous avons un autre guitariste, Yorck, qui apporte des choses totalement différentes, il est plus dans le hardcore et le crust punk, mais c’est aussi un gros fan de metal, et il apporte plein d’influences différentes aux nouvelles musiques, alors que Frank est plus dans le heavy rock et le rock. Ça rend les nouvelles chansons tellement pleines de couleurs, je trouve.
« L’esprit revient et c’est très important, l’esprit historique, l’esprit des années 80. Nous ne voulons pas nous copier nous-mêmes, on ne peut pas copier un album comme Agent Orange ou Persecution Mania, mais on peut essayer de porter l’esprit du metal old school. »
Mais comme je te l’ai dit précédemment, nous sommes comme un nouveau groupe, il y a des choses qu’on ne peut pas répéter, il faut plus de pratique, il faut faire plus de concerts, afin d’arriver à cent pour cent. Blackfire est vraiment motivé par le groupe et c’est une grande chance pour lui. Aussi économiquement, maintenant il obtient de l’argent pour sa musique. Pourquoi pas ? Husky est un grand fan de Blackfire, il aime particulièrement les albums avec Blackfire. Les gens aussi aiment le voir sur scène, quand il saute de partout et fait les chœurs. C’est sa manière de faire de la musique.
A l’époque où tu as annoncé les départs de Bernemann et Makka, tu n’étais pas encore sûr si tu voulais continuer à opérer en trio ou bien devenir un quartet. Qu’est-ce qui t’a finalement décidé à passer du format trio classique à un quartet ?
Oui, je vois ce que tu veux dire. Car je suis aussi un grand fan des trios, comme Motörhead, Venom, Tank, Raven. C’étaient mes plus grosses influences, et c’était aussi la raison pour laquelle j’ai commencé à faire de la musique. Je pense qu’il y avait un côté culte dans le fait d’avoir un groupe à trois musiciens, mais il faut que j’essaye. Je n’ai pas envie de sonner comme Kreator, mais si tu écoutes les chansons de Kreator, c’est plus puissant de le faire à deux guitaristes. Et comme je l’ai dit précédemment : je veux changer la setlist, je veux faire des chansons avec lesquelles nous aurons besoin d’un second guitariste, je voulais aussi inclure ces chansons dans le set live. C’est très important. On verra. Je sais que ce côté culte n’est plus là, à cause du second guitariste, mais nous deviendrons plus techniques et nous saisissons la chance de jouer différentes chansons.
Quelles sont les chansons du répertoire de Sodom que vous ne pouviez pas jouer en trio ?
Il y en avait plein. Plein de chansons de Masquerade In Blood, par exemple, où nous parlons de faire la chanson « Reincarnation », de Tapping The Vein ; sur cet album, il y avait quelques très bonnes chansons qui nécessitent un second guitariste parfois, à cause des mélodies et arrangements. C’est ce que je veux faire : changer les setlists. J’ai vu des concerts de Slayer ou Motörhead les dernières années, et ils jouent toujours la même setlist. Je n’ai pas envie de ça ! Je suis un grand fan de Motörhead, et j’ai toujours pensé : « Pourquoi ne jouent-ils pas telle ou telle chanson ? » Je suis pas mal en contact avec les fans de Sodom sur internet, et ils disent : « Pourquoi ne jouez-vous pas cette chanson de cet album ? » Je sais que nous ne pouvons pas jouer toutes les chansons. Parfois, on joue à un festival et on a quarante-cinq minutes, il faut donc faire très attention à ce qu’on va faire avec la setlist, mais si on fait une longue tournée ou un long concert de près de deux heures, on peut changer les choses. C’est très important ! Lors des derniers concerts, nous avons joué « The Crippler », qui est sur Tapping The Vein, parce que les gens l’aiment bien. Maintenant, nous répétons de nouvelles chansons, et Husky et Yorck ont proposé des idées pour faire telle ou telle chanson dans la setlist. C’est ce que Bernemann n’a jamais accepté, parce qu’il pensait : « Pourquoi jouerait-on telle ou telle chanson que les gens ne connaissent pas ? » Mais ce n’est pas en ne jouant jamais une chanson en live que les gens vont la connaître ! Je n’ai donc plus envie de discuter, je veux changer la setlist. Nous avons plein de classiques à faire. Nous ne pouvons pas monter sur scène sans « Ausgebombt », « Sodomy & Lust » ou « Outbreak Of Evil », je le sais, mais il y a quelques autres chansons que nous devons faire.
Tu as mentionné Motörhead et même eux ont eu une époque où ils étaient quatre dans le groupe.
Ouais, et je me souviens que c’était quelque chose que je n’aimais pas, quand Motörhead a intégré un second guitariste, pareil avec Tank sur This Means War. Mais au final, c’était une bonne décision parce que ça sonne mieux. Je ne peux pas remplacer un second guitariste, ma basse sonne parfois comme une guitare mais ça ne la remplace pas. Je joue des choses différentes à la basse que sur une guitare. Je sais que plein d’amis ont dit : « Oh non, tu as un second guitariste, tu vas changer ta musique. Je n’ai pas envie que Sodom sonne comme Kreator. » Non, jamais. Je veux que Sodom sonne comme Slayer, mais différemment, peut-être. Mais je fais de mon mieux.
A quel point ça a changé la donne quand Blackfire a rejoint Sodom en 1986 ?
C’était un grand changement ! Il y a une énorme différence entre Obsessed By Cruelty et Persecution Mania. Frank était brillant à la guitare sur cet album. Grave Violator (Josef Dominic) et Destructor (Michael Wulf) étaient également de grands guitaristes, mais ils n’étaient pas capables de composer de très bonnes chansons. Nous avons passé un palier quand Expurse Of Sodomy est sorti. Les gens disaient : « Oh, Sodom devient plus sérieux. Sodom devient un très bon groupe. » C’était un autre niveau. C’est vraiment dommage que Frank soit parti après seulement deux ans, mais c’est une autre histoire. Frank est tellement plein d’idées, c’est un merveilleux guitariste. Il joue de la guitare rythmique vraiment agressive, et il est aussi capable de faire des solos mélodiques. C’est quelque chose qui manque à Obsessed By Cruelty. Même si j’aime cet album ; il a eu un fort impact sur la scène black metal, ou la scène metal scandinave. Je sais que certains fans de Sodom me diront qu’Obsessed By Cruelty est le meilleur album que nous ayons jamais fait. Ça ne m’a jamais dérangé. Mais lorsque Frank a rejoint le groupe, nous avons eu de meilleures chansons, une meilleure production, un meilleur son. C’est ce dont nous avions besoin, car tous les autres groupes sortaient de nouveaux albums, de meilleurs albums, de meilleurs singles. C’était donc important que Sodom se mette au niveau, afin de montrer aux gens : « Voilà, nous sommes un très bon groupe, nous sommes un groupe sérieux, nous pouvons jouer notre musique ! » Et quand nous avons sorti Persecution Mania, c’était aussi très important de changer les textes. Ça va dans des trucs plus politiques, sortant du satanisme, de l’occultisme – ce n’est pas mon truc, quand je commence à écrire des paroles dans cette veine, ça rend mon cerveau malade. J’ai choisi d’écrire des paroles à propos de la vraie vie. C’est ce que nous avons fait durant toutes ces années, y compris sur le nouveau single.
« Sodom n’est pas contraint par une direction précise. Nous pouvons faire du black metal, du death metal, du heavy metal classique, tout, si nous le souhaitons. Prends des groupes de thrash comme Destruction ou Exodus, ils font du thrash typique. Sodom n’est pas un groupe de thrash typique. »
Tu as mentionné le fait que Frank Blackfire a quitté Sodom après seulement deux ans. Si je ne me trompe pas, il en a eu marre des problèmes d’alcoolisme dans le groupe…
C’était un gros problème. C’est tellement triste. Witchhunter (Christian Dudek) devenait vraiment alcoolique. Tout le monde connait quelqu’un d’alcoolique ou qui prend de la drogue, ou autre, et au final, on ne peut pas travailler avec ce type de personne. Avec Witchhunter, c’était vraiment problématique, car il annulait des concerts, il ne s’y rendait pas ou restait à dormir dans le bus. Il annulait des répétitions. Il annulait des sessions en studio. Il n’arrivait pas à jouer de la batterie parce qu’il était ivre en studio, alors qu’il fallait payer chaque jour pour la location du studio. Blackfire était un bon ami à moi mais il m’a dit : « Je ne peux plus travailler avec Wtichhunter ! Je le déteste ! » Ensuite il a reçu une offre de la part de Kreator pour les rejoindre sur une tournée US, c’était une promotion importante pour lui. La seule chose que je lui reprochais est que c’était à seulement quelques semaines de commencer la tournée pour Agent Orange. Autrement, je sais pourquoi il a quitté le groupe, Witchhunter en était la raison, parce qu’on ne pouvait pas travailler avec lui. Il faut un bon batteur ; il faut des musiciens sérieux dans un groupe. Nous aussi nous buvons nos bières, évidemment, mais nous n’avons jamais été saouls avant de monter sur scène. Nous buvions nos bières après le concert. C’est quelque chose qu’on peut faire, mais nous ne serons jamais ivres sur scène. C’était donc la meilleure décision de sortir Witchunter du groupe dans les années 90. C’était un de mes meilleurs amis, c’était la décision la plus dure de ma vie. Mais que peut-on faire ? J’avais parlé à Andy Brings, qui était dans Sodom à l’époque, et nous voulions garder le groupe, nous voulions faire un nouvel album, nous voulions démarrer une tournée, et nous ne pouvions pas le faire avec Witchhunter. C’était vraiment un gros problème. Si tu as un groupe avec un ou plusieurs alcooliques, tu ne peux pas continuer, c’est vraiment triste. Au final, il est mort, justement à cause de l’abus d’alcool et toutes ces choses.
En 1996, quand tu recherchais à nouveau un nouveau guitariste, n’as-tu pas envisagé de rappeler Blackfire pour le groupe ?
Non, parce que j’ai dit dans certaines interviews auparavant que je ne fais jamais revenir quelqu’un avec qui je me suis séparé. Je ne voulais jamais refaire de la musique avec des anciens membres [petits rires]. Donc en 1996 quand Bernemann a rejoint le groupe, je n’ai jamais envisagé de faire revenir Frank Blackfire. J’étais toujours en contact avec Frank et je savais qu’il jouait dans différents autres groupes. Il a aussi joué dans Kreator pendant deux ou trois ans. Mais maintenant, je repense tout le temps aux glorieuses années, et quand nous avons fait le concert des trente-cinq ans, à Zeche Bochum, quand Blackfire nous a rejoints sur scène, pour quelques chansons, ça m’a fait dire : « Wow, ce son de guitare ! Ce serait super d’avoir à nouveau ce guitariste dans mon groupe ! » Pourquoi se contenter de rêver de quelque chose ? Fais-le ! Mais tu sais, généralement je ne veux rien changer, j’essaye de conserver le line-up aussi longtemps que possible. Car quand tu remontes un groupe, il y a tellement de choses à faire. J’espère que ce sera le line-up définitif pour les vingt prochaines années. On ne sait jamais ce qui va se passer mais c’est la vie, parfois il faut changer.
Le 5 janvier dernier, tu as publié ton communiqué disant que tu allais « désormais mettre en place les nouvelles fondations du groupe et rechercher de nouveaux musiciens ». Et seulement quelques jours plus tard, le 22 janvier, tu as annoncé le nouveau line-up. Est-ce que ça signifie qu’il t’a fallu seulement deux ou trois semaines pour trouver tes nouveaux collègues ou bien avais-tu déjà, à ce stade, une bonne idée de ce que serait ce line-up ?
Non. Quand je me suis séparé de Bernemann et Makka, je me suis demandé : « Qu’est-ce que je fais maintenant ? On a quelques concerts qui approchent, donc je les annule ? » Husky était le premier, il a pris contact avec moi et a dit : « J’ai vu que Makka n’était plus dans le groupe. Si tu veux que je te file un coup de main, fais-le-moi savoir. » Et j’ai dit : « Ouais, tu peux me filer un coup de main ! J’ai besoin d’un batteur. » Ensuite, mon backliner m’a suggéré l’idée d’avoir Yorck à la guitare, car je le connaissais, il était backliner pour Onkel Tom et il a parfois été technicien guitare avec nous. Donc il a dit : « Yorck est un super guitariste ! C’est un jeune gars, ayant trente-cinq ans [petits rires], et il joue très bien de la guitare, c’est un gros fan de metal, et il est fan de Sodom. » J’ai passé un coup de téléphone pour dire : « Yorck, ça te dit de rejoindre Sodom ? Essayons, répétons une chanson, peu importe. » Plus tard j’ai eu l’idée de prendre un second guitariste, et j’ai contacté Frank. Mais Husky étant le premier à rentrer en contact avec moi pour aider. Mais je n’ai jamais pensé à prendre tel ou tel guitariste, au moment où je me suis séparé de Bernemann et Makka, car cette décision a été prise du jour au lendemain. J’ai parlé à mes amis en disant que je ne pouvais plus travailler avec eux, et tous mes bons amis disaient : « D’accord, alors fais-le maintenant ! N’attends plus ! » Ensuite je leur ai envoyé un e-mail, car je ne voulais plus discuter. J’ai aussi appelé mon avocat, il a dit : « D’accord, fais-le. Envoie un e-mail afin d’avoir une trace noir sur blanc. N’en parle pas, fais-le maintenant, écris ce que tu penses de la situation, écris ce que tu veux, et ensuite c’est fini. »
Vous sortez désormais vos premières musiques avec ce nouveau line-up, sous la forme d’un EP qui s’intitule Partisan : aviez-vous hâte de sortir de la nouvelle musique, sans attendre l’album ?
C’était très important de faire un EP pour promouvoir la tournée à venir et le groupe. Nous voulons montrer aux gens que le groupe est toujours vivant et que nous sommes actifs, en train d’écrire de nouvelles chansons, à faire ci et ça. Donc les fans doivent réaliser que nous avançons. Mais je ne discute d’aucune date de sortie avec la maison de disque pour le nouvel album. Nous voulons travailler dessus sans aucune pression, sans contrainte de temps. Nous commençons à composer les chansons en ce moment, et quand nous aurons arrangé chaque chanson, que nous aurons tout mis en place, alors nous parlerons d’une date de sortie. Si tout se passe bien, nous le sortirons en fin d’année prochaine, je l’espère, car les maisons de disque veulent généralement sortir les albums avant Noël ; c’est le business. Je ne sais pas. Pour l’instant je ne parle pas de nouvel album. Nous venons tout juste de commencer à composer des chansons, à écrire des textes, j’ai toujours plein de paroles écrites sans aucune musique, j’ai plein d’idées pour de nouvelles chansons, pour le nouvel album, mais je n’en parle pas. Je sais que les fans veulent savoir quand le nouvel album sortira, mais un nouvel album, c’est beaucoup de travail. Et maintenant, nous devons nous occuper de la setlist, mettre en place un set live, et faire les concerts. Frank a proposé plein de bons riffs de guitare pour le prochain album, ce qui m’a beaucoup impressionné.
« Un partisan se bat pour ses droits, pour son pays, pour la paix contre le gouvernement. Parfois c’est moi. Parfois j’ai dû me battre contre le business. »
En l’occurrence, la chanson « Partisan » vient d’un riff principal de Blackfire, tandis que l’autre chanson, « Conflagration », a été composée par Yorck. C’est donc une bonne façon de mettre en valeur ce dont ce groupe est capable en termes de composition…
Ouais, c’est ce que j’aime, car il n’y a pas que Frank qui va écrire les chansons, et Yorck a un jeu de guitare et une façon de composer différents de Frank. Quand ils travaillent ensemble, ils trouvent de bons gros riffs de guitare. Plein de gens ont peur quand Frank écrit des chansons que ça sonne comme Kreator, et il a dit : « D’accord, j’ai joué dans Kreator pendant quelques années, mais je sais exactement comment une chanson de Sodom doit fonctionner. » Ceci dit, il n’y a pas une énorme différence entre un riff de guitare de Kreator et un de Sodom. Comme je suis le chanteur et que je pose ma basse par-dessus, ça sonne différent de Kreator. Encore une fois, nous ne voulons pas sonner comme Kreator. J’ai parlé à Frank : « Tu es un fan de metal de la vieille école. Quand tu écris une chanson, tu dois t’inspirer du vieux Venom ou du vieux Slayer ; tu sais d’où on vient tous, des années 80. » On verra, nous avons déjà assemblé quelques riffs pour le prochain album.
Une chanson commence toujours avec un riff de guitare, c’est le principal. Parfois, je vais commencer à écrire des textes, j’ai quelques paroles de prêtes, donc je les envoie à Frank et Yorck, et Frank est quelqu’un qui peut écrire une chanson à partir seulement d’un texte. Mais dans mon groupe, tout le monde a l’occasion de composer une chanson. Husky a aussi apporté de très bonnes parties rythmiques à la batterie. Si Frank ou Yorck arrivent avec des riffs de guitare, nous les mettons en place en répétition. Nous arrangeons toujours les chansons ensemble, car je sais exactement ce dont j’ai besoin pour le chant, où se trouve la ligne de refrain, où se trouve la ligne de couplet, ou un pont, peu importe. C’est un peu comme Slayer, les deux composent des chansons, et les deux composent différemment, mais ils doivent composer des chansons de Sodom, et c’est important d’écrire de bonnes lignes de refrain : quand on l’a écouté une ou deux fois, on ne l’oublie jamais. Mais ça fonctionne toujours via des sessions de jam et nous arrangeons les chansons ensemble.
En écoutant l’EP, ça donne vraiment l’impression que vous revenez au vieux Sodom. As-tu le sentiment que vous avez trop dévié vers des choses modernes, surtout sur In War And Pieces et Epitome Of Torture ?
Ouais. [Hésite] En fait, ça ne change pas énormément. Nous avons un petit peu changé au niveau du son. Il faut composer une nouvelle chanson et il faut composer une bonne chanson, mais maintenant, nous essayons de réinjecter l’esprit des années 80 dans les prochaines chansons. Je pense que la différence n’est pas tant dans la composition que dans le son. Nous avons enregistré cet EP en digital avec notre producteur Corny (Cornelius Rambadt) et nous avons un mix différent. Nous avons enregistré la batterie différemment, nous l’avons enregistrée en salle de répétition afin d’avoir un feeling plus live. Le son de batterie est la chose la plus importante dans la production. Quand nous avons commencé à mixer les nouvelles chansons, j’ai dit à Corny de mettre la basse un petit peu plus forte. Je sais que la basse était très forte dans Persecution Mania et Agent Orange. Certains producteurs ne veulent pas faire ça mais moi je le veux. Nous devons sonner comme les vieux Venom et les vieux Sodom. Mon rêve est d’aller dans un vrai studio pour le prochain album. Je sais que c’est plus pratique et bon marché d’enregistrer et mixer un album sur ordinateur, mais pour la prochaine fois, je veux investir de l’argent pour aller dans un vrai studio, pour enregistrer en digital mais en mixant les chansons avec une console analogique. C’est très important. Selon moi, on obtient un meilleur son quand on produit dans un vrai studio. Mais une chanson comme « Partisan » aurait aussi pu être sur Decision Day, tout comme elle aurait pu être sur Agent Orange, c’est un mélange de tout. Nous n’avons pas de direction particulière pour ce que nous allons faire, nous ne faisons que commencer à composer des chansons, et ensuite nous déciderons si telle et telle chanson est bonne ou pas.
Donc tu dis que le côté plus old school vient plus du son que de la composition ? Car une chanson comme « Epitome Of Torture », par exemple, avec son côté plus lourd, avait une allure assez moderne…
Ouais, ça sonne plus moderne. Les gens disent qu’Epitome Of Torture est plus metalcore. Ouais mais c’est quoi la différence entre metalcore et thrash metal ? Je ne sais pas. Je pense qu’Epitome Of Torture, c’était la composition et le style de riff de Bernemann, et le producteur, Valdemar Sorychta, a arrangé beaucoup de chansons pour nous, il disait : « Vous devez mettre une ligne de refrain ici, vous devez mettre ça là. » Quand nous produisons un album, je suis toujours ouvert aux bonnes idées. Les chansons sont finies quand nous commençons en studio, mais si le producteur a une bonne idée pour changer quelque chose, pourquoi pas ? Aussi, Decision Day, j’aime cet album, il y a de vraiment très bonnes chansons dessus, mais ce n’est pas vraiment old school, ce n’est pas vraiment de là que vient Sodom. Je sais exactement ce que veulent les fans. Je ne veux pas faire une copie d’In The Sign Of Evil ou Obsessed By Cruelty. Mais pourquoi pas ? J’ai des chansons dans ma tête qui pourraient être sur Obsessed By Cruelty. Je pense que la façon de composer, en faisant des sessions de jam en répétition, et une production dans un vrai studio feront une grande différence pour les prochaines sorties. Mais je reste un grand fan de Decision Day, c’est un super album, sans conteste. Mais Frank a un style différent quand il écrit des riffs de guitare et Yorck est plus punk, et j’aime les chansons punk. Si nous pouvons trouver une bonne combinaison entre les riffs thrash metal et punk, alors ce sera la meilleure façon de composer pour les chansons du prochain album.
Tu dis que tu sais « exactement ce que veulent les fans ». C’est important pour toi de respecter ce que les fans veulent de la part de Sodom ?
Oui, c’est important, mais comme je l’ai dit, nous ne parlons pas de ce que nous allons faire. Quand nous avons écrit des chansons pour Decision Day, nous avons dit : « D’accord, on doit faire une chanson plus rapide, maintenant on doit faire un morceau plus lent… » Là, nous ne faisons que jammer et chercher des chansons et des idées. J’ai beaucoup de contacts avec les fans et je sais qu’ils m’ont dit : « J’aime telle chanson, je veux entendre telle chanson, faites plus rapide, faites plus heavy. » Il n’y a pas de façon particulière d’écrire des chansons. Quand Frank arrive avec un riff de guitare, je sais exactement comment la chanson sonnera à la fin. Mais aussi Husky contribue beaucoup, car c’est un énorme fan de Sodom et de Witchhunter, il essaye de copier son style, et certaines personnes disent qu’avec Husky, Sodom sonne désormais plus comme à l’époque de Witchhunter que quand il y avait Makka. Ils ont des styles de jeu différents à la batterie. Mais on verra ce que nous ferons quand la tournée avec Exodus sera terminée.
« Je ne fais que décrire à quel point le monde va mal. J’ai tellement peur de tout. Je n’ai pas peur pour moi, je n’ai pas peur du lendemain, mais j’ai peur pour la prochaine génération, pour mes enfants, pour ce qui arrivera au monde dans les vingt prochaines années. »
Comme on en a discuté, la production paraît plus vieille école, notamment de par la façon dont vous avez enregistré la batterie. As-tu l’impression que les productions metal tendent à devenir trop stériles de nos jours ?
Oui, quand j’écoute de la musique, la batterie sonne toujours pareil parce qu’ils utilisent toujours le même logiciel pour enregistrer la batterie. Et j’ai envie de revenir en arrière. Sodom a toujours sonné différent, nous ne pouvons pas avoir le même son que les autres groupes. Nous voulons sonner plus comme les vieux Venom et les vieux Slayer. Quand j’écoute les vieux Venom, les vieux Kiss ou les vieux Mötley Crüe, avec ce son de batterie bien gras, c’est ce que je veux pour la prochaine fois. Le kit de batterie est un gros instrument et quand j’écoute de la musique, je veux visualiser le batteur assis à jouer de la batterie, je veux visualiser le kit de batterie, mais on ne peut pas obtenir ça dans un petit studio avec un ordinateur. C’est mon rêve : il faudrait que je parle avec la maison de disque pour peut-être avoir un petit peu plus d’argent pour la prochaine production. Il y a plein de bons studios en Allemagne ; il y a aussi l’Horus Sound Studio à Hanovre où nous avons enregistré Agent Orange. Ou les Dierks Studios, Hansa Studio à Berlin… C’est mon rêve d’aller dans un studio comme ça et d’être tous ensemble avec le groupe en studio. Avec les derniers albums, nous n’avons jamais été ensemble en studio ; le guitariste y allait pour jouer de la guitare, ensuite il revenait et j’y allais pour jouer la basse ou faire le chant, mais mon rêve est d’aller en studio avec le groupe et de produire ou mixer l’album à la fin. C’est une grande décision.
Mais le truc est que je dois payer pour obtenir ça. La plupart des groupes n’ont pas suffisamment d’argent pour aller en studio et donc ils enregistrent leur album chez eux, eux-mêmes, ce qui est possible de nos jours. Si tu as un bon ordinateur et logiciel, tu peux enregistrer tout ce que tu veux à la maison. Pour moi, ce n’est pas comme ça qu’il faut faire, mais les maisons de disque ne veulent pas leur donner beaucoup d’argent parce que le business devient très dur, et personne ne sait combien d’albums tu vas vendre. Les maisons de disque disent aux groupes : « On ne peut pas vous donner l’argent parce qu’on ne sait pas combien ça va vendre. » Les gens ont la musique sur internet, via Spotify, YouTube, peu importe, et ils ne veulent plus la payer. C’est un problème. Mais je dois essayer d’investir l’argent pour obtenir le son, car un album, tu ne le fais qu’une fois et ensuite c’est fini. Donc il faut y passer le temps et l’argent pour avoir une meilleure et plus grosse production. Mais le business a changé, j’en suis conscient. Je me bats toujours contre ça. J’ai une bonne maison de disque, SPV a une option pour le prochain album, et je pense qu’ils vont me soutenir autant que possible. Nous parlerons du prochain album quand nous aurons les chansons, et quand ce sera fait, nous parlerons des coûts de production et tout.
Ton chant sur Partisan a ce côté un peu plus black metal des débuts du groupe. As-tu consciemment cherché à retrouver cette approche vocale que tu avais à l’époque pour rendre ça plus sombre et menaçant ?
Tu sais, j’ai plein de versions d’une chanson, et Corny est un grand fan de black metal et du vieux Sodom. Quand je repense à Epitome Of Torture et Decision Day, le chant était plus dans la veine de Tom Araya. On peut crier, on peut rugir, on peut grogner, ou on peut faire une combinaison de ces trois styles. Je peux tout faire : je peux chanter aussi bien une chanson de black metal que de thrash metal. Je pense être un bon chanteur, tu sais ! Mais parfois, sur « Partisan » et « Conflagration », il y avait plus des grognements et rugissements black metal ; rugir, c’est plus ce que faisait Cronos de Venom, et les cris, c’est plus ce que fait tout le temps Tom Araya de Slayer. Je ne sais pas dans quelle direction j’irai avec le chant sur les prochaines chansons. C’est important d’écouter les chansons d’abord et ensuite décider comment je vais les chanter en studio. Parfois c’est mieux de crier sur une chanson que de faire du growl comme un groupe de death metal. Mais je n’ai pas envie de copier un quelconque chanteur, car j’étais le premier à faire ce type de chant. Mais certains préfèrent le style de chant de Slayer, d’autres préfèrent les growls… On verra. C’est important d’écouter les riffs de guitare d’abord et décider ensuite comment chanter.
Le pont avec les arpèges sur « Partisan » en particulier sonne très black metal…
Ouais. J’ai fait une interview et un gars m’a dit que nous avions pris cette partie à Dissection. Je n’ai jamais écouté Dissection ! Nous ne volons jamais aucun riff de guitare. Nous ne voulons pas faire ça, mais parfois ça sonne pareil. Mais pourquoi pas ? Cette partie va bien dans la chanson. Nous essayons de mettre plein de parties dans une chanson avec différents styles. Mais je n’écoute jamais d’autres groupes en disant : « Je veux faire un riff comme ci ou une chanson comme ça. » Il y a des millions de chansons qui existent, il est donc impossible de trouver quelque chose de totalement neuf qu’on n’a jamais entendu avant. On s’inspire d’autres groupes mais moi, je m’inspire de vieux groupes. Je connais Dissection mais je ne connais pas ce riff de guitare en particulier. Mais mettre un peu de black metal là-dedans, pourquoi pas ? C’est de la musique, tu sais !
Yorck et Husky viennent tous les deux de groupes de death metal. Penses-tu que ceci a un impact sur Sodom et en aura sur la musique à laquelle ils contribueront à l’avenir ?
Je pense qu’ils s’inspireront de leur propre musique mais Yorck est un grand fan de Sodom, donc il sait exactement ce qui est bon pour Sodom. Mais nous pouvons tout faire. Je pense que Sodom n’est pas contraint par une direction précise. Nous pouvons faire du black metal, du death metal, du heavy metal classique, tout, si nous le souhaitons. Prends des groupes de thrash comme Destruction ou Exodus, ils font du thrash typique. Sodom n’est pas un groupe de thrash typique. Nous avons tellement d’autres influences, comme le rock n’ roll, comme Motörhead, ou le vieux Venom. C’est exactement ce que Yorck m’a dit : nous faisons du heavy metal extrême mais avec des parties rock n’ roll et punk. Quand nous avons commencé le groupe, nous nous qualifions de « witching metal », ce qui était tout nouveau, c’était plus heavy que Venom et plus rapide que Metallica – c’était notre slogan au début. C’est ce que nous essayons de reproduire aujourd’hui. Mais ce qui est important, c’est surtout de composer une bonne chanson. Ça n’a pas d’importance quel type de musique c’est.
« Je suis un guerrier solitaire, oui, mais je suis aussi un général dans cette armée [petits rires], et j’ai besoin de bons soldats qui se battront à mes côtés. »
En parlant de Motörhead, il y a un côté très Motörhead dans « Conflagration ». Vois-tu ce groupe comme l’ancêtre du thrash ?
Oui. Je pense que sans Motörhead, la scène musicale ne serait pas la même. Elle aurait évolué autrement. Motörhead était ma grande influence. J’ai commencé en écoutant des groupes que ma grande sœur écoutait – elle écoutait T-Rex, Sweet, Slade, The Hollies, etc. –, et puis j’ai découvert AC/DC et Rainbow, mais quand Motörhead est arrivé en Allemagne avec le premier album Bomber, c’était fini, c’était ça ma musique. Mais Motörhead n’est pas un groupe de heavy metal, selon moi. Motörhead est un groupe de rock n’ roll, avec une attitude punk et un son très rugueux. Je pense que le premier groupe de metal était Black Sabbath, clairement. Ils ont fait les premiers riffs de guitare vraiment méchants ; c’était le premier groupe de metal voire de black metal. Mais nous avons fait un mélange de Motörhead, Black Sabbath et Venom. Je crois que le premier album de Venom était le premier véritable album que j’ai vraiment apprécié. C’était tout nouveau. Aucun groupe n’avait fait ce type de musique avant. C’était tellement puissant, avec les paroles et tout. Venom et Motörhead étaient les pionniers de ce type de musique, selon moi. Et ils étaient ma plus grande inspiration.
Depuis que Motörhead n’existe plus, penses-tu qu’il soit plus important que jamais de faire perdurer cet esprit ?
Oui, assurément. Il n’y a plus tellement de Motörhead dans nos chansons désormais mais les gens savent que j’ai été inspiré par Lemmy. Lemmy était mon héros. Nous avons une reprise dans la setlist, « Iron Fist ». Parfois nous faisons aussi « Ace Of Spades ». C’est important de montrer aux gens qui était le parrain du rock n’ roll. Selon moi, c’est Lemmy. J’espère que les gens se souviendront éternellement de lui. Ça fait quelques années maintenant qu’il est mort mais les gens se souviennent encore. Il y a aussi un gros business autour de lui, avec des gens qui produisent des T-shirts, des bootlegs et des albums depuis sa mort, et ils se font plein d’argent sur son dos. Mais c’est une autre histoire. Je me souviendrai toujours de lui. Il reste dans mon cœur. Nous écrivons des chansons différemment, mais j’essaye d’obtenir le même son de basse parfois. J’aime tellement le son de basse de Lemmy. C’est comme une guitare rythmique. Quand tu composes une chanson, tes influences ressortent automatiquement, tu ne penses jamais que tu es fan de Venom ou Motörhead. Quand tu composes des chansons, ça vient du cœur.
Au niveau texte, au sujet de la chanson « Partisan », tu as déclaré que « cette aura unique qui entoure un guerrier solitaire dans la bataille, cet acharnement inconditionnel contre toi-même et l’ennemi, [t’a] toujours fasciné. Un partisan se bat sans compromis pour atteindre son but. » Vois-tu un parallèle entre cette idée du partisan et toi, ta carrière et Sodom ?
Ouais, c’est comme un partisan. Je pense qu’un partisan, c’est un guerrier solitaire sans règle, qui ne reçoit pas d’ordre. C’est un homme libre. Un partisan se bat pour ses droits, pour son pays, pour la paix contre le gouvernement. Parfois c’est moi. Parfois j’ai dû me battre contre le business. Mais dans ce texte spécifique, j’essaye de décrire la mauvaise situation du monde dans lequel on vit. C’est également ce que je fais dans « Conflagration ». Je m’inspire des journaux tous les jours ou bien je regarde les émissions et informations à la télé. Le monde dans lequel on vit va vraiment mal. Il faut que je l’écrive. Je n’ai pas envie d’écrire des articles de journaux, il faut que j’écrive mes opinions sous forme de paroles de chanson, parce que je suis un chanteur. Mais tu n’y trouveras aucune opinion politique là-dedans. Je ne fais que décrire à quel point le monde va mal. J’ai tellement peur de tout. Je n’ai pas peur pour moi, je n’ai pas peur du lendemain, mais j’ai peur pour la prochaine génération, pour mes enfants, pour ce qui arrivera au monde dans les vingt prochaines années. C’est tellement incroyable. La vie est ma plus grande inspiration pour écrire. Et pour des chansons comme « Partisan » ou « Conflagration », il faut écrire de bons textes et trouver de bons titres, c’est très important.
Avec tous les troubles qui ont lieu dans le monde en ce moment vit-on l’époque parfaite pour faire du thrash ?
Ouais. C’est la meilleure époque pour faire ce genre de musique agressive. Je pense que la plupart des musiciens de thrash, moi y compris, ne sont pas actifs politiquement. On ne peut rien changer, mais on peut monter sur scène et crier les choses. On peut monter sur scène et dire : « Arrêtez la guerre ! Arrêtez la folie ! Vivons dans un monde en paix. » La plupart des musiciens que je connais sont pacifistes. Nous ne voulons pas de conflits. Nous ne voulons pas de problème. Nous voulons vivre dans un monde en paix, mais ça semble impossible. Un groupe de thrash metal doit faire des déclarations, en écrivant des textes à ces sujets, sur ce qu’on déteste, sur comment faire mieux les prochaines fois. On ne peut pas vraiment changer les choses mais on peut réveiller les gens. Quand nous jouons en Russie, je parle toujours de l’amitié entre les Russes et les Allemands. Mais maintenant, je redoute le jour où Angela Merkel partira. Qu’est-ce qu’il se passera alors ? Car Angela Merkel était une chancelière allemande qui avait une bonne relation avec Vladimir Poutine, qui a essayé d’avoir une bonne relation avec Donald Trump. Donc qu’arrivera-t-il quand Angela Merkel partira ? Ça pourrait devenir un gros problème pour l’Europe et le monde. C’est à ça que je pense. Mais cette musique m’aide à survivre à cette folie. Pour moi, écrire des textes qui en parlent, chanter et être sur scène, c’est comme une thérapie. Il faut le crier ! Crier ce que l’on déteste. Ce n’est pas de la politique. Nous sommes des musiciens, nous sommes des artistes. Je pense que le plus important reste la musique, pas les paroles, mais j’écris des paroles pour moi et pour les fans que ça intéresse vraiment. Je sais que nous ne pouvons pas changer les choses, mais nous pouvons en parler, pour la prochaine génération. Peut-être que dans cinquante ans, les gens diront : « Oh, Sodom était un super groupe, ils ont écrit des paroles pour nous alerter contre la prochaine guerre mondiale. » Pourquoi pas ? Je crois que la prochaine guerre mondiale pourrait se produire aujourd’hui. Donc j’ai très peur de tout ça.
« Soyez prévenus : le prochain album de Sodom sera le meilleur de ma vie, c’est véridique ! […] Nous voulons montrer aux gens que nous sommes toujours vivants, que nous restons le groupe le plus heavy d’Allemagne. »
Penses-tu que la réalité du monde aujourd’hui est plus effrayante que les thèmes horrifiques et satanistes que tu abordais au tout début de Sodom, comme dans In The Sign Of Evil, ou même que ce qu’un groupe comme Venom aborde ?
Ouais, mais dans les années 80, c’était une situation complètement différente. On parlait de la guerre froide en ce temps. Quand nous étions plus jeunes, la politique ne nous intéressait pas. Donc nous écrivions des textes fantastiques black metal ou comme Manowar ou Judas Priest le faisaient. Mais plus tard, j’ai fait le service militaire allemand pendant deux ans, et quand j’en suis revenu, ça m’a ouvert les yeux et j’ai commencé à écrire des chansons sur ces choses, sur la guerre froide, etc. Puis je me suis davantage intéressé aux thèmes historiques comme la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale, parce que mon grand-père a combattu lors de ces guerres, et il m’a raconté toutes les histoires au sujet de ces deux horribles guerres. Ensuite, j’ai commencé à m’intéresser à la politique et d’autres sujets historiques. J’ai alors changé mes textes en 86 et 87. Obsessed By Cruelty était un album typiquement black metal inspiré par Aleister Crowley et tout le côté occulte et sataniste. Puis plus tard, j’ai changé les paroles, j’ai dit : « Je veux écrire à propos de choses qui se sont réellement passées. » Mais je pense que désormais, il y a un grand danger partout. Pour moi, c’est une plus grande inspiration pour l’écriture des textes. Ça sera également un thème présent sur le prochain album, c’est sûr. Je n’arrêterai jamais de parler de ça.
Mais je connais plein de fans de metal qui ne s’intéressent pas à la politique. Ils aiment juste la musique. Mais essayez de lire les journaux ou de regarder les infos à la télé tous les jours pour voir ce qui se passe dans le monde, ensuite vous comprendrez ce que je veux dire dans ce que j’écris. Je pense que la jeunesse de nos jours n’est pas intéressée par la politique. Ils vivent leur vie. S’ils ont de la chance, ils obtiennent un boulot, ils vont à l’école, ils obtiennent leur diplôme, ils réussissent à avoir un appartement… C’est un problème : les gens restent posés dans leurs maisons et appartements, sans s’intéresser à ce qui se passe dehors. Ça ne va pas, il faut s’intéresser à tout. Mais je pense que la plupart des fans de Sodom savent exactement ce que je vais écrire. Aussi, essayez de lire entre les lignes : vous ne trouverez jamais d’opinion politique. Je ne suis ni de gauche, ni de droite. Je chante au milieu. Je veux vivre dans un monde meilleur et en paix. Ça n’a pas d’importance si on est de droite ou de gauche, ou au milieu, ou un démocrate, ou un libéral… Il y a tellement de tendances politiques. Ce n’est pas ça. Le truc c’est vraiment de vouloir vivre dans un monde en paix et essayer de préserver le monde pour la prochaine génération.
Même si Blackfire est de retour, tu as pendant longtemps été le seul membre restant des débuts de Sodom, et même Blackfire n’était pas là à l’origine du groupe. Donc avec les nombreux changements de line-up que le groupe a connus au fil des années, et pour revenir sur l’analogie du partisan, y a-t-il eu des fois où tu t’es senti comme un guerrier solitaire sur le champ de bataille ?
Oui. Le truc, c’est que quand je change de line-up… Comme quand j’ai viré Bernemann et Makka du groupe, d’accord, je les ai virés et ensuite je me suis retrouvé seul. Le loup solitaire [petits rires]. Le guerrier solitaire. Mais je dois aller de l’avant. Je sais qu’il y a eu beaucoup de changements de line-up par le passé et tout ce à quoi je pense, c’est : « Est-ce que c’était la bonne décision de virer Witchhunter du groupe ? De virer Andy Brings du groupe ? Etait-ce bien que Blackfire ait quitté le groupe en 89 ? » C’est la vie. Mais dans le cas présent, avec la dernière séparation survenue dans le groupe, selon moi, c’était la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie. Le truc, c’est que je suis le leader du groupe et je me suis toujours dit que Bernemann et Makka ne m’avaient jamais accepté en tant que tel. Ils n’ont jamais accepté que j’étais le boss. C’est toujours une démocratie dans le groupe, mais parfois, je dois prendre la décision, car c’est mon groupe ! J’ai formé le groupe en 82 et je suis le seul à avoir survécu. Quand je me sépare d’un musicien, quel qu’il soit, je continue. Je dis : « C’est mon groupe, c’est mon rêve et c’est ma vie. J’ai besoin d’un groupe, j’ai besoin de musiciens qui vont m’aider, qui s’intéressent à mes idées et ne discutent jamais les choses. » Donc je suis un guerrier solitaire, oui, mais je suis aussi un général dans cette armée [petits rires], et j’ai besoin de bons soldats qui se battront à mes côtés.
Tu nous as dit que vous aviez déjà commencé à rassembler des riffs pour un potentiel album à venir et tu nous as donné des indications sur ce que vous visiez. Mais en résumé, quelle serait ton ambition pour cet album ?
Oui, nous avons plein de riffs de guitare pour le prochain album, mais comme je l’ai dit, nous ne pensons jamais à ce que nous allons faire. Ça pourrait être des chansons punk, ça pourrait être du crust punk, du thrash ou n’importe quoi. Mais soyez prévenus : le prochain album de Sodom sera le meilleur de ma vie, c’est véridique ! C’est ce que je peux vous dire maintenant. Aussi, comme je l’ai dit plus tôt, nous allons essayer d’avoir une meilleure production en studio, un son plus gros, plus gras, plus agressif, mais la musique sur l’EP Partisan est un bon indicateur de la direction. On connaît bien le style de riffs de guitare de Frank, c’est Frank Blackfire, parce qu’il n’a jamais changé de son. Nous devons tout mettre en place mais nous commencerons à composer et arranger les chansons après la tournée avec Exodus. Je pense que nous commencerons à composer les chansons le 1er ou 2 janvier. Nous espérons le sortir l’année prochaine. Mais nous ne pouvons rien promettre parce que nous ne voulons pas travailler sous pression. Pour moi, pour ma carrière, le prochain album de Sodom sera le plus important. Parce qu’après le split avec Bernemann et Makka, nous voulons montrer aux gens que nous sommes toujours vivants, que nous restons le groupe le plus heavy d’Allemagne. Je ne sais pas [petits rires]. Mais je peux promettre que cet album va déchirer !
Interview réalisée par téléphone les 29 & 31 octobre 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription : Adrien Cabiran, Lison Carlier & Nicolas Gricourt
Traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Sodom : www.sodomized.info
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