Pour beaucoup de formations actuelles, la pandémie est propice aux interrogations sur la condition de l’être humain et son avenir. Sans apporter de réponse à ces questionnements aussi délicats, Soilwork ne fait pas exception et s’en nourrit lui aussi, inspiré par les thématiques chères au guitariste David Andersson concernant la société, la religion, le féminisme… Le groupe se demande si le monde dans lequel on vit a déjà sombré, voué à disparaître telle l’Atlantide ou si ces temps troubles vont inciter à construire un avenir meilleur. L’EP A Whisp Of The Atlantic a ainsi deux desseins : éprouver une réflexion sur le sujet et « réhabiliter » Soilwork, sans cesse sous-estimé, toujours selon David Andersson qui a largement pris le lead sur la conception de l’EP (à la composition et sur les textes). A Whisp Of The Atlantic est ainsi censé démontrer toute l’étendue de la palette musicale de Soilwork.
« A Whisp Of the Atlantic » est un titre long de plus de seize minutes. L’intérêt principal de l’EP reste donc cette fresque progressive vouée à illustrer le talent de composition et la polyvalence de Soilwork. Le titre est accompagné de The Feverish Trinity (la trilogie conceptuelle de singles centrée sur l’idée des émotions et des aspirations réprimées – en résumé – et accompagnée de vidéos célébrant les déesses de la mort babyloniennes), incluant « Feverish », « Desperado » et « Death Diviner », suivi de « The Nothingness & The Devil ». L’EP joue ainsi un rôle de marqueur : le terrain de jeu de Soilwork est sans limites ou presque. Ce qui fait tout le charme de Soilwork est justement cette capacité à faire exploser le cadre traditionnel du death mélodique par des articulations habituellement aux antipodes. Soilwork a toujours ce respect profond pour la mélodie et infuse son affect pour l’exubérance des eighties, heavy ou pop (que Björn Strid et David Andersson honorent en parallèle avec The Night Flight Orchestra). « Feverish » a certes toutes les qualités agressives propres à Soilwork, qu’il conjugue avec ces nappes de clavier lumineuses et ces accords de guitare empreints de reverb’. Il est par ailleurs amusant de voir comment le groupe part de sonorités synth-wave pour aboutir aux antipodes avec une outro aux cordes classiques. « Desperado » reste peut-être plus sage en se cantonnant à un seul registre plus traditionnel, cela n’empêche pas Soilwork de s’en donner à cœur joie sur les leads et Björn Strid d’élever la chanson avec la puissance de son timbre aigu. « Death Diviner » assume quant à lui complètement un tempo rock binaire ponctué d’arrangements de guitare blues (au bottleneck ?), avant d’en revenir aux déferlantes grandiloquentes que Björn maîtrise avec conviction. « The Nothingness & The Devil » est plus explicite quant à ses références : il faut imaginer un The Night Flight Orchestra sous stéroïdes où le growl de Björn Strid et la dextérité de Bastian Thusgaard jouent seuls le rôle de label Soilwork.
Il faut revenir sur l’audace dont fait preuve Soilwork en ouvrant son EP par « A Whisp Of The Atlantic », seize minutes à même de surprendre les habitués de la formation. Le groupe évoque une recherche spirituelle avec la thématique de l’eau en toile de fond, nécessaire à toute existence. La chanson incite à trouver quelque chose de plus fédérateur que les seules religions pour continuer d’exister ensemble. Il s’agit de survie et d’élévation, de s’émanciper de la bassesse des débats actuels qui flétrissent notre quotidien. « De la libération à l’ascension » pour reprendre les dires de David Andersson. « A Whisp Of The Atlantic » perturbe parce qu’il a presque autant de points communs avec les grands du rock prog des années 70 (« Supper’s Ready » de Genesis est la référence du guitariste en matière de longs morceaux progressifs) qu’avec Soilwork. Son incipit pose doucement le décor à l’aide de samples discrets d’instruments à cordes et d’arpèges de guitare au son familier pour ceux qui suivent le groupe depuis The Living Infinite. Soilwork va opérer un nombre de transformations conséquentes, s’appuyant sur la versatilité de son frontman et sur la polyvalence de ses guitaristes, prompts à dégainer le moindre riff si la transition s’y prête. « A Whisp Of The Atlantic » agrège du rock progressif à l’ancienne, du heavy, du black (Bastian Thusgaard se fend d’un blast beat foudroyant) et quelques élans jazz avec des phrasés de trompette. Un véritable microcosme qui amène au constat suivant : Soilwork en est à un stade où il peut tout explorer.
Soilwork s’est affranchi depuis longtemps de l’étiquette « death mélodique » ; le considérer encore sous cet angle est effectivement trop réducteur. Il fallait simplement l’entériner. On comprend alors la volonté de David Andersson d’acquérir la reconnaissance que le groupe mérite. Derrière ses multiples thématiques, A Whisp Of The Atlantic – sa pièce maitresse éponyme surtout – est avant tout une invitation à effacer toute notion de cloisonnement et une lutte contre l’inertie. L’immobilisme est avilissant, pour Soilwork comme pour l’auditeur. Soilwork navigue comme il l’entend et l’annonce fièrement.
Clip vidéo de la chanson « The Nothingness And The Devil » :
Clip vidéo de la chanson « Death Diviner » :
Clip vidéo de la chanson « Desperado » :
Clip vidéo de la chanson « Feverish » :
Album A Whisp Of The Atlantic, sortie le 4 décembre 2020 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici