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Metalanalyse   

Soilwork avance de deux pas vers l’infini


C’est un sacré pavé qu’est en train de lâcher Soilwork ! Un double album, ni plus, ni moins. Un double album, cela doit pouvoir se justifier au moins par une sélection de titres tous pertinents et cohérents. Un double album, c’est le risque de voir l’attention de l’auditeur ne pas tenir la durée. Un double album, c’est une véritable déclaration créative qu’il faut pouvoir assumer. Un double album c’est, forcément, très attendu au tournant. Et cela faisait longtemps que les Suédois ne s’étaient pas montrés aussi ambitieux, tout du moins dans les formes.

Soilwork, pour beaucoup qui les ont suivi depuis leur débuts, c’est avant tout une série de quatre albums remarquables : A Predator’s Portrait, Natural Born Chaos, Figure Number Five et Stabbing The Drama. Quatre albums effervescents par lesquels Soilwork s’est littéralement construit, tâtonnant, expérimentant différentes approches. Chacun de ces albums se différenciait du précédent par les nouveautés en termes de son ou d’orientations qu’il apportait. Depuis, Soilwork semble tenir position sans grand écart et ne surprend plus vraiment. Sworn To A Great Divide a beau lorgner sur un côté plus léché, plus pop, il ne présente en aucun cas la remise en question qui caractérise et a donné de la hauteur à ses prédécesseurs. Il reprend et nuance simplement les codes que le groupe a pu établir. The Panic Broadcast, lui, renouait avec un peu plus de diversité et de hargne mais confirme que Soilwork s’est bel et bien trouvé une zone de confort où il pouvait continuer à produire des albums de qualité sans ébranler sa notoriété acquise.

Probablement que ce constat est la conséquence directe des nombreux aléas qu’a subi le line-up du groupe. En particulier le départ de Peter Witchers, guitariste et principal compositeur de la formation. Une absence à laquelle Soilwork a dû apprendre à s’adapter pour constituer Sworn To A Great Divide. Un album finalement majoritairement composé par l’autre guitariste, Ola Frenning, celui-là même qui, à peine le disque sorti, annonçait à son tour son départ. Quelques mois après, Witchers faisait un retour inattendu, pour finalement, l’année dernière, à nouveau quitter la formation – définitivement nous dit-on – après seulement un album. Tout ce remue-ménage a vraiment de quoi vous chambouler un groupe ! Quoi de plus normal dans ces circonstances de voir celui-ci avant tout rechercher la stabilité et, surtout, ressentir le besoin de prouver qu’il est, quoi qu’il advienne, capable de constance.

Prouver qu’il était capable de constance ça, Soilwork, l’a (grosso modo) réussi. Faut-il croire qu’il est aujourd’hui temps pour le sextet européen (car aujourd’hui composé de Suédois, d’un Belge et d’un Français) de chercher à nouveau à se surpasser ? L’ambition est en tout cas écrite en grosses lettres sur le front de The Living Infinite. Un album dont la destinée a été pensée largement en amont. Comme nous l’a affirmé le chanteur Bjorn « Speed » Strid dans un récent entretien, l’idée de l’album double ne s’est pas dessinée au fil du processus de composition, mais a dès le départ été posée sur la table comme un challenge à relever. Tout comme le titre de l’album qui peut, au premier abord, paraître particulièrement prétentieux. Dans ces circonstances, le résultat se retrouve forcément conditionné par ces caractéristiques « imposées ».

D’ailleurs, peut-être que le fait de l’anticiper reste encore le meilleur moyen de constituer un double album convaincant et qui va au-delà de la simple surabondance de musique. C’est en tout cas ce que tend à démontrer ce The Living Infinite intelligemment agencé. Les deux disques comprennent, équitablement, dix plages chacun et pourraient se prendre comme deux albums à part entière. Le premier débute avec « Spectrum Of Eternity », épique et abrasif. Ce titre ouvre le bal de manière percutante, tout comme « Late For The Kill, Early For The Slaughter » scotchait l’auditeur dès l’ouverture de The Panic Broadcast, sauf que cette fois-ci le propos est davantage porté sur la grandiloquence. Le dixième titre de cette première face se nomme « Whispers And Light ». Un couplet apaisant, un glorieux refrain, un pont enragé : il a tout de la parfaite conclusion. L’album aurait en effet très bien pu se terminer à se stade, sans souffrir d’un sentiment d’inachevé. Ainsi, c’est un véritable nouveau départ qu’offre la lente et puissante instrumentale « Entering Aeons », première piste du second disque qui s’enchaîne musicalement, en tant qu’introduction, à « Long Live The Misanthrope » et dont le côté plus obscur fait écho à la terriblement ténébreuse « Owls Predict Oracle Stand Guard » qui clôture le tout.

Deux disques qui peuvent très bien vivre séparément mais qui sont pourtant bel et bien reliés, s’appelant mutuellement. En particulier par ces deux titres éponymes, placés au centre de l’un et de l’autre. Il ne s’agît pas tant d’un morceau et sa suite que de deux titres faux-jumeaux qui marquent le lien « fraternel » entre les deux parties de l’album. Relié également par la profondeur – c’est bien le terme car la symbolique de l’océan semble avoir joué un grand rôle sur la conception de l’album – des thématiques existentielles abordées. Puis il y a cette générosité commune dans les mélodies, la quantité impressionnante de riffs qui traverse les morceaux ou dans le jeu virtuose des musiciens. A cet égard, il est étonnant de constater la facilité avec laquelle notre Sylvain Coudret national et le nouveau venu David Andersson se fondent dans l’héritage construit par Soilwork.

Un héritage résumé exhaustivement dans ces deux volumes – « plutôt que de sortir un best-of, nous avons fait un double album qui résume notre histoire » acquiesçait le chanteur – et qui fait de ce The Living Infinite un album particulièrement riche. Bjorn « Speed » Strid y étale toute sa palette vocale : son puissant chant hurlé, ses lignes mélodiques claires qui s’ancrent toujours autant dans la tête, ses « growls » plus typiquement death metal et toutes les nuances qui s’insèrent au milieu. Une performance qui se veut à l’image de la palette étendue de The Living Infinite. C’est ce que mettent en évidence ces accès de fureur côtoyant des refrains lumineux, la mélancolie se mêlant à l’exhalation, quelques sonorités acoustiques et analogiques (guitares acoustiques, piano ou orgue Hammond) arrondissant des guitares massives et modernes, une sensibilité plus typiquement suédoise reprenant le dessus sur les influences américaines établies à l’époque de Stabbing The Drama, etc.

Une fois la densité de l’œuvre digérée, l’auditeur pourra être stimulé par les quelques nouveautés apportées au son de Soilwork. Comme, pour ne citer que les exemples les plus éloquents, l’amorce en guitare acoustique façon western de « Vesta », « Loyal Shadows », une instrumentale au caractère « céleste », ou « Owls Predict Oracle Stand Guard », une fin d’album pour le moins sombre et lourde où on y décèlera autant des relents de Gojira que d’Opeth. Ce dernier est assurément le titre le plus étonnant de The Living Infinite. Le fait qu’il clôture l’œuvre présage peut-être d’évolutions futures. Une sensation renforcée par cette fin en fade-out qui lui donne, en quelque sortes, une allure de « teaser ».

Car quoi qu’il en soit, malgré toute sa richesse, toute sa générosité, The Living Infinite ne bouleverse pas tant les codes établis jusqu’alors par Soilwork. Le parti pris est plutôt de creuser ces codes, de les pousser plus loin, plus haut et dans diverses directions. C’est ce que leur a permis la marge de manœuvre offerte par ce plus grand espace sur deux disques. Le challenge était là. Il s’agissait de tester les limites du groupe en termes d’afflux créatif. De tester également la solidité de ce line-up où tous ont mis la main à la patte pour l’écriture des chansons. Une « garantie de diversité », pour reprendre les mots du chanteur, qui se vérifie. Le challenge a été relevé et démontre, aujourd’hui, la totale maîtrise, le total contrôle de Soilwork sur sa musique. Reste à savoir si cette expérience stimulera le groupe pour d’autres défis à l’avenir, mais aussi pour de nouvelles remises en question, plus profondes, qui feront avancer son art un peu plus loin.

Album The Living Infinite, sortie le 1er mars 2013 chez Nuclear Blast.



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  • jolindien dit :

    Énorme!
    J’avoue qu’il m’a fallu plusieurs écoutes pour apprécier toute la valeur de ce double album. Je n’attendais plus rien de Soilwork, j’ai acheté cet album plus par curiosité. .. mais quelle claque! Violent, technique, mélodique. … époustouflant! Rythimiques hyper travaillées, guitares justes parfaites, synthé discret mais bienvenue, et, surtout, le chanteur Speed est au sommet de son art! Amis metaleux, s’ il y a bien un album à ne pas rater, c’est celui-ci!!

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  • Superbe article et je partage entièrement l’avis de l’auteur qui a un très bon jugement du groupe et de ses albums. Faire ressortir l’art et le travail qui émane de Soilwork demande d’être avisé!
    J’ai ce double album et j’adore meme si il est vrai qu’il nécessite une longue écoute attentive.

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  • Hâte de l’ecouter !

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  • Cet album s’annonce excellent! J’espère grandement les voir présent au Hellfest 😀

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