Le chanteur Björn « Speed » et le guitariste David Andersson sont des hyper-créatifs, il n’y a pas d’autre explication. Alors que Soilwork retrouvait une stabilité dans ses rangs, ils sortaient coup sur coup, en 2017 et 2018, deux albums avec leur formation rock The Night Flight Orchestra, pendant qu’en parallèle, ils étaient déjà à l’œuvre pour concevoir l’album qui succédera à The Ride Majestic du groupe de death mélodique.
Verkligheten est cet opus, présentant un visage très familier, caractérisé notamment par ce sens aigu de la mélodie scandinave, et à la fois légèrement nouveau, avec des influences plus rock et heavy traditionnelles. Une orientation qui doit visiblement beaucoup au nouveau de la bande : le batteur Bastian Thusgaard. Car si ce dernier a été l’élève de son prédécesseur, Dirk Verbeuren, et qu’il n’a pas à rougir de sa technique, il se démarque par une approche sensiblement plus rock et épurée. Une analyse partagée par Björn Strid ci-après, qui nous parle de ce nouveau chapitre dans l’entretien qui suit, où nous discutons par ailleurs de la notion de réalité et des effets de vases communicants entre Soilwork et The Night Flight Orchestra.
« En studio, je suis plus perfectionniste que ne l’est David. David est parfois plus dans le feu de l’action et laissera des erreurs. Alors que moi, je suis plus nerveux, j’imagine [rires], et perfectionniste, et je dis : “Non, non, non, non ! Ça sonne faux !” Et lui répond : “Ouais, je sais.” “Est-ce que c’est censé être comme ça ?” “Ouais, c’est censé être comme ça.” “D’accord…” »
Radio Metal : Tu as déclaré que les « sessions d’enregistrement de cet album ont été différentes de tout ce que [vous avez] fait auparavant. » Qu’est-ce qui a fait que c’était différent ? Qu’est-ce qui a changé dans le processus ?
Björn « Speed » Strid (chant) : Je ne sais pas si c’était si différent que ça, en fait [petits rires], mais nous sommes un peu revenus aux fondamentaux : nous avons réservé un studio ensemble comme dans le bon vieux temps. Pendant six semaines, nous avons vécu ensemble, cuisiné ensemble, bu ensemble et enregistré un album ensemble. Il y avait une bonne atmosphère. Nous n’avions jamais été dans ce studio avant et avoir Thomas Johansson, le producteur, avec nous était fantastique. Nous voulions essayer quelqu’un de nouveau. Nous savions qu’il avait beaucoup d’expérience, c’est un bon ami à nous et il a fait beaucoup de death metal plus brutal, mais il a aussi fait des choses plus pop, y compris des artistes d’Eurovision, ce qui fait un contraste assez bizarre. Mais il est très impliqué émotionnellement dans les mélodies et tout, donc nous savions que ce pourrait être une très bonne option. Je trouve qu’il a fait du bon boulot. Il y a une très bonne alchimie. Ça nous a un peu rappelé l’enregistrement de The Living Infinite, qui était probablement l’enregistrement le plus amusant que nous ayons jamais connu. Le feeling global était très bon. Car la musique était assez sombre et le fait d’être en studio à enregistrer ce type de musique, ça peut facilement t’épuiser, donc il y avait un équilibre, je trouve. Nous pouvions vraiment nous concentrer sur le fait d’avoir beaucoup de présence dans la musique et, à la fois, à côté de ça, vraiment nous amuser. Il y avait un interrupteur sympa que nous pouvions enclencher.
Est-ce que ça signifie que c’était plus collaboratif ? Car Sven disait qu’il y avait pas mal d’improvisation dans le studio.
Il y en avait pas mal, oui. Enfin, évidemment, nous avons nos démos mais nous laissons toujours ça ouvert à l’interprétation en studio. Sven a beaucoup travaillé sur les claviers en studio aussi, ce qui a fait une énorme différence.
Malgré tout, dans la biographie promotionnelle, il est mentionné que toi et David avez composé les chansons cette fois. Est-ce que ça veut dire que vous êtes tous les deux responsables des apports initiaux ?
Oui. Nous avons écrit les chansons, c’est-à-dire les structures, les mélodies et tout, mais ensuite il y a toujours quelque chose qui se passe en studio. Donc au final, ça reste un effort de groupe. C’est toujours très ouvert et démocratique ; n’importe qui peut écrire une chanson si ça lui dit. Cette fois, c’était seulement moi et David mais il n’y a clairement pas de contrat derrière ça qui stipulerait: « Vous ne pouvez pas composer, ce n’est que moi et David. » Ce n’est pas du tout comme ça. Je veux dire que, par le passé, Sven a écrit des chansons ainsi que Sylvain, mais d’une certaine façon, cette fois, ce n’est pas venu. Au final, je m’en fiche un peu, tant que ce sont les meilleures chansons qui se retrouvent sur l’album.
Est-ce que ça pourrait venir du fait que toi et David avez été pas mal ensemble ces dernières années avec Soilwork et The Night Flight Orchestra ?
Qui sait ? Nous sommes de bons amis, David et moi, et nous communiquons très bien à un niveau aussi bien personnel que musical.
D’ailleurs, entre Soilwork et The Night Flight Orchestra, vous avez sorti trois albums en seulement deux ans, et avec toutes les tournées, etc. on dirait que vous ne vous quittez jamais : n’en avez-vous pas marre l’un de l’autre désormais ? Vous ne vous tapez pas sur les nerfs ?
Nous ne passons pas tant de temps ensemble, en dehors des tournées, et cette année, nous n’avons pas tant tourné que ça. Enfin, nous parlons au téléphone et nous nous échangeons des chansons et des idées. Parfois, tout du moins avec Night Flight, nous composons aussi en tournée. Donc, je ne sais pas, c’est juste que nous nous connaissons très bien. Nous avons un lien très fort ensemble avec la musique en général. Ça arrive qu’on se tape sur le système, oui, mais ce n’est jamais dramatique. Parfois, en studio, je suis plus perfectionniste que ne l’est David. David est parfois plus dans le feu de l’action et laissera des erreurs. Alors que moi, je suis plus nerveux, j’imagine [rires], et perfectionniste, et je dis : « Non, non, non, non ! Ça sonne faux ! » Et lui répond : « Ouais, je sais. » « Est-ce que c’est censé être comme ça ? » « Ouais, c’est censé être comme ça. » « D’accord… » Et ensuite j’essaye de laisser filer. Je pense que je me suis amélioré par rapport à ça, pour laisser passer des erreurs et accepter que tout ne soit pas parfait. A la fois, peut-être que David a revu sa position sur des choses aussi. Donc, je dirais qu’il y a une communication qui passe entre nous. C’est comme un échange.
« Nous sommes à un stade de notre carrière où nous nous fichons un peu de ce que les gens disent. Nous faisons confiance à notre instinct, nous cherchons l’émotion, et nous créons une connexion. […] Nous essayons toujours d’avoir une approche très joueuse de la composition. Nous essayons de ne nous imposer aucune limite. »
Cet album est le premier avec le nouveau batteur Bastian Thusgaard. Dans une interview passée, tu nous avais dit que tu pensais que Bastian allait « apporter quelque chose de nouveau et frais au groupe, et certaines caractéristiques que Dirk n’avait pas ». Tu as même récemment été jusqu’à dire qu’il « a apporté une autre dimension à [votre] son ». Dirk est évidemment un monstre, techniquement, et vu ce qu’il a apporté à Soilwork, ce n’est pas rien de dire tout ça. En revanche, ce qu’on peut remarquer est que Bastian semble aborder Soilwork sous une perspective plus de « chanson », alors que Dirk en mettait quand même pas mal plein la vue. C’est ce que tu voulais dire ?
Ouais, en fait, Bastian donne vraiment à la chanson ce qu’elle mérite. Il est très bon à ça. Et c’est la chanson qui importe, au final. Je pense que, comme tu le dis, sans rentrer dans des terminologies de geek de batterie [petits rires], parfois il se contient un peu, ce qui peut être très bien. D’un autre côté, quand Drik jouait, certaines personnes pouvaient penser qu’il en faisait trop, mais parfois ça déclenchait aussi autre chose, de nouvelles idées nous venaient rien que parce qu’il était capable de jouer des trucs de malade, avec des blast beats, par exemple. Bastian vient aussi de cette école mais je pense qu’il a par ailleurs développé son propre style, surtout avec les éléments rock. Il a un peu apporté une dimension rock. C’est un album au rythme très marqué, ça ne repose pas forcément sur le groove. C’est plus direct mais avec beaucoup de parties intenses et agressives. Bastian est capable de sortir un bon rythme de batterie à la Phil Ruud d’AC/DC, et on retrouve un peu de ça aussi dans l’album. Il a ce swing infernal quand les riffs sont plus dans une veine heavy metal et rock. C’est un élément que nous n’avions pas vraiment dans les albums passés de Soilwork depuis les deux premiers, où nous avions des influences de heavy metal plus basiques. C’est donc quelque chose qu’il a ramené. Il est très bon pour mettre des accents heavy metal et rock dans son jeu de batterie. Je suppose que Dirk n’était peut-être pas toujours le plus grand fan de rock. Il était plus focalisé sur le metal, ce qu’il faisait vraiment très bien. Bastian vient un petit peu d’ailleurs, je pense, et possède les deux. Je trouve qu’il a vraiment assuré.
Dans le trailer de « Full Moon Shoals », Bastian explique qu’il trouvait le solo original un peu ennuyeux, ce qui a poussé David à travailler deux heures de plus pour trouver un autre solo. C’est assez rare qu’un membre aussi nouveau soit aussi impliqué. Est-ce que vous faites tout de suite confiance aux nouveaux membres ?
Oui, pour ma part, je crois, en grande partie. Nous sommes assez directs en studio. Evidemment, nous discutons des choses et je pense que c’est comme ça qu’il faut faire. Je ne sais pas si au final ça a tellement changé dans la chanson, mais bien sûr, je trouve qu’il est important que, même si c’est un nouveau membre, il doit aussi avoir son mot à dire sur la chanson. Il est clair qu’il y a des compromis à faire, mais si tu ressens vraiment ce que tu joues, le résultat sera meilleur, au bout du compte. J’ai évidemment mes opinions, mais quand j’ai écrit les démos et programmé la batterie, par exemple, je voulais que ça reste ouvert à l’interprétation. Ce n’est pas comme si je programmais la batterie en disant : « Oh non, il faut que tu joues exactement comme ça. » Et ce n’est pas un souci, ce n’est pas comme si nous changions des notes ou des accords. C’est la batterie. Je ne suis pas mauvais pour programmer la batterie mais je suis loin d’être un maître en la matière.
Tu as déclaré que vous vous êtes permis d’« expérimenter davantage et prendre des risques au niveau sonore » mais aussi que vous êtes « revenus aux bases du heavy classique ». N’est-ce pas contradictoire ?
J’imagine que, d’une certaine façon, ça l’est. Nous avons ramené les bases mais nous avons aussi développé certains éléments et pris des risques. Je ne sais pas, je crois que nous sommes à un stade de notre carrière où nous nous fichons un peu de ce que les gens disent. Nous faisons confiance à notre instinct, nous cherchons l’émotion, et nous créons une connexion. Au final, nous n’aimons pas trop discuter de comment l’album doit sonner. Nous y avons été tête baissée, même s’il y avait des éléments que, personnellement, quand j’étais en train de composer de mon côté, je voulais ramener, comme certaines bases plus heavy metal classiques. Certains trucs sont assez directs et assez simples, mais ensuite, tout d’un coup, ça s’ouvre et ça mène à un arrangement assez complexe. Il y a une chanson comme « Full Moon Shoals » qui pourrait presque être comme « Headless Cross » de Black Sabbath dans son couplet, avec cette atmosphère très sympa, et puis le refrain s’ouvre et ça devient super mélodique et détaillé. Ça passe donc d’assez basique à quelque chose de multicouches. Au final, je ne sais pas si c’est si audacieux que ça [petits rires], mais c’est dur d’être novateur aujourd’hui. J’ai juste l’impression que, d’une certaine façon, nous arrivons à sortir de la mêlée avec les chansons que nous composons et les albums que nous sortons. Parfois c’est très dur de mettre le doigt exactement sur ce qui fait ça. Mais, par exemple, « You Aquiver », c’est presque du disco black metal ! Ça pourrait choquer certaines personnes, mais je ne sais pas, ça fonctionne vraiment bien avec le reste des chansons, je trouve.
Cet album a plein de textures, avec les sons de clavier, les guitares et même un violoncelle qui apparaît dans de nombreuses chansons, presque comme un septième membre. Est-ce quelque chose que vous avez voulu développer, en vous concentrant davantage sur le son et les arrangements ?
Ouais, il y a aussi pas mal de sortes de longues intros et parties instrumentales qui mettent en place des atmosphères intéressantes tout au long de l’album. Il y a même quelques breaks un peu plus progs, surtout au niveau de la batterie. Et les claviers, je sais que Sven joue aussi un peu de clavinet, ce qui est assez inédit dans le monde du metal extrême [petits rires]. Il y a clairement des choses là-dedans, comme tu l’as dit, des textures qui ressortent. Nous essayons toujours d’avoir une approche très joueuse de la composition. Nous essayons de ne nous imposer aucune limite. Concernant le violoncelle, nous en avons déjà eu auparavant ; je crois qu’il y en avait sur The Living Infinite et The Ride Majestic. C’est une bonne amie à nous, elle est venue en studio, elle était là pendant deux jours et nous avons un petit peu expérimenté avec le violoncelle, et au final, je crois que nous en avons mis dans quatre ou cinq chansons. Ça apporte une toute nouvelle dimension. Nous aimons beaucoup le son que ça apporte.
« Ça fait vingt ans que je tourne avec ce groupe, et en tant que musicien qui tourne, on s’expose à des choses auxquelles on ne serait normalement pas exposé si on avait un boulot de neuf à cinq, vivant une vie plus ou moins normale, et quand on est quelqu’un de parfois très émotif et sensible, ça laisse une marque, aussi bien positive que négative. »
On peut entendre pas mal de riffs assez old-school, comme celui qui fait très Accept dans « The Nurturing Glance », et encore plus de côtés assez années 80, surtout dans une chanson comme « You Aquiver ». Même les sons de guitare et de clavier font plus old-school parfois. Depuis le dernier album de Soilwork, toi et David avez été pas mal occupés avec The Night Flight Orchestra, en sortant deux albums en peu de temps. Du coup, est-ce que ce groupe pourrait avoir déteint un petit peu sur Soilwork ?
Je ne sais pas. J’ai déjà vu ce type de remarque, y compris sur « Arrival », qui n’a rien à avoir avec… Je n’arrive pas à entendre de Night Flight Orchestra dans cette chanson [petits rires] et pourtant, plein de gens ont dit : « Oh, ça sonne comme Night Flight Orchestra ! » Concernant les mélodies, chacun a sa patte et on l’emporte avec nous partout où on va. Nous avons toujours eu ça avec Soilwork, avant et après The Night Flight Orchestra. Pour nous, ce sont deux entités séparées mais certaines mélodies se croisent un petit peu, même si ça reste très différent. Je comprends mais, à la fois, je ne comprends pas. Mais peut-être est-ce juste parce que les gens sont au courant qu’il y a un autre groupe et ça en fait une référence. Ouais, sur « You Aquiver », la batterie est un peu disco, mais je pense que nous avons fait des choses similaires par le passé ; même Satyricon a eu ce type de rythme de batterie, mais personne ne les a jamais vraiment qualifiés de disco [rires]. Donc, je ne sais pas. Je veux dire que j’ai toujours été influencé par les années 80. C’est toujours un peu la décennie à laquelle je me réfère quand je compose. C’est toujours là. C’est toujours présent. Car il y avait plein de mélodies intemporelles dans les années 80 et je crois que ça a eu un énorme impact sur moi quand j’étais enfant, et c’est resté.
Vous employez des mots suédois pour deux des morceaux : « Stålfågel » et l’introduction éponyme « Verkligheten ». C’est la première fois que vous mettez en avant votre culture suédoise de façon aussi claire. De nombreux groupes scandinaves le font, donc était-il temps que vous fassiez ressortir un peu plus vos racines ?
Ouais, parce que je pense que cet album mélange diverses mélodies scandinaves et est traversé par une mélancolie typique d’ici. Verkligheten semblait être un titre parfait pour cet album. Ça signifie « réalité » en suédois. Nous avons eu cette idée il y a quelques années. A l’époque, ça ne semblait pas convenir, et là, l’idée a été remise sur le tapis. Vu les sonorités de cet album, ça semblait lui aller comme un gant. En ce qui concerne la chanson « Stålfågel », en fait c’était un titre de travail, et j’ai une explication très intéressante de la part de David ici, si ça t’intéresse de l’entendre [petits rires]. Il décrit la chanson comme une « chanson doucement grandiloquente au sujet du fait que l’humanité est capable de voler – ce qui, en soit, n’est pas rien –, qui évoque à quel point on devient fragiles pendant qu’on poursuit nos rêves, laissant l’air nous porter vers des lieux dont on a toujours rêvé, et comment on réalise qu’on reste les mêmes, qu’on a porté tous nos espoirs avec nous à l’autre bout du monde et qu’on ne s’en débarrassera jamais ». Et voilà ! [Rires]
Comme tu l’as mentionné, Verkligheten est le mot suédois pour « réalité ». Et tu as déclaré que la réalité est « l’entité dont nous essayons tous de nous échapper ». Cet album représente-t-il donc votre réalité alternative ?
D’une certaine façon oui, d’une autre façon non. Parce que quand j’écris les paroles, elles sont généralement très réalistes socialement, alors que dans les paroles de David, il y a beaucoup d’évasion. Donc ça crée un contraste intéressant. C’est là aussi où nous sommes différents. Je pense que ça résume bien. Parfois, tu as envie d’échapper à la réalité, tu as besoin de t’évader, et parfois, tu as envie que tout soit normal, de ne pas avoir à trop réfléchir, tu as envie du train-train quotidien. Il y a toujours un équilibre intéressant.
On avait déjà discuté de l’idée d’évasion plus tôt cette année au sujet du dernier album de The Night Flight Orchestra, Sometimes The World Ain’t Enough. On dirait que cette idée d’échapper à la réalité a été très présente dans ton esprit ces derniers temps, ou peut-être dans l’esprit de David… Est-ce que la vie a été si dure avec vous ces dernières années ?
Ouais, je veux dire qu’il y a eu des moments difficiles, c’est certain, mais c’est aussi un voyage permanent. Ça fait vingt ans que je tourne avec ce groupe, et en tant que musicien qui tourne, on s’expose à des choses auxquelles on ne serait normalement pas exposé si on avait un boulot de neuf à cinq, vivant une vie plus ou moins normale, et quand on est quelqu’un de parfois très émotif et sensible, ça laisse une marque, aussi bien positive que négative. Donc je pense que c’est aussi ma façon de gérer ça, car j’ai vécu toute une vie en vingt ans. C’est en tout cas le sentiment que ça me procure. C’est une façon de canaliser toutes les expériences. Plus on vieillit, plus on est obligé de regarder la réalité en face, même si parfois ça peut faire du bien d’y échapper.
A cet égard, verrais-tu cet album de Soilwork et celui de NFO comme deux faces d’une même idée ?
Je pense que ça représente bien David et moi. Ce sont deux choses séparées mais c’est un peu comme Jekyll et Hyde. Nous avons des thèmes similaires dans les paroles, même si le thème des relations dramatiques dans un contexte spatial [petits rires] est peut-être plus présent dans Night Flight. C’est dur à dire, c’est une expression différente.
« Je suis aussi quelqu’un qui cogite beaucoup, et je m’investis parfois un petit peu trop dans mes pensées. Ça aussi c’est un voyage permanent, le fait d’être son propre capitaine, le capitaine de ses propres pensées. »
Dans le communiqué de presse le groupe déclare : « Nous avons perdu des êtres chers et des partenaires sont tombés malades. Nous ne sommes plus tout jeunes […] et la froideur de l’existence commence à dévorer notre âme le jour même où l’on quitte le ventre de notre mère. » As-tu particulièrement du mal avec le temps qui passe et le fait de vieillir ?
Non, mais je viens d’avoir quarante ans et les gens me demandent : « Oh, est-ce que tu vas avoir une crise de la quarantaine maintenant ? » Je réponds : « Non, j’ai été en crise ces dix dernières années, donc je vais bien » [rires]. Ceci étant dit, j’ai le sentiment que l’année dernière, par exemple, a été une des meilleures années de ma vie, et j’ai vécu tellement de bons moments dans ma vie. Je ne me plains pas. Je ne me considérerais en aucun cas comme quelqu’un de dépressif, mais je suis aussi quelqu’un qui cogite beaucoup, et je m’investis parfois un petit peu trop dans mes pensées. Ça aussi c’est un voyage permanent, le fait d’être son propre capitaine, le capitaine de ses propres pensées. Quand les gens décèdent en chemin, évidemment ça laisse une empreinte et ça fait réfléchir sur l’univers, la vie, la mort et toutes ces choses. Je suppose que c’est ce que David voulait dire dans cet extrait. On ne peut échapper à la réalité, au final. C’est vraiment une question d’acceptation.
De façon plus philosophique ou métaphysique, qu’est-ce que la réalité pour toi ?
Qu’est-ce que la réalité ? On se fait sa propre réalité, mais il y a aussi des choses qu’on a en commun autour de nos réalités. Ma réalité… Ou plutôt ma réalité préférée est lorsque les choses sont assez calmes et pas trop bruyantes, parce que j’ai déjà beaucoup de bruit quand je suis en tournée. A la fois, passer de l’un à l’autre peut être assez dur. J’aime être seul parfois, aussi. J’imagine que ça fait aussi partie de la réalité. Mais je pense qu’apprendre à être seul, c’est la meilleure façon d’affronter la réalité. J’ai une petite amie mais il y a aussi ce temps de qualité qu’on peut prendre et pendant lequel on peut vraiment découvrir la réalité en étant seul, je trouve que c’est important. Mais bien sûr, on peut aussi affronter la réalité avec quelqu’un. Donc je ne sais pas, c’est une question difficile !
Tomi Joutsen d’Amorphis apparaît sur la chanson « Needle And Kin ». Etait-ce fait en prévision de la tournée à venir ?
Je crois que ça m’a vraiment inspiré parce que j’ai toujours été un grand fan d’Amorphis et Tales From The Thousand Lakes était la bande-son de ma jeunesse. J’ai donc toujours été fan et le fait que nous allions tourner avec eux pourrait avoir un rapport avec ça, parce que nous l’avons contacté et lui avons demandé si ça l’intéressait de faire un duo sur le couplet. Il a vraiment des graves et un growl extraordinaires, donc je trouve que ça colle bien aussi.
Niveau invité, j’ai lu qu’Alissa White-Gluz d’Arch Enemy apparaissait dans la chanson « Stålfågel » mais je ne suis pas sûr de l‘entendre…
Alissa n’est pas dans l’album. Je ne sais pas comment ça a fuité parce qu’il y a eu des discussions mais ça ne s’est jamais fait, donc je ne sais vraiment pas d’où ça vient [rires]. Donc non, elle n’est pas sur l’album. Mais mon bon ami David Sheldon, du groupe Exes For Eyes, fait des chœurs sur « You Aquiver ». J’ai vécu à Toronto, au Canada, d’où il vient. J’ai re-déménagé en Suède il y a quelques années. Il était toujours là pour moi, donc j’ai voulu lui laisser une place dans l’album, car je savais que c’était aussi un très bon chanteur. Ça fait plaisir qu’il soit sur l’album.
L’édition limitée de l’album contiendra un EP bonus, intitulé Underworld, avec quatre chansons en plus – en fait trois, vu qu’une est une version alternative. Est-ce que ça signifie que vous étiez presque sur le point de faire un autre double album ?
Non. Enfin, il était même prévu après The Living Infinite de faire un triple album, mais ça n’a pas vraiment marché [rires]. Et ce n’est pas une blague ! Je veux dire que nous en avons vraiment parlé : « Comment peut-on surpasser ça ? En faisant un triple album ? » J’étais là : « Ouais, peut-être qu’on pourrait… » Mais au bout d’un moment : « Non, on ne va pas le faire. » Donc non, je ne pense pas que nous étions sur le point de faire ça. C’est juste que nous avions un paquet de chansons et il y a toujours des restes, mais à la fois, nous nous disions qu’au lieu d’avoir des chansons qui traînent dans nos tiroirs, ne servant à rien, nous pourrions aussi bien les sortir parce que nous aimons aussi ces chansons, les fans méritent de les écouter.
Tu as déclaré : « Même si nous avons traversé beaucoup de choses ces dernières années, ça faisait longtemps que nous ne nous étions pas sentis aussi unis. » Doit-on comprendre qu’avant, le groupe manquait d’unité ?
C’est dur à dire. On dirait qu’il y a un peu plus de calme dans le groupe et tout le monde endosse ses rôles dans le groupe différemment. Bastian est arrivé dans le groupe aussi et c’est quelqu’un d’assez structuré ; lui et Sven constituent d’ailleurs désormais le management du groupe, et ça semble être une bonne organisation. Ça aussi, ça crée de la paix et de la tranquillité [petits rires]. Nous avons tout ce dont nous avons besoin au sein du groupe et je pense que ça met en place une bonne atmosphère, au final. Donc en ce sens, ça donne un sentiment d’unité.
Non seulement vous avez changé de batteur mais vous avez aussi à nouveau perdu votre bassiste. Est-ce la raison pour laquelle ça vous a pris un peu de temps de sortir le successeur de The Ride Majestic, parce qu’il vous fallait reconstruire l’esprit de groupe ?
Pas vraiment parce que quand Dirk a rejoint Megadeth, Bastian était déjà avec nous en tournée, donc la transition a été fluide au bout du compte. Pour ce qui est du bassiste, nous n’avons vraiment pas eu de chance. Markus [Wibom] est redevenu père et il ne pouvait plus se charger de tourner, ce qui est très compréhensible. En conséquence, nous avons décidé de poursuivre à cinq. Moins de gens, ça fait que c’est plus facile, d’une certaine façon [rires]. Donc nous aurons un bassiste de session quand nous tournerons. Là tout de suite, nous sommes un quintet et je pense que nous continuerons comme ça.
Interview réalisée par téléphone le 15 novembre 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription et traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Soilwork : site.soilwork.org
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Pas d’Alissa sur Starfagel ? Mais du coup c’est qui sur cette version ?
https://www.youtube.com/watch?v=hVPqyCZxijA
[Reply]
Bonne question ! Peut-être que sa voix a finalement été enregistrée et rajoutée depuis pour une version spéciale ? Car d’après ce qu’il dit, ça a été quand même envisagé. En tout cas, la version que nous avons avec le promo de l’album (qui est celle dispo aussi en clip animé) n’a pas le chant féminin.