Huitième étape d’une tournée européenne commencée début février chez nos voisins belges, l’Antipode de Rennes accueille un joli plateau composé de deux formations originaires d’outre-Atlantique, les Américains de Wilderun en entrée et les Canadiens de Kataklsym en plat, ainsi que d’un groupe que l’on connaît bien par chez nous, les Suédois (ou devrait-on dire les Franco-Dano-Suédois ?) de Soilwork en guise de dessert. Si l’on peut parfois se poser des questions quant au line-up de certaines tournées, c’est une affiche plutôt pertinente et variée qui s’offre à l’Europe, et notamment la France qui sera copieusement desservie à huit reprises.
Initialement annoncée comme proposant un quatrième groupe, c’est finalement sous cette forme de trio que la tournée se produira, permettant à chacun d’allonger un peu son set. Et on ne va pas se mentir, nous ne contesterons pas cette décision.
Artistes : Soilwork / Kataklysm / Wilderun
Date : 10 février 2023
Salle : Antipode
Ville : Rennes [35]
C’est une première pour le quatuor Wilderun, car oui, en plus de dix années d’existence et quatre albums au compteur, il n’avait jamais eu l’opportunité de jouer en France, et même, en Europe (!). Et même si le groupe dispose d’une certaine expérience, on les sent très humbles sur scène, presque comme si l’on avait affaire à une formation qui venait de sortir sa toute première galette. Le guitariste-chanteur s’essayera même à quelques interventions en français – au fort accent américain – pour remercier le public et affirmer son plaisir de jouer dans notre contrée. Mais ne nous méprenons pas, Wilderun compte bien se faire une place au milieu de cette affiche de titans.
Disposant d’une acoustique particulièrement travaillée, la salle de l’Antipode sied à merveille au prog/folk des Américains. Le son est très propre, chaque instrument trouvant sa place aisément, même lorsque le groupe part dans ses envolées death metal plus agressives. Ça déroule, ça pose les ambiances, le set est appliqué. Sur scène, pas nécessairement une grosse énergie, juste le minimum syndical, hormis sur le dernier titre où les deux guitaristes se lâcheront un peu, mais sans trop en faire. Mais soyons francs, c’est le genre qui veut cela. Le public quant à lui, légèrement clairsemé, se laisse absorber par l’atmosphère délivrée par les quatre musiciens et se pliera très volontiers à la tradition de la photo de groupe en toute fin de concert. C’est une belle entame de soirée que nous propose Wilderun, un groupe qui, on leur souhaite, mériterait un petit boost de notoriété par chez nous, ne serait-ce que par leur maîtrise autant en studio qu’en live.
Pas de nouvel album à défendre, certes, mais il faut admettre que c’est toujours un vrai plaisir de retrouver les gaillards de Kataklysm, eux qui savent à coup sûr mettre le feu dans la fosse. Spoiler : pas manqué. D’entrée, le curseur d’énergie sur scène est à cent pour cent, le groupe étant bien décidé à en découdre sans plus tarder à l’image du guitariste et du bassiste qui partiront en furieux headbang sur « Push The Venom ». Encore une fois, le son est largement satisfaisant pour le style, on en prend plein la tronche. En mode rouleau compresseur, le quatuor – qui parfois mériterait une seconde guitare – ne laisse aucun répit à l’audience qui n’en demandait pas tant. Maurizio, fidèle à lui-même, n’hésitera pas à communiquer très régulièrement en français, que ce soit entre les morceaux pour notamment nous faire part de son bonheur de revenir jouer à Rennes, ou pendant les morceaux, histoire de mettre le pit en action. On y verra d’ailleurs quelques jolis circle pits et wall of death, et ce malgré un public à peine plus garni que pour la prestation de leurs prédécesseurs. La sympathie du frontman nous fera presque oublier qu’on se trouve devant un groupe au statut de quasi-légende démontrant une longévité remarquable.
Niveau setlist, sur un total d’une quinzaine de titres joués, on navigue entre l’album Epic (The Poetry Of War) datant de 2001, et leur plus récente sortie, Unconquered paru en 2020. On nous sert un peu de tout : « Underneath The Scars », « To Reign Again », « The Killshot », « In Shadows & Dust », « At The Edge Of The World » ou encore les inévitables « Crippled And Broken » et « As I Slither », le but étant au final de détruire un maximum de cervicales sur la soirée. Preuve en est le dernier morceau, « Blood in Heaven », qui viendra clôturer ce concert tout en lourdeur. Quelques instants avant cela, Maurizio nous fera l’honneur de nous présenter ses acolytes Jean-François Dagenais à la guitare et Stéphane Barbe à la basse, tous deux étant bien ancrés dans le combo depuis belle lurette, et leur nouveau batteur James Payne, intégré en 2020, qui nous gratifiera d’une prestation pour le moins carrée. Sans être non plus inoubliable, c’est comme à leur habitude un concert puissant et massif que nous auront proposé les Québécois, bien contents de venir jouer chez les cousins.
Il se pourrait que les prochaines lignes manquent un peu d’objectivité, faute à un amour pour ce groupe plus que démesuré de la part de votre serviteur. Mais honnêtement, un concert de Soilwork décevant, ne serait-ce pas un oxymore ? Oui, on est d’accord.
En août dernier sortait leur nouvel opus, Övergivenheten, et c’est précisément le titre éponyme qui ouvrira le bal, tout comme sur l’album. Entrée en matière parfaite qu’on aurait difficilement pu imaginer autrement, tant la chanson ouvre le disque de la plus belle des manières. Probablement dû à un placement peu judicieux assez près de la scène, le son est tout juste satisfaisant, dommage. Mais c’est tout le charme de ces salles de concert qui permettent une vraie proximité avec les artistes, alors on en profite. Enchaînement sur « This Momentary Bliss » : on ne se lassera jamais de son impact en live. Petite surprise lorsque les premières notes de « Stabbing The Drama » se font entendre, une chanson qui a très souvent trusté les fins de concert pour l’ultra-hit qu’elle représente. Les fans de la période ne s’en plaignent absolument pas, bien au contraire, et ça chante bien fort les paroles dans un pit qui est déjà assez mouvementé. Les deux titres éponymes de The Living Infinite seront joués ce soir, séparés chacun par deux nouveautés, « Is It In Your Darkness » et « Electric Again ». La sauce a l’air de prendre auprès du public rennais (et plus généralement français) qui entend ces titres en live pour la première fois depuis la sortie du dernier album. Changement de registre et gros retour deux décennies en arrière – « Let’s go old school » comme aime l’annoncer Björn – lorsque « Bastard Chain » se fait entendre. Clairement il valait mieux être bien échauffé pour squatter le milieu de la fosse…
Sur scène, comme à son habitude, Sylvain, notre gratteux national, est littéralement en transe sur son instrument, notamment sur les solos. Bastian se distingue derrière ses fûts dans son style très détendu et en retenue, échangeant quelques regards malicieux avec le claviériste Sven Karlsson, membre historique officiant dans le groupe depuis plus de vingt ans et dont la présence est simplement incontestable, à l’instar d’un Martin Brändström chez leurs compatriotes de Dark Tranquillity. Björn, toujours aussi impressionnant et facile sur absolument toutes ses lignes de chant, ne perdra donc jamais de son charisme… On apprécie aussi le travail du bassiste Rasmus Ehrnborn qui sait s’illustrer sur les backing vocals, autant sur le growl que sur le chant clair. Enfin, notons la belle énergie du second guitariste Simon Johansson qui n’en est pas à son premier remplacement dans la bande, en lieu et place du regretté David Andersson. Ce dernier aura d’ailleurs droit à un petit hommage de Björn au moment de lancer la chanson « The Nurturing Glance », suivie de près par « Harvest Spine » qui vient achever la petite promo de Övergivenheten. Après une prestation qui aura littéralement mis le pit en fusion, « Death Diviner » fait office de légère accalmie dans son style très hard rock et clôture ce que l’on qualifiera de « set régulier ».
Car oui, bien que le groupe quitte la scène, il n’en a pas fini avec les joyeusetés comme on pouvait s’en douter. Il est l’heure du rappel ! Les fans ont tout juste le temps de reprendre leur souffle, puis ça redémarre en trombe sur « The Ride Majestic ». L’avant-dernier opus Verkligheten avait eu son petit effet en concert, le sextuor ne l’a pas oublié et a décidé d’intégrer « Arrival » à sa setlist. S’ensuit alors ce qui sera probablement le temps fort de la soirée lorsque le public reconnaît le titre « Nerve », offrant aux plus acharnés du headbang une chance de se défouler une énième fois et à ceux qui avaient les cordes vocales encore opérationnelles de scander un refrain devenu intemporel. Pour terminer, c’est un autre gros hit, plus récent, que les musiciens ont choisi comme dernier titre sur cette tournée : « Stålfågel » sera l’ultime chanson jouée ce soir.
Soilwork en concert, comme dit plus tôt, c’est très rarement décevant. Cependant il y a un point à noter : la setlist. On pouvait logiquement s’attendre à de nombreux morceaux du nouvel opus Övergivenheten, mais on aurait pu imaginer une discographie mieux représentée, et pourquoi pas quelques surprises, surtout quand quelques jours avant le début de la tournée, le groupe annonce sur les réseaux avoir un set rallongé et demande aux fans quels titres ils souhaiteraient entendre. La plupart des réponses évoqueront des albums qui seront tout simplement oubliés : aucun titre de Steelbath Suicide, The Chainheart Machine, Natural Born Chaos, Figure Number Five, Sworn To A Great Divide et The Panic Broadcast. Un concert qui aurait pu devenir dantesque s’il en avait été autrement. On ne boudera toutefois pas notre plaisir de retrouver le combo en tournée dans l’Hexagone. Il aura délivré une performance largement dans la moyenne de ses standards, appuyée notamment par du nouveau matériel et quelques classiques bienvenus.