Le cycle de l’album The Living Infinite (2013) a été une impressionnante période d’hyper-productivité pour Soilwork : un imposant double album qu’on a, deux ans plus tard, à peine fini de digérer, un EP de chansons en rab issues des mêmes sessions (Beyond The Infinite) et un double album live, décliné en vidéo sur DVD/Blu-ray. Après les départs de ceux qui furent compositeurs majoritaires jusqu’à The Panic Broadcast en 2010 – les guitaristes Ola Frenning, parti en 2008, et Peter Witchers, parti en 2012 – Soilwork a redessiné sa charpente et s’est découvert une multitude de talentueux compositeurs en ses rangs. Un Soilwork nouveau était né, sans pour autant perdre une once de son identité. Remarquable. Et c’est sur la base de cette nouvelle donne qu’a été conçu The Ride Majestic, qui, comme le fait si justement remarquer le chanteur Björn « Speed » Strid, reprend les choses là où Soilwork les avait laissées deux ans plus tôt.
Pas de double album cette fois-ci, mais un ensemble de chansons particulièrement compact et riche. En parcourant The Ride Majestic, on ne sait où donner de la tête, emporté, submergé, déboussolé par une tornade musicale faite de riffs, blasts et mélodies à tous les étages. Et pourtant, malgré leur complexité et densité, les chansons n’ont pas été conçues dans un but élitiste, prenant un soin particulier à toujours offrir une multitude de points d’accroche, qui parlent immédiatement à l’auditeur et l’embarquent dans un voyage particulièrement vallonné. The Ride Majestic, comprendre « la chevauchée majestueuse ». Un symbole pour la sensation que pourra procurer l’album, mais un symbole aussi et surtout pour le rapport de l’homme à la vie et à la mort. Un album aux contours spirituels, conçu en plein milieu d’une série de tragédies qui a frappé presque tous les membres du groupe, avec pas moins de quatre décès dans leurs familles respectives, donnant à réfléchir sur les questions existentielles et ce voyage dans lequel nous nous sommes tous embarqués à notre naissance. Et tout comme la vie, The Ride Majestic est fait de hauts et de bas, traversant tout un panel d’émotions qui s’entrechoquent.
La colère. Vous trouviez une chanson comme « Late For The Kill, Early For The Slaughter » brutale ? Attendez d’être terrassés par « Alight In The Aftermath » ! Avec ses blasts beats frénétiques carrément black metal, cette chanson offre à la discographie de Soilwork parmi ses moments les plus virulents. D’autant plus efficients qu’ils apparaissent par à-coups et accélérations au milieu d’apaisements mélodiques et de ralentissements. Rarement une chanson aura autant secoué l’auditeur et présenté de contraste. Idem pour « The Ride Majestic (Aspire Angelic) » qui alterne sans cesse entre accès de fureur et soulagement. Avec un Dirk Verbeuren toujours aussi époustouflant derrière sa batterie, moulinant des pieds et des mains, comme sur l’effréné « Enemies In Fidelity » ou « The Phantom » qui avance, encore une fois blasts à l’appui, comme une locomotive infernale.
La mélancolie. Au détour des accès de rage, ou qui s’y superpose, l’on retrouve cette couleur typiquement scandinave. Cette lueur abattue mais non moins perçante révélée par les mélodies qui jonchent l’opus et finissent par nous submerger dans des chansons comme la plus calme « Whirl Of Pain », « Shining Lights », qui pourtant ne manque pas de corrosion, ou « The Phantom » dont le chant désabusé – en duo avec Pascal Poulsen du groupe Odium et ancien collègue de Björn « Speed » Strid dans un de ses tout premiers groupes, créant une ligne de chant pouvant rappeler Devin Townsend – semble errer, suspendu au-dessus du reste. C’est même à Opeth, réputé pour exceller dans les atmosphères désolées, que l’on pense à l’écoute de l’arpège aux harmonies caractéristiques de « Death In General ».
L’espoir. Car c’est bien là le propre de l’homme que de trouver espoir dans les situations les plus désespérées. Et c’est ainsi que, tout du long de l’album, des refrains libérateurs, grandioses, apparaissent et transpercent, tels des rayons de soleil, la voûte nuageuse. On pense au single « The Ride Majestic », évidemment, mais aussi ces mélodies réconfortantes sur « Enemies In Fidelity » qui résistent au rouleau compresseur Verbeuren, et tant d’autres qui donneront immédiatement du baume au cœur. Même sur « All Along Echoing Paths » qui démarre comme une missive brutale à la Behemoth (Speed est méchamment « vénère » comme on dit), entre blasts terrifiants et riffs heavy à headbanger comme un damné, une humeur joviale vient s’échapper sans crier gare dans un genre de double refrain orgiaque, sans compter un plan heavy stoner tout aussi inattendu qui arrive en soutien du solo.
Nous le disions un peu plus haut : « On ne sait où donner de la tête. » D’autant que Soilwork prend bien soin de disséminer ici et là quelques petits passages « surprise », comme cette accalmie blues rock sur « Petrichor By Sulphur » ou le chant plaintif sur celle de « The Phantom » – inutile par contre de s’étendre sur l’apparition de Nathan James Biggs qu’on remarque à peine sur « Father And Son, Watching The World Go Down », surtout là pour rendre la pareille après l’apparition de Speed sur le dernier opus de Sonic Syndicate. The Ride Majestic est d’une richesse et d’une dynamique inouïes, assommant dans sa manière de nous secouer comme un prunier, et pourtant tellement addictif. Soilwork est décidément fascinant. De bout en bout.
Ecouter le morceau « The Ride Majestic » :
Excellente critique. J’étais déjà hyper impatient, mais là je suis surexcité. Merci RM
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