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Interview   

Le soleil brille à nouveau sur Nightmare


Nightmare 2016

Le 7 juillet 2015 lorsque les frères Jo et David Amore, respectivement chanteur et batteur, annonçaient quitter Nightmare, on ne donnait pas cher de la peau du groupe. Jo, notamment, était membre du groupe depuis plus de trente-cinq ans, d’abord en tant que batteur, et était devenu sa voix à la reformation de 1999, avec son grain qui n’est pas sans rappeler le grand Ronnie James Dio. Mais c’était sans compter l’entêtement des trois membres restants – et il faut l’avouer, un brin de chance -, qui ont très rapidement su rebondir et même retourner la situation à leur avantage. Nul doute que le choix d’une chanteuse a surpris au premier abord, mais très vite on s’est rendu compte que le timbre puissant et polyvalent de Maggy Luyten allait non seulement se marier à merveille aux compos des grenoblois mais également leur ouvrir de nouvelles portes, à l’instar du jeu de bagettes d’Olivier Casula, alias Piv.

Car si Jo Amore évoquait des soucis humains, notamment avec le bassiste-fondateur Yves Campion, pour expliquer son départ, il semblerait que le fond du problème était plus complexe et que, malgré tout, la musique elle-même faisait aussi partie de l’équation. C’est ce que nous avons essayé de comprendre auprès d’Yves mais aussi du guitariste et compositeur Franck Milleliri qui nous racontent leur vécu de l’histoire, démêlant les propos de Jo, parfois même les coroborant avec des explications.

En tout cas, la conséquence de ce changement, c’est un nouveau visage pour Nightmare, plus en phase avec les aspirations de chacun. Un visage dont le groupe nous montre les premiers traits avec son nouvel album Dead Sun. Nous en parlons avec Yves, Franck mais aussi Maggy, dont l’enthousiasme est de très bon augure.

Nightmare 2016

« Il y a eu ce désaccord avec Yves mais il n’y a pas que lui non plus. Moi, c’était plus d’ordre musical. […] Nous arrivions à un moment où, musicalement, nous commencions à nous éloigner avec David et Jo. »

Radio Metal : Au moment de leur départ, Jo et David parlaient non pas de partir du groupe à proprement dit, mais de cesser toute collaboration avec toi, Yves. On dirait qu’il y avait un vrai problème humain entre eux et toi, Jo s’était pas mal épanché là-dessus en affirmant que tu lui avais dit qu’il était remplaçable alors qu’il essayait de tirer la sonnette d’alarme quant à un manque de travail et de motivation. Quelle est ta version de ces différents entre eux et toi ?

Yves Campion (basse) : Honnêtement les faits parlent d’eux-mêmes. Si c’est moi le grand Satan, aujourd’hui c’était facile de partir à quatre et de me laisser tout seul, déjà, la première question ! [Rires] Après, les gens lisent entre les lignes, moi je ne vais pas rentrer dans quelque chose de personnel qui n’intéresse personne, ce qui intéresse c’est la musique. La décision de partir c’est eux qui l’ont prise, ils n’ont pas été virés, ils sont partis d’eux-mêmes, après les raisons… Quand tu décides de partir, tu assumes. C’est douloureux parce qu’en effet, ça faisait trente ans avec Jo. Mais bon, c’est eux qui ont pris cette décision-là. Moi, je ne me permettrais pas d’aller baver, je ne vais pas jouer avec un musicien pendant trente ans et dire qu’il est naze, ce n’est pas très crédible. S’il était naze, j’aurais joué un mois avec lui ! [Rires] Là je pense que c’est du bac à sable, ça ne m’intéresse pas, la décision de partir ils l’ont prise eux, je leur souhaite le meilleur dans leurs projets musicaux et puis voilà. Nous ne sommes pas trop dans cette politique de polémique, mais après, la question, c’est normal que les journalistes la posent. Je pense que ça n’intéresse personne d’aller étaler des états d’âme sur les médias, de savoir qui est le méchant, qui est le bon. Quand il y a une rupture, ce n’est pas un tout blanc et un tout noir, [rires] ça n’existe pas ça. C’est comme une rupture dans un couple, on est copain avec la femme ou le mari, de qui faut-il prendre le parti ? Il y a eu une rupture, oui, douloureuse des deux côtés parce qu’après tant d’années, forcément… Après, il y a eu une décision d’une des deux parties de faire le pas. Ils ont acté leur départ très rapidement, ils auraient très bien pu avoir une réflexion avant de prendre ce genre de décision, ils l’ont fait et je peux te dire que si j’avais vu un voyant le 4 juillet 2015, quand ça s’est passé, qui m’aurait dit que le 4 juillet 2016, un an après, nous aurions complètement fini un album, re-signé un contrat et joué notre première date avec un nouveau line-up au Hellfest en Mainstage, je n’y aurais même pas cru ! [Rires] Parce que nous nous sommes posé pas mal de questions à ce moment-là, mais des fois d’un mal peut naître un bien. Nous avons eu la chance vraiment de rebondir très vite, de trouver les bons musiciens tout de suite. Ça aurait pu ne pas arriver. C’est le destin, on ne peut pas le contrôler. Nous avons eu la chance de pouvoir avoir Mag [Luyten] qui était disponible, d’avoir un super batteur tout de suite et de pouvoir rebondir. Du coup, il y a une toute nouvelle énergie dans le groupe.

Franck Milleliri (guitare) : Après, il y a plein de choses internes… Je sais à peu près ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas tout compris non plus et je pense que Matt, c’est pareil, c’était super difficile de savoir vraiment le fond des choses. Ca fait plus de trente ans qu’ils jouent ensemble, des prises de bec il y en a eu. Après, par rapport au fait de savoir qui est remplaçable… Je pense que tout le monde est remplaçable maintenant dans les groupes. A savoir que, quand même, le chanteur, c’est certainement le truc le plus sensible, surtout pour Nightmare. Jo est considéré vraiment comme la voix ultime du groupe. Toute l’image était quand même faite autour de sa personne. Ce n’était pas lui qui le demandait, c’était comme ça, c’était le public qui l’avait très bien adopté. Il a ce côté Dio qui a plu à beaucoup. Donc c’était super délicat de remplacer quelqu’un comme Jo. Il n’y a pas eu de split, en fait, à aucun moment le groupe n’a splitté. C’est au sortir d’une discussion plus ou moins houleuse que nous nous sommes séparés comme ça. Nous n’avons pas mis des jours et des jours à discuter, c’était vraiment à la sortie d’une discussion, nous n’étions pas d’accord par rapport aux droits sur le nom. Donc là, il y avait vraiment un gros désaccord et Jo a claqué la porte. David l’a suivi, il avait peut-être ses raisons. Après, c’est simple à comprendre que tu suives ton frangin dans tous les cas. Après, leur relation à eux deux [entre Yves et Jo], il y a toujours eu des petites tensions, mais ça c’était pour tout le monde dans le groupe. Ils ne sont jamais mis sur la gueule, ce n’est jamais allé bien loin non plus. Ils ont un sacré caractère tous les deux. Voilà, au bout d’un moment ça a clashé. C’est comme une histoire d’amour, tu sais, ça s’accumule, ça s’accumule, petit à petit tu vois les défauts de plus en plus gros chez l’autre et puis tu arrives à un point de non-retour où ça pète. Donc voilà, Jo est parti, moi je suis guitariste de Nightmare donc je reste dans Nightmare. Au moment où Jo et David ont claqué la porte, je n’ai ni eu de proposition de les suivre et ni forcément l’envie. Moi j’ai des désaccords aussi avec Jo mais après, c’est plus de l’ordre musical. Par rapport aux influences, par rapport aux compositions, nous n’étions plus vraiment sur la même longueur d’onde, donc à partir de ce moment-là, nous n’avons pas forcé non plus à savoir où ça allait, si nous les retenions ou pas, ils décidaient de partir, ça s’est fait comme ça.

Tu as mentionné des problèmes de droits sur le nom, quel était le souci ?

A chaque fois, nous devons redéposer le nom de Nightmare pour le protéger et éviter de se le faire piquer, là ça faisait un moment qu’il n’avait pas été déposé. Nightmare est un nom commun, il y a beaucoup de groupes qui s’appellent comme ça. Après, nous n’allons pas aller les attaquer [petits rires] ou nous faire attaquer par le groupe japonais, par exemple, mais c’était plus d’ordre moral, j’ai l’impression, pour Jo. Yves a déposé le nom Nightmare, à son nom, donc c’est ça qui a fait le gros couac. Jo ne comprenait pas pourquoi c’était à son nom et pas à leur nom à tous les deux. Yves a bien expliqué, il a refait l’histoire du groupe. Jo n’était pas là au début. Nightmare existait, ils ont fait quelques dates, Jo est arrivé et ça a grossi d’un coup. Mais au final c’est vraiment Yves qui a créé Nightmare, donc il n’y avait pas à discuter plus que ça.

Il n’avait pas du tout évoqué ça dans son communiqué.

C’est une des choses qui a fait que nous nous sommes séparés. Après, il y a plein de petits trucs. Ça, c’est quand même un point important mais je ne suis pas sûr que ça ait motivé David et Jo de partir comme ça du groupe. Je ne sais pas ce qu’ils voulaient faire, peut-être qu’ils ne s’entendaient plus et que l’idée était de partir de Nightmare en récupérant le nom, parce que c’est ça tout l’enjeu, j’imagine, de se séparer en gardant le nom du groupe pour ensuite remonter Nightmare avec d’autres personnes. C’est vrai que c’est quand même emmerdant d’avoir ce genre de discussions, après c’est légitime certainement du point de vue de Jo. Yves a créé le groupe avant que Jo arrive, donc Nightmare, pour moi, « appartient » à Yves qui a déposé le nom et ça ne me pose pas de problèmes du tout. Si tu te mets à la place de Jo, tu peux le comprendre aussi, pendant trente ans il a joué avec Nightmare, il a fait en sorte que le groupe grossisse, c’est quand même une pierre à l’édifice qui est vachement importante, David aussi. Je pense qu’il a été un petit peu déçu d’avoir cette réponse par rapport aux droits sur le nom.

Dans son communiqué il centrait principalement le problème sur Yves, comme étant un peu la « bête noire », mais on peut effectivement se poser la question du pourquoi les deux guitaristes sont alors restés.

C’est bien d’en parler justement, parce qu’il y a eu ce désaccord avec Yves mais il n’y a pas que lui non plus. Moi, c’était plus d’ordre musical. Je ne sais pas si tu as écouté l’évolution qu’il y a eu, au final c’est devenu plus thrashy d’album en album au niveau des guitares, et c’est vrai que par rapport à ce que je composais, ça ne sonnait pas comme je le voulais, enfin pas comme la vision que j’avais de la musique pour Nightmare. Le plus gros désaccord que nous avions avec Jo, par exemple, c’était sur des riffs tout en Mi… Enfin, moi, je ne compose pas du prog, donc lui avait du mal et trouvait les riffs thrashy pauvres, en fait. Il ne voyait pas comment placer du chant, comment faire une mélodie… Je ne dis pas qu’il est incapable de le faire mais il ne le voyait pas, il ne le sentait pas, il n’avait pas le feeling avec ce genre de compositions, donc il y a eu pas mal de petites prises de tête entre nous aussi. Donc quand nous nous sommes séparés, je n’ai pas insisté plus que ça et Matt est un petit peu dans la même mouvance que moi. Concernant la batterie, David a un jeu très classique, très années 90, on va dire, enfin plus heavy, ce n’est pas non plus du Fear Factory, donc ça bloquait aussi à ce moment-là. Ce n’est pas une histoire de capacités mais vraiment une histoire de goûts et d’influences. Nous arrivions à un moment où, musicalement, nous commencions à nous éloigner avec David et Jo.

Penses-tu que, outre les problèmes personnels, le groupe aurait inévitablement fini par se séparer à cause de ces divergences musicales ?

Oui. Je pense que nous aurions pu continuer mais il y aurait eu une frustration des deux côtés. Moi j’aurais forcé pour faire passer mes compos, Jo aurait été frustré, ou alors j’aurais ramolli et donné un côté plus heavy à mes compos et c’est moi qui aurais été frustré. Nous aurions pu le faire mais dans la frustration. Là, ce qui s’est passé au moment du départ, ce n’est pas que ça a arrangé tout le monde mais au final, c’était peut-être la meilleure chose qui puisse arriver au groupe.

Nightmare 2016

« Il y eu un genre de routine qui est entrée en jeu et ça a fait ce qui est arrivé. Mais du coup ça a aussi lâché les chevaux pour tout ce qui est arrivé derrière. Je pense que tout ce que nous voulions vraiment, nous l’avons sur cet album. »

Jo expliquait qu’il voulait dénoncer une distance qui s’était installée au sein du groupe, est-ce quelque chose que vous avez également ressenti ?

Oui, parce que nous ne communiquions pas tant que ça.

Yves : Tu sais, c’est un groupe qui tourne depuis longtemps et il y a une routine qui s’est installée. En effet, il n’avait pas tort forcément sur tout mais après, la distance, il faut se demander pourquoi.

Franck : Moi, je suis un véritable handicapé du téléphone et d’Internet, tu vois ! [Rires] Bon, je me soigne mais c’est vrai que je n’ai pas ce réflexe d’appeler tous les trois jours, d’envoyer des mails ou des SMS. Mais bon, c’est ma façon d’être, il commençait à s’y faire. Après, pendant les périodes composition ou quand il faut choisir une cover, là je suis présent. Déjà, géographiquement nous étions éloignés, donc nous répétions moins avec lui. Ça peut se comprendre, il y a des bornes, ça lui faisait des frais, donc nous répétions, David, Matt, Yves et moi. Jo venait faire deux répètes avant les concerts. Je pense que ça a fait aussi qu’il y avait moins cette ambiance de groupe soudé qui déconne ensemble. Après, en tournée, en concert, c’était l’éclate, ça donnait un peu l’effet que tout était effacé. Ce n’était pas de l’hypocrisie non plus mais ça donnait vraiment l’impression que nous profitions du moment et puis ensuite, en dehors, c’était moins « on s’appelle tous les jours pour prendre des nouvelles. » Donc ça, si ça lui tenait à cœur, c’est vrai que je prends ma part de responsabilité là-dedans. Je ne parle pas pour les autres mais pour ma part, je suis certainement coupable de quelque chose.

Jo évoquait également le manque de motivation des compositeurs, donc toi, Franck. Penses-tu qu’il s’agit plus d’un prétexte ?

Non parce que c’est toujours le même problème, c’est que pour lui, je ne lui passais pas les morceaux assez vite. Les démos, il ne les avait pas assez vite pour pouvoir bosser correctement ses lignes de chant. Mais moi, du coup, j’étais coincé par le fait de devoir composer des choses qui ne me ressemblaient pas, donc tout se retardait et lui se disait : « Merde, ils ne sont pas motivés, je ne reçois rien, je reçois des bouts de trucs ! » Parce que moi, je travaille comme ça aussi, je prends mon temps, je ne force pas l’inspiration, donc des fois ça peut être long, des fois ça va super vite. Voilà, il avait des doutes sur nos motivations et puis c’est l’ambiance générale qui moi me freinait, même si j’étais toujours motivé pour composer et faire de la scène.

Yves : Si en effet les guitaristes n’étaient complètement pas motivés, nous n’aurions pas eu les compos prêtes pour rentrer en studio au mois de janvier – nous avons attaqué les démos à l’automne. Après, les gens interprètent comme ils veulent. Je ne sais pas ce que tu penses de l’album mais bon voilà, c’est des compos ! [Rires]

D’ailleurs, Jo était assez mécontent de l’album précédent, ce qui rejoint ce que tu dis. N’était-ce donc pas aussi un conflit de méthodes de travail ?

Franck : Peut-être. Mis à part que nous n’avons jamais changé de méthode de travail, nous avons toujours marché comme ça et ça a fonctionné. Les riffs qu’on retrouve sur Dead Sun, il y en a pas mal qui datent d’avant le départ de Jo et ce sont des choses que je n’ai pas proposées parce je savais que ça ne passerait pas, des choses où je me suis fait rembarré, ce n’était « pas intéressant », c’était « pauvre » selon Jo par rapport à ses goûts. Donc ça a trainé, il s’est retrouvé dans l’urgence, du coup, il n’était pas super content de ses lignes de chant. Mais bon, après, ça dépend du point de vue, je peux comprendre aussi qu’il soit frustré, il n’a pas vraiment eu le temps de bosser, c’était du studio, c’était une autre façon de faire et composer en studio c’est super délicat. Parce qu’il faut se dire, quand même, qu’il faut poser les textes, créer les lignes de mélodie et de chant et ça, il faut quand même du temps pour pouvoir le mettre en place correctement. C’est un tout qui fait que, déjà, musicalement, nous n’étions plus vraiment sur la même longueur d’onde.

Malgré tout, quand il avait ces inquiétudes sur ta motivation, tu n’as pas essayé de le rassurer sur le fait que tu avais des compos ?

Si mais ça ne faisait pas plus. Il nous a posé un ultimatum pour mettre un coup de pression, pour accélérer les choses, mais ça n’a pas avancé plus que ça, ça n’a pas eu vraiment d’effet. Du coup, je pense qu’il s’est dit : « Ils ne sont plus motivés, ils n’ont plus envie ou alors ils n’ont plus d’idées, plus d’inspiration. » Après, j’ai des moments aussi où c’est le vide total au niveau de l’inspiration. Quand je suis en phase de composition, j’écoute très peu de musique, ou alors j’écoute toujours les mêmes trucs, pour essayer de me détacher parce que dans la musique de Nightmare, dans ce style-là, pratiquement tout a été fait et tu retrouves les mêmes riffs à l’envers, à l’endroit, dans tous les groupes de toute façon [petits rires], c’est inévitable, à moins de croiser les styles afin de faire des trucs un peu hybrides. Mais voilà, il y a des moments où ça ne vient pas, tout simplement, où tu tournes en rond, tu composes, tu passes des heures et au final ça part à la corbeille. Je pense que lui était pressé… Il n’a pas assez de patience, en fait, je pense. La motivation, je pense que nous l’avons toujours eue, tous. Ce n’était vraiment pas un souci de motivation.

Avec le départ de Jo, qui était une voix appréciée par les fans de Nightmare, avez-vous eu des doutes quant à l’avenir du groupe ?

Carrément. Tu imagines, pour moi, l’image de Nightmare c’est Jo, le personnage central du groupe c’est Jo. Je parle pour la période avant Mag, parce que là nous tournons une page, nous passons à autre chose et c’est complètement différent, mais ça a toujours été Jo. J’aime sa voix, je faisais toujours en sorte de composer vraiment pour qu’il puisse mettre sa voix en valeur, d’avoir des couplets assez simples, des refrains où il puisse mettre vraiment des mélodies sympas. Quand il est parti, je pense que nous avons tous eu ça en tête : qu’est-ce qu’on fait ? Comment la maison de disques va réagir ? Parce que c’était le point fort du groupe, c’était vraiment l’identité du groupe. Nous avions des doutes par rapport à la maison de disques, nous avions des doutes concernant la personne que nous allions recruter suite à son départ parce que toute façon, le chanteur potentiel allait subir la comparaison, c’était sûr et certain. Et puis tu as tous les gros fans de Jo qui restent fidèles, c’est bien aussi, mais pour nous c’était un peu flou à ce moment-là.

Yves : C’est une question que nous nous sommes posée, que moi-même je me suis vraiment posé pendant un petit moment. De toute façon nous n’avions pas beaucoup de choix, la maison de disque déjà, soit ils nous soutenaient, soit ils ne nous soutenaient pas. Et même s’ils nous soutenaient et nous laissaient la chance de rebondir, ils ont été très clairs avec nous et n’importe quelle autre maison de disques aurait fait la même chose : vous n’êtes plus que trois, il faut que vous rebondissiez avec un super line-up dans un délai relativement court. Ils ne nous auraient pas laissé un an pour dire « bon, on n’a pas trouvé, on va encore essayer. » Du coup, nous nous sommes posé la question. Nous aurions très bien pu rester cinq-six mois en train de chercher le bon line-up, la bonne personne au chant, surtout. Nous avions deux-trois idées mais il n’y avait rien de sûr. C’était vraiment un gros challenge, une remise en question totale, nous remettions les potards à zéro. Et puis bon Jo, ce n’est pas moi qui serais allé cracher en disant qu’il chantait mal sinon je n’aurais pas joué avec lui pendant trente ans [rires].

Ça doit aussi faire quelque chose de mettre fin à une collaboration de plus de trente ans…

Moi j’aurais préféré que ça se termine différemment. Il n’y avait peut-être pas de possibilité de revenir en arrière, à ce moment-là, oui, nous aurions pu faire un communiqué commun et chacun souhaiter le meilleur à l’autre. Nous de notre côté nous leur souhaitons le meilleur dans leurs projets musicaux. Après, la manière dont les choses se sont passées, c’est malheureusement un peu triste. Moi, ça a été douloureux parce que, oui, en effet, je me suis retrouvé… enfin, nous nous sommes retrouvés, je ne dis pas « je », « nous », parce que Franck et Matt étaient dans le même bain que moi, nous étions ensemble dans la douleur et l’adversité. Nous nous sommes retrouvés ce jour-là à trois, se demandant si nous allions rebondir ou pas. Le fait de rebondir ou pas, c’est le fait retrouver rapidement un line-up qui colle.

Dans le communiqué où vous annonciez que le groupe continuait, déjà à ce moment-là vous disiez qu’il y aurait forcément un changement d’identité. Est-ce que cela veut dire que dès le départ vous aviez l’intention de trouver des personnes vraiment différentes au chant et à la batterie, et peut-être même aviez-vous déjà Olivier et Maggy en tête ? Comment ça s’est passé ?

Franck : Tu imagines bien que ce genre de communiqué, c’est de la com’. En gros ça veut dire : « On ne sait pas trop ce qu’on va faire mais ne vous inquiétez pas ! » [Rires] Il ne faut pas chercher plus loin. Nous n’avions pas de plan à ce moment-là, comme je te disais c’était vraiment le flou. Tu essayes d’arrondir les angles, de ne pas faire un débat ou des gros scandales, ça passe sur Internet. Après, vous, vous êtes intéressés aussi, les gens ça les intéresse, c’est juste de la com’ mais au moment de recruter nous avons laissé passer un petit peu de temps, nous avions quelques pistes. Matt connaissait Piv, Olivier Casula notre nouveau batteur, ils jouent ensemble dans Sangdragon, c’est un style assez éloigné de Nightmare mais nous lui avons fait passer une audition et il s’est avéré que c’était vraiment le batteur qu’il nous fallait. Il a une super technique, c’est un métronome, c’est vraiment un super batteur, donc ça coulait bien. Après, moi, je ne voulais absolument pas de chant féminin, c’était rédhibitoire. Le côté Epica, Nightwish, typiquement le metal féminin avec les orchestres et le chant lyrique, je ne le voyais pas du tout pour Nightmare. Pour les voix masculines, nous avions quelques pistes mais ce n’était vraiment pas réaliste. C’était des mecs qui habitaient aux Etats-Unis, c’était super compliqué, nous savions que nous aurions des frais de fou pour pouvoir répéter. Tu prends un mec comme Mats Léven, ouais, tu fais un album qui tue mais après tu ne fais pas de dates. Nous pouvions prendre un mercenaire comme ça qui nous aurait couté une fortune mais c’était super compliqué. Nous voulions vraiment un truc solide.

Nightmare - Dead Sun

« On a tous un côté très bon, très gentil, très doux, et puis l’autre côté qui est sombre, ténébreux, méchant même, je dirais, parce qu’on a des raisons de se sentir méchants ou violents pour certaines choses. Il faut trouver le juste équilibre, donc j’essaie de retranscrire ça. »

Maggy Luyten (chant) : En fait, en 2012, ils m’ont invitée sur l’album The Burden Of God, pour « Dominion Gate Part III », et j’ai donc fait un duo avec Jo. Le courant était super bien passé avec Yves, avec qui j’ai principalement travaillé à ce moment-là. Même à l’aéroport, quand nous nous sommes quittés, pour l’anecdote, nous avons peut-être versé une toute petite larme en se disant que c’était génial. Et puis en 2015, il m’a recontactée suite au départ des deux frères, en me disant : « Est-ce que tu es dispo et intéressée pour intégrer le groupe ? » Là, j’ai un peu hésité, pas vis-à-vis de Nightmare mais de ma situation personnelle, et puis le lendemain, je lui ai dit : « Écoute, Yves, arrête de chercher, je t’envoie une démo, j’ai super envie. », et ça s’est fait comme ça.

Franck : Déjà à l’époque où elle était venue en guest sur The Burden Of God, nous avions été conquis par sa voix. Elle a vraiment ce côté rocailleux dans la voix un peu à la Jorn. C’est ça qui a fait pencher la balance, en fait, c’est que pour moi, Mag n’a pas vraiment un chant féminin comme on l’entend dans l’univers metal.

Yves : Moi, elle m’avait fait kiffer sur l’album de Beautiful Sin en 2006, je l’avais vraiment découverte à ce moment-là, et puis, en effet, nous l’avions invitée pour chanter sur The Burden Of God. C’est un coup stratégique de prendre une fille. Nous nous sommes dit « on va peut-être chercher tel ou tel chanteur », nous étions sur d’autres pistes, et finalement, stratégiquement, la maison de disques nous a bien poussés aussi. Nous leur avons posé la question et ils nous ont dit que c’était super intéressant de tenter le coup d’une fille parce d’une, c’est impossible de comparer, même si elle a un chant qui ne dénote pas. Nous n’aurions pas pris une fille qui chante à la Nightwish ou Xandria qui aurait flingué le son Nightmare, ça aurait été autre chose et ça n’aurait plus eu aucun sens et des gens ne s’y seraient pas retrouvés. La décision a été prise de tenter avec une fille, avec le label qui nous a poussés, selon eux ça vend plus d’avoir une fille, mais Maggy aurait pu ne pas être disponible, avoir d’autres projets en cours. D’ailleurs elle était sur un projet avec des guitaristes de Doro qui aurait pu aller au bout, elle aurait pu faire un choix. Du coup, c’est vraiment bien tombé, c’était un groupe comme ça qu’elle voulait mais ça aurait très bien pu ne pas coller, parce qu’elle n’aurait pas été disponible ou… et là nous aurions été mal [petits rires]. Moi, et comme les autres, au niveau chant féminin, c’était elle ou personne. Si elle n’avait pas été disponible nous aurions pris un mec, mais ça aurait été différent. Là, franchement, nous avons eu la chance qu’elle soit disponible et qu’elle soit à fond pour partir sur le projet. C’était ce type de chant-là féminin que nous voulions, pas un chant lyrique. Elle sait chanter extrême, elle sait aussi chanter très clean, mais elle sait envoyer à la Jorn Lande. Tu vois que ça ne dénote pas, elle ne casse pas complètement l’identité. Forcément, ça change les choses.

Maggy, on t’a connue dans des groupes comme Beautiful Sin ou Virus IV, mais est-ce tu peux nous parler un peu de toi, de tes affinités musicales, vocales, etc. ?

Maggy : Concernant mes influences vocales, Russell Allen de Symphony X, Jorn Lande de ARK – je cite ARK, car c’est cet album-là, Burn The Sun, que j’ai fait tourner en boucle. En ce temps-là, j’écoutais aussi beaucoup Dream Theater ; James LaBrie, dans un certain registre, j’adore, dans un autre, j’aime un peu moins mais ça, c’est chacun ses goûts. Et puis j’ai plein d’autres influences, j’adore Freddie Mercury, Bruce Dickinson, Skin de Skunk Anansie, Guano Apes [Sandra Nasić], et encore, j’en passe plein. Il y a aussi Bono de U2, je trouve que c’est un chanteur génial et un poète aussi. Donc ça, c’est au niveau background vocal. Sinon, pour mon parcours, en très résumé, j’ai démarré avec certains groupes locaux, Spirittales pour ceux qui m’ont suivie depuis le début, et puis Over Us Eden qui avait été produit par Uli Kusch, suite auquel nous avons travaillé ensemble pour Beautiful Sin parce qu’il m’avait demandé pour travailler avec lui sur un album, car nous nous étions super bien entendus avec Over Us Eden. De là, j’ai fait Ayreon. Entre temps, j’avais mon groupe aussi, Virus IV, qui a fait un album, Dark Sun. De là, après, j’ai fait un projet qui s’appelle Epysode, sur AFM. J’ai travaillé sur le premier album d’Epysode, très fort d’ailleurs, ce qui m’a valu pas mal de sacrifices à tous niveaux, mais ça m’a appris beaucoup de choses aussi. Après, je suis restée un peu en silence radio pendant quelques années vis-à-vis de la scène metal, mais j’ai continué à faire énormément de choses. Donc j’ai mis des projets en place, etc., qui n’ont pas abouti à grand-chose, mais qui peut-être, un jour, vont sortir un peu de l’inconnu, on verra. Et puis, évidemment, après, il y a eu Nightmare, le groupe que j’attendais, qui pour moi est la suite logique de Beautiful Sin mais surtout aussi de mon groupe, Virus IV. J’ai l’impression de reprendre là où je m’étais arrêtée, en fait.

Tu as eu pas mal de groupes mais avec lesquels tu n’as fait qu’un album. Comment se fait-il que tu n’aies pas réussi jusqu’ici à vraiment poser tes valises et trouver une relation durable avec un groupe ? Est-ce que c’était une volonté ?

Ce n’était certainement pas une volonté, parce que je suis quelqu’un de fidèle dans mon caractère. Je m’investis beaucoup quand cela me tient à cœur, je vais tout mettre, toute mon énergie, etc. D’où le fait que quand un projet de fonctionne pas, parce qu’on n’était peut-être pas avec les bonnes personnes, ou que ce n’était pas le bon moment, ce n’est pas évident, il faut remonter à chaque fois, en se disant : « Allez, on est passionné, donc on continue ! » Donc je pense que tout se fait naturellement. Je suis assez contente de mon parcours, je ne ferais rien différemment.

Comment est-ce que tu as envisagé ton rôle dans le groupe, en tant que « nouvelle recrue » ? Est-ce que ce n’était pas difficile de passer après Jo, que tu as connu, avec qui tu t’entendais bien, et qui était un homme, donc forcément avec un registre différent ?

Non, ce n’est pas la première fois que je remplace un homme au chant, donc à ce niveau-là je n’ai pas trop de soucis. Parce que je ne me considère pas non plus comme une chanteuse à cent pour cent. Enfin, je suis chanteuse par défaut car je suis une femme, mais mes influences principales sont des hommes. Ce n’était pas forcément difficile, mais par contre, j’ai la pression, simplement, à partir de maintenant, la nouvelle histoire de Nightmare, de ne pas décevoir les fans, d’offrir quelque chose de nouveau, et nous espérons qu’un maximum de gens aimeront. Après, nous espérons que tout le monde n’aimera pas parce que ça fera un peu bizarre, on se dit qu’il y a des hypocrites dans la bande [petits rires]. Mais jusqu’à présent, c’est super bien accueilli, donc je suis très contente.

Il vous a fallu à peine un an pour revenir avec un tout nouvel album. Ça a été plutôt rapide ! Est-ce que ça veut dire que l’album était déjà en chantier avant que toi et Olivier n’arriviez ?

Oui, l’album était clairement en chantier, en tout cas au niveau de la musique. Pas forcément au niveau des mélodies, ni du texte, cela s’est fait assez rapidement, sans pour autant bâcler. Mais pour la musique, Franck avait beaucoup de compos rangées dans un tiroir, il attendait le bon moment pour les sortir, et pour Matt c’est pareil. Donc les deux guitaristes ont apporté leurs compos et sont très complémentaires. Et évidemment, avec la batterie de Piv, ça a été très vite car il n’en met pas une à côté, c’est nickel, et il a un jeu de double-pédale extraordinaire, tu peux filmer ses pieds, il n’y a pas de souci, nous n’avons rien à cacher ! [petits rires]

Franck : Nous, de toute façon nous avons des structures assez simples, les morceaux de Nightmare, il faut voir ça un petit peu comme des chansons, les structures sont super classiques, intro, couplet, refrain, couplet, refrain, solo… Je grossis le truc mais c’est à peu près ça. Nous n’avons pas de plans super techniques ou prog et du coup, j’en reviens à Jo, c’est peut-être ça qui l’a bloqué. Ce que je fais généralement pour aller vite, c’est que je ne répète pas les mêmes parties. Si un morceau fait couplet, refrain, couplet, refrain, je ne fais qu’une seule fois le couplet-refrain et j’envoie pour validation, et il avait du mal à chanter là-dessus. Ça en était à ce stade-là, mais les morceaux qui sont sur l’album n’ont pas vraiment changé par rapport aux démos qui étaient déjà en chantier au moment au Jo et David étaient encore dans le groupe. La musique de Nightmare ne s’est pas adaptée à la voix de Mag, c’est l’inverse, c’est elle qui s’est vraiment moulée dans le truc et qui a apporté son feeling, ses textes et ses mélodies. Mais il n’y a pas eu de changement de façon de travailler, c’est pour ça que c’est allé vite aussi. Il y avait bien cinq-six morceau de prêts déjà. Après, il y a du fignolage, des transitions à faire, des solos à mettre en place, quelques samples par-ci par-là mais autrement, le boulot était bien avancé à soixante pour cent.

Yves : Contrairement à ce qu’on a pu entendre, des morceaux il y en avait ! [Rires] Il n’a peut-être pas voulu les sortir, c’est tout. Franck est un grand compositeur, moi j’ai toujours été très complice avec lui musicalement. Après, quand tu repars à zéro, avec de nouvelles personnes qui sont complètement à fond dans le projet et qui sont vraiment énergiques, forcément, la motivation n’est plus la même et tu es constructif. Franck avait vraiment des super riffs dans les tiroirs, Matt a été très productif aussi parce qu’il est plus au feeling du moment, il a été inspiré très rapidement pour proposer aussi des choses. Du coup, nous avions beaucoup plus de choses que prévu, nous aurions pu faire un album de dix-huit titres si nous avions voulu. Les choses sont allées très vite, en fait. Nous n’avons pas eu besoin de nous dire « merde, on n’a que deux titres, comment on va faire ? On a des délais. » Nous étions prêts, nous avons commencé à faire les démos, les pré-prods en décembre-janvier et nous sommes entrés en studio en mars-avril, tu vois, ça a été très rapide, moins d’un an après le split.

Maggy Luyten & Kelly Sundown Carpenter

« La vie est extraordinaire, la vie est belle, le monde est beau, on peut se réjouir de beaucoup de choses dans cette vie, et on ne changera pas le monde mais on peut déjà travailler sur soi-même, et si tout le monde commence à faire un peu attention à son propre entourage, on commence une révolution. »

Maggy : Quand nous sommes rentrés en studio pour le chant, je ne sais plus combien de temps cela a pris, mais c’est allé très vite. Je suis arrivée avec mes idées, mes textes, mes chantiers de textes, Yves aussi, et puis nous avions Patrick Liotard qui a aidé aux arrangements aussi. Et en fait, nous sommes rentrés dans une symbiose de composition au niveau des mélodies, où à un moment donné, nous n’étions pas dans l’optique de « que le meilleur gagne », mais « que la meilleure idée gagne », et je pense qu’au final, ça devient super dur de dire qui a amené quoi, parce que nous nous sommes renvoyé les idées tout le temps, et ça tournait. Ça a fonctionné super bien. C’était la première fois que je travaillais aussi fort avec plusieurs personnes comme ça, en symbiose, aussi facilement, sans être dans un genre de compétition de « c’est moi qui… » Il y a donc Yves, niveau mélodie et textes, puis il y a eu Patrick, qui a amené de chouettes idées mélodiques aussi et arrangements musicaux, et puis il y a Kelly Sundown Carpenter, à qui j’ai demandé de me coacher vocalement en studio, parce qu’étant moi-même coach vocal, je sais à quel point c’est important de se faire coacher. Ça n’a rien à voir avec le talent, c’est juste une question d’être certain de pouvoir avoir cette oreille objective, extérieure, qui va te dire « oui, c’est bon, non, on recommence. » Derrière le micro, à un moment donné, tu ne sais plus si c’était bien ou pas. Il a donc apporté énormément, il a bien poussé aussi, et il a lifté les paroles, parce qu’il est américain, donc à chaque fois, je lui disais « qu’est-ce que t’en penses ? », etc., et il y avait parfois quelques petites choses un peu frenchy dans les textes – il n’y a rien à faire, ce n’est pas ta langue maternelle –, que lui pouvait tourner plus américain, ce qui rend le groupe plus accessible internationalement aussi, un peu plus moderne. C’était un super travail d’équipe. J’espère que nous garderons cette équipe pour la suite, parce que ça fonctionne bien.

Est-ce que ça n’a pas été trop difficile d’intégrer ta partie mélodique, tes textes, etc., aux compos qui étaient déjà en place ?

Non, du tout. Ça s’est fait super naturellement parce que les idées mélodiques qui étaient déjà en place, Yves me les a envoyées et puis je les rechantais, et soit il ne fallait rien modifier tellement c’était déjà super, soit j’apportais mon petit truc et cela venait tout naturellement, il y avait la petite note qui faisait toute la différence et ce genre de choses, et puis à chaque fois, nous validions après. Donc non, ce n’était pas trop compliqué.

Est-ce que la technicité et le background extreme-prog d’Olivier à la batterie vous a ouvert d’autres portes, vous a permis d’aller plus loin dans ce que vous souhaitiez musicalement parlant ?

Franck : De toute façon, là c’était délicat parce que c’était un peu la précipitation, avec AFM nous avions une dealine pour leur envoyer l’album, nous voyions la charge de travail qu’il y avait, il fallait caler un studio, t’imagines… Un studio, tu ne le cales pas deux semaines avant de partir. Nous avons un emploi du temps de fou, donc tu es obligé de prévoir tout à l’avance et d’être prêt à ce moment-là. Moi, j’ai toujours eu l’habitude de composer la batterie, en fait, parce que c’est simple, je compose mes riffs et je vois, j’entends à peu près ce qui sonne, comment mettre les patterns en place. Je compose guitare-batterie, je fais la basse de temps en temps quand j’ai le temps et Matt c’est la même chose, nous fonctionnons de la même façon, parce que c’est plus simple de composer à la gratte. Et au final, ses parties de batterie sont assez proches de ce que j’ai fait en démo, donc je suis complètement satisfait de son travail ! Alors bien sûr, il a rajouté sa technique, son jeu de cymbales qui est complètement fou, ses breaks, les contretemps, tout ça… Mais tout ce qui se passe sur un couplet, par exemple, avec les doubles et tout ce genre de mise en place, c’était composé à la base. Pour en revenir à David, peut-être qu’il n’aurait pas suivi vraiment, parce que ce n’est pas son style de jeu non plus, je ne pense pas qu’il aurait suivi les plans que j’ai mis en place pour cet album. Tu vois, encore une fois c’est lui qui s’est adapté [petits rires]. Mais c’est bien ! Alors, après, je ne sais pas comment ce sera pour les prochains albums. C’est clair qu’il aura plus de place dans l’écriture de ses parties mais là, il a quand même super bien arrangé tout ce que nous avions composé, Matt et moi.

Yves : Là, le batteur est parfait, ça a été vraiment le coup de foudre, le batteur autant que Maggy. Il faut savoir qu’il a enregistré les pistes batterie au studio en Belgique en six heures, pour te donner une idée… [Rires] Avec quelques coups d’editing mais bon, c’est une machine. Il fait exactement en live ce qu’il fait sur l’album, pour nous c’est vraiment super. Je pense qu’il y a un vrai lift. Musicalement, nous sommes vraiment dans ce que nous voulions, ce que voulait Franck, ce que voulait Matt. Ca a toujours été la même méthode de travail depuis tant d’années, c’est-à-dire que les guitaristes arrivent avec des idées et après nous composons tout le reste autour. Et là, ils étaient assez précis dans ce qu’ils voulaient, maintenant ils ont le batteur qui correspond parfaitement à leur idée de construire des riffs. Il n’a pas de problème à balancer des blast beats et des plans à la Mike Portnoy fois deux [petits rires]. C’est une machine de guerre ! C’est un mec super sympa, en plus. Humainement, c’est un boute-en-train et en même temps, il ne bouge pas. C’est vraiment une super rencontre.

Maggy : Après, je pense que nous ne sommes pas non plus à faire du progressif, mais il en a les capacités sans problème. Nous avons des portes grandes ouvertes par la suite, pour ne pas réfléchir forcément à une direction particulière, mais à faire ce que nous avons envie de faire. Il y a un potentiel génial au niveau de la batterie.

Franck, tu disais, tu aimes les structures assez simples, tu ne crains pas justement que son background un peu prog finisse par prendre le dessus ?

Franck : Au moins niveau batterie, ça apporte une richesse. On reste quand même dans des patterns classiques, c’est du quatre-quatre. Alors, il y a des contretemps, quelques temps enlevés, enfin, ça, ça parlera aux musiciens, mais son côté prog n’est pas non plus… En tout cas sur l’album, tous ses petits arrangements, ses breaks, ses mises en place, c’est assez pertinent et ça colle bien avec la musique, en fait, ça ne dénature pas les riffs, ça enrichit le tout. Donc non, moi ça ne m’inquiète pas et puis de toute façon nous travaillons de concert, s’il part vraiment dans une direction qui ne fonctionne pas… Il faut que ça parle à tout le monde, c’est vraiment le groupe qui prend les décisions, il n’y a pas de soucis à ce niveau-là.

On remarque dans l’album des influences encore plus marquées et abondantes venant du metal extreme, des plans à la Dimmu Borgir dans le morceau « Dead Sun », des riffs un peu tremolo avec double grosse caisse sur « Inner Sanctum », ou même ou niveau du chant sur « Infected ». C’est le genre de choses que vous vouliez développer ?

Oui, cette direction a été prise, enfin, « a été prise »… Moi, c’est ce que je souhaitais déjà depuis quatre ans et puis Matt aussi à son arrivée, nous étions dans cette mouvance-là, pas du tout metal moderne, metalcore, ce n’est pas notre délire du tout, mais, ouais, plus thrash, plus rentre dedans, plus catchy. Et c’est là qu’on se rend compte qu’il y avait peut-être un décalage entre David, Jo et puis nous deux, c’est qu’au final cette direction nous l’avions prise déjà, et nous n’avions pas ce rendu-là sur les albums précédents, donc il n’y avait pas d’osmose. Là, l’osmose elle est quand même… Nous sommes tous sur la même longueur d’onde et c’est peut-être ce point-là qui donne ce côté plus tranchant, plus agressif, percutant ou l’adjectif que tu veux. Pour moi, là, c’est vraiment la direction que je souhaitais depuis un moment.

Yves : Les influences sont vraiment riches sur cet album, sur un morceau comme « Starry Skies Gone Black » il y a même du blast beat [petits rires], c’est un truc que nous n’avions jamais dans Nightmare ! C’est une évolution où nous étions en phase.

Maggy : Je pense que le nouveau Nightmare, avec ce line-up-là, a naturellement été un peu chipoter ailleurs [petits rires], en se disant « Oh ! On ferait bien ça, on mettrait bien ça ! » Parce qu’on sentait que le line-up le permettait, donc nous nous sommes bien fait plaisir. Et puis moi aussi, au niveau du chant extrême, je n’ai jamais vraiment fait ça auparavant, et je me rends compte que c’est super kiffant. D’ailleurs, depuis que je suis entrée dans Nightmare, je travaille très fort mes aigus, donc vous pouvez m’attendre au tournant, je travaille, et j’adore ça. Mais c’est vrai que c’est une technique encore complètement différente, dans les aigus, au niveau de la voix saturée, les fausses cordes, aller chercher tout ça… C’est lié, en quelques mois je sens déjà que ça se met en place. Mais c’est du sport. Chanter dans Nightmare, c’est du sport.

Tu penses approfondir le côté saturé à l’avenir ?

Oui, clairement, mais sans en abuser. Parce que je ne voudrais pas perdre la diversité. J’ai la chance de pouvoir un peu chipoter avec certaines couleurs avec ma voix et je n’ai pas envie de tomber dans quelque chose d’extrême pour autant. Mais j’aime bien mettre des touches d’extrême, quitte à, pourquoi pas, un jour mettre une phrase en lyrique, mais si la chanson le veut. Pour raconter une histoire et si ça colle, pourquoi pas, on se fait plaisir. Mon but c’est de garder la variété au maximum parce que c’est ça qui me plait, de passer d’une voix [chantonne avec une voix mélodique aigue] à une voix en chant saturé, j’adore ça, je trouve que c’est kiffant. Ça représente bien l’être humain, parce qu’on a ce côté très bisounours, tous, on ne peut pas le renier… Il y en a qui feront « non, pas moi ! » mais si, on a tous un côté très bon, très gentil, très doux, et puis l’autre côté qui est sombre, ténébreux, méchant même, je dirais, parce qu’on a des raisons de se sentir méchants ou violents pour certaines choses. Il faut trouver le juste équilibre, donc j’essaie de retranscrire ça. Je ne sais pas, ça peut paraître un peu prétentieux mais ça n’a rien à voir avec la prétention, c’est juste le ressenti que j’en ai. C’est plein de couleurs, plein d’émotions différentes.

Nightmare @ Hellfest 2016

« Le Hellfest, c’est compliqué parce que quand nous regardons les groupes qu’il y a après nous, tu te dis ‘ouais, nan, on est quand même à notre place’ parce qu’il y a quand même du gros. Mais en Allemagne, les allemands sont en tête d’affiche et en France les allemands sont en tête d’affiche aussi ! [Rires] »

Yves, toi qui es maintenant le seul membre du groupe original restant, comment perçois-tu cette évolution ? Est-ce que ça te correspond ?

Yves : J’ai toujours été très complice avec Franck mais, aussi, de par le fait que je baigne dedans tous les jours, que je suive un peu l’actualité par rapport à mon taff, je reste dans des choses modernes et du coup je suis assez open. Je suis toujours fan des années 80, de certains classiques, bien sûr, mais après, il faut savoir évoluer avec son temps, sans pour autant faire ce que fait l’actualité non plus, il faut aimer ce qu’on fait. Moi, je suis super content de cet album parce que je pense que nous sommes allés bien au-delà de ce que nous avions avant, sans cracher du tout sur ce que nous avions fait avant, car nous sommes toujours contents des albums que nous avons faits, mais je pense qu’il y eu un genre de routine qui est entrée en jeu et ça a fait ce qui est arrivé. Mais du coup ça a aussi lâché les chevaux pour tout ce qui est arrivé derrière. Je pense que tout ce que nous voulions vraiment, nous l’avons sur cet album. Ça va être le truc facile mais je vais dire que, oui, c’est le meilleur album de Nightmare depuis le début. C’est facile à dire, à chaque fois on nous pose la question, « qu’est-ce que vous pensez de votre dernier album ? » Et nous on dit que c’est le meilleur. Mais là comme c’est quelque chose de complètement différent avec de nouveaux membres, je dirais que ce que nous avons accompli là, nous en sommes vraiment super contents. Nous sommes en train de nous prendre la tête en nous demandant comment nous allons être au-dessus sur l’album d’après [petits riries]. Nous avons de très bons retours. Après, il y aura peut-être bien des gens qui n’aimeront pas, qui préfèreront le style d’avant, ça nous nous y attendons aussi.

« Seeds Of Agony » contient des chœurs d’enfants sur son final. Comment en avez-vous eu l’idée et qui constitue cette chorale ?

Maggy : Nous étions en studio et, à un moment donné, Yves a dit : « Oh la, la, cette partie-là, ça serait trop beau… » Parce que justement, « Seeds Of Agony », les graines, représentent l’enfance, et à un moment, Yves a dit : « Ça serait trop magnifique d’avoir une chorale d’enfants. » C’était un peu au dernier moment, nous avons dit « ok » et puis nous avons mis ça en place avec la chorale, je pense qu’elle est du côté de Grenoble, justement, dans le sud. Ils sont arrivés tous motivés, avec la banane, super chouette, et puis je les ai un petit peu coachés et ça donne bien. Ça donne une touche. Nous avions envie de ce petit truc. C’était pour nous faire plaisir et nous espérons faire plaisir aux auditeurs aussi [petits rires]. Nous avons voulu garder ce côté très fragile, parce que quand on écoute l’ambiance, au niveau de la chorale, nous n’avons pas voulu l’effet de masse. Nous avons vraiment gardé ce petit côté fragile, pas parfait, qui retranscrit bien l’enfant. Il ne faut pas tricher avec les enfants. C’est très modeste, très mignon [rires].

Sur « Serpentine » on dirait qu’il y a une seconde voix…

On ne dirait pas, il y a une deuxième voix, clairement. C’est un guest, c’est Kelly Sundown Carpenter, qui vient d’intégrer Adagio et avec qui j’avais déjà travaillé par le passé, dans Epysode aussi. Il y a des liens, quand même, nous sommes un peu comme une grande famille. « Serpentine », pour moi, c’est un titre assez magique parce qu’en studio, il a placé sa ligne de chant, vu qu’il fait la plupart des lignes mélodiques leads, et quand j’ai placé mon chant par-dessus, c’était impressionnant comme le mélange se créait, où à un moment donné, même moi, je ne savais plus qui fait quoi. Je vous laisse découvrir mais moi, je trouve que ce mariage des deux voix est assez sympa. Le mélange est impressionnant parce que j’ai vraiment parfois l’impression de… En fait, lui, en général – ça c’est vraiment pour ceux qui veulent vraiment en savoir plus – il fait les aigus et je suis en dessous, alors que la femme est censée faire les aigus et le contraire. Et c’est que, des fois, même moi, je me dis « mais je suis où là ? » [Rires] Et ce qui est très gai, c’est que là, au Hellfest, il était là, le FemMe, il était là aussi, et pour Grenoble, il sera là, normalement, si tout se passe bien, pour la sortie de l’album.

L’album s’appelle Dead Sun. A quoi fait référence un titre aussi sombre ?

Il y a eu plein de propositions. Nous avons hésité sur plusieurs titres, et puis à un moment donné, au final c’était celui qui plaisait à tout le monde, et il se trouve que l’idée de titre Dead Sun a amené aussi à une idée de paroles qui se retrouvent sur l’album, qui sont assez perso. Je n’en dirai pas beaucoup, mais suffisamment pour tout comprendre, ça retranscrit le jour où Zaventem [l’aéroport de Bruxelles] a pété. J’étais là, et Kelly Sundown Carpenter aussi. Et nous sommes toujours là. Donc ça parle de ça. C’était assez intense.

Sur la pochette on peut voir une jeune fille sur une balançoire en train de regarder un soleil mourant. C’était délibéré d’opposer une image paisible et innocente à une image d’apocalypse ?

Oui, tout à fait. Chacun doit interpréter à sa façon, c’est aussi ça qui est beau. Disons que la volonté de ce contraste, c’est que soi-disant, tout va mal, on voit beaucoup de mauvaises choses, on entend beaucoup de choses pas très sympa qui se passent pour l’instant, mais ça a toujours été. Je dirais que, oui, ça s’aggrave, mais c’est parce qu’il y a les médias aussi, donc on est plus au courant qu’avant, on n’est pas juste dans des guerres de villages, entre clans [petits rires], on va plus loin que ça. Donc oui, clairement, il y a beaucoup de choses qui vont mal, et il faut qu’on fasse super gaffe, parce que sinon ça ne va pas le faire. Et à côté de ça, il y a énormément d’espoir encore, et la petite fille représente cet espoir. Je pense qu’il ne faut pas tout négativiser, tout voir dans le sombre. Je pense que la vie est extraordinaire, la vie est belle, le monde est beau, on peut se réjouir de beaucoup de choses dans cette vie, et on ne changera pas le monde mais on peut déjà travailler sur soi-même, et si tout le monde commence à faire un peu attention à son propre entourage, on commence une révolution. Donc cette pochette nous plaît beaucoup. Nous nous sommes bien arrachés les cheveux pour arriver à un résultat qui plaise aussi à tout le monde et qui soit en parfaite cohérence avec la musique et les textes sur l’album.

Vous avez à nouveau travaillé avec Patrick Liotard. Pouvez-vous nous parler de son apport ?

Yves : Patrick a toujours été un génie du coaching sur le chant, sur les idées de mélodie, sur les arrangements et il a toujours été considéré un peu comme un sixième membre dans Nightmare. Nous avons voulu qu’il mette un œil averti dessus, tout en ne dénigrant pas notre nouvelle direction et il est parfait pour ça, car il a ce génie de ne pas s’accaparer le truc et de le faire à sa cause, mais plus d’optimiser ce que toi tu veux, c’est là où il est très fort. Du coup, nous avons fait vraiment les pré-maquettages avec lui. Nous avions une idée assez précise de la production que nous voulions. Nous ne voulions pas forcément produire tout chez lui de A à Z mais qu’il mette son nez dans les compositions parce qu’il a ce génie de les lifter et de les amener à un autre niveau. Tout ce travail de pré-production nous l’avons fait ensemble et il a suivi jusqu’à la fin, jusqu’au mixage, il a donné son avis sur les lignes de chant, il a arrangé un peu, etc. Nous sommes vraiment rentrés en studio avec des pré-prods établies, en fait. C’est une méthode de travail qui a été rapide. Je pense qu’il y a une bien meilleure méthode de travail à avoir pour la suite mais là, nous avions un temps court et je pense qu’il a vraiment apporté sa pierre à l’édifice. Nous avons aussi Edouard Verneret, le clavieriste de Sangdragon, qui nous a aidés dans des arrangements. Il y a vraiment eu un coup de boost et nous ne les remercierons jamais assez. Il y a le producteur Joost Van Den Broek aussi, qui a mixé, qui a fait le son et qui a mis sa patte finale sur les titres. On va dire que nous avons vraiment eu la dream team sur cet album, il y a Kelly Sundown Carpenter qui chante un duo sur l’album, qui a coaché le chant en studio, nous avons passé plus de deux semaines ensemble en Belgique, ça a été une super rencontre. Ces personnes-là ont vraiment participé à l’album et elles ont amené à lifter le tout, pour nous c’était super.

Vous avez enregistré en Belgique, l’artwork a été réalisé par un artiste belge (Julien Spreutels), vous avez laissé le mixage et les arrangements de clavier à Joost Van Den Broek, un hollandais, donc pas loin de la Belgique… Est-ce que ça a à voir avec le fait que tu sois toi-même belge, Maggy ?

Maggy : Oui, par défaut, il y a des petites choses qui se sont faites. Julien Spreutels, qui a fait la pochette, je le connais depuis qu’il a quinze ans, nous sommes comme des frères, nous nous connaissons super bien, il est aussi claviériste dans Ethernity. Nous avons enregistré le chant en Belgique, au Noise Factory, avec Gerald Jans, que je connais bien depuis quinze ans aussi. Le groupe m’a fait confiance pour ça, donc je les remercie. Puis Joost Van Den Broek, c’était via Yves, qui l’a proposé, et c’était un super bon choix, il a fait un super bon boulot. Nous sommes très contents du mix et mastering.

Vous avez joué votre première date avec ce line-up au Hellfest. Comment ça s’est passé ? Aviez-vous une appréhension ?

Yves : Complètement, c’était l’inconnu le plus total. Nous sommes arrivés avec une nana au chant, les gens nous connaissaient sous l’ancienne formule depuis longtemps, depuis toutes ces années ils connaissaient bien le groupe. C’était un choc pour eux de voir le groupe avec une nana au chant. Bien sûr que c’étaient des questions que nous nous posions, nous allions voir, nous n’étions pas sûrs du tout. Dans la musique, jamais rien n’est gagné d’avance, il n’y a rien d’acquis, chaque jour est un recommencement, c’était une crainte mais nous avions bien préparé les choses et puis nous étions confiants du niveau technique de ce que nous étions capables de faire. Ça s’est super bien passé. C’est vrai que nous avons de bons retours chaque fois que nous passons. Nous avons fait quand même trois-quatre festivals importants et nous avons des super retours du public.

Maggy : Tout le nouveau line-up, même Piv, au niveau de la batterie, Olivier Casula, je pense que nous nous sentons un peu comme si nous étions déjà dans le groupe depuis plusieurs années, sans pour autant prendre ça pour un acquis, mais de façon naturelle. Nous avons l’impression de nous connaître déjà depuis longtemps alors que ça fait un an. Et c’est vrai que lors de notre premier concert au Hellfest, ce n’était pas la sensation d’un premier concert ensemble, et pourtant ça l’était. Donc je pense que c’est bon signe. Après, c’est rodé et pas du tout en même temps. Parce jusqu’ici, nous avons fait quelques festivals, et nous nous rendons compte de toutes les choses que nous avons encore envie de mettre en place, mais ça, il n’y a rien à faire, c’est après une tournée, je pense, qu’on sentira que c’est vraiment rodé, que tout le monde sait où il va aller. Là, ça court un peu dans tous les sens encore, mais c’est rigolo, et c’est naturel quoi. Nous nous entendons tous super bien, en tout cas, ce qui est très important dans un groupe – j’ai presque envie de dire que le talent vient après.

Nightmare 2016

« J’ai entendu pas mal de fois : ‘Ouais, ouais, Nightmare, je vois, les vieux avec le chanteur à la Dio ?’ [Rires] Tu vois, je pense que ce sont des gens qui ne s’intéressent pas au groupe, ce n’est pas grave. »

Franck : Alors moi, je suis super critique envers le groupe à chaque fois. Je te donne un petit exemple, pour The Burden Of God, nous avons eu plein d’éloges, l’album était génial, tu as plein de super commentaires de partout et puis j’ai l’impression que la presse est faussée, tu payes une pub dans un mag, le mec ne va pas te mettre deux sur vingt, donc tout le monde a des huit sur dix, des dix-huit sur vingt. Pour moi, c’est super génial, c’est plaisant à lire, mais c’est vrai que je m’attache vraiment aux critiques négatives quand c’est construit. Je sais qu’au moment de composer, même si sur le coup je n’ai pas fait plus attention que ça, ça m’a peut-être touché au final, et j’ai pris en compte, j’essaye de corriger. Pour les concerts, c’est pareil. Pour le Hellfest nous étions stressés quand même, enfin moi j’étais stressé, je pense que le reste du groupe aussi. En matant les vidéos… Parce que de toute façon c’est super frustrant, nous ne savons pas ce que ça rend, si le son en façade est dégueulasse, si le jeu de scène est cool, nous ne voyons même pas s’il y a des lights, c’est super frustrant quand tu es sur scène, sur scène tu as de la bouillasse… Bon, c’est quand même le Hellfest donc les conditions restent super bonnes mais tu ne te rends pas compte et au final, les retours que j’en ai et le plaisir que nous avons partagé sur scène, pour moi, c’était un super départ. Après, là, nous sommes en phase de répétition intense, nous bossons vraiment l’album, nous répétons l’album entier. Encore hier nous avons répété toute la journée, notamment pour le 25 novembre à la Belle Electrique à Grenoble, la release party et le concert où nous allons dévoiler l’album, nous risquons de jouer pas mal de morceaux. Là, je pense que nous avons encore monté d’un cran au niveau du jeu, d’être à l’aise sur scène, de bouger plus naturellement. Voilà, globalement, c’était super satisfaisant cette date du Hellfest. Après, c’est toujours frustrant de jouer, je ne sais plus, à 11h ou 13h, dans ces eaux-là. Le Hellfest, c’est compliqué parce que quand nous regardons les groupes qu’il y a après nous, tu te dis « ouais, nan, on est quand même à notre place » parce qu’il y a quand même du gros. Mais en Allemagne, les allemands sont en tête d’affiche et en France les allemands sont en tête d’affiche aussi ! [Rires] De moins en moins parce que le metal français commence à être super bien considéré mais je ne sais pas, il y a peut-être ce côté moins sexy du groupe français, à part Dagoba, Gojira, Benighted, No Return, Loudlbast qui fonctionnent bien – ça, ce sont les groupes qui ont une super image, une super aura. Hormis le black metal parce que le black niveau français, il y a quand même des sacrés groupes. Mais ça reste compliqué en France. Pour en revenir au Hellfest, super souvenir. Je ne sais pas si nous jouerons l’année prochaine parce que faire coup sur coup c’est compliqué mais, en tout cas, ce qui est certain, c’est que la prochaine fois que nous pourrons nous produire sur la scène du Hellfest, ça sera autre chose. Je ne sais pas si La Belle Electrique sera filmé, mais ça donnera déjà un bon aperçu de Nightmare vraiment en place, vraiment avec du travail, avec les positionnements, nous avons bossé sur le son, le jeu de scène et tout ça, c’est un tout. Après, c’est en pratiquant que nous allons vraiment être au fond des temps, avoir une musique plus précise, qui cartonne plus, au final.

Tu as l’impression que Nightmare n’a pas l’image qu’il mériterait d’avoir auprès des gens ?

J’avais cette impression. Pour moi Nightmare, j’ai toujours eu ce sentiment que ça avait ce petit côté « ah ouais le groupe français des années 80. » Ce n’est pas péjoratif… mais si quand même un peu ! [Rires] Alors, pas à l’étranger, bizarrement. Après, ça change peut-être, maintenant que nous allons toucher de nouvelles personnes mais il y avait cette image « groupe français ». Alors, ce n’est pas Trust non plus mais c’est vraiment « groupe français des années 80 qui fait de la musique un peu plus rentre-dedans qu’à cette époque. » Mais moi ça ne me dérange pas plus que ça au final [petits rires].

Tu penses que cela pourrait changer avec le nouveau line-up ?

Ouais, avec le nouveau line-up, avec une bonne communication. Nous avons sorti le clip du morceau « Icarus », même au niveau des moyens, nous n’avons jamais eu un clip de ce niveau-là, donc ça fait partie de l’image que nous allons renvoyer et du travail qu’il y aura sur scène. Je pense que nous pouvons donner un petit coup de jeune au groupe, enfin à l’image que certains ont de Nightmare. Souvent des gens qui d’ailleurs ne s’intéressent pas vraiment au groupe. J’ai entendu pas mal de fois : « Ouais, ouais, Nightmare, je vois, les vieux avec le chanteur à la Dio ? » [Rires] Tu vois, je pense que ce sont des gens qui ne s’intéressent pas au groupe, ce n’est pas grave.

Yves, qu’est-ce que cela te fait d’être le seul rescapé de la formation des années 80 ?

Yves : Déjà, c’est un héritage, c’est moi qui ai créé le groupe en 1979 avec Étienne Stauffert et Hervé Mosca, nous avions seize ans à l’époque [petits rires]. Tout ce parcours-là, tous les membres qui ont participé, qui ont été membres de Nightmare et qui ont mis leur pierre à l’édifice, c’est un héritage que nous avons de tous ces gens-là, de tous ces musiciens. Nous leur rendons hommage aussi parce qu’ils ont fait partie de l’histoire. Je répète aussi, ceux qui sont partis ne se sont pas fait virer, ils ont décidé d’eux-mêmes de partir, ce n’est pas comme si, moi, j’avais voulu virer tout le monde et puis faire un peu mon Peter Tägtgren ou je ne sais pas qui… Timo Tolkki… [Rires] J’ai entendu des trucs complètement aberrants et débiles… C’est une histoire dont nous sommes fiers parce que la longévité de groupe, quand ça dépasse les trente-cinq ans, il n’y en a pas beaucoup ! Et ça peut s’arrêter demain, nous n’aurons pas à rougir de ce que nous avons fait. Je souhaite à plein de groupes d’avoir la même longévité et le même parcours.

Avant le départ de Jo et David, vous aviez évoqué l’idée de réenregistrer les deux premiers albums, ce projet est-il mort et enterré ou bien il pourrait redevenir d’actualité ?

Au niveau déontologique vis-à-vis de Jo et David, qui sont des membres qui sont restés longtemps dans Nightmare, je pense que ce n’est pas très… Ce n’est pas quelque chose qui est honorable, rien que d’y penser, parce que ce sont des albums qui ont marqué l’histoire de Nightmare en leur temps. Les réenregistrer avec un nouveau chant, avec une nouvelle direction, aujourd’hui c’est faire un petit peu un affront. Waiting For The Twilight avec Maggy au chant, je ne suis pas sûr… Déontologiquement, ce n’est pas quelque chose… Ce ne serait pas très honnête vis-à-vis de Jo, par exemple, qui était sur ces albums-là. Là-dessus il faut rester correct.

Et dans quelques années, après deux ou trois albums, lorsque tout ça sera passé et le line-up sera mieux établi ?

Maggy : En ce qui me concerne, ce serait avec grand plaisir. Par contre, je pense que tant que nous aurons de nouvelles idées, des choses à faire, etc., ce ne sera peut-être pas une priorité. Mais, genre, si à un moment donné, nous nous ramollissons un peu et que nous disons : « Oh la, la, on a plus d’inspiration… », je ne sais pas [petits rires]. Ou alors simplement se dire : « Allez, on fait une fois autre chose et on reprend les deux premiers. » Mais en effet, je suis d’accord pour dire qu’il y a énormément de potentiel. Ces titres mériteraient d’être réenregistrés avec un son plus actuel, et pour moi, évidemment, ce serait un honneur de poser ma voix sur l’héritage de Nightmare !

Yves : De toute façon des vieux titres nous en jouons, les gens nous les réclament. Nous n’allons pas cracher sur tout ce qui a été fait avant, ça c’est sûr. C’est un héritage sur lequel nous n’avons pas le droit de cracher, ce serait stupide. Donc forcément, nous ne zappons pas tout ce que nous avons fait avant. D’ailleurs, les gens qui viendront le 25 verront que nous faisons des choses, mais ce sera la surprise [petits rires]. Après, de là les réenregistrer, je pense que nous avons un parcours, une identité qui reste du Nightmare, même s’il y a beaucoup d’évolutions musicales différentes sur cet album-là comme tu as pu le dire avec les blasts et le batteur, etc. Dans le style, nous n’allons pas oublier ce que nous avons fait dans le passé mais là nous sommes partis sur une direction différente due aux nouveaux musiciens aussi, au nouveau chant, au nouveau batteur et à de nouvelles ouvertures de composition de Franck et de Matt. Eux ne sont pas là pour oublier le passé parce qu’ils n’ont pas fait partie de cette première aventure du début mais ils sont un peu plus réticents à jouer des vieux, vieux titres, ils sont plus dans la composition actuelle. Ils les jouent mais ils disent « ce n’est pas mon temps », ce n’est pas facile ! [Petits rires] Alors, moi, forcément, j’ai cette nostalgie-là, j’ai fait partie de cette aventure depuis le début, forcément je ne peux pas l’oublier et la mettre dans un tiroir, ce ne serait pas honnête. Mais la direction actuelle, c’est vrai, pousse plus à jouer et composer des nouvelles choses que de refaire Waiting For The Twilight, par exemple. Mais pourquoi pas après, le rejouer… Après, rien que sur les droits, pour le refaire, par contre, nous ne sommes pas partis dans ces idées-là.

Par rapport au fait qu’avec Matt vous soyez un peu plus réticents à jouer les plus vieux titres, Franck, est-ce que tu dirais que tu as du mal à t’identifier à ces compositions où tu n’étais pas encore dans le groupe ?

Franck : Euh, non, c’est que je ne les aime pas ! [Rires] Il n’y a pas à chercher plus loin, ça ne me fait pas vibrer du tout, honnêtement. Alors, il y a des morceaux qui sortent du lot, bien sûr, je ne vais pas tout mettre dans le même sac, mais je ne suis pas spécialement fan. Alors, je ne te parle pas des albums récents, je te parle vraiment des années yéyé ! Ce n’est pas le problème de s’identifier. Par exemple, The Burden Of God, je n’aime pas la prod, je suis déçu de la prod, je pense que nous nous sommes plantés mais pour moi ça reste un bon album. Insurrection aussi. Mais voilà, ça fait partie de l’histoire « ancienne ». Là nous partons vraiment sur quelque chose de tout frais, je ne vois pas l’intérêt, mise à part faire plaisir aux fans purs et durs, de jouer des vieux morceaux. C’est une autre voie, et puis nous avons tellement envie de jouer les nouveaux morceaux que dans un set, ça m’emmerderait de sacrifier un morceau du nouvel album pour jouer, je sais pas, « Cosmovision » ou un truc comme ça. Après c’est un mauvais exemple parce que c’est peut-être le morceau que nous risquons de garder un moment quand même [petits rires].

Si tu n’aimais pas le vieux Nightmare, pourquoi as-tu intégré le groupe à l’origine ? [Petits rires]

J’ai intégré le groupe parce que je suis musicien et il y a un phénomène qui est dur à expliquer mais quand tu es musicien, il y a une différence entre écouter la zic et la pratiquer. Je n’écoute pas de blues, par exemple, mais jouer du blues ou un morceau de rock, c’est super sympa à faire. Là ce n’était pas au même niveau, guitaristiquement, moi je m’éclatais, j’apprenais et puis il y a l’ambiance, tout ce qui va avec, le fait de partir en tournée… Ce n’est pas de l’opportunisme non plus, mais c’est vraiment un autre monde entre écouter la zic et puis la jouer et être en live. J’ai le même sentiment, par exemple, avec des groupes que je n’écoute pas du tout en albums, ça ne m’intéresse pas, et en live c’est la claque à chaque fois. Ça rejoint un petit peu cet état d’esprit. Après, il faut voir ce que l’on entend par « ancien », mais quand même, j’insiste sur le fait que je ne vais pas cracher sur les trois derniers albums. J’ai plus de mal à partir de The Dominion Gate, mais la prod qui n’est pas bonne joue beaucoup. Nous avons fait pas mal d’erreurs de prod, de toute façon, pour arriver jusque-là, donc c’est vrai que ça joue aussi, mais le vieux Nightmare, non, ça ne m’intéresse pas plus que ça, ce n’est pas de la musique que j’aime. Après, quand tu rentres dans un groupe, tu dois quand même faire le taff et puis tu apprends à les aimer. Mais c’était il y a dix ans quand même, maintenant j’aurais vraiment plus de mal. J’ai évolué aussi au niveau de l’instrument et musicalement par rapport à mes influences. Quand je vois les morceaux que nous avons composés pour Dead Sun et les anciens morceaux, pour moi il n’y a pas photo.

Du coup, le projet de réenregistrer les deux premiers albums, ça ne t’aurait pas branché de toutes façons…

Si, si au contraire ! [Rires] Parce que c’était super intéressant, pour le coup, et nous étions partis dans une direction où nous revisitions et mettions un peu au goût du jour les morceaux. Il y a des titres qui sonnaient, c’était vraiment de la tuerie. Je pense que c’est aux oubliettes mais je pense que, sans trop essayer de dénaturer, au niveau des riffs, c’était bien plus acéré et super intéressant à faire. C’était quand même un défi, tu as la base et puis on te dit de recopier en mettant ta patte. Hélas, pour l’instant, ça ne fait pas partie des projets de Nightmare.

Interview réalisée en face à face et par téléphone les 28 septembre, 20 octobre et 30 octobre 2016 par Nicolas Gricourt et Aline Meyer.
Introduction et fiche de questions : Nicolas Gricourt.
Retranscription : Alexandre Covalciuc et Robin Collas.

Page Facebook officielle de Nightmare : www.facebook.com/NIGHTMARE-8046134285

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