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Interview   

Sólstafir : Les échos intemporels d’Islande


Après Björk et Sigur Rós, pour ne citer que les plus connus, Sólstafir est une preuve supplémentaire de la singularité du paysage musical islandais. Aðalbjörn Tryggvason, alias Addi (c’est vrai que c’est plus simple à prononcer…), nous raconte dans l’entretien ci-dessous comment l’île, avec sa situation géographique isolée, a façonné une scène musicale qui ne ressemble à aucune autre. On devine que c’est aussi ce qui peut expliquer pourquoi Addi et ses collègues se fichent royalement des batailles de chapelles. Il écoute de tout, s’inspire de tout, sans honte et sans vergogne. Lui-même reconnaît aimer « créer la musique de Sólstafir à partir de millions de sources d’inspirations. » Ajoutons à cela des membres aux goûts et personnalités hétéroclites voire divergentes – « en général je ne partage rien de ce que raconte Gummi en interview… » avoue-t-il, par exemple, en parlant de son collègue batteur – et on comprend immédiatement d’où vient la richesse d’Ótta, le nouvel opus de Sólstafir.

Ótta, un album qui symbolise une étape de plus dans l’évolution naturelle (un mot clef dans la bouche du frontman) du combo, ayant débuté dans le black metal pour aboutir à un rock fin et chargé en émotion. Ótta, un concept basé sur un vieux système de mesure du temps, mais dont il ne faut aller chercher trop loin la signification et les engrenages, celui-ci étant avant tout là pour sa simple beauté. Tout chez Sólstafir paraît très instinctif, et on en revient à l’analogie avec l’Islande, sa terre et ses sous-sols vivants, beaux et sauvages. Et c’est aussi cette spontanéité qui rend notre échange avec Addi si passionnant, l’homme s’exprimant sans filtre, avec camaraderie et franchise.

« Les gens disent que nous sommes difficiles à expliquer mais au moins, il y a quelque chose à expliquer ! »

Radio Metal : Votre précédent album Svartir Sandar semblait avoir représenté une étape importante pour le groupe. Comment le perçois-tu avec le recul ?

Aðalbjörn « Addi » Tryggvason (chant & guitare) : Svartir Sandar était… Je ne sais pas, parce que ces passages en studios ont toujours représenté des moments étranges pour nous. Je veux dire que Masterpiece Of Bitterness avait été enregistré dans une sorte de home studio, c’était presque une ferme dans la campagne. Il y avait des chevaux et des vaches autour du studio. Ensuite nous sommes allés à Göteborg, en Suède, pour enregistrer l’album Köld. C’était un peu étrange d’aller dans un autre pays pour enregistrer un nouvel album. Du coup, nous n’avions pas enregistré un album [à Reykjavik pendant un long moment]. Svartir Sandar n’a même pas été enregistré à Reykjavik : le studio se situait à dix minutes en dehors de Reykjavik. Donc, être dans un studio proche de chez nous était étrange, mais nous y étions pendant un mois et ça nous a vraiment donné le sentiment d’être un groupe.

Svartir Sandar était le premier album que nous avons écrit en à peu près trois mois. Nous avons dit : « Oh, maintenant il faut que nous composions un album » et nous nous retrouvions chaque matin à 10 heures et nous commencions à composer et composer et composer. Nous avons fait ça pendant trois mois, tous les jours, de 10 heures du matin à 4 heures de l’après midi, qui était l’heure à laquelle certains membres devaient aller chercher leurs enfants à la maternelle. Nous avons énormément composé et nous enregistrions tout, chaque idée, à la salle de répétition. Nous ne réfléchissions même pas à la quantité de musique que nous avions. Et puis nous nous sommes dits : « Eh bien, peut-être est-ce trop long pour un seul album. » Mais nous aimions tellement et étions tellement satisfaits de ce que nous avions composé qu’il était impossible pour nous d’imaginer devoir laisser quoi que ce soit de côté. Les chansons sont vraiment différentes les unes des autres, c’est d’ailleurs peut-être ce que nous avons toujours fait, mais peut-être est-ce un peu plus marqué cette fois-ci parce qu’il y a deux CDs de musique. Pour certains groupes, lorsque tu mets côte à côte deux de leurs albums, tu vois bien qu’ils sont très différents, mais nous, nous essayons toujours de faire en sorte que chaque chanson soit un peu différente, et encore plus sur Svatir Sandar dans la mesure où il est composé de deux albums.

Il y a des choses expérimentales : nous avions ce bulletin météo avec ce vieux synthétiseur Moog, un saxophoniste, plein de chœurs et ce hit pop dans l’album. Mais je peux te dire que lorsque nous faisions Svatir Sandar, j’ai eu le même sentiment que j’ai toujours : je trouvais qu’il n’était pas aussi bon que l’album précédent. Je me disais qu’il n’était pas aussi bon que Köld. Mais lorsque j’ai entendu le résultat final, j’ai finalement trouvé que Svartir Sandar était le meilleur album que nous ayons fait. Je pense toujours que Svartir Sandar était vraiment le meilleur album que nous avions fait à ce moment là. Tu peux toujours faire mieux mais j’étais vraiment, vraiment satisfait. Lorsque Kerry King entend le nouvel album de Slayer pendant qu’il travaille dessus en studio, je ne crois pas qu’il se dise : « C’est le meilleur album à ce jour. » Il ne peut pas se mentir ainsi. Mais, tu sais, Svartir Sandar l’était vraiment, je ne crois pas que quoi que ce soit que nous ayons fait avant ça était meilleur, parce que les chansons sont meilleures et tout est meilleur. Si ça répond à ta question !

Etiez-vous contents du travail de Season Of Mist sur cet album, dans la mesure où c’était votre première collaboration avec eux ? Est-ce que c’était conforme à vos attentes et d’après toi ont-ils offert à l’album ce qu’il méritait ?

Ouais, bien sûr. Tu sais, chaque groupe en vient à se plaindre du label et les labels en viennent à se plaindre parce qu’ils estiment que leurs groupes sont paresseux ou peu importe. Nous avons vécu des conflits avec certains de nos précédents labels parce qu’ils ont fait faillite ou parce qu’ils ne faisaient pas leur boulot. Des labels nous ont dragués parce que nous n’avions plus de contrat mais nous étions vraiment contents avec Season Of Mist et nous le sommes toujours. Nous connaissons les gars personnellement et ça s’est très bien passé jusqu’ici. Nous avons fait Svartir Sandar et ça s’est bien passé : nous avons fait un packaging sympa, tu sais, comme pour une édition spéciale et tout ça. Et maintenant, le second album pour ce contrat est sorti, donc, en gros, nous sommes à la moitié du chemin. Jusqu’ici tout va bien.

Mais j’imagine que vous ne devez pas être un groupe facile à promouvoir pour un label spécialisé dans le metal…

Je suis d’accord. Je me plains auprès d’eux en disant : « Est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît, essayer des magazines musicaux différents ? » Et bien sûr ils répondent : « Eh bien, ils n’écouteront pas. Ils ne répondront pas. » Je veux dire que, ouais, je suppose que nous sommes un groupe de metal un peu difficile à gérer et c’est ainsi parce que nous ne sommes pas un groupe de metal traditionnel. Nous ne sommes pas comme un groupe de death metal ou de thrash metal ou peu importe. Mais c’est leur boulot, tu sais ! Ce serait trop facile de se contenter de ranger dans des cases. Mais, pour être honnête, si j’étais un label, je ne pourrais pas signer un nouveau groupe de death metal. Qu’est-ce que tu vas apporter de neuf ? Qu’est-ce que tu vas dire ? « Voici un nouveau groupe de death metal qui s’appelle Corpse Eater ! » Que vas-tu dire ? « Ils sont très rapides, ils sont vraiment heavy, et ils ont des super vocaux qui crient et de la double grosse caisse rapide. » Que vas-tu dire ? Il faudra bien vendre ce produit ! Donc les gens disent que nous sommes difficiles à expliquer mais au moins, il y a quelque chose à expliquer ! Il n’y a rien à expliquer au sujet d’un groupe de thrash-death metal. Ne me fait pas dire ce que je n’ai pas dit, j’ai écouté du death metal pendant vingt ans, et j’en écoute encore, mais quand était la dernière fois qu’un groupe de death metal est arrivé avec quelque chose de neuf ? Ils devraient donc être contents de nous avoir !

D’ailleurs vous êtes arrivés vers eux avec un double album et généralement c’est quelque chose que les labels n’aiment pas trop…

C’était l’idée de Michael. Michael a dit : « Faisons un double album alors. » Mais de toute façon, j’ai toujours dit que chaque grand groupe se devait de faire au moins une fois dans leur carrière un double album. Le nôtre a été fait par erreur, mais tu as Pink Floyd, Nine Inch Nails, The Smashing Pumpkings, Metallica, Guns N’ Roses… Tout le monde fait des doubles albums.

Avec votre nouveau disque Ótta, vous évoluez un peu plus vers un style plus rock et contemplatif. Comment en êtes-vous arrivés à évoluer de cette façon ?

Nous ne l’avons pas fait. Nous n’avons rien fait, ça s’est fait, c’est tout. Tu peux faire le calcul toi-même : disons qu’il y a dix ans nous faisions Masterpiece Of Bitterness, et sans que nous ne décidions quoi que ce soit, nous avons commencé à jouer en concert et j’ai commencé à chanter davantage ; 2003 c’est un peu la seconde moitié de l’histoire du groupe. Prends donc chaque jour pendant onze ans : beaucoup de choses se sont passées en onze ans. Nous sommes toujours un groupe de metal mais nous ne sommes pas vraiment un groupe de metal. Nous ne nous sommes jamais dits : « Faisons ça. Essayons ça. » Tu vis et respires la musique chaque jour. Chaque jour tu auras une nouvelle idée. Chaque jour, pendant 11 fois 365 jours, c’est beaucoup de jours, mec ! Donc chaque jour on apportait de nouvelles idées. Evidemment, si tu ne changeais pas c’est que tu serais paralysé ou à la retraite. C’est simplement naturel. Ce n’est rien que nous ayons décidé. Bien sûr que nous trouvons de nouvelles idées mais aussi rien n’a jamais été pareil. Notre démo n’était pas du tout comme le premier album et le premier album n’était pas du tout comme le second album, et c’est comme ça depuis un bon moment. Si nous continuons à faire ceci pendant encore dix ans, ça changera, mec. Les gens se sont plains que Metallica n’ait pas fait Ride The Lightning trois fois d’affilée. Merde, allez vous faire foutre ! Vous attendez vraiment qu’un musicien, un artiste, fasse la même chose trois fois ? Putain mais pourquoi ?! C’est comme la mort ! Donc ouais, nous aimons explorer de nouveaux territoires. Nous l’avons fait et nous continuerons à explorer et trouver de nouvelles idées. C’est là tout le but de ceci : être créatif. Il ne s’agit pas d’être dans un groupe de reprises de Cannibal Corpse et fermer sa gueule !

« Les gens se sont plains que Metallica n’ait pas fait Ride The Lightning trois fois d’affilée. Merde, allez vous faire foutre ! Vous attendez vraiment qu’un musicien, un artiste, fasse la même chose trois fois ? Putain mais pourquoi ?! »

En fait les gens se plaignent tout le temps lorsque les groupes n’évoluent pas mais ils se plaignent aussi lorsque les groupes effectivement évoluent…

Ouais, nous sommes contents ; nous sommes vraiment reconnaissants envers nos fans. Car nous avons essayé de jouer de plus vieilles chansons en tournée, comme « Til Valhallar » datant de 1996, et, tu sais, peut-être que des gens l’ont aimé mais la plupart n’ont pas vraiment aimé, ils n’en ont rien à foutre. Ils veulent entendre les nouveaux trucs, ce qui je trouve est super. Les gens veulent entendre les morceaux de Svartir Sandar et de Köld, et c’est ce que nous faisons. Et maintenant nous avons Ottà et c’est aussi ce qu’ils veulent entendre. Je trouve ça génial, nous sommes très chanceux d’avoir ce genre d’audience. On adore ça ! Ils ne veulent pas entendre les vieux trucs, excepté peut-être un gars qui veut entendre quelques chansons de notre premier album mais c’est tout. Ça n’arrivera pas. Nous faisons d’abord ça pour nous, et si quiconque aime, alors c’est super. Donc si tu n’aimes pas ça, tu peux toujours aller ailleurs écouter « Witching Hour » de Venom toute la journée.

Tu ne cries plus vraiment sur cet album, même en comparaison du précédent, et tu fais pleinement appel à ton côté sensible. As-tu le sentiment de ne plus avoir de colère en toi ?

Ça n’a jamais été une question de colère, vraiment. C’est plus une question de désespoir. Tu peux parler de manière désespérée ; tu peux chuchoter de manière désespérée ; tu peux chanter de manière désespérée. Ça n’a jamais vraiment été de la colère. C’est une sorte de tristesse mélancolique ou un désespoir ou un deuil ou la peur de la mort et de l’abandon ou quelque chose comme ça. Pas de la colère. Je veux dire qu’il n’y a pas beaucoup de chansons colériques, vraiment. Et lorsque j’ai commencé à chanter davantage, je chantais des choses émotionnelles. J’ai beaucoup crié et c’est vraiment facile de ne faire que ça. Ça devient plus difficile à mesure que tu vieillis de crier constamment mais c’est très facile de ne mettre que des cris sur toutes les chansons. J’aime écrire des mélodies de chant calmes et émouvantes qui te viennent du cœur. Tu composes une chanson et tu chantes directement par-dessus à mesure qu’elle se créée, et ça vient naturellement. J’aime que les lignes de chant me viennent naturellement car il y a comme quelque chose de spirituel là-dedans. Tu cuisines un gâteau spirituel et tu y déverses la crème spirituelle par-dessus : ce sont les lignes vocales. Et lorsque tu écris des lignes vocales sympas, évidemment, elles sont plus émouvantes si elles sont chantées avec une tonalité, et pas juste criées. Les cris n’ont aucune intonation, ce sont juste des cris. Des cris n’auraient pas convenus à cet album. C’est certain. Tu imagines Tomas d’At The Gates qui chanterait sur tout cet album ? Ça n’irait pas ! Lorsque j’écris des choses avec le cœur, je veux les chanter également avec le cœur, et pas seulement en les criant. Ça ne paraîtrait pas être une bonne chose à faire. Et je ne fais que ce qu’il y a de bon à faire.

Tu as mentionné le désespoir, mais de quoi es-tu désespéré ?

C’est en grande partie l’amour. Ces albums sont grosso-modo des albums d’amour. Ça parle de perdre des amis à cause de suicides, de drogues ou d’alcool. Ça parle de perdre des gens qu’on aime. Ça parle de trahir quelqu’un et de pardonner. Ce n’est pas très cool de dire que tu écris à propos de ce que tu traverses dans la vie, mais c’est en gros ce que nous faisons. Parfois même je n’aime pas parler de ces choses. Parfois, lorsque j’essaie de l’expliquer, ça sonne bizarre. Je n’écris pas beaucoup de paroles, j’écris uniquement lorsque je dois le faire. C’est donc très dur pour moi d’écrire des paroles. Et c’est donc encore plus dur pour moi de décrire de quoi elles parlent. Certaines parlaient d’avoir à gérer une addiction et de traverser un sale moment dans la vie. Nous parlons de la manière dont tes parents t’ont élevé, lorsque tu grandissais. Il y a une chanson où je creuse très profond, en réfléchissant sur mon enfance, sur les choses qui ont mal tourné à cette époque. Ça revient à creuser la part triste de ta vie et lorsque tu penses à ça, tu ne souris pas. Tu ne souris pas lorsque tu repenses à des choses très moches qui se sont passés pendant ton enfance. Alors, lorsque tu fais la gueule et que tu exprimes ça, forcément, ce sont des pensées désespérées qui ressortent, comme le fait de te pardonner toi ou quelqu’un d’autre ou… Je ne sais pas. C’est déjà difficile à expliquer !

Votre évolution, d’un groupe de metal extrême à un groupe de rock, peut rappeler l’évolution d’Anathema. Vous sentez-vous proche de ce groupe pour cette raison ?

Oui. Il y a peu de groupes que nous aimons tous. Deux d’entre nous aiment tel groupe ou un seul aime cet autre groupe, mais Anathema est l’un de nos groupes favoris de tous les temps à tous. Je suis personnellement tombé amoureux d’Anathema lorsqu’ils ont sorti l’album Judgement, j’étais là : « Putain de merde, c’est quoi ce truc ? C’est incroyable ! » D’autres dans le groupe sont plus fans de leur période doom metal, alors que moi je n’ai jamais aimé Anathema en tant que groupe de doom. Mais Anathema nous a influencés. C’est un groupe génial. Le plus pop ils deviennent, plus géniaux ils sont car ils sortent, pour ainsi dire, de leur coquille. Ils font des chansons et musiques extraordinaires, tu sais. Ouais, ils sont une énorme influence.

En fait la mélodie que l’on entend à environ deux minutes dans « Nón » rappelle celle de « Fragile Dreams » d’Anathema. Est-ce juste une coïncidence ?

C’est probablement une coïncidence. Je n’y ai pas encore réfléchit. « Nón » ? Nah, c’est probablement qu’une coïncidence. Le début ne ressemble pas vraiment à Anathema. Je dirais que je ne suis pas d’accord en fait ! Mais, encore une fois, il est tellement facile de ne pas savoir d’où vient quelque chose, car il n’y a qu’une poignée d’accords que tu peux utiliser et assembler. Et parfois tu ne te rends pas compte d’où provient une idée donnée. Donc, si c’est similaire, peut-être as-tu raison. Il faut que je me penche dessus. Mais je serais le premier à te dire si tu avais deviné la bonne influence. Je pense qu’il n’y a rien de mal à ça. Je sais d’où cette chanson tire certaines de ses influences. Si tu avais vu juste, je te l’aurais dit.

[Rires] Et tu ne vas pas me le dire maintenant ?

Svavar et moi avons composé le début de cette chanson pendant des balances en Allemagne, nous l’avons enregistré sur mon téléphone. Ensuite la partie au milieu de la chanson est plus comme une sorte de chanson pop des années 80, comme « Cold As Ice » de Foreigner. Donc voilà. Et puis après, tu as un peu de Neil Young dans cette chanson, un peu de de Fields Of The Nephilim, un peu de Kiss et la fin c’est un peu de Paradise Lost. Tu as donc pas loin de cinq noms, mais il n’y a pas d’Anathema. Je suis en train de te révéler les plus profonds secrets là ! [Rires]

Est-ce que ces influences ont été vraiment conscientes au moment où vous faisiez les chansons ?

Non, pas vraiment. Je veux dire qu’il y a un riff dans la chanson que j’appelle le riff à la Kiss. Ça n’a rien à voir avec Kiss mais pour moi ça sonne comme Kiss. C’est le riff rock n’ roll à la fin, je dis donc que c’est un peu comme Kiss, mais ce n’est pas vraiment Kiss. Gringo a joué ce lead à la fin qui sonne comme Paradise Lost, mais nous ne l’avons pas pris de Paradise Lost. Je le décris juste comme le riff à la Paradise Lost. Nous écrivions le début de la chanson et tout d’un coup, j’ai utilisé une certaine pédale d’effet qui donne un son à la Neil Young. Donc rien qu’une pédale d’effet peut changer ta manière de penser comment ça sonne, car quoi qu’il arrive, tu mets toujours un nom sur les choses. Ce n’est pas toujours juste de dire à chaque fois : « Ça sonne comme ceci, ça sonne comme cela. » Parce que ça sonne bien dans ton cœur, mais tu essaies toujours de cataloguer. Et lorsque tu fais ça, tu sais, une simple pédale d’effet peut changer ton idée sur comment ça sonne. Donc, tu sais, il y a une énorme quantité d’influences sur cet album, dont certaines qui te feraient mourir de rire ou que tu ne croirais pas !

« Ces albums sont grosso-modo des albums d’amour. »

Lesquelles ?!

Je ne vais pas te dévoiler tous les secrets ! Je t’en ai déjà dit beaucoup !

Fais-moi rire au moins avec un nom !

Bon Jovi ! Foreigner ! Tu ne trouves pas ça drôle ?

Non, pas du tout ! J’aime bien Bon Jovi !

Ah ouais ? Et tu aimes Foreigner aussi ?

Ouais !

Alors c’est génial ! Tu as de bons goûts musicaux ! Mais d’autres gens diraient : « C’est quoi ce bordel ? Tu écoutes Bon Jovi et Foreigner ? » Tu ne peux pas dire ça. Mais ce ne sont pas des influences directes. Ce n’est pas : « On écoute ça, alors copions ça. » Tu composes quelque chose, et c’est lorsque c’est fait que tu dis : « Oh mon dieu, ça sonne un peu comme si c’était ce groupe ! » La bonne musique reste de la bonne musique. Ça n’a pas d’importance. Tu peux aussi bien écouter un riff de Darkthrone et te dire : « Oh, ça sonne comme un groupe indé. » Ou tu peux avoir un groupe indé et trouver que ça sonne comme un riff de Darkthrone. Peu importe. Tout ça c’est la putain de même chose simplement habillé différemment. Putain, j’adore Bon Jovi, j’adore les Beatles, j’adore Anal Cunt, j’adore Mozart… Ça n’a pas d’importance pour moi. Si c’est bon, c’est bon.

Tout particulièrement dans votre nouvel album on peut discerner des similarités dans le son et l’approche avec un autre groupe islandais : Sigur Rós…

Quel groupe ? « S… » quoi ? Je suis désolé, je ne connais pas ce groupe. [Rires] Evidemment que je les connais. Sigur Rós est un groupe génial. Je dirais que Sigur Rós c’est une sorte d’être divin. Je les mettrais côte à côte avec Pink Floyd. Je trouve qu’ils sont magiques et, bien sûr, ils nous ont influencés, à l’instar de tout groupe que je considère comme magique. Je trouve que Fields Of The Nephilim est un groupe magique. Je trouve que Neil Young est un musicien magique. Sigur Rós est aussi l’un d’eux. Et ils viennent d’ici. Ils ont grandi dans le même environnement, avec la même musique que nous. Donc ouais, ils ont été aussi une influence.

Que représentent-ils pour la scène musicale islandaise ?

Je ne sais pas. Je crois que ce sont juste des gars dans un groupe de rock qui font leur propre truc, mais les gens aiment pointer les elfes, la mythologie et la nature. Ils représentent la musique venue du cœur et rien d’autre, en gros. Ce sont juste des mecs qui jouent de la musique, tout comme nous, mais tout le monde ressent le besoin de leur apposer une marque divine. Je crois qu’ils sont en connexion avec une puissance supérieure, je le pense vraiment.

Vous avez à nouveau collaboré avec le producteur Birgir Jón Birgisson. Est-ce en fait son travail avec Sigur Rós qui vous a motivé à faire appel à lui au départ?

Oui et non. Notre première option pour cet album était de travailler avec Ken Thomas, un producteur anglais. Il a travaillé avec pas mal de groupes, y compris Sigur Rós. Mais nous n’avons pas pu l’avoir, donc Birgir était notre seconde option. C’est un chouette type. Nous avons eu l’occasion de le connaître lorsque nous travaillions avec un autre producteur sur l’album Svartir Sandar, car Birgir est le propriétaire du studio où nous avons enregistré. Il connaît tout du studio, c’est un mec très cool et nous nous entendons bien. Il est facile de travailler avec lui. Nous avons beaucoup travaillé ensemble sur les cordes, par exemple. Birgir et moi avons travaillé sur la pré-production des arrangements de cordes. C’était juste lui et moi, à préparer les cordes avec des programmes midi. C’est juste un super gars. C’est aussi simple que ça. Je veux dire que nous avons fait Svartir Sandar dans ce studio avec un autre producteur mais nous voulions simplement en essayer un autre. Les gens nous posent toujours des questions sur cette connexion avec Sigur Rós, mais, tu sais, c’est un bon studio et c’est un petit pays. Tout le monde connaît tout le monde ici. C’est donc un bon environnement, mec. Il n’y a pas d’histoire sensationnelle là derrière. C’est un bon studio et Birgir est un gars très sympa et intelligent.

Le studio est en pleine nature. Est-ce important ce type d’environnement ?

Ouais, c’est vraiment cool. Il faut y aller, à quinze minutes de Reykjavik; c’est paisible et silencieux. Il n’y a aucune distraction. C’est un peu comme aller à la campagne mais en étant à seulement quinze minutes de ma maison. C’est vraiment super : il y a une rivière qui coule à travers le studio et il y a un paquet de matériel vraiment top. C’est un très bon environnement et tu ressens une vraie tranquillité.

L’album est un concept autour d’un ancien système de mesure du temps islandais. Est-ce que ce concept était le point de départ de l’album ou bien aviez-vous déjà de la musique ?

Nous avions la musique avant. Nous l’avons écrite en premier. Cette idée nous est en quelque sorte venue à mi-chemin pendant la composition de l’album ou peut-être était-ce à mi-chemin de l’enregistrement. Bon, le concept nous et venu entre la composition et l’enregistrement. C’est un peu un album fait sur-mesure parce que le jour est décomposé en huit parties et nous avons huit chansons sur l’album. Les paroles en elles-mêmes ne sont pas directement connectées au titre mais chaque parole raconte sa propre histoire et elle, tu peux la connecter au titre. Il y a donc différents moments de la journée, comme, par exemple, « Óttà » correspond à trois heures dans la nuit jusqu’à six heures du matin, tu peux donc t’imaginer que cette chanson se déroule dans cette période de temps. Donc ouais, c’est un concept très sympa. C’est un peu dommage que ce soit en islandais. Je suis certain qu’il y a eu quelque chose comme ça en anglais à une époque, je ne sais pas, car c’était avant que tout le monde porte des montres autour de son poignet ou n’ait d’iPhones, ou peu importe. C’est un vieux concept. Nous aimons avoir des choses intemporelles. Nous avons essayé de rendre cet album aussi intemporel que possible. Il se peut qu’il y ait un peu trop d’années 70 dedans, mais dans quinze ans tu n’entendras personne dire : « Ceci a été fait en 2014. »

« Putain, j’adore Bon Jovi, j’adore les Beatles, j’adore Anal Cunt, j’adore Mozart… Ça n’a pas d’importance pour moi. Si c’est bon, c’est bon. »

Comme tu l’as dit, dans ce système, les 24 heures du jour sont divisées en huit parties de trois heures chacune. Avez-vous essayé de composer par exemple « Óttà » à trois heures du matin, « Rismal » à six heures, etc. ?

Non, nous avons juste eu à les ajuster pour choisir laquelle conviendrait pour quoi. Nous avions neuf chansons, il a donc fallu que nous en retirions une. Mais nous avons juste décidé ce qui collerait le mieux à chaque titre. Nous avons connecté les chansons au concept, nous ne les avons pas écrites avec ça en tête. Le fait de composer des chansons pour les calquer sur un concept préconçu est une toute autre chose. Nous ne sommes ce genre de groupe, je pense. Nous ne faisons qu’écrire des chansons de rock n’ roll, avec éventuellement pas mal d’effets de reverb. Ce serait donc différent.

Au cours d’une interview, Gummi avait dit que votre album précédent avait cette teinte douce parce qu’il avait été écrit avant midi, que vous ne vous sentiez pas « de jouer des parties rapides à cette heure-ci. » Est-ce que l’heure du jour et les facteurs environnementaux jouent toujours un rôle important dans la manière dont votre musique sonne ?

Les deux derniers albums ont été écrits tôt le matin, donc peut-être que c’est ça. Je ne sais pas. Seul Gummi se pose ces questions. Je dis simplement que nous avons écrit des chansons rapides, nous utilisons encore aujourd’hui de la double pédale. Tu ne sais pas vraiment ce qui t’affecte. Les idées que tu auras dépendent de ton environnement familial ou comment tu te sentiras le matin ou si tu as mal dormi. Tu peux essayer de dire : « Ok, je vais écouter uniquement ce groupe et je trouverai l’idée demain. Je vais prendre une bonne nuit de sommeil et l’idée me viendra demain. » Donc lancer la création le matin, je suppose, est un peu différent de le faire le soir. Donc ouais, nous nous retrouvions à 10H pour commencer à écrire, et peut-être que c’est la bonne manière de faire. Mais, encore une fois, nous ne planifions pas les choses de ce genre. Nous n’y pensons pas, nous le faisons, c’est tout.

Dans la biographie promotionnelle accompagnant l’album, il est dit que « cette forme de mesure du temps est plus ouverte que l’incessant tic-tac des temps modernes qui, en conséquence, fait de l’humanité la putain des mécanismes corporatistes. » Est-ce que vous sous-entendez que nous ne prenons plus assez de temps pour nous-mêmes à cause du rythme de la société ?

Bien sûr, c’est une époque différente de celle où ceci était utilisé. Je veux dire que tout a changé. Tu peux toujours creuser plus loin et réfléchir à ça, mais je ne… Je n’ai aucune idée là-dessus en gros. Évidemment que c’est comme ça, avec l’invention d’internet, beaucoup de choses ont changé. Le monde tourne plus vite. Ils ont même arrêté de faire voler le Concorde au-dessus de l’Atlantique. Parce que, tu sais, chaque seconde compte et les gens vivent à toute allure ; les gens vivent sur Facebook. Eh bien, il n’y avait pas Facebook lorsque ceci était utilisé, c’est certain. Ouais, les temps ont changé, tu sais.

Est-ce qu’écouter cet album pourrait être un moyen pour les gens de se libérer de ça ? Est-ce que le but de cet album pourrait être de s’y perdre et d’oublier le reste ?

Non, je veux dire qu’on ne véhicule pas ce genre de message. Je ne vais pas dire : « Cet album a été écrit pour que vous puissiez vous oublier et oublier le temps qui passe. » Je ne dirais pas ça. J’aime la bonne musique et si la bonne musique me pousse à la fermer et réfléchir ou à me sentir bien ou me donner la chair de poule, alors c’est la meilleure des choses. Donc si cet album donne à quiconque la chair de poule et leur colle un sourire sur le visage ou leur fait couler une larme, alors je trouve que ce serait le meilleur compliment au monde. C’est la seule chose que je puisse dire pour expliquer pourquoi nous sortons notre musique. Nous aimons composer de la musique que nous aimons nous-même écouter. Et puis, encore une fois, c’est en islandais, alors en gros, seules trois cents personnes peuvent comprendre de quoi ça parle !

Pourquoi avoir continué à chanter en islandais ?

Eh bien, nous avons commencé à chanter en islandais au tout début. Donc nous l’avons fait pendant quelques années, et ensuite nous avons commencé à chanter en anglais vers 2002. Masterpiece Of Bitterness est tout en anglais. Ensuite nous avons fait l’album Köld en Suède et tout l’album est en anglais, à l’exception d’une chanson. J’avais enregistré le chant pour la chanson éponyme – elle s’appelait « The Curse Of The Cold Greek » – Et lorsque j’avais fini, j’ai demandé au producteur Frederik : « J’aimerais essayer de chanter cette partie que j’ai écrit en islandais. » J’ai donc essayé de chanter en islandais cette partie très calme avec une voix pleine d’émotion et je me suis senti très mal à l’aise à faire ça. Je ne voulais donc pas qu’on l’utilise mais les gars et Frederik ont dit : « Ça sonne super ! Il faut que nous utilisions ça. » J’étais très gêné parce que c’était une ligne de chant claire très vulnérable qui me venait du cœur ; c’est vraiment comme si je m’étais exposé. Si tu n’as pas beaucoup confiance en toi en tant que chanteur, chanter des choses vulnérables devient assez délicat et difficile. « Köld » était donc la première chanson en islandais que nous ayons fait depuis des années et ça sonnait, encore, très naturel. Köld représentait l’ouverture pour aller à nouveau vers le chant islandais. Et plus je chante de manière vulnérable, plus je me sens à l’aise de le faire en islandais, car il n’y aucun filtre. Nous pouvons écrire de meilleures paroles en islandais par rapport à l’anglais. Nous ne sommes pas My Dying Bride ; ce n’est pas notre langue maternelle. Ça nous semble plus confortable lorsque nous écrivons des paroles avec notre cœur. Mais c’est moins rock n’ roll ; l’islandais n’est pas une langue rock n’ roll. L’anglais l’est sans l’ombre d’un doute. Peut-être reviendrons-nous à l’anglais à un moment donné, je ne sais pas. Nous ne réfléchissons pas à ça.

Vous avez utilisé aussi bien du vieux matériel que du neuf en studio. Avez-vous fait ça pour essayer de sonner intemporel ?

La plupart était assez vieux, en fait. La guitare a été enregistrée avec un Marshall datant des années 70 poussé à fond. Nous avons utilisé des guitares des années 70, elles étaient très vieilles. Nous avons utilisé un très vieil ampli de basse vintage. Nous avons utilisé pour la première fois le kit de batterie de Gummi. Il a ce kit de batterie DW que nous n’avons jamais utilisé auparavant et nous l’avons utilisé pour cet album. Nous avons utilisé tout ce que nous pouvions trouver, comme un vieil amplificateur Fender que nous avons emprunté. Nous ne sommes pas vraiment des geeks pour ce qui est du matos. Nous utilisons juste ce que nous pouvons utiliser et en faisons ressortir le meilleur.

« Je pense que les idées les plus stupides sont souvent les meilleures. »

Et d’ailleurs vous avez utilisé un banjo sur une chanson et, comme tu l’as mentionné, vous aviez un saxophone sur votre album précédent. Est-ce aussi parce que vous essayez d’utiliser tous les instruments que vous trouvez ?

Ça c’était juste un accident. Gringo, notre guitariste Sæþór, a un jour trouvé cette accroche à la guitare et il a dit : « Hey, ça sonne un peu country / western. » Sans même en parler nous savions qu’au moment où nous enregistrerions l’album, il fallait que nous jouions ça au banjo. Nous n’avons donc pas entendu ce que ça donnait avant de l’avoir enregistré mais nous savions que ça serait joué au banjo. Nous le savions, tout simplement, sans avoir à en discuter. C’est ça la beauté d’être dans un groupe. Il y a des choses dont il n’est même pas nécessaire de parler, tu le sais, c’est tout. C’est pareil pour le saxophoniste, nous avons juste dit : « Que diriez-vous de mettre du saxophone ? » Et tout le monde était d’accord. Je me serais attendu à ce que les membres du groupe se disputent sur le fait d’avoir un banjo et un saxophoniste mais non, tout le monde était immédiatement d’accord. Certaines choses se font naturellement et facilement, tu n’as même pas à en parler, c’est comme boire de l’eau.

Penses-tu que les meilleures idées arrivent par accident ?

Je pense que les idées les plus stupides sont souvent les meilleures. Comme lorsque tu dis : « Est-ce que tu as perdu la tête ? Non, on ne peut pas faire ça ! » Ca ce sont les meilleures idées ! Je veux dire que lorsque nous composions « Fjara », nous étions là : « On ne peut pas avoir une chanson comme ça ! C’est ridicule, scandaleux ! » Tu sais, c’est une chanson pop avec un piano Rhodes. C’est une super chanson ! Gringo en a eu l’idée, avec ce bulletin météo par-dessus la chanson. Pourquoi quelqu’un voudrait faire ça ? C’est une super idée ! Donc, plus l’idée est absurde, le mieux c’est. Nous adorons avoir des idées absurdes, tu sais, comme le fait d’avoir un banjo. Nous appelions cette chanson la chanson country façon Autopsy parce qu’il y a un riff de banjo et un riff à la Autopsy, un genre de riff death metal. Donc mélanger un riff à la Autopsy et un riff de country, c’est ce que l’on aime : une idée ridicule.

L’illustration de l’album est une photographie. Comment représente-t-elle le concept de l’album ?

C’est un peu drôle. Nous avions craqué pour cette photographie en 2007. Nous voulions l’utiliser pour l’album Köld mais nous n’avons pas eu le cran de parler au mec parce qu’on pensait qu’il demanderait de l’argent ou qu’il refuserait. Mais nous avons eu l’occasion de connaître un peu ce photographe. C’est très islandais. C’est l’Islande à travers les siècles : un fermier sur la plage, une météo qui s’emballe, le sable noir, l’isolation – j’estime que [ce pays est bien représenté par] l’isolation et le mauvais temps. C’est noir et blanc, avec une touche de pauvreté. Je trouve donc que ça colle parfaitement. C’est un peu intemporel. La photo aurait pu être prise il y a trois cents ans ou la semaine dernière, alors qu’elle a en fait été prise en 1995. Ça aurait pu probablement être photographié pendant l’été, en pleine nuit ou en pleine journée, car à cette période il fait jour pendant 24 heures. Tu pourrais donc prendre n’importe quelle heure de la journée et en faire le concept de l’album. C’est très islandais. C’est une illustration parfaite. Nous en sommes très contents. Tu ne l’aimes pas ?

Si ! C’est une magnifique photographie. Tu as dit qu’elle avait été prise en 1995, donc j’imagine que le vieil homme que l’on voit est sans doute mort depuis…

Ouais, il est décédé.

Le connaissais-tu ?

Non Ragnar Axelsson, aussi connu sous le pseudonyme RAX, le photographe qui a pris cette photo, le connaissait. Il se promenait simplement dans ces terres. Mais nous ne l’avons jamais rencontré.

Mais qui était-il ?

C’était juste un fermier qui vivait ici. Il recherchait cet animal… Je ne connais pas le nom en anglais, ce n’est pas un renard, c’est quelque chose qui ressemble à un gros rat mélangé à un chat et qui tue les moutons. Cet animal lui avait tué des moutons, alors il recherchait ce salopard. [Il recherche le nom de l’animal sur internet et m’envoie une photo d’un vison]. Il recherchait ça et Ragnar, le photographe, marchait avec lui.

A quel point l’Islande, avec sa nature et ses paysages bien particuliers, est une source d’inspiration pour toi et le groupe, et comment est-ce que cela t’affecte toi, personnellement ?

Je crois que c’est plutôt inconscient parce que nous avons grandi ici et c’est très naturel pour nous. C’est très naturel pour moi de pouvoir conduire vingt minutes et me retrouver dans des étendues sauvages, avec toute la lave et l’isolation. J’ai grandi dans les fjords de l’ouest ; c’est dans la campagne. Je pense donc que ça influence ton éducation et qui tu deviens en tant que personne. Si nous avions tous été élevés à Detroit, aux Etats-Unis, ou bien à Sheffield, en Angleterre, ou à Birmingham, ça aurait sonné différemment. Les groupes issus de Detroit sonnent comme Detroit, comme les MC5. Ou Black Sabbath était originaire de Birmingham et ça sonnait comme Black Sabbath à cause des usines et tout. Nous sonnons comme nous sonnons et Sigur Rós sonne comme il sonne parce que nous sommes islandais, on ne peut pas le nier. Nous sonnons donc très islandais, tout comme Sigur Rós ou Björk sonnent très islandais. C’est une question de culture dans laquelle tu grandis, et lorsque tu ouvres les vannes spirituelles, ceci s’exprime dans ton art. Je ne pourrais pas m’exprimer autrement, et je suis certain que c’est la même chose pour Björk. Our les MC5, ils s’exprimaient à la fin des années 60 en tant que groupe de Detroit et ils ne sonnaient pas islandais, ils sonnaient comme leur ville natale, Detroit. Il n’y a pas d’entourloupe, il n’y a pas de jeu. Nous ne jouons pas un rôle avec ça. C’est juste ainsi. C’est quelque chose que je ne peux pas le cacher.

Etant donné sa situation géographique, l’Islande semble un peu isolée du reste du monde. Dirais-tu que c’est la raison pour laquelle les artistes qui en sont originaires sonnent de manière assez originale et comme rien d’autre ?

Oui, c’est le cas et ce n’est rien d’autre parce qu’on a beaucoup subi l’isolation ici et rien ne s’y est passé jusqu’à la guerre. Rien, parce que personne n’avait d’argent et l’isolation était totale. C’était épouvantable. Personne n’avait d’argent et nous vivions dans des maisons en terre. Evidemment, tu pourrais dire que nous sommes un pays ou une nation vieille de soixante ans. C’est très étrange de se dire ça. Et les gens se sont en quelque sorte influencés les uns les autres au lieu de prendre des influences extérieures. C’est donc un genre d’inspiration consanguine. C’est clair que l’isolation a joué un grand rôle là-dedans.

« J’écris de la musique comme Sólstafir parce que c’est mon groupe préféré. »

Etant une île et un petit pays isolé, comment est la scène metal en Islande et comment a-t-elle évoluée ?

Elle est très forte aujourd’hui ; nous avons beaucoup de groupes désormais. Le niveau est monté, les gens sont plus pros. J’aimerais dire que nous avons quelque chose à voir avec ça. Les gens investissent plus dans la création des albums, ils vont à l’étranger et font mieux les choses. Beaucoup de groupes ont jetés l’éponge ici à cause de l’isolation. Certains ont tout arrêté et n’ont jamais fait d’albums où donné de suite à leur premier album. Mais ça marche bien maintenant.

Qu’est-ce qui vous a poussé à continuer, dans la mesure où, comme tu viens de le dire, beaucoup de groupes ont jeté l’éponge à cause de l’isolation ?

Nous avons fondé le groupe et enregistré notre démo en 1995, et nous en étions très fiers. En 1998, nous avons été en studio pour enregistrer un album, et c’était super. Je me souviens encore d’aller à la poste, recevoir l’album et le tenir dans mes mains. C’était comme avoir un bébé. Et nous faisons encore ça : nous écrivons des chansons que nous aimons. Mon groupe préféré au monde c’est Sólstafir, parce que si ça avait été un autre groupe, je n’écrirais pas ce type de musique. Tu comprends ce que je veux dire ? Si Radiohead était mon groupe préféré, j’écrirais de la musique comme Radiohead mais ce n’est pas le cas. J’écris de la musique comme Sólstafir parce que c’est mon groupe préféré. J’aime écrire de la bonne musique. Nous aimons écrire la musique que nous aimons écouter. C’est ce qui nous motive : faire la meilleure des musiques. Je suis en train de regarder mes 1500 albums vinyles, là juste à côté de moi. Et j’achète toujours de nouveaux albums vinyles. Donc ma source d’inspiration est éternelle. J’aime créer la musique de Sólstafir à partir de millions de sources d’inspirations que je rencontre. C’est ce qui nous permet de continuer, je suppose.

J’ai lu une interview où Gummi dit qu’il n’a en fait jamais aimé le heavy metal et qu’il trouve le thrash metal ennuyeux. Il compare même ça au reggae, en disant que lorsque tu as entendu une chanson, tu as tout entendu… Est-ce que tu partages son opinion ?

Non, et en général je ne partage rien de ce que raconte Gummi en interview… Je n’ai jamais abandonné une musique que j’ai aimée. Je veux dire que je comprends ce qu’il dit. Je suis un fan complet de Judas Priest et, en ce sens, de heavy metal. J’écoute toujours AC/DC ou Motörhead chaque semaine, j’adore ces conneries. Je vis pour ça. AC/DC et Motörhead sont probablement mon oxygène. Je ne peux pas vivre sans ça. A une époque, j’achetais beaucoup d’albums classiques des années 70. Il y a pas mal de thrash metal aujourd’hui que je n’écoute pas vraiment, car ce n’est pas assez rock n’ roll pour moi ; j’aime le rock n’ roll. J’achète toujours les nouveaux albums d’Autopsy. J’achète toujours des albums de death metal. Pour ce qui est du black metal, j’achète toujours les nouveaux albums de Darkthrone, même si ce n’est plus du black metal. Chaque genre musical que j’ai écouté, je l’écoute encore aujourd’hui. Je n’ai rien abandonné, mais je n’écoute pas tous les jours à la maison Exhorder ou Kreator, c’est certain. Mais, tu sais, j’ai été voir Kreator l’autre jour et ils étaient super. Je les aient vus en Norvège et ils ont cassé la baraque. J’aime le heavy metal. Judas Priest est mon groupe préféré de tous les temps et je les écoute au moins une fois par semaine. Donc, ouais, je suis complètement un fana de heavy metal. Mais, tu sais, j’aime aussi la musique pop. J’aime autant Judas Priest et ABBA.

Et qu’as-tu pensé de leur dernier album, Redeemer Of Soul ?

Je ne l’ai pas encore écouté. J’ai trop peur. Je n’ai pas aimé Nostradamus. Certaines personnes disent que c’est pourri, d’autres disent que c’est génial… J’ai juste peur de l’écouter. Je pense que je vais me le procurer en vinyle sur la tournée et l’écouter plus tard quand je serais de retour chez moi. Mais je les ai vus deux fois il y a deux ans, ils étaient putains de géniaux. Il a toujours cette voix incroyable, même s’il ne chante plus « Painkiller » comme il le faisait lorsque la chanson était sortie. Je veux dire que le mec a 63 ou 64 ans, donc je ne lui en tiens pas rigueur. C’est vraiment un super frontman, l’un des tout meilleurs. J’estime que Rob Halford est le meilleur chanteur de heavy metal de tous les temps. Tu peux oublier Dio et Bruce Dickinson, il est le meilleur chanteur de heavy metal de tous les temps.

Toi et Gummi semblez avoir des goûts musicaux très différents. Est-ce que c’est aussi cette différence qui donne son originalité à Sólstafir ?

Bien sûr, je pense que les gens apportent des idées différentes. Il y a de nombreux groupes qu’il aime que je trouve juste complètement chiants. J’aime mes propres trucs. Bon Dieu, les gens ont des goûts et des idées différentes. Si nous tous écoutions toute la journée les Guns N’ Roses, ça ne serait pas très malin. Nous apportons des idées différentes sur la table, c’est certain.

Interview réalisée par téléphone le 28 août 2014 par Spaceman.
Retranscription : Thibaut Saumade.
Traduction et introduction : Spaceman.
Fiche de questions : Spaceman & Metal’O Phil.
Photos : Bowen Staines (1 & 7), Bjorn Arnason (2, 3 & 6) & Stebba Osk (5).

Site internet officiel de Sólstafir : www.solstafir.net.



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  • Interview intéressante même si j’ai l’impression que l’interviewer passe complètement à coté de la progression musical du groupe: Même si Solstafir c’est adouci dans la forme de sa musique, il n’a pas complètement changé, il a évolué. Solstafir n’est pas un groupe de ROCK c’est un groupe de METAL qui joue toujours de la musique METAL. C’est grâce à des groupes comme ça que ce style qui nous est cher évolue encore. Solstafir est définitivement bien plus Metal que des groupes de zozos maquillés qui crient à la gloire de Satan de leur premier à leur dernier album. Le Metal n’est pas qu’une histoire de forme et cela, c’est dommage de ne l’avoir pas compris….

  • Très bonne interview, merci Spaceman !
    J’aime beaucoup l’approche musicale et l’esprit du chanteur sur son propre groupe et sur la musique en général.

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