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Interview   

Soulfly : Max Cavalera réveille l’animal


A bientôt quarante ans de carrière, Max Cavalera ne décroche pas. Il continue de sortir des albums à une cadence quasi métronomique, alternant entre ses nombreux projets, le dernier en date étant Go Ahead And Die, fondé avec son fils Igor et qui a sorti son premier album il y a un an. Cette année, c’est à ses fondamentaux que Max revient, avec Soulfly et l’album Totem. Un album réalisé sur deux ans à coup de jam avec son batteur de fils Zyon et avec l’aide précieuse du producteur Arthur Rizk qui a été jusqu’à prendre la guitare le temps de la session suite au départ de Marc Rizzo. Un album qui renoue également avec un thème cher au Brésilien : la nature en tant que force spirituelle.

C’est donc naturellement de ce douzième album et de ses différentes facettes – brutale, prog et même gothique – que nous parlons avec Max Cavalera ci-après, mais aussi de son rapport à la nature et de spiritualité voire de superstition. Nous finissons l’entretien sur un retour aux premiers pas dans le metal de deux frangins de Belo Horizonte, amoureux des riffs, qui en 1984 ont eu l’idée de créer un groupe du nom de Sepultura…

« J’ai l’impression que cette partie de moi, le jeune Max adolescent fan de metal, ne s’est jamais éteinte. Je la protège autant que possible. Je protège la pureté du cœur de Max en tant que fan, c’est très important pour moi. »

Radio Metal : Avant de parler du nouvel album Totem, il a été confirmé l’an dernier que Marc Rizzo avait quitté Soulfly. Ça a un peu surpris les fans car il était à tes côtés à jouer les leads depuis Prophecy, donc il semblait vraiment faire partie du groupe ainsi que de Cavalera Conspiracy. Concrètement, que s’est-il passé avec lui ?

Max Cavalera (chant & guitare) : Nous nous sommes simplement éloignés au fil des années. Nous sommes devenus de plus en plus distants à chaque tournée ; sur certaines, nous ne nous parlions presque pas. Il y avait aussi des trucs personnels. Je pense que Soulfly est le genre de groupe qui a besoin de continuer à évoluer et à changer. Il n’est pas censé être formé tout le temps des mêmes personnes. C’est une combinaison de tout ça. Puis, pendant la pandémie, de mauvaises paroles ont été dites et j’ai dû prendre la décision de le faire partir. C’était suffisamment tôt pour pouvoir quand même me concentrer sur l’album et penser à ce que je pouvais faire pour que Totem soit un bon album, avec de bonnes personnes pour jouer les solos. J’aime le résultat, et j’ai pu faire deux choses avec Soulfly. J’ai pu jouer avec Dino [Cazares], ce qui était vraiment cool, c’est un vieil ami et je suis un grand fan de Fear Factory ; les fans ont adoré ! Et j’ai pu enregistrer Totem avec Arthur Rizk et John Powers d’Eternal Champion. C’est plus des solos à la Randy Rhoads et Jake E. Lee, de purs solos heavy metal sur des morceaux de Soulfly. Ça donnait le sentiment d’injecter du sang frais et neuf dans l’album, c’était nouveau et excitant. Evidemment, je n’aime pas les choses que Marc a dites dans la presse. Toutes ces accusations étaient très décevantes. Nous avons joué ensemble pendant de nombreuses années, nous avons vécu plein de super années… Mais ça fait partie de la vie, parfois les choses ne durent pas éternellement. C’était le moment de passer à autre chose et j’espérais juste qu’il accepterait ça, mais malheureusement, ça n’a pas été le cas et il a commencé à répandre des ragots. Mais c’est comme ça ! J’aime penser que Soulfly évolue et change constamment, et je suis très fier de Totem. Personnellement, je trouve que c’est un très bon album de Soufly que je peux soutenir à cent pour cent. Surtout maintenant, après le Covid-19, je pense qu’on avait besoin d’un album énervé et énergique, et Totem est parfait pour son époque.

Tu as qualifié Totem d’« aventure de deux ans avec [ton fils et batteur] Zyon ». Du coup, raconte-nous, à quoi a ressemblé cette aventure ?

L’une des meilleures choses à propos de l’album était qu’à cause de la pandémie de Covid-19, nous avions beaucoup de temps à notre disposition et nous en avons profité. Nous sommes allés en répétition, à la vieille école. Nous allions dans un garage trois fois par semaine pour vraiment confectionner les chansons de la meilleure façon possible. Nous avons beaucoup parlé de musique et nous en avons beaucoup écouté dans la voiture en allant en répétition. C’est ainsi qu’on noue des liens quand on fait un album avec un musicien. J’ai pu nouer des liens avec mon fils Zyon durant la création de Totem. Il m’a aussi beaucoup aidé avec l’album. Il avait de super idées pour les chansons, y compris des choses comme des changements de métrique et de tempo auxquels je ne pensais pas tellement. Il suggérait que j’essaye certains de ces trucs et nous avons fini par le faire. Cette aventure a été incroyable. Deux années à jammer avec lui ont vraiment porté ses fruits sur l’album, il sonne bien conçu. On sent que nous y avons bien réfléchi, ce ne sont pas juste des arrangements faits à la dernière minute. Nous avons réfléchi aux chansons et à la création des refrains, des couplets, des fins et des débuts. Il y a plein de détails dans la conception d’un album comme Totem.

On dirait qu’avec le temps, tu as trouvé un véritable partenaire créatif en ton fils Zyon…

Oui. Je ne sais pas combien de temps nous allons jouer ensemble. Comme je l’ai dit, Soulfly change toujours, donc ça pourrait aussi changer à l’avenir, mais pour l’instant, c’est super. Nous avons de bons liens, il y eu une vraie connexion qui a opéré sur cet album, plus que sur les autres. J’aime son énergie. C’est comme un animal sauvage à la batterie et j’aime ça. Son style de jeu de batterie est peu orthodoxe. Ce n’est pas très technique, mais c’est très puissant, très féroce ; c’est de la pure sauvagerie à la batterie et ça me plaît.

« Je crois en Dieu, mais c’est un Dieu différent de la plupart des gens. Mon Dieu ne juge pas, il n’est pas impitoyable. J’aime penser qu’on traite les gens comme on veut être traité. Tu fais de bonnes choses, de bonnes choses t’arrivent. Tu fais de mauvaises choses, de mauvaises choses t’arrivent. »

Arthur Rizk, qui a coproduit l’album Psychosis de Cavalera Conspiracy, a été donc reconduit pour Totem. Depuis Omen, tu as eu un producteur différent sur chaque album de Soulfly, alors que tu avais produit toi-même les cinq albums précédents. Qu’est-ce qu’un producteur t’apporte aujourd’hui ?

J’ai produit de nombreux albums de Soulfly, mais je pense tu finis par être dans un certain confort avec la production et c’est un peu risqué. On dit que la satisfaction est la mort du désir. Quand tu te sens à l’aise et satisfait, tu n’as plus faim, tu ne cherches plus de nouvelles choses. Je trouve que c’est très cool de travailler avec des producteurs. J’ai tout de suite adoré. J’ai toujours aimé les premiers mecs qui ont travaillé sur les albums de Sepultura, Scott Burns et Andy Wallace. J’ai cherché ce genre d’inspiration pour les autres albums de Soulfly. J’ai travaillé avec Terry Date, Matt Hyde et Josh Wilbur, et maintenant c’était vraiment cool de travailler avec Arthur parce que j’ai ce genre de relation avec lui. Nous aimons en grande partie les mêmes musiques metal. Nous aimons beaucoup de metal old school, de New Wave Of British Heavy Metal, des groupes comme Angel Witch et Satan. Nous aimons aussi plein de trucs durs et underground dans lesquels il est impliqué, comme Outer Heaven et Black Curse. Donc j’aime vraiment travailler avec Arthur. Il arrive à faire ressortir des choses chez moi que je ne peux pas faire ressortir moi-même. Il me pousse à être un meilleur musicien en studio, donc c’est la raison principale.

Comment fait-il ça ?

C’est un peu la partie magique. C’est une combinaison d’enthousiasme et de passion pour ce qu’on fait. Quand il entend un bon riff, il devient vraiment excité et je suis excité. Il était là : « Oui, c’est ça ! J’ai l’impression d’assister à la naissance du jeune Max Cavalera ! Ce riff me rappelait les débuts de Max, c’est super ! Enregistrons ça. » Bien sûr, c’est aussi un grand fan de mon travail et il voulait faire le meilleur album de Soulfly possible, donc nous essayions tous les deux de faire quelque chose de vraiment spécial et cool. Quand vous faites ça, vous créez des liens et formez une équipe. Avec Zyon, Arthur et Mike [Leon] en Floride, nous avons fait un bon travail d’équipe sur cet album. Ça paraissait vraiment spécial, même si ça a été créé différemment de tous les autres albums que j’ai faits. Il y a quelque chose de spécial dans cet album.

Arthur a aussi enregistré des rythmiques et des leads (et des gens proches de lui, comme Chris Ulsh et John Powers ont aussi apporté des solos). Dirais-tu qu’il était plus qu’un coproducteur sur cet album ?

C’est un super musicien, il joue de la basse, de la guitare et du clavier. Souvent, nous nous posions, jammions et jouions des riffs que nous nous échangions. J’ai créé à peu près tous les riffs, mais une bonne partie était motivée par l’enthousiasme d’Arthur et le fait qu’il en tombait amoureux. Nous avons créé certaines chansons entièrement au studio, comme « The Damage Done ». Tout ce que nous avions au début était un rythme de batterie rock de Zyon, nous avons construit toute la chanson en studio à partir de ça et c’était fantastique. C’était très expérimental. En temps normal, je ne fais pas ce genre de chose, mais c’était une toute nouvelle approche. Tu te sens libre quand tu as une chanson ouverte face à toi, sans savoir ce que tu vas en faire ou quelle direction elle va prendre, tu as une confiance aveugle. Avoir une confiance aveugle est très important quand on fait un album.

Tu as déclaré que tu aimais beaucoup ce qu’Arthur faisait dans l’underground. Même si tu es l’une des grandes figures du metal, au fond, te sens-tu toujours comme un artiste underground ?

Je me sens très proche de la scène underground. J’aime porter des t-shirts de groupes avec lesquels je suis en contact. Je ne fais pas partie de ces gars qui vieillissent et n’aiment que les vieux trucs, je ne suis pas comme ça. J’adore les vieux trucs, je respecte à mort tous les classiques, mais je pense qu’il y a plein de très bonnes choses qui sont faites aujourd’hui. J’aime prendre ces groupes en tournée, comme 200 Stab Wounds, Undeath, Ascended Dead et plein d’autres. Il y a plein de bons groupes aujourd’hui dans l’underground. J’ai l’impression que cette partie de moi, le jeune Max adolescent fan de metal, ne s’est jamais éteinte. Je la protège autant que possible. Je protège la pureté du cœur de Max en tant que fan, c’est très important pour moi.

« Quand tu fais de l’art et que tu es à l’aise avec celui-ci, ce n’est pas très bon. Il faut être inconfortable, il faut que ce soit douloureux. Je pense que la seule façon de faire de grandes choses, c’est quand tu te tortures [rires]. »

Le morceau instrumental « XII » est cette fois très inspiré de la musique gothique des années 80, comme The Cure et Sisters Of Mercy. C’est probablement une facette de tes affinités musicales dont les gens ont moins conscience. Peux-tu nous en dire plus là-dessus et comment tu t’es mis à la musique gothique ?

Quand je vivais au Brésil, je traînais avec plein d’amis gothiques et c’était de grands fans de The Cure et Sisters Of Mercy, donc j’ai beaucoup écouté ces groupes. D’ailleurs, il y a de vieilles photos de Sepultura où on me voit jouer avec un t-shirt de Sisters Of Mercy. Je pense qu’il y a de nombreuses similarités entre le metal et le gothique ; c’est sombre, c’est mystique, c’est mystérieux et c’est aussi des musiques faites avec le cœur et pleines d’âme. Si tu écoutes Type O Negative, il y a clairement des influences gothiques. Dans des groupes plus récents comme Unto Others, il y a une grande influence gothique metal que j’aime beaucoup, et même certaines musiques de Zeal And Ardor sont assez cool et ont cette influence. Mais j’aime beaucoup les originaux, j’écoute tout le temps les vieux Sisters Of Mercy et The Cure. Il y a plein de vieux albums de The Mission et New Model Army aussi qui sont extraordinaires. Surtout quand tu voyages, c’est de la super musique à écouter sur la route, c’est génial. Donc je suis sorti de ma zone de confort des riffs heavy, j’ai jammé sur une guitare acoustique et j’ai essayé de créer ma propre version d’une ballade instrumentale acoustique gothique. Je pense que ce pourrait devenir un genre de germe, je pourrais utiliser plus d’éléments de ce type à l’avenir, voire enregistrer avec certains gars de ces groupes. Ce serait cool d’expérimenter plus avec cette idée de mélange de metal et de gothique. Il faut juste faire attention à ne pas aller trop loin, mais je trouve qu’il y a clairement quelque chose de cool là-dedans.

La chanson de fin, « Spirit Animal », est un morceau épique de près de dix minutes. C’est la plus longue chanson que tu aies jamais faite et on y retrouve de tout : les riffs thrashy, heavy et doomy, le côté tribal et la fin atmosphérique/psychédélique. Comment en es-tu arrivé à ça ? Raconte-moi comment cette chanson est née…

Nous essayions de créer une mini-chanson épique pour clore l’album. Au départ, il était prévu que ce soit un instrumental à la « Inquisition Symphony » ou comme certains instrumentaux de Metallica, mais j’ai fini par me dire que ce serait peut-être plus cool de chanter et de faire une chanson vraiment épique avec du chant, des intros, des parties centrales, presque comme un mini-film. J’ai aussi regardé un documentaire avec un psychologue musical et il expliquait comment, en musique, pour mettre les gens en transe ou faire qu’ils soient obsédés par la musique, une chanson devait dépasser les six minutes. J’étais intrigué parce que nombre de mes chansons ne font pas six minutes, elles sont plus autour des deux ou trois minutes, et je me suis dit que je devais essayer de faire une chanson qui pouvait mettre les gens en transe. C’est donc ma propre expérience prog metal, façon Soulfly. J’adore ces trucs, j’écoute beaucoup de Neurosis, Sleep et Mastodon bien sûr. J’aime les longues chansons, elles sont difficiles à faire, car il faut avoir beaucoup de patience et s’assurer de faire ça comme il faut pour maintenir l’intérêt de l’auditeur jusqu’à la fin, mais je trouve que c’est aussi un défi. C’était une idée sympa pour finir l’album. Je cherchais une autre façon de clore l’album. Si tu écoutes Totem, je pense que la face A est une face vraiment sauvage avec peut-être cinq des morceaux les plus létaux de toute ma discographie, et la face B est un peu plus expérimentale, surtout « Soulfly XII » et « Spirit Animal ». J’aime cette manière de faire des albums avec la seconde face plus psychédélique que la première et la première qui est juste de la pure brutalité.

Ton beau-fils Ritchie d’Incite chante sur le morceau, mais qui chante la partie claire à la fin ?

C’est notre ami Coyote d’Eyesburn. Il était sur Prophecy et Dark Ages. J’ai toujours adoré le chant, le trombone et les atmosphères dub de Coyote. Nous avons essayé de créer une fin façon world musique pour l’album.

« Je porte fièrement mon âge. Je pense que mes cicatrices, mes cheveux blancs et ma barbe blanche sont la preuve d’une vie bien vécue. J’aime vieillir avec dignité, pas comme d’autres gens. »

La chanson « Scouring The Vile », qui parle de combattre le cancer, profite de la participation de John Tardy d’Obituary en invité. Tu as dit que c’était comme revenir à la vieille époque, vu que John et toi avez commencé à peu près au même moment, en 1984. Y avait-il déjà, aussi tôt que ça, une connexion entre vous au Brésil et la scène de Tampa ?

Un petit peu. Je me souviens de faire des échanges de cassettes avec Chuck [Schuldiner] de Death et d’ailleurs, je crois que la première fois que j’ai vu mon nom sur un album, c’était Scream Bloody Gore, ça disait : « Merci à Max et à Sepultura. » C’était un grand moment de voir notre nom sur un album international. Nous avons commencé à être fascinés par la scène death metal : Morbid Angel, Death, Xecutioner qui est plus tard devenu Obituary… Je me souviens que John Tardy a fait des chœurs sur Beneath The Remains et il traînait aussi avec nous pendant l’enregistrement d’Arise. Puis nous avons fait une tournée Sepultura / Obituary / Sadus et nous sommes devenus bons amis. Au fil des années, nous nous voyions lors de festivals et il y a toujours eu un respect mutuel. Nous sommes presque comme des survivants. Nous avons survécu au grunge et au hair metal [rires], donc j’ai l’impression que lui et moi sommes un peu des survivants du metal. C’était cool de faire une chanson ensemble, il ne fait pas beaucoup d’apparitions en tant qu’invité sur des albums, donc ça donnait l’impression d’être un peu spécial. Ils m’ont aussi demandé de faire l’introduction de leur livre sur Obituary, j’ai écrit des mots sympas pour eux. Je trouve que c’est une bonne relation, peut-être même que tourner ensemble l’an prochain serait sympa. Une tournée avec Soulfly et Obituary pourrait être vraiment cool !

Sur le plan thématique, Totem traite en grande partie de la nature en tant que force spirituelle. Quelle a été ta relation à la nature au fil des années ?

Je l’adore. J’ai un lien fort avec elle. Au Brésil, quand j’étais enfant, j’avais l’habitude d’aller à la plage tous les weekends, et en chemin, nous allions en voiture dans une grande montagne et une forêt. J’ai toujours été fasciné par la puissance de la forêt et des cascades. Parfois, tu vois un magnifique coucher de soleil, surtout ici en Arizona, tu as des couchers de soleil rouge, rose et violet extraordinaires, c’est incroyable. J’adore voyager, c’est pourquoi j’aime autant tourner. J’ai voyagé partout dans le monde et j’ai vu des lieux sensationnels, comme la Norvège, l’Islande, l’Australie et l’Afrique. Quand tu voyages, tu vois le monde comme beaucoup de gens n’ont pas l’occasion de le voir, tu vois les autoroutes, les forêts, les déserts et les océans… C’est d’une puissance extraordinaire. Je trouve le monde magnifique, le problème, ce sont les gens qui s’y trouvent [rires]. J’ai donc pensé à la nature et aux animaux totems. Tout ce qui est lié à la nature renvoie aussi la puissance du metal. C’est pourquoi cet album est très inspiré par la nature. Quand j’ai fait Roots, le fait d’aller dans la tribu [des Xavante] était une grande expérience pour moi. Les voir interagir avec la nature était incroyable. Je n’avais jamais vraiment fait d’album de Soulfly qui traitait de la nature comme ça. Il y a toujours eu des éléments liés à la nature, comme sur Prophecy où j’ai fait des choses dans la Monument Valley, mais je n’avais jamais fait tout un album comme ça. C’était vraiment cool et je pense que le point de départ a été la chanson « Superstition » parce qu’elle était inspirée par les monts de la Superstition en Arizona. Ce sont des montagnes mystérieuses où beaucoup de gens sont morts. Il y aurait de l’or aztèque enterré quelque part dans ces montagnes vraiment mystiques. Je pense que ça a lancé mon obsession avec cet album de Soulfly inspiré par la nature.

Vas-tu souvent dans la nature pour canaliser l’énergie des paysages dans ta musique, comme avec les monts de la Superstition ?

J’essaye. Je fais beaucoup de marches et de randonnées ici en Arizona. A dix minutes de chez moi, il y a une grande montagne où j’ai gravé un symbole, trois croix qu’on retrouve à l’arrière de l’album Soulfly 3, j’en ai pris une photo. C’est un peu mon coin pour les randonnées. J’ai de la musique dans mon casque et j’y vais seul pour me couper du monde et tout. Je pense qu’on a besoin de ça. Je pense que tous les êtres humains ont besoin de moments de silence, car autrement, il y a trop de pression dans la société et dans le monde, trop de négativité, surtout dans le monde actuel avec les réseaux sociaux. Je n’ai pas de réseaux sociaux, Dieu merci. Je ne veux pas savoir ce que les gens disent à mon sujet, je m’en fiche. Ils peuvent dire toutes les conneries qu’ils veulent, je ne les lis pas, donc je ne suis pas au courant de ce qu’ils disent. Mes marches dans le désert sont spéciales et sacrées pour moi. Je le fais aussi avec mes fils, je pars en randonnée avec Zyon et Igor et nous adorons ça. Ça crée un lien fort au sein de notre famille aussi. Je suis très content de vivre ici dans le désert, l’Arizona est un coin spécial. Tout le sud-ouest des Etats-Unis est très spécial.

« J’aurais dû mourir il y a des années, mais ça n’est pas arrivé. C’est un mystère pour moi pourquoi je suis encore là. »

Si on prend le nom de la chanson « Superstition » au sens littéral, as-tu des superstitions dans ta vie ?

Oui [rires]. En fait, j’ai eu des TOC pendant de nombreuses années. Je me souviens d’une tournée européenne où je devais aller à l’église tous les jours allumer un cierge, donc je rendais dingue tout le monde dans le bus. Parfois, nous nous retrouvions le dimanche soir en Allemagne à essayer de trouver une putain d’église pour que Max puisse aller allumer un putain de cierge [rires]. C’était incroyable ! J’ai eu d’autres superstitions, comme le fait de monter sur scène seulement avec le pied gauche. Mais je vais beaucoup mieux maintenant, j’ai moins de TOC que j’en ai eu. Je me suis guéri moi-même. J’ai simplement réalisé que c’était fou et que je n’avais pas besoin d’être esclave de ça, qu’il y a d’autres manières de vivre sa vie, et petit à petit, j’allais mieux.

Sur l’artwork, on voit tous ces esprits d’animaux et évidemment le totem : quel serait ton animal totem ?

Je ne sais pas. Concernant le signe astrologique, je suis Lion. L’illustration de l’album n’a pas été créée avec cette idée en tête, mais je pense que, d’une certaine manière, elle symbolise différentes époques de Max. Le bouc est peut-être mon époque black metal, l’animal au milieu qui ressemble un peu à un loup, c’est peut-être mon époque death/thrash, et le serpent c’est plus le côté tribal. Et bien sûr, l’aigle ou la chouette avec les ailes déployées au sommet, c’est Soulfly. Ce n’était pas l’idée avec laquelle ça a été créé, mais je peux le voir comme une inspiration. C’est cool d’avoir toutes les époques de ma vie sur une pochette d’album.

Dirais-tu que ton animal totem, ou au moins ton instinct animal, ressort quand tu joues du metal et montes sur scène ?

Oui. C’est pourquoi on m’appelait Max Possessed dans le temps, parce que je me sentais possédé sur scène. Tu deviens une autre personne, tu n’es pas le même gars hors scène et sur scène. Sur scène, tu deviens autre chose, tu es transporté dans une autre dimension. Je me sens comme un autre animal sur scène, c’est certain. Ça peut parfois être l’esprit d’animaux différents, mais il y a toujours une forme de possession ou de transe, c’est vraiment cool.

Totem inclut une fois de plus une dédicace envers Dieu dans le livret : quelle est ta conception de Dieu ?

Etant brésilien et ayant été élevé avec un background religieux mélangé – j’ai été élevé en catholique et ma mère croyait au candomblé, qui est une religion très spirituelle –, j’ai vu plein de choses différentes. Au fil des années, j’ai presque créé ma propre religion dans ma tête. Je crois en Dieu, mais c’est un Dieu différent de la plupart des gens. Mon Dieu ne juge pas, il n’est pas impitoyable. J’aime penser qu’on traite les gens comme on veut être traité. Tu fais de bonnes choses, de bonnes choses t’arrivent. Tu fais de mauvaises choses, de mauvaises choses t’arrivent. C’est ainsi que je vis ma vie, j’essaye de faire tout le temps ce qu’il faut, j’essaye de vivre comme il faut et d’inculquer ce mode de vie à mes fils, mes amis et même mes fans. Le metal, pour moi, est un mode de vie, ça en devient un. Tout autour de moi est lié au metal d’une façon ou d’une autre, toute ma journée est liée au metal. Ecouter du metal, faire des interviews ou créer de la musique, me préparer pour une tournée ou le fait de tourner, tout tourne autour de la musique. La musique est mon salut, c’est mon arme, j’adore. J’ai mon propre lien personnel à Dieu, qui est très privé et sacré. Ce n’est pas une religion forcée. Je ne veux pas forcer qui que ce soit à croire. Je me fiche de savoir en quoi vous croyez, je m’en fiche si vous êtes satanique – je porte des t-shirts de groupes sataniques parce que j’aime la musique, mais ça ne veut pas dire que je suis satanique. Je crois simplement à une force qui nous dépasse et nous guide dans la vie. Je me sens humble et je dédie mes albums à ce Dieu, qui est différent du Dieu des autres gens.

« Ma passion ce sont les riffs, j’aime faire des riffs plus que tout en musique, plus que les paroles et le chant. J’ai l’impression qu’on peut conquérir le monde avec des riffs. »

On retrouve dans l’album une chanson intitulée « Ancestors » et tu as déclaré que « de nombreuses tribus sud-américaines croient que l’âme de leurs ancêtres vole autour d’elles quand elles jouent de la musique ». Est-ce quelque chose en lequel tu crois voire que tu ressens quand tu joues de la musique ?

Je le crois et, d’ailleurs, je l’ai ressenti. J’ai senti la présence de [mon beau-fils] Dana dans ma maison, j’ai senti la présence de mon père après sa mort. Nous les Brésiliens croyons clairement au monde spirituel. Pour moi, c’est totalement réel. Ce ne sont pas vraiment des fantômes, mais des esprits. Je trouve que ce lien avec nos ancêtres est extraordinaire. Où ai-je acquis mes capacités musicales ? Mon expression artistique doit venir de mes ancêtres, c’est certain. Et j’aime leur rendre hommage dans certaines chansons, donc j’ai créé « Ancestors », mais « Ancestors » parle aussi de l’exploitation des tribus dans les années 1500 et de la religion forcée. Il y a une phrase vraiment cool et puissante dans ce morceau que j’aime beaucoup, ça dit : « Comme des prédicateurs qui vendent des âmes. » Pendant la colonisation au Brésil, les jésuites sont venus et ont dit aux Indiens qu’ils devaient croire en Jésus-Christ. J’ai essayé de faire une chanson à ce sujet mais aussi de lier ça à mes ancêtres, donc le résultat est un mélange des deux.

Tu as déclaré que « certains de [tes] albums préférés sont ceux où tout a changé, et [que tu as] dû trouver le moyen de faire en sorte que ça marche. Une grande partie de [tes] meilleurs albums sont issus d’épreuves, comme Chaos A.D. de Sepultura, le premier album de Soulfly et Prophecy. » Dirais-tu que Totem est comparable à ces albums, autant en termes d’épreuve que de résultat ?

Clairement. Toute l’histoire avec Rizzo a créé un drame et a généré de la pression quand nous avons fait Totem. Encore une fois, j’étais en studio avec pas mal de pression. Tu sais, c’est de l’art. Quand tu fais de l’art et que tu es à l’aise avec celui-ci, ce n’est pas très bon. Il faut être inconfortable, il faut que ce soit douloureux. Je pense que la seule façon de faire de grandes choses, c’est quand tu te tortures [rires]. Je ne sais pas pourquoi, mais mes meilleurs albums arrivent toujours comme ça et ça n’a pas été autrement pour Totem. C’était très difficile avec la pandémie, Rizzo et toutes ces conneries, mais je pense que le résultat est bon. Donc encore une fois, un autre album stressant à faire, mais on prend du plaisir quand on l’écoute.

Dans deux ans, ça fera quarante ans que tu as fondé Sepultura avec ton frère Igor à Belo Horizonte : peut-on s’attendre à quelque chose de spécial pour l’occasion ?

Nous nous faisons vieux ! J’espère. J’espère que je pourrai faire quelque chose avec Igor, comme un genre de tournée autour du premier ou des premiers albums. Ce serait super. Je suis fier, mec. Je porte fièrement mon âge. Je pense que mes cicatrices, mes cheveux blancs et ma barbe blanche sont la preuve d’une vie bien vécue. J’aime me dire ça. J’aime vieillir avec dignité, pas comme d’autres gens. Je pense que je vieillis comme il faut, mais je ne me sens pas vieux mentalement. Au fond, je me sens jeune. Tant que j’ai de l’énergie, j’ai envie de créer et de tourner, et j’espère pouvoir faire ça encore longtemps. Atteindre quarante ans de carrière, c’est extraordinaire, c’est vraiment incroyable. J’aurais dû mourir il y a des années, mais ça n’est pas arrivé. C’est un mystère pour moi pourquoi je suis encore là.

Te souviens-tu exactement comment tu as décidé de former un groupe ?

Oui. Nous sommes allés voir un concert dans la campagne de notre Etat, le Minas Gerais. Nous avons vu ce groupe qui s’appelle Dorsal Atlântica et ils étaient très bons, c’est un peu le Venom brésilien. Ils m’ont tellement impressionné que j’ai regardé Igor et j’ai dit : « On devrait former un groupe. Ces gars sont brésiliens et ils peuvent le faire, donc nous pouvons le faire aussi. » Je me souviens avoir traduit des titres de chansons et j’ai traduit « Dancing On Your Grace » de Motörhead en 1983 et ça comportait le mot « Sepultura ». Je l’ai écrit au dos de mon cahier d’école. Nous avions le nom avant de savoir jouer des instruments. Tu as le nom et tu racontes à tout le monde que tu as un groupe, mais tu ne joues jamais la moindre note ! Mais oui, c’était le début et c’était très excitant.

« Toutes les aventures de cette époque, je les faisais avec Igor, nous étions inséparables. Parfois, je devais aller voir ma petite amie et Igor devait venir avec moi. Ma mère insistait pour que nous soyons tout le temps ensemble. »

Vous avez donc décidé de vous mettre sur des instruments après ça ?

Oui. Enfin, Igor était déjà un bon batteur. Il jouait de la batterie depuis l’âge de sept ans et il a toujours été un super batteur. Je commençais à jouer de la guitare, donc je n’étais pas très bon. Nous avons joué avec plein de gens différents avant d’avoir Jairo [Guedz] dans le groupe, nous avons eu Roberto UFO et d’autres gars, mais petit à petit, j’ai appris à vraiment aimer faire des riffs. Tout d’un coup, un jour, il y a eu un déclic, c’était genre : « J’adore les riffs ! Je serai un faiseur de riffs. Je suis un riff lord. » Ma passion ce sont les riffs, j’aime faire des riffs plus que tout en musique, plus que les paroles et le chant. Quand je me pose avec ma guitare dans le salon et que je fais juste des riffs, je me sens vraiment bien. Je n’ai jamais perdu cette relation à la guitare. C’est moi et ma guitare et j’ai l’impression qu’on peut conquérir le monde avec des riffs.

Comment les frères Cavalera se sont-ils mis au metal au tout début ?

La première chose qui est arrivée était que nous avons vu Queen. Queen a fait un concert au Brésil et c’était génial. Je crois que nous sommes devenus des rockeurs après ce concert. Nous étions très jeunes, nous avions dans les douze ans et nous étions à fond dans le rock n’ roll. Nous avons découvert Deep Purple, Black Sabbath et AC/DC et j’en voulais plus. Puis nous avons découvert Motörhead, et voilà. Après Motörhead, la voie était ouverte. A partir de ce moment-là, ça allait devenir de plus en plus heavy. Puis nous avons découvert Slayer, Metallica et le black metal. Quand nous avons découvert Discharge et le black metal, nous avons trouvé le genre de musique que nous aimions.

Avez-vous découvert ça ensemble, Igor et toi ?

Oui, toutes les aventure de cette époque, je les faisais avec Igor, nous étions inséparables. Nous avons fait plein de trucs ensemble. Parfois, je devais aller voir ma petite amie et Igor devait venir avec moi. Ma mère insistait pour que nous soyons tout le temps ensemble. Nous aimons à peu près les mêmes choses, nous aimons la même musique, les mêmes habits, les mêmes coupes de cheveux… Nous sommes très similaires. Je pense que si nous avions été des frères complètement différents, nous ne jouerions même pas ensemble. Nous sommes très liés et nous nous intéressons aux mêmes choses, encore aujourd’hui, nous sommes les mêmes frères. Nous aimons montrer à l’autre des groupes et parler de musique, de t-shirts et de films, tout comme quand nous étions gamins.

Aimes-tu y compris le hip-hop et la musique électronique qu’il aime ?

J’en aime une partie. Je lui ai dit que certaines musiques sont un peu « too much » pour moi et que je ne saisis pas, mais certaines sont très bien faites et cool, donc je peux apprécier l’idée. Mais si je mettais tout ça dans ma musique, ça la gâcherait. Il faut parfois garder une séparation entre tes propres goûts et ce que tu joues. J’aime la country maintenant, j’écoute beaucoup de reggae et de country. Ma dernière obsession, c’est de trouver de vieux artistes comme Link Wray et Johnny Cash, Merle Haggard et ce genre de truc. Je trouve ça vraiment cool, mais je n’ai pas envie de jouer ce style, je veux juste l’écouter.

Interview réalisée par téléphone le 29 juin 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Jim Louvau.

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