« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En musique, la maxime est quelque peu lacunaire. On peut parfois se faire l’héritier fidèle d’un genre sans l’altérer, en y ajoutant tout juste assez d’entrain pour nous le remémorer. Souvent, l’attention ne perdure pas et l’on finit par ne plus se préoccuper réellement de ce qui est proposé, reléguant ces mêmes opus à de simples exercices de style. Puis arrive Soundcrawler, nouveau groupe de la Klonosphere et The Dead-end Host, leur second album qui clôt le concept amorcé par The Sandcrawler (2012) qui narrait la rencontre entre un protagoniste et une entité éponyme. Soundcrawler ne se fait pas seulement le témoin de la musique stoner-grunge des années 90. Il s’en approprie la part d’authenticité.
The Dead-end Host est un concentré d’agressivité subtile. Les guitares s’illustrent par un son qui rappelle indéniablement Kyuss via « Raiders » et des arrangements similaires à Era Vulgaris des Queens Of The Stone Age dans « Infinite Genocide ». Le chant de Rémy Pocquet semble taillé sur mesure et contribue à rendre crédible les différentes atmosphères proposées. L’ambiance tamisée de « Long Coma Slow » n’a rien à envier au planant Colour Haze ; « Burning Scales » et « The Plastic Truth » empruntent quant à elles quelques éléments qui rappelleront Klone, ce qui se justifie lorsque l’on sait que Guillaume Bernard, guitariste-compositeur de Klone, a aidé à la production et à certains arrangements de voix qui en particulier participent à créer cette parenté. L’alchimie entre le chant et les guitares de « Souls From The Trash » vient côtoyer le stoner des Suédois de Truckfighters, en se clôturant sur un riff, un vrai. Sans compter ces petites touches qui feront penser à la patte singulière d’un Tom Morello à la guitare, à la wah-wah (le grungy « A God To Feed ») ou dans des patterns mélodiques originaux (« Civil »).
La véritable prouesse de Soundcrawler est en réalité de proposer une musique qui n’a rien d’anecdotique. Non, The Dead-end Host n’est pas un énième album de stoner sans caractère, se contentant de réciter les canons du genre de façon stérile. Le groupe surprend même par la diversité de ce qui est proposé et semble ne jamais se perdre en chemin. Le très mélodique « Civil » est à ce titre révélateur : Soundcrawler maîtrise suffisamment d’arguments pour à la fois exercer un style et le suppléer sans cesse. Ainsi, The Dead-end Host est un discours qui ne s’essouffle jamais.
The Dead-end Host est racé, puissant et extrêmement intelligent. On peut essayer de classer la musique de Soundcrawler, entre stoner, metal, grunge et rendre apparentes les diverses influences aisément reconnaissables, mais ce serait passer à côté de l’essentiel et de la force première de Soundcrawler : les origines de sa musique ne sont pas une fin en soi, mais un point de départ.
Regarder le clip de « Raiders » et écouter « The Plastic Truth » :