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Interview   

Steven Wilson est descendu de son arbre et a pris goût à la liberté


Le moins que l’on puisse dire, c’est que Steven Wilson semble totalement s’épanouir dans sa carrière solo. Celle-ci lui a déjà permis de produire trois albums studios (dont un double), un album de remixes et deux lives. Ceci en seulement cinq ans et alors que Porcupine Tree, groupe dont il est le leader et pour lequel il était jusqu’alors surtout reconnu, n’a rien produit depuis The Incident en 2009, si ce n’est quelques albums live.

Sans doute retrouve-t-il dans son projet solo la liberté dont il jouissait dans Porcupine Tree au début de sa carrière, lorsqu’il était encore seul maître à bord et que le groupe ressemblait plus, justement, à un projet solo qu’un groupe. Car même s’il reste le leader de Porcupine Tree, Steven Wilson montre bien dans l’entretien qui suit les compromis qu’il doit réaliser au sein du groupe, à l’inverse de sa carrière solo. Des compromis qui semblent, avec un certain manque de vision, le bloquer aujourd’hui. Car, selon Steven Wilson, Porcupine Tree devra se réinventer pour avancer.

Voilà pourquoi, aujourd’hui, sa priorité est sa carrière solo, même s’il tient à préciser que Porcupine Tree n’a en aucun cas jeté l’éponge.

Tout ceci, Steven Wilson en parle ci-après.

Radio Metal : Es-tu satisfait des concerts que tu as faits pour l’album Grace For Drowning ? La dernière fois que nous avons discuté, tu avais hâte d’y être et tu voulais qu’ils soient vraiment uniques. Est-ce que ça a été le cas ?

Steven Wilson : Oui ! Ils ont été vraiment uniques en effet, en tout cas pour moi. J’espère que pour les gens qui sont venu nous voir ils l’ont été aussi. Pour moi, ça a été une expérience vraiment spéciale, ça a été la première fois où j’ai vraiment eu l’impression que je pouvais être un frontman, que je pouvais être le leader d’un groupe, et pas seulement un musicien qui se trouve jouer et chanter en même temps. Cette fois, j’ai vraiment pu me concentrer sur ma performance en termes d’interprétation des chansons. On a aussi mis au point une présentation visuelle spéciale, en accord avec le contenu des chansons. C’était très enthousiasmant d’être au milieu de tout ça. En fait, la raison pour laquelle cet album sort aussi rapidement après le précédent, c’est que je me suis senti très inspiré par le groupe que j’ai réuni pour ces concerts. Ça m’a vraiment donné une nouvelle direction et de l’inspiration pour une musique qui parviendrait d’une manière ou d’une autre à capturer l’alchimie que ce groupe avait lorsqu’il jouait en live.

Le premier morceau à être sorti, « Luminol », comporte des passages très impressionnants techniquement. Est-ce que tu as ressenti le besoin d’inclure ces passages très techniques ou très énergiques sur cet album en réaction au fait que le dernier album que tu aies sorti, avec Storm Corrosion, ait été au contraire très calme ?

Je ne les qualifierais pas de techniques. Ce titre commence de manière très énergique, oui. Je pense que cela n’a pas été tant en réaction au dernier album de Storm Corrosion qu’en réaction à mon dernier album solo. Grace For Drowing s’ouvre sur un morceau piano-voix très calme, très beau, et cette fois, je voulais que dès la première note, on ait de l’enthousiasme et de l’énergie. C’est une décision complètement délibérée : je voulais que l’album commence fort, avec du punch et de l’enthousiasme.

« Cet album représente un retour en arrière vers la musique qui a vraiment fait que je suis devenu musicien, à la base. »

Cet album est à la fois très varié et très synthétique. Est-ce qu’on peut considérer que tu l’as envisagé comme une synthèse de toute ta carrière, comme un album mature, sans passages superflus ?

Je considère de cette manière tous mes albums. Quand je commence à travailler sur un nouveau disque, je pense toujours que ça va être quelque chose de définitif, la synthèse définitive de ma carrière et de chaque partie de ma personnalité musicale. Je ne pense pas que ce soit une manière très inhabituelle d’envisager un nouvel album. Celui-ci est plus proche de mon ADN musical dans la mesure où, en quelque sorte, il est tourné vers le passé, vers l’âge d’or du hard rock et du rock progressif, vers le son rétro de cette époque. C’est la musique que j’ai écoutée en grandissant, non pas parce que c’est celle qui passait à l’époque mais parce qu’à un moment, j’ai découvert cette musique d’une époque qui précédait celle durant laquelle j’ai grandi. C’est devenu ma musique, quelque chose de vraiment important pour moi, c’est la base de ma personnalité musicale. D’une certaine manière, cet album représente un retour en arrière vers la musique qui a vraiment fait que je suis devenu musicien, à la base. Ensuite, c’est aussi une référence aux débuts de ma carrière plus qu’à ses développements les plus récents. Par exemple, les trois derniers albums que j’ai sortis avec Porcupine Tree avaient beaucoup d’influences metal. Cet album par contre n’en a pas du tout ; il n’a pas d’électro non plus alors que c’est quelque chose qui était présent sur mes derniers albums… Je pense que d’une certaine manière, c’est un album qui est plus rétro, qui essaie de revenir à ce son de l’âge d’or de la musique progressive.

Les six morceaux de l’album sont des histoires surnaturelles. Est-ce que tu peux nous parler de ce thème ? Pourquoi est-ce que tu as choisi d’y consacrer ton album ?

J’aime avoir un thème général pour chaque album que je fais. Je suis toujours à la recherche de sujets ou de thèmes sur lesquels je peux ensuite fonder toute la musique, parce que j’aime l’idée d’un album conçu comme un voyage musical complet et cohérent. Cette fois-ci, je lisais beaucoup de nouvelles, d’histoires de fantômes ou surnaturelles de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. En même temps, j’écrivais de la musique qui me semblait raconter d’elle-même quelque chose. Avant même d’avoir écrit les paroles, avant même d’avoir les idées pour les paroles, la musique en elle-même semblait raconter des histoires. Les deux idées ont commencé à se mélanger et je me suis dit qu’il serait vraiment chouette de faire de certaines chansons des recueils de nouvelles, d’histoires surnaturelles et de fantômes classiques, pas dans un style moderne mais plutôt le genre de livre que tu trouves dans un magasin de livres d’occasion, qui a été écrit il y a cent ans, avec, là aussi, un côté rétro. D’une certaine manière, on en revient à ce que je disais à propos de la musique. Il me semblait que la musique était tournée vers le passé, donc je voulais que cette dimension historique se retrouve aussi dans le sujet de l’album.

A propos de Porcupine Tree : « Je n’ai ni le besoin, ni la motivation, ni l’énergie de me consacrer à ce groupe à nouveau en ce moment. »

La dernière fois que nous avons discuté, tu m’as dit que tu ne pensais pas qu’il était possible d’être créatif dans un seul média seulement. Est-ce que tu as des idées pour des projets artistiques en dehors de la musique ? Est-ce que tu as déjà pensé à écrire des livres ou réaliser des films, par exemple ?

C’est un très bon exemple parce que, justement, le nouvel album est vendu avec un livre, et dans ce livre il y a des nouvelles qui ont été écrites avant les paroles des chansons. Certaines chansons ont commencé par être des histoires avant de devenir des paroles, puis des chansons. La version spéciale de l’album, c’est donc exactement ce dont tu parles puisque c’est un livre composé de nouvelles illustrées. Bien entendu, on y trouve aussi les paroles ainsi que de nombreuses illustrations, mais il y a tout de même ces histoires qui ont constitué la base de certaines chansons de l’album. D’une certaine manière, il me semble que ce dont tu parles, c’est exactement ce que j’ai fait avec cet album. En ce qui concerne les films, c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire, mais c’est un milieu où il est très difficile de rentrer. Il y a quelques années, j’ai fait une sorte de documentaire pour mon premier album solo, Insurgentes, où on peut me voir discuter avec des musiciens du monde entier de la culture du téléchargement et de la situation des musiciens au XXIe siècle. J’ai déjà approché les milieux de la littérature et du cinéma. Je vois toujours des liens entre différents médias et, en effet, j’aimerais vraiment faire plus de ces projets qui mêlent plusieurs médias à la fois.

La dernière fois que nous avons discuté, tu as déclaré à propos de Porcupine Tree que le groupe avait besoin de se réinventer d’une manière ou d’une autre. Est-ce que le nouveau visage de ce groupe commence déjà à prendre forme dans ta tête ou est-ce trop tôt pour en parler ?

Très franchement, non. Pour le moment, c’est sur mon projet solo que je travaille et c’est mon projet solo qui me tient le plus à cœur. Je pense que c’est important que vous sachiez qu’on n’a pas splitté ou quoi que ce soit de ce genre, mais à la fin du cycle du dernier album, j’ai eu l’impression de ne plus trop savoir quoi faire avec ce groupe. Je ne pouvais pas entendre dans ma tête la musique que le groupe allait être amené à jouer et, honnêtement, c’est toujours le cas. Je n’ai ni le besoin, ni la motivation, ni l’énergie de me consacrer à ce groupe à nouveau en ce moment. Ça ne veut pas dire qu’on ne se reformera pas pour refaire quelque chose un jour, mais pour le moment, il n’y a pas grand-chose à en dire. C’en est toujours au même point que la dernière fois que nous avons parlé.

Est-ce que tu penses que ton travail en solo aura un impact sur ce qu’on pourra attendre de Porcupine Tree à l’avenir ?

Je n’en sais rien du tout. Ce n’est pas vraiment comme ça que je vois les choses. Mon projet solo est quelque chose dont bien évidemment, je maitrise tous les tenants et aboutissants. La direction artistique de Porcupine Tree, par contre, n’est pas quelque chose que je contrôle complètement. Ce n’est pas le cas non plus pour No-Man, pour Blackfield, pour Storm Corrosion, parce que ce sont des collaborations avec d’autres musiciens, ce qui implique qu’il faut trouver des terrains d’entente pour savoir où on va aller. Porcupine Tree n’est pas une exception. Il faut qu’on soit tous d’accord sur la direction à donner à notre musique et ça peut être une chose formidable, parce que c’est ce qui donne au groupe une forte personnalité, comme ça peut être vraiment entravant. Je pense que c’est pour cette raison que, en ce moment, mon projet solo est le plus important pour moi : parce que ça m’intéresse d’explorer plusieurs aspects de ma personnalité musicale plutôt que de me limiter à seulement un ou deux au sein d’un groupe.

« Il faut qu’on soit tous d’accord sur la direction à donner à notre musique et ça peut être une chose formidable […] comme ça peut être vraiment entravant. […] Il y a pas mal de choses qu’on ne pourra pas faire avec [Porcupine Tree] parce qu’une ou plusieurs personnes n’auront pas envie de jouer certains styles de musique. »

Tu viens de dire que tu ne pouvais pas te représenter une nouvelle chanson de Porcupine Tree, que tu n’entends pas de chanson dans ta tête, mais est-ce que ce ne serait pas plus simple de donner rendez-vous aux autres membres du groupe, de jouer ensemble et de voir ce qu’il en ressort ?

Je sais très bien ce qu’il en ressortirait parce que je sais comment ça se passe chaque fois qu’on travaille ensemble. C’est conditionné par le style de musique qu’on a joué les dix dernières années. Je crois que le plus important pour moi, c’est d’entendre dans ma tête ce vers quoi le groupe devra tendre musicalement parlant, pas en termes de chansons spécifiques mais plutôt en termes de son, de style qui pourrait peut-être permettre au groupe de se réinventer. Je ne sais pas encore ce que ça pourrait être mais je sais que les autres membres du groupe auront toujours les mêmes goûts et les mêmes préférences musicales, et que donc il y a pas mal de choses qu’on ne pourra pas faire avec parce qu’une ou plusieurs personnes n’auront pas envie de jouer certains styles de musique. Voilà ce qui fait que je peux deviner à quoi ça ressemblerait.

Et est-ce que les autres membres du groupe n’en ont pas marre d’attendre ?

Je ne sais pas ! Ça ne m’intéresse pas vraiment. Bien entendu, ce sont mes amis, mais ils sont aussi très occupés, donc je ne sais pas. Je suis dans la même situation avec No-Man, avec Blackfield… Tous ces projets, ce sont des choses vers lesquelles je retourne quand je peux, et quand je sens qu’il y a moyen de faire quelque chose de vraiment bien. Est-ce qu’ils en ont marre d’attendre ? Peut-être, mais en même temps je ne les empêche pas de mener leurs propres projets de leur côté…

Crédit photos : Naki

Interview réalisée par téléphone le 1er février 2013.
Introduction de Spaceman.
Retranscription et traduction : Chloé.

Site internet officiel de Steven Wilson : stevenwilsonhq.com

Album The Raven That Refused To Sing (And Other Stories), sorti le 25 février 2013 via Kscope.



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  • Pour répondre à Styks, Steven Wilson dit lui-même que selon lui, être un artiste exige d’être un peu égocentrique (en ce qui concerne son domaine tout du moins) pour vraiment faire ce que l’on souhaite.

    En jonglant sur plein de projets entraînant de collaborer avec pas mal de musiciens, il est arrivé un moment où il a voulu retrouver une entière liberté surtout quand on s’ouvre à autant de styles musicaux que lui. Il a raison de faire comme bon lui semble quitte à paraître en effet un peu égocentrique, c’est sa recette pour ne pas épuiser son inspiration.

    Mais c’est certain qu’il reviendra avec Porcupine Tree, quand il aura fini de s’amuser en solo (un solo qui d’ailleurs se transforme en véritable groupe) 🙂

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  • Il est assez violent avec PT, c’est un peu inquiétant pour l’avenir, quand même… Ceci dit, il a raison : les autres membres sont tous assez pris, donc si tout le monde est occupé ailleurs, autant ne pas forcer la main à des retrouvailles, qui seraient artificielles.

    Advienne que pourra…

    [Reply]

  • Steven Wilson est vraiment à mes yeux le plus grand génie de l’univers pop/rock actuel et ce depuis déjà une bonne 10aine d’années !
    Mais bon sang, quel égocentrisme, et quelle prise au sérieux !

    Cela dit, c’est un peu l’adage des génies musicaux…un côté Dr Jeckyl & Mr Hyde…

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