Le dernier album de Steven Wilson est difficile à traverser. Non pas pour des raisons de piètre qualité, d’orientations musicales qui rebuteraient même les plus habitués où d’un manque d’inspiration, car soyons francs, personne n’envisagerait que l’artiste n’accuse ne serait ce qu’un instant un frein dans sa progression. Si l’écoute de Hand. Cannot. Erase. n’est pas une chose aisée, c’est parce qu’il est terrifiant de véracité. À l’inverse de The Raven That Refused To Sing (2013) qui dégageait essentiellement une impression de mélancolie, Hand. Cannot. Erase élargit la palette d’émotions ressenties pour correspondre à ce que souhaite son auteur : présenter les étapes de toute une vie.
L’opus s’inspire de la disparition inaperçue de Joyce Carol Vincent, retrouvée morte dans son appartement en 2006, le décès étant présumé en 2003. Ce n’est là qu’une source d’inspiration, Steven Wilson a créé son propre personnage, qui lui permet d’aborder le paradoxe de l’isolement causé par la connectivité superficielle que permettent les nouvelles technologies qui inondent le monde moderne. La contemporanéité de l’opus se ressent justement à travers un retour à l’électronique, pratiquement absente de son prédécesseur. Les samples et sonorités synthétiques de « Perfect Life » et l’instrumentale « Regret #9 » sont un trait caractéristique de l’ensemble de l’œuvre. La tonalité plus « pop » de l’album en découle directement, rappelant parfois sans trop s’y méprendre le son de Blackfield à l’image du très léger « Happy Returns » ou du titre éponyme dont la rythmique est l’archétype même des tempos de la musique moderne. Pour autant, les orchestrations complexes sont toujours présentes, « 3 Years Older », dont les premières minutes rappelleront aisément les grandes heures de Rush, et la pièce maîtresse de l’album, « Ancestral », conservent une approche libre dans leur structure, à l’image de l’esprit « jazz » qui pouvait régner sur The Raven That Refused To Sing. Hand. Cannot. Erase se distingue d’ailleurs de ce dernier en partie par le retour à l’usage de la distorsion, très varié. Oui, le riff final d’ « Ancestral » entretient une légère parenté avec un groupe comme Rammstein, et rappellera aisément le Porcupine Tree métallisé des dernières années, lorsque certains passages d’ « Home Invasion » ont une consonance très « Zeppelinienne ». Enfin intervient Guthrie Govan et le solo de « Regret #9 », qui démontre pleinement que si Steven Wilson est l’auteur principal, il sait effectivement à qui confier sa musique.
Résolument plus « contemporain » que son prédécesseur, Hand. Cannot. Erase. résulte d’un travail d’adéquation parfait entre son concept et sa musique. La présence d’une narratrice sur « Perfect Life » et la performance poignante de chanteuse israélienne Nina Tayeb sur « Routine » – sans compter la voix cristalline d’un garçon de chœur qui symbolise bien toute la richesse de l’opus – participe grandement à la crédibilité du personnage. Et c’est en cela que réside la véritable force de l’opus. L’histoire racontée par Steven Wilson n’est ni triste, ni joyeuse, ni lugubre. Elle est tout à la fois. On peut se trouver mélancolique à l’écoute de « Transcience » et revigoré par les sonorités « printanières » distillées tout au long de l’album. Steven Wilson manipule les états d’âme à sa guise, les lie entre eux pour former un véritable microcosme qui, effectivement, offre un aperçu des divers ressentis de son personnage. Celui-ci délaisse la mondanité et finit par s’isoler volontairement, simplement afin d’observer ce qui l’entoure : le monde urbain, moderne.
C’est justement l’identification de l’auditeur au personnage et à ce qu’il traverse qui rend Hand. Cannot. Erase. difficile à traverser. « Difficile » n’a rien ici de négatif. Au contraire, c’est parce que la musique proposée permet sans cesse l’immersion et l’assimilation que l’on veut sans cesse s’y replonger pour éprouver. Difficile parce qu’émouvante, déroutante, nostalgique, euphorique. Hand. Cannot. Erase et Steven Wilson touchent, simplement parce qu’ils sont véraces.
Regarder le clip de « Perfect Life » :
Album Hand. Cannot. Erase., sortie le 2 mars 2015 chez KScope.
Excellente critique de ce merveilleux album, nouveau chef d’oeuvre du grand Steven Wilson. Si j’adhère à presque toutes sa prolifique production, j’avoue être plus proche de sa veine Porcupine Tree (toutes périodes confondues) que de ses (géniales) explorations des univers électro ou métal et cet album, à l’instar de son précédent, exceptionnel également, est à mes yeux un sorte de sommet qui regroupe tout ce qu’il a fait de meilleur dans sa carrière. Quelle cohérence que ce voyage musical, quelle puissance d’inspiration, la galette tourne en boucle chez moi, c’est addictif…
Le jour où il arrive dans ma boite aux lettres, j’apprends à 16 heures que je vais probablement passer la nuit au boulot…
Putain qu’il est bon cet album !!!
Les voix, les mélodies, les arrangements, les soli … *_*
Chuuuuut xD Je pourrai pas toucher mon exemplaire avant vendredi… o( T_T )o Cela dit vous me rassurez sur la qualité.
« […] titre éponyme dont la rythmique est l’archétype même des tempos de la musique moderne » Euh… Je me trompe peut-être parce que je suis pas experte du tout, mais il me semble que ce titre est sur neuf temps, ce qui n’est quand même pas hyper courant dans les trucs popeux mainstream.
Et c’pas juste ! Vous avez tout avant nous et vous nous faites baver avec vos reviews ! o( >_<!)o