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Interview   

Steven Wilson : le bonheur d’être seul


Il n’y a maintenant plus aucun doute sur le fait que Steven Wilson a mis sa carrière solo au premier plan par rapport à Porcupine Tree dont l’avenir est désormais plus qu’incertain. Et il l’affirme sans complexe de lui-même dans l’entretien qui suit, qu’il nous a accordé pour parler de son nouveau disque Hand. Cannot. Erase. Un entretien où il transpire d’enthousiasme par rapport à la liberté que lui apporte le fait de ne pas être dans un contexte, à proprement dit, de groupe.

Sa liberté artistique se traduit notamment par la possibilité qui lui est offerte de se lancer dans des projets risqués et ambitieux afin d’essayer de faire avancer les choses ou au moins de se renouveler. Paradoxalement, son humeur musicale du moment ravira par moments les fans de Blackfield et même ceux de Porcupine Tree, notamment du fait du retour d’accents metal, qu’on pensait disparus vu les propos critiques du musicien il y a quelques années à l’égard du genre.

La musique de cet album accompagne un thème central, l’isolement, inspiré par la triste histoire de Joyce Carol Vincent, que Steven Wilson voit comme un symbole des travers de notre société moderne. On relèvera d’ailleurs un genre de paradoxe dans les propos du musicien qui regrette la disparition progressive des interactions humaines et sociales, lorsqu’en parallèle il avoue davantage s’épanouir dans son art en solo plutôt qu’en groupe. Et sûrement que son personnage fictif qui choisi la solitude pour son propre bonheur et observer le monde nous en apprend beaucoup sur l’artiste lui-même et sa propre complexité.

« Le monde moderne en est arrivé à un point désormais où ça va si vite, c’est si confus, c’est si frénétique et c’est si douloureux pour certaines personnes qu’elles ne peuvent même plus se concentrer et préfèrent leur propre compagnie et s’isoler. »

Radio Metal : Tous les musiciens de ton dernier disque ont été reconduits sur ton nouvel album Hand. Cannot. Erase. Même si ça reste un album de Steven Wilson, est-ce qu’ils ont été impliqués dans la composition ?

Steven Wilson (chant, guitare, claviers) : Non. Ils ne sont pas impliqués dans la composition mais, à coup sûr, ils proposent des idées pour les arrangements. Et j’estime que c’est important pour moi parce qu’autrement il n’y aurait aucun intérêt à avoir des musiciens si c’est juste pour leur dire exactement ce que tu veux qu’ils jouent. Tu veux un certain niveau d’inspiration et tu veux être surpris ! Je veux dire que je travaille avec des musiciens incroyables, des musiciens vraiment de classe mondiale, il est donc évident que je m’attends à être éblouis, à être surpris par ce qu’ils pourraient apporter à ma musique. Au bout du compte, je crois que c’est très normal de… Si tu regardes la plupart des artistes solo au fil des années, ils ont un groupe de musiciens réguliers. Que ce soit Paul McCartney, Peter Gabriel, Frank Zappa, qui que ce soit, tous ces mecs ont tendance à avoir un groupe de musiciens à qui ils font confiance, sur lesquels ils comptent et se sentent à l’aise pour travailler. Je pense donc ne pas faire exception à cette règle.

La dernière fois que nous avons parlé tu as dit que « la direction artistique de Porcupine Tree n’est pas quelque chose que [tu] contrôle[s] complètement. » Dirais-tu que tu as retrouvé aujourd’hui avec ton projet solo ce que tu avais avec Porcupine Tree sur les premiers albums, lorsque le groupe reposait uniquement sur tes épaules, avant qu’il ne devienne un véritable groupe vers 1995 et avec l’album Signify ?

Oui, je pense que tu as sans doute en partie raison. Evidemment, faire partie d’un groupe apporte des choses merveilleuses mais il y a aussi des limitations. Et l’une d’elle est, comme tu l’as un peu suggéré avec ta question, le fait que ce sur quoi tout le monde s’accorde à vouloir jouer correspond à une zone de plus en plus étroite. Et c’était clairement le cas avec Porcupine Tree. Ca devenait de plus en plus difficile pour moi d’apporter de la musique qui, si tu veux, se situait en dehors du style établis de Porcupine Tree. C’est ça, au final, qui m’a conduit à penser que je ne pouvais pas continuer comme ça et que j’avais besoin de revenir, comme tu l’as dit, à la manière dont ça fonctionnait au début, où chaque album correspondait à une énorme progression, à un changement et à une évolution. Ca a très certainement été ainsi avec mes quatre albums solo. Ils sont tous très différents les uns des autres et ils représentent tous une approche, un concept et une philosophie très différents. Et, avec Porcupine Tree, j’avais très légèrement le sentiment que la profondeur et l’ampleur musicales commençaient à constamment se réduire, et ceci était un problème pour moi. Donc oui, je crois que ton évaluation est sans doute très juste.

Tu as décris ton nouvel album comme étant moins jazzy et renvoyant davantage à toutes les différentes facettes de ta discographie passée, et c’est d’ailleurs plutôt vrai. Etait-ce voulu ?

Je pense que c’est la conséquence de l’histoire, le concept derrière l’album. Par exemple, si je l’oppose à mon album solo précédent, The Raven That Refused To Sing, le concept derrière cet album était cette idée selon laquelle il serait quasi analogue à un livre de vieilles histoires de fantômes, presque comme quelque chose issu de la fin du XIXème siècle, début du XXème. Donc à cause de ça, je pense que la musique s’est retrouvée avec un son rétro, presque classique. Et ce n’est pas une coïncidence. Je pense que c’est venu directement du choix du thème. Et ici avec Hand. Cannot. Erase., nous avons un album qui parle en grande partie d’un monde moderne. Ça parle du fait de vivre en ville au XXIème siècle. Non seulement ça, mais c’est aussi une histoire qui s’étend sur une vie entière. En raison de ça, tu te retrouves avec beaucoup de styles différents. Tu as beaucoup d’humeurs différentes. Donc, alors que The Raven était presque exclusivement centré sur une atmosphère plutôt mélancolique, ici nous avons un album qui possède tout, de la joie à la colère à la solitude à la dépression à la désillusion à la confusion… Et plein d’autres choses aussi. Et c’est aussi un album qui reflète le cadre dans lequel il est situé. Il y a donc plus d’éléments industriels et de sons électroniques dans cet album, et il y a des riffs metal qui cognent plus que ce que j’avais sur les albums précédents. Et la conséquence de ça c’est qu’une bonne partie renvoie à des choses [que j’ai fait dans le passé]. Quelqu’un m’a dit aujourd’hui qu’il trouvait qu’une des chansons sur l’album aurait pu être sur un album de Blackfield, ce qui est absolument vrai. Quelqu’un a aussi dit qu’une autre chanson aurait pu se retrouver sur un album de Porcupine Tree, ce que je pense est également vrai. Je crois qu’il y a donc un côté éclectique dans cet album, qui représente toutes les différentes phases de ma carrière jusqu’à aujourd’hui.

Et comme tu l’as mentionné, on peut entendre davantage de guitares heavy que sur tes albums précédents. Est-ce quelque chose qui t’a manqué ou bien n’est-ce que la conséquence du concept, comme tu disais ?

Eh bien, tu sais, je change, constamment. Je change par rapport à la musique que j’écoute et aussi la musique que je veux faire. L’album que je fais aujourd’hui sera différent de l’album que je ferai dans deux ans et il sera différent de l’album que j’ai fait il y a deux ans. Si tu m’avais demandé il y a deux ans : « Est-ce que tu auras des riffs de metal sur cet album ? » J’aurais répondu – et j’ai effectivement répondu, parce que des gens me l’ont demandé – « Non, je me suis lassé du metal. J’ai le sentiment d’avoir déjà fait ça. » Mais tu sais quoi ? Me voilà deux ans plus tard et j’ai en quelque sorte recommencé à un peu plus apprécier le metal. Ça commence à se glisser à nouveau dans ma musique. Et je crois que tout le monde fonctionne comme ça ! Tout le monde traverse – devrait-on dire – des phases dans leurs vie, où ils apprécient des types de musiques particuliers et sont inspirés par diverses choses, et ensuite ils arrivent à un stade où ils ont trop écouté quelque chose et ne veulent plus l’entendre pendant un moment. Tu ne veux pas écouter… Je… Ecoute, j’ai beaucoup écouté de metal à une période de ma vie et ça a eu une énorme influence sur le son de Porcupine Tree pendant un moment, par exemple, mais lorsque j’ai arrêté Porcupine Tree, je ne voulais plus jouer de metal. J’avais le sentiment que c’était devenu trop générique et tu sais quoi ? Me voilà cinq ans plus tard et avoir occasionnellement des riffs de heavy metal recommence à être assez inspirant, et j’apprécie à nouveau ça. Je pense donc que ce n’est qu’une question de phases dans ta vie et le fait que différentes choses te plaisent à différents moments. Les choses paraissent neuves, puis deviennent ennuyeuses et puis paraissent neuves à nouveau…

Je me souviens d’ailleurs d’une interview que nous avons eue ensemble il y a quatre ans pour l’album Grace For Drowning, et tu expliquais justement à quel point le metal t’ennuyait. Tu dis donc que tu apprécies à nouveau le metal, est-ce que ça veut dire que tu as récemment écouté des albums de metal ?

Plus qu’au cours des cinq dernières années. Disons que c’est revenu dans mon régime musical par rapport à ce que j’écoute. Oui.

« On appelle ça des réseaux sociaux mais il est clair que ce sont en fait des réseaux anti-sociaux. »

Le concept de l’album est inspiré de la très triste histoire de Joyce Carol Vincent qui a disparu un jour sans que personne ne s’en rende compte. Elle a été retrouvée morte dans son appartement en janvier 2006 et des indices suggéraient qu’elle était décédée vers décembre 2003. Il y a eu des spéculations comme quoi elle aurait été victime de maltraitance conjugale et ce serait pourquoi elle aurait coupé les ponts avec ses amis et sa famille. Qu’est-ce qui t’a motivé à utiliser cette histoire comme base pour l’album ?

Ok, eh bien, je crois que ce qui m’a plu à l’origine c’était l’idée d’une jeune femme qui était capable de totalement disparaître alors qu’elle vivait parmi des millions d’autres gens, et comment ceci est devenu très symptomatique ou symbolique de ce que vivre dans une ville au XXIème siècle implique. Et aussi à quel point la race humaine est en fait très douée lorsqu’il s’agit d’utiliser la technologie pour se déconnecter et s’isoler du reste de la race humaine. Evidemment, nous vivons aujourd’hui à l’âge d’internet et il est très facile de rester cloitrer dans sa chambre sans jamais sortir et d’une certaine manière communiquer avec le reste du monde via ton portail internet, les réseaux sociaux, les médias… Ce n’est pas forcément une bonne tendance. Et pour moi, l’histoire de Joyce Carol Vincent est devenue un symbole fort de ceci. Voilà une jeune femme qui n’était pas vieille femme solitaire, elle était attirante et populaire et avait certainement un potentiel pour se faire beaucoup d’amis et avoir des rencards, des petits amis, et elle avait aussi une famille… Et pourtant, elle a pu s’isoler au point de pouvoir mourir dans son appartement sans manquer à personne pendant plus de deux ans. Ceci, à mes yeux, est extraordinaire et tragique mais ça en dit aussi long sur le monde moderne du XXIème siècle. Mon personnage n’est pas Joyce Carol Vincent. Mon personnage est une construction fictive mais elle est néanmoins une femme qui choisit d’observer et de s’isoler. J’avais donc cette image de cette femme qui regarde au-dessous d’elle depuis un immeuble et voit et observe le reste du monde. Et je voulais pouvoir, si tu veux, utiliser ça pour moi-même faire des observations sur la vie moderne, l’isolement, la solitude, internet, la vie de famille et toutes ces choses que ce concept, pour ainsi dire, cristallise. Mais la chose importante à dire au sujet de cette histoire, c’est qu’elle ne se termine pas de façon tragique. Elle a une fin plus ambigüe. Mon personnage disparaît et il est insinué qu’elle choisit de le faire. Et il y a même un brin de science-fiction suggéré dans mon histoire. Mais il est clair que l’histoire de Joyce Carol Vincent m’a inspiré pour le début de mon histoire.

Et souhaitais-tu dire par le biais de cet album que la solitude est quelque chose de plus complexe qu’il n’y paraît et que peut-être on devrait faire un peu plus attention à notre entourage, même si les gens paraissent populaires, attirants, heureux, etc. ?

Je pense que c’est plus compliqué et que ça n’a pas vraiment à voir avec la solitude. Je pense que ça à voir avec l’isolement. Et je dis ça parce que je crois que certaines de ces personnes qui choisissent effectivement de s’isoler ne se sentent pas seules ; elles se sentent déconnectées, et ça fait une différence. En l’occurrence, certaines personnes trouvent difficile et douloureux le fait d’interagir avec d’autres êtres humains. Ce n’est donc pas une question de solitude. Je crois que c’est une question de comment le monde moderne en est arrivé à un point désormais où ça va si vite, c’est si confus, c’est si frénétique et c’est si douloureux pour certaines personnes qu’elles ne peuvent même plus se concentrer et préfèrent leur propre compagnie et s’isoler. Et je peux voir ça uniquement comme quelque chose qui augmentera avec le temps parce que nous avons aujourd’hui une génération de jeunes gens qui sont nés dans un monde où internet est quelque chose de normal, c’est une part de la vie de tous les jours, tout comme les réseaux sociaux. Et pour ces gamins, les dialogues en face à face et le fait d’effectivement passer du temps avec d’autres êtres humains, c’est perçu comme quelque chose de quasi inutile, de la même façon que certains gamins ne comprennent pas aujourd’hui pourquoi quiconque voudrait s’embêter à apprendre à écrire ! « Je n’ai pas besoin d’écrire, j’ai un clavier d’ordinateur ! » Et je pense que c’est aussi vrai désormais pour l’industrie musicale : « Pourquoi devrais-je payer pour ma musique ? Je peux l’avoir gratuitement sur internet ! » L’industrie du cinéma : « Pourquoi devrais-je payer pour un film ? » C’est aussi vrai. « Pourquoi devrais-je sortir et sociabiliser avec mes amis ? Je peux les contacter sur Facebook ou via Skype ou Twitter ou peu importe… » Et je ne vois pas ça comme une très bonne tendance dans la vie moderne, dans la manière dont la civilisation évolue.

Est-ce que toi-même tu te sens déconnecté comme ça, parfois ?

Je crois que tout le monde vit ces moments où, tu sais, peut-être que tu es invité à une fête, à un spectacle ou à un diner avec tes amis et tu te dis : « Tu sais quoi ? Je n’ai pas envie d’être dérangé, je préfèrerais autant rester et regarder la TV. » Parce que, tu sais, le truc à propos du fait d’être sociable et d’interagir avec d’autres êtres humains, c’est que ça requiert des efforts. Évidemment. Ca requiert de l’énergie. Et il est très facile de devenir de plus en plus passif et de se relier au monde de manière très passive, à mesure que la technologie facilite notre passivité. Ce n’est pas étonnant qu’il y ait de plus en plus de gens en surpoids, parce qu’ils n’ont aucune raison de se lever de leur canapé. Il y a donc aussi ces problèmes qui sont soulevés et pour la plupart des gens, si tu leur dit : « Est-ce que tu comprends ce qui peux pousser quelqu’un à s’isoler et ne plus jamais mettre un pied dehors ? » La plupart comprendront au moins comment ça pourrait arriver. Et il est clair que moi aussi je m’y identifie.

C’est intéressant parce que j’ai lu quelques interviews du batteur de Porcupine Tree Gavin Harrison et il disait le même genre de choses. Est-ce que vous avez parlé de ce sujet ?

Je suis certain d’avoir parlé de ça avec Gavin. Tu sais, je crois que quiconque aujourd’hui réfléchit avec un minimum de profondeur à propos du monde dans lequel on vit soulèvera le même problème, qui est que plus nous avons accès à la technologie, plus il y a un potentiel pour se déconnecter et s’isoler. Je veux dire qu’on appelle ça des réseaux sociaux mais il est clair que ce sont en fait des réseaux anti-sociaux. C’est un bout de programme et ça veut donc dire que nous n’avons pas du tout besoin de sociabiliser. Car ce n’est pas du face à face et nous pouvons nous y adonner dans notre chambre, depuis notre ordinateur. Je suis donc sûr que nous en avons parlé avec Gavin. Je crois que la plupart des gens de mon âge que je connais et avec qui j’ai sociabilisé ont un regard et des idées similaires vis-à-vis du monde moderne, ouais.

« Je trouve qu’il n’y a pas assez de prétention dans le monde du rock de nos jours. »

Musicalement, le début de l’album est très léger et, à mesure que l’histoire et l’album progressent, ça devient de plus en plus sombre. Est-ce que cette progression dans la musique était voulue pour coller parfaitement à l’histoire ?

Oui, d’une certaine manière. Je veux dire qu’il y a toujours un léger conflit entre le fait d’essayer de créer une expérience musicale satisfaisante et à la fois essayer de raconter une histoire, et parfois les deux aspects luttent l’un contre l’autre. C’est un peu une question d’équilibre. Mais la réponse simple à ta question c’est « oui ». Ce n’est pas forcément une histoire malheureuse. Je ne veux pas que les gens pensent que c’est une histoire malheureuse. C’est une histoire à propos d’une femme qui vit un bonheur incroyable dans sa vie, surtout dans ses jeunes années, et progressivement devient un peu plus désabusée et ressent le besoin d’être seule et de s’isoler, pas forcément en étant malheureuse. C’est pourquoi je dis que l’album ne parle pas forcément de solitude, parce que ça parle d’une personne qui choisit d’être seule, et non d’une personne qui est désespérément à la recherche d’interaction humaine, tout le contraire en fait. Ça parle donc d’une femme qui progressivement se rend compte qu’elle est plus heureuse seule et à ce stade, elle devient un personnage capable d’observer le monde dans lequel nous vivons. Pour moi, elle devient un réceptacle grâce auquel je peux parler de beaucoup de ces choses et observer le monde tel que je le vois. Donc, la musique possède effectivement une incroyable joie et des moments très gais. Ce n’est pas un album totalement dépressif et mélancolique, absolument pas.

L’album est écrit sous une perspective féminine. Comment es-tu parvenu à trouver la bonne tonalité et te mettre dans la peau d’une femme ?

Eh bien, la réponse simple c’est : je ne sais pas si j’ai effectivement trouvé la bonne tonalité [petits rires]. J’imagine que les femmes qui écouteront l’album me diront si c’est convaincant ou pas. Mais tu as raison, ce n’était pas simple mais c’était important pour moi que ce soit un personnage féminin. Et c’était important pour moi de me mettre un défi. L’une des choses par rapport au fait d’écrire un album tous les deux ans, c’est que je suis très, très réticent à l’idée de me répéter et faire un album que j’aurais pu faire deux ans auparavant ou même dix ans auparavant. Je recherche donc toujours un nouveau défi. Et pour moi, l’un des plus grands défis cette fois-ci, c’était d’avoir, non seulement une perspective féminine d’un point de vue des paroles, mais aussi, musicalement, une présence féminine sur l’album. J’ai donc une chanteuse et une actrice qui lit l’histoire sur « Perfect Life ». Il y a donc effectivement une présence féminine sur l’album et j’ai essayé d’écrire des paroles pour que ces femmes les lisent et les chantent, et j’espère que ce sera convaincant. Au final, le temps dira si c’est réussi ou pas. Ce n’était pas évident mais j’ai fait ce que j’ai pu ! [Rires]

Est-ce que tu as reçu des conseils de la part d’amies à toi ?

Oui. Si j’écris des chansons, je les joue aussi bien à des amis hommes que femmes. Je cherche toujours un retour et si une femme me disait être convaincue par quelque chose en laquelle je ne croyais pas, alors, évidemment, je l’incluais, ouais.

Peux-tu nous en dire davantage sur la chanteuse Nina Tayeb qui chante sur l’album et comment tu es entré en contact avec elle ?

C’est une amie d’un ami à moi, Aviv Geffen avec qui j’ai eu le groupe Blackfield, et j’ai entendu parler d’elle sur internet parce que c’est une chanteuse très connue en Israël. Je l’ai entendu chanter et j’ai toujours été très impressionné par sa voix. Lorsque j’ai écrit la chanson « Routine » et décidé qu’il fallait que je puisse la faire en duo avec une chanteuse, que ça n’allait pas fonctionner sans avoir une chanteuse, j’ai fait chanter la chanson par trois ou quatre chanteuses et la version de Ninet était celle qui m’a complètement subjuguée. Et je crois que la raison à cela, c’est qu’elle a fait quelque chose que je ne lui avais pas demandé de faire. Elle a fait quelque chose de surprenant, ce qui nous ramène à ce que je disais à propos de mes musiciens : je cherche à être surpris, je recherche quelque chose qui ne soit peut-être pas forcément ce que j’attendais ou ce que je leur demandais de faire. Et Nina était celle qui a fait ça. J’ai absolument adoré ça, donc j’ai su que ça devait être elle.

Tu as été cité affirmant qu’une des influences de l’album était l’album de Kate Bush The Dreaming. Apparemment, c’est l’album qui t’as donné l’idée d’utiliser un garçon de chœur soliste. Peux-tu nous en dire plus ? Qu’est-ce que cet album représente pour toi ?

Tout d’abord, je suis un énorme fan de Kate Bush et je l’ai toujours été, et si je devais choisir un album à elle comme étant mon préféré, ce serait sûrement The Dreaming. Mais je crois que plus important encore, elle est le genre d’artiste qui fait des choses auquel tu ne t’attendrais pas dans le contexte d’un album de pop. Une de ces choses que l’on retrouve sur cet album, c’est le fait qu’elle partage le chant avec un garçon de chœur soliste sur la chanson « All The Love », et j’ai toujours trouvé que c’était la chose la plus extraordinaire qu’on puisse avoir sur un album de pop. Le son d’un garçon de chœur soliste n’est pas le genre de sonorité à laquelle tu t’attends habituellement sur un album de pop ou de rock. Et j’ai toujours adoré ce son, tout particulièrement avec la manière dont ça fonctionnait avec sa voix. Et j’ai donc décidé cette fois-ci : j’ai ce concept intéressant qui parle d’une femme et, tu sais, il y a quelque chose dans le timbre d’un garçon de chœur qui en fait un son très sensible et féminin, j’ai donc pensé que ce serait une opportunité et un contexte parfaits pour marcher sur ses traces, si tu veux, et essayer d’incorporer dans cet album le son d’un garçon de chœur soliste. Et je suis très fier de la manière dont ça a fonctionné. C’est un moment magnifique.

« Je m’éclate et mes albums solos se vendent mieux que Porcupine Tree n’a jamais vendu, donc il n’y a même pas de motivation financière pour revenir à un contexte de groupe. »

L’année dernière tu as terminé un message Facebook en disant à propos de cet album : « Prétentieux, et fier de l’être ! »…

Ouais [rires].

Est-ce que tu considères qu’un artiste a besoin d’être prétentieux pour faire de la super musique ou de manière générale une super œuvre d’art ? N’y a-t-il pas de place pour l’humilité lorsqu’il s’agit de créer une œuvre ?

Non, je ne dis pas ça. Je pense qu’il est très possible de faire de supers œuvres sans être ambitieux. Je veux dire qu’AC/DC fait surement encore de supers albums et ça ne veut pas dire pour autant qu’ils sont prétentieux. Mais disons ceci : je trouve qu’il n’y a pas assez de prétention dans le monde du rock de nos jours. Et autrement dit : je trouve qu’il n’y a pas assez de gens qui se montrent incroyablement ambitieux avec la manière dont ils font des albums et ça me manque. Car si tu regardes les années 70, 60, 80 et même 90, il y avait beaucoup d’artistes qui faisaient des albums incroyablement ambitieux. Et parfois ces albums étaient des échecs. J’estime qu’être prétentieux ou ambitieux signifie en partie que tu dois presque te dépasser, faire quelque chose qui poussent les gens à te regarder comme si tu étais dingue et dire : « Tu ne peux pas faire ça ! » Mais heureusement que des gens le font et ont cette ambition, et sont prêts à se vautrer et échouer complètement. Et je suppose que je suis une de ces personnes ; je suis toujours prêt à faire un album que d’autres considèreraient comme un échec total, comme : « Bon sang mais qu’est-ce qu’il essaie de faire là ?! » Mais ce sens du dépassement et le fait d’être ultra-ambitieux et prétentieux me manque parce que j’estime que c’est ça qui est responsable d’un grand nombre de supers albums et d’innovations dans l’histoire. Où serions-nous si les Beatles n’avaient pas été prétentieux ? Tu vois ce que je veux dire ?

L’année dernière, Mikael Åkerfeldt a dit que vous deux vous étiez mis d’accord sur le fait que vous voulez faire un second album de Storm Corrosion. As-tu des informations par rapport à ça ?

La réponse courte est non parce qu’évidemment il est très occupé et je suis moi-même très occupé avec mon album, mais c’est sûr que j’adorerais me remettre à travailler avec Michael et voir ce qui en sort, ouais. Mais je pense que, de façon réaliste, ce ne sera pas avant encore un bon moment.

Je reviens sur ce que tu disais un peu plus tôt à propos de Porcupine Tree : faire un nouvel album de Porcupine Tree impliquerait que tu sois prêt à travailler en groupe, ce qui n’était pas le cas au cours ces dernières années, mais peut-être commences-tu désormais à entrevoir cette possibilité ? L’effervescence de créer un album en groupe ne te manque-t-elle pas ?

Franchement, non [rires]. Non, pas vraiment. Je pense que ça manque sans doute à certains fans plus que ça ne me manque. Tu sais quoi ? Je n’écarte pas la possibilité de revenir à un contexte de groupe, mais là tout de suite, je m’éclate et mes albums solos se vendent mieux que Porcupine Tree n’a jamais vendu, donc il n’y a même pas de motivation financière pour revenir à un contexte de groupe. Je pense qu’aujourd’hui je trouverais difficile le retour à un groupe. Mais, à la fois, je pourrais revenir et faire peut-être un album de plus, ce pourrait être intéressant en tant qu’expérience pour voir s’il y avait encore quelque chose à dire dans ce contexte particulier. Et je sais que certaines personnes deviennent très attachées, tu sais, il y a un côté romantique dans le fait d’être dans un groupe. Le groupe est une notion très romantique pour les fans. Mais tu sais quoi ? C’était très loin d’être aussi inspirant pour moi que ça aurait dû l’être vers la fin et c’est le problème pour moi. Ça ne me manque pas. Mais ça ne veut pas dire que nous ne referons pas quelque chose un jour.

Tu as récemment écris une chanson avec Mariusz Duda de Lunatic Soul et Riverside pour rendre hommage à Alec Wildey, un jeune homme de 26 ans qui a malheureusement succombé à un cancer en août dernier. Il était un fan de ton travail et il était impliqué dans les street teams de Porcupine Tree et Steven Wilson. Il vous a demandé à toi et Mariusz de mettre en musique l’un de ses poèmes. Vous aviez même envisagé de le laisser jouer de la batterie sur la chanson, mais malheureusement il est décédé quelques semaines plus tard. J’imagine que ça a été une chanson douloureuse à écrire. Comment avez-vous pu terminer la chanson après le décès d’Alec ?

La réponse simple, évidemment, est que nous nous sommes engagés à le faire avant le décès d’Alec et j’estime qu’il y avait quelque chose à honorer. En fait, c’était une chose plutôt bien à faire parce que nous savions que c’était la chose qui aurait rendu Alec plus heureux qu’il ne l’a jamais été. Donc, même s’il y a un aspect tragique dans cette situation, il y a aussi une part de joie et un côté cathartique, si tu veux, dans le fait de pouvoir finir la chanson en sachant à quel point elle lui aurait été chère, et aussi en sachant que ça allait lever beaucoup d’argent pour diverses oeuvres de charités contre le cancer. Je suis donc vraiment fier et content que nous ayons pu le faire. Je suis juste navré qu’Alec n’ai pas pu l’entendre ; c’est le seul côté triste dans le processus de création de cette chanson.

Interview réalisée par téléphone le 19 janvier 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Lasse Hoile (photos 1 & 5), Susana Moyaho (photo 2), Ben Meadows (photo 4).

Site officiel de Steven Wilson : stevenwilsonhq.com.



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