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Interview   

Stratovarius : éternellement vôtre


Timo Kotipelto - StratovariusBeaucoup de groupes ayant connu une longue carrière, un important succès sur certains albums clés ainsi que des changements de line-up font face par moments à des attentes passéistes de la part de certains fans. On voudrait voir le « line-up originel » se reformer, on voudrait voir le groupe revenir à un style plus proche de celui de la « grande époque », etc. Pour Timo Kotipelto, chanteur de Stratovarius, avoir un passé ne doit pas empêcher d’avancer. Il chérit les albums du passé, comme en témoignent les récents concerts en hommage à l’album Visions. Il respecte les anciens musiciens de la formation, mais considère désormais le line-up actuel comme le plus à même de représenter l’esprit de Stratovarius. Et, s’il veut maintenir l’identité musicale du groupe, quitte à user de clins d’œils occasionnels, ce n’est pas par nostalgie, mais par l’envie d’écrire un nouveau chapitre avec de nouveaux albums.

A l’occasion de la sortie du nouvel opus Eternal, deux ans après Nemesis qui leur a permis de regagner la confiance du public, mais aussi dix ans après ce qu’il décrit comme étant le « pire album que nous ayons fait », jugeant sévèrement les choix du alors guitariste et leader Timo Tolkki, le chanteur nous parle de comment on vit et travaille en étant musicien pour Stratovarius en 2015.

Stratovarius 2015

« Si tu commences à réfléchir à ce que les autres gens aiment, alors tu es déjà perdu. »

Radio Metal : Ces derniers temps, vous avez joué l’album Visions dans son intégralité. C’était la première fois que vous faisiez une telle chose. Comment était l’expérience ?

Timo Kotipelto (chant) : Comme tu l’as dit, nous n’avions jamais joué un de nos albums en intégralité. Sauf… je crois que nous avons joué Elements Part I lorsque nous avions commencé la tournée pour cet album ; nous l’avons joué sur les trois premiers concerts et ensuite, c’est devenu tellement ennuyeux [petits rires] que nous n’avons pas continué. Cette fois-ci, nous avons eu cette idée simplement parce qu’originellement, nous étions censés commencer à enregistrer Eternal un an plus tôt mais nous n’avions aucune chanson et nous voulions donner quelques concerts en Finlande. Et normalement, nous ne pouvons pas faire autant de concerts, car, par exemple, Jens vit en Suède, donc ce n’est pas si facile de faire des concerts. Mais nous nous sommes dit : « Ok, faisons quelques concerts en Finlande. Et si nous jouions tout l’album Visions ? » Et ensuite, j’ai appelé notre tourneur en Finlande, je leur ai demandé si ça avait un quelconque intérêt de faire ça, car nous, nous étions partants. Ca les a intéressés et, tout d’un coup, nous nous sommes retrouvés avec quelque chose comme sept ou huit dates. C’était une grande surprise. Par exemple, nous avons affiché complet au Tavastia Club de Helsinki. Les gens ont vraiment apprécié. Je sais que beaucoup de gens, comme les très vieux fans de Stratovarius qui ne nous suivaient plus ces dernières années, il y en avait dans les trente à quarante dans l’assistance, ils étaient là : « Oh, ils peuvent encore le jouer ? » Et après le concert, ils sont venus me parler : « Merde ! C’était parfait ! C’était génial, super bien ! Ca faisait du bien ! » C’était aussi très bien pour nous qu’il y ait beaucoup de gens et de bonnes réactions.

Comment vous préparez-vous à un tel concert ? Avez-vous eu besoin de réapprendre certaines de ces chansons ?

Evidemment ! [Petits rires] J’ai dû beaucoup écouter les chansons et chanter par-dessus. Mais d’un autre côté, nous avons dernièrement joué quatre ou cinq chansons de Visions en concert. Mais je pense qu’il y avait trois ou quatre chansons que nous n’avons jamais jouées avec ce line-up. Bien sûr, ça a pris un peu de temps pour apprendre les chansons. Mais c’était très sympa. En fait, le dernier concert avec Visions, nous l’avons joué il y a environ une semaine et c’était certainement le tout dernier. Nous n’avons pas prévu de le refaire à l’avenir. Je me dis que nous n’allons pas le faire. Mais, là tout de suite, bien sûr, nous promouvons le nouvel album.

As-tu la même passion pour ces chansons ou en as-tu peut-être un peu marre de jouer « Black Diamond » pour la millième fois ?

D’une certaine façon, ouais, bien sûr, nous avons joué cette chanson des milliers de fois mais à chaque fois le public est différent et très souvent le lieu lui aussi diffère. Et cette fois, puisque nous jouions tout l’album, l’ordre des chansons était un peu différent. Bien sûr, c’est comme ça le live : parfois tu réussis et parfois tu n’es pas si bon. C’est normal. Mais nous voulions aussi montrer aux gens que nous pouvions toujours jouer les chansons aussi bien qu’avant. Evidemment, nous avons de nouveaux gars dans le groupe, ce qui aide. Mais je pense que nous avons prouvé que nous sommes un bon groupe de scène et que nous pouvions le faire. Ce qui est une bonne chose parce que les gens qui sont venus voir les concerts de Visions, il se peut que la plupart d’entre eux veuillent nous revoir avec le nouvel album, et ils vont peut-être même écouter le nouvel album. C’est de la promotion, en montrant aux gens : « Voilà ce que nous avons fait dans le passé, et nous pouvons encore le faire. » Et bien sûr, pas la semaine dernière mais lorsque nous jouons nos concerts normaux, nous jouons nos nouvelles musiques, ce qui est une manière de montrer à ces gens que nous avons aussi de bonnes nouvelles chansons : « Si vous n’avez pas entendu celles-ci auparavant, écoutez ! » [Petits rires] Ça marche, tu sais.

Comment compares-tu le Stratovarions de l’époque Visions de celui d’aujourd’hui ?

Evidemment, il n’y a que Jens et moi qui sommes encore dans le groupe par rapport au groupe qui tournait à l’époque de Visions mais, aujourd’hui, nous avons de nouveaux gars plein d’énergie. Nous sommes au moins aussi bons en concert que nous l’étions à l’époque, peut-être même meilleurs, mais bien sûr, ce sont des gars différents, et d’un autre côté, ils ont apporté énormément d’énergie nouvelle, ce qui n’aurait pas été possible [avec l’ancien line-up]. Nous ne pourrions pas faire ces concerts avec l’ancien line-up parce que certains de ces mecs ne jouent plus en concert. Sans ces nouveaux gars, il n’y aurait pas de Stratovarius, et sans Jens et moi, non plus.

Votre nouvel album Eternal somme plus dans la veine d’un Stratovarius classique que le précédent, Nemesis. Est-ce que cette expérience, où vous avez dû revisiter tant de vielles chansons classiques de Stratovarius, vous a inspiré, d’une manière ou d’une autre, dans l’orientation musicale d’Eternal ? Est-ce que vous avez voulu vous rapprocher de l’esprit de cette époque et le mélanger avec ce que le groupe est en 2015 ?

Oh, c’est un point de vue intéressant ! Ce pourrait être vrai. Je pense qu’au moins certaines des chansons sont semblables au power metal du Stratovarius de la vieille école mais il y a aussi sans doute deux ou trois chansons qui sont plus du Stratovarius moderne. Mais dans quelle mesure est-ce que ça a influencé la composition ? Peut-être n’était-ce pas intentionnel. Nous ne planifions pas les choses, tu sais, du genre : « Je vais composer ce type de chanson. » Je veux dire que je ne sais même pas comment écrire des chansons qui se vendent [petits rires]. Ce n’est même pas possible, et chaque fois, si tu commences à réfléchir à ce que les autres gens aiment, alors tu es déjà perdu. Nous composons la musique que nous aimons écouter, c’est donc très simple. Mais, bien sûr, il se peut que ce soit un peu vrai, le fait que les concerts de Visions nous aient influencés inconsciemment.

Stratovarius 2015

« Peut-être qu’il y a une puissance suprême qui nous guide ! [Rires] Je ne sais pas ! Tiens-moi au courant si tu trouves ! »

Nemesis était assez unique. Cet album était plus sombre et moderne que la plupart des autres albums de Stratovarius. Comment vois-tu cet album aujourd’hui et comment a-t-il été perçu par les fans ?

Tout d’abord, lorsque nous avons écrit, enregistré et mixé l’album, nous ne savions pas à l’époque comment les gens allaient réagir, et c’est pareil avec Eternal. Bien sûr, maintenant j’ai entendu des réactions parce que je fais de la promo pendant une journée à Paris, mais autrement, c’est toujours la même chose. En gros, tu ne sais pas si l’album est bon ou si les gens l’aimeront. Donc lorsque nous avons vu les bonnes critiques pour Nemesis, nous étions surpris, du genre : « Oh, merde ! En fait, les gens aiment cet album ! » Et les gens étaient là : « C’est le premier album en dix ans, bla, bla, bla… » Et nous disions : « Oh, vraiment ? » Tu ne sais jamais ! Nous faisons juste notre musique et, évidemment, ce n’est pas de la fusion et ce n’est pas de la musique à la mode, mais nous nous en foutons, nous ne cherchons pas à être le groupe le plus populaire sur la planète. Nous nous contentons de faire notre musique et c’est tout. Evidemment, nous sommes contents que d’autres gens aiment mais nous n’avons pas besoin d’être aimés par quiconque.

Comment comparerais-tu le processus de composition d’Eternal par rapport à l’expérience de Nemesis ?

[Il réfléchit] Eh bien, c’est toujours un peu… C’est quoi qu’il arrive un long processus. Cette fois, nous avions prévu de peut-être même avoir fini les enregistrements il y a un an mais nous avons eu d’autres concerts et tout le monde avait des choses à faire, donc grosso modo, ça a pris plus de temps que pour l’album précédent pour que tout soit prêt. Nous étions supposés le sortir à l’automne dernier, il y a presque qu’un an… Bien sûr, si tu es aussi gros que Metallica ou Iron Maiden, alors tu n’as pas besoin de sortir un album tous les deux ans, car tu as plein de concerts, de grosses tournées et des trucs comme ça. Mais pour un groupe plus modeste, d’une certaine façon, tu as besoin de travailler plus dur ou plus souvent en studio pour pouvoir produire de la nouvelle musique. Je crois que nous avons juste décidé que nous n’avions pas assez de bonnes chansons il y a de ça un an, donc nous nous sommes dit : « Ok, nous commencerons à enregistrer lorsque nous aurons assez de bonnes chansons. » C’est donc pourquoi ça a pris presque six ou sept mois de plus que nous l’imaginions. Pour ce qui est du processus de composition, une différence est sans doute, selon moi, que cette fois j’ai travaillé en binôme avec Jani Liimatainen – qui n’est pas un membre de Stratovarius mais un ami à moi – sur trois chansons. Nous les avons composées et j’ai aussi co-écrit des paroles avec Matias, Jens et Lauri, donc ça, c’était un peu différent. Cette fois, cinq gars ont composé l’album au lieu de quatre pour Nemesis. En dehors de ça, c’est grosso modo le même processus. Jens fait ses parties de clavier en Suède, Matias enregistre à peu près tout dans son studio, sauf mon chant, et il mixe l’album. Mais, en gros, c’est pareil que la dernière fois, si ce n’est qu’il y a un compositeur supplémentaire.

Ne ressens-tu pas parfois une routine dans le groupe, ayant ce cycle systématique de deux ans ?

C’est partagé ! [Petits rires] Parfois, c’est genre : « Fais chier ! » Lorsque nous en avons fini avec le mixage et le mastering, alors nous commençons à faire la promotion et très souvent, lorsque nous faisons la promotion, nous sommes tellement fatigués de l’enregistrement que nous n’avons ni le temps ni l’énergie d’écouter convenablement les nouvelles chansons. Mais bien sûr, il faut que nous le fassions pour la tournée. Là, ce sera sans doute l’une des tournées européennes les plus longues, ce sera cinq semaines, rien que pour l’Europe, alors que normalement c’est trois semaines et demie ou quatre au plus, si je me souviens bien. Ça fera donc une longue tournée mais j’ai aujourd’hui un bon pressentiment par rapport à ça, car je trouve qu’il y a de très bonnes chansons sur le nouvel album, et nous allons les combiner avec notre répertoire passé. Nous aurons donc comme un problème au niveau des setlists parce que nous ne pouvons pas jouer toutes les chansons du passé ! Bien sûr, d’une certaine façon tu peux faire ça en boucle. Ce sera quelque chose comme six mois de tournée, ou peu importe, et ensuite peut-être une pause et bla, bla, bla et peut-être commencerons-nous à enregistrer l’album suivant. Mais ce n’est pas quelque chose à laquelle nous devons nous tenir, nous pouvons toujours changer. Si quelqu’un veut faire une pause de six mois ou un an, nous le ferons, ou si quelqu’un ne veut pas jouer ce type de musique, il est libre de partir, il y a toutes ces options. Mais cet album était amusant pour tout le monde et si les gens l’aiment bien, bien sûr, nous le jouerons.

La dernière fois que nous nous sommes parlé, tu nous as dit à quel point Nemesis avait nécessité de travailler dur, surtout pour Matias. Etait-ce aussi difficile cette fois ou bien avez-vous essayé d’être un peu plus cléments avec vous-mêmes ?

Cette fois, c’était plus difficile pour moi que lorsque j’avais enregistré le chant pour Nemesis. Je ne sais pas, ça a pris plus de temps d’enregistrer le chant et c’était plus dur. Pour Matias, je pense que c’était difficile mais pas autant que Nemesis, dans la mesure où, lorsque nous avions enregistré cet album, il a presque fait une dépression nerveuse ; c’était trop de travail ! Car, en gros, il enregistre tout sauf mon chant et les claviers de Jens, mais il enregistre les guitares, la batterie, la basse, les chœurs, et ensuite il mixe l’album et il enchaîne avec le mastering, et en plus il compose, c’est donc énormément de travail ! Et c’est un perfectionniste ! Il veut toujours que tout soit parfait. Nous lui disons souvent que c’est satisfaisant mais il est là : « Oh non, il faut encore que je corrige ci et ça ! » [Petits rires] Mais je pense que cette fois, [c’était quand même assez dur] parce qu’il était très fatigué à la fin. Il me semble que pendant les quelques derniers jours, par exemple, il a travaillé quelque chose comme trente-six heures d’affilée, et ensuite, évidemment, il a fallu qu’il dorme plusieurs heures. Toutes ces dates butoir sont très exigeantes psychologiquement, ça lui impose beaucoup de pression. Mais je vois toujours les choses ainsi : si tu veux faire un bon album, ce ne sera pas une promenade de santé, ce sera beaucoup de douleur, de sueur et de jurons, et peut-être même de l’alcool. Si c’était vraiment si facile et amusant, alors je ferais certainement six albums par an ! J’ai enregistré deux albums en six mois et c’est bien assez pour cette année !

Stratovarius - Eternal

« C’est bien d’avoir de bonnes critiques mais tu ne sais pas ce que tu peux améliorer si toutes les critiques sont bonnes ! »

L’album s’intitule Eternal. Quel genre de déclaration voulez-vous faire avec ce titre ?

Ce n’est pas une déclaration. C’est marrant que tu demandes ça parce que nous voulions en fait essayer quelque chose de différent cette fois. La norme pour nous, et ça l’est sans doute aussi pour les autres groupes, c’est que nous assemblons les chansons, ensuite nous trouvons un titre et ensuite nous disons à l’artiste qui fera l’illustration que nous avons un titre qui s’appelle, disons, Destiny, et que nous voulons ci et ça sur la pochette. Mais cette fois, nous avons en fait parlé à l’artiste Gyula Havancsák : « Ok, nous n’avons pas encore de titre mais voilà ce que nous voulons : nous voulons ce machin, avec ces monstres et trucs du passé sur la pochette. » Il a fait la pochette il y a un an. Donc, en gros, nous avions déjà la pochette il y a un an, alors que nous n’avions même pas encore de nom qui convenait. Nous avons eu une suggestion de titre, mais ensuite nous avons décidé de changer parce qu’il n’était pas assez bon pour tout le monde dans le groupe. Il y a un an, nous n’avions probablement que trois chansons pour l’album mais c’était assurément un poids en moins : « Ok, nous avons une illustration, nous avançons ! » Mais c’était une façon très étrange d’approcher l’album [petits rires]. Mais nous avons essayé et, en fait, ça a marché. Durant les derniers jours, Matias avait déjà mixé l’album, nous avons discuté de ce que devrait être le titre. Je ne sais pas si c’est une malédiction ou quoi avec Stratovarius d’avoir des titres de sept lettres mais nous avons essayé autre chose et rien n’a marché. Mais si tu prends l’illustration, ça signifie que des choses sont éternelles. Evidemment, nous blaguons sur le fait que notre musique est éternelle, sans doute pas mais avec un peu de chance elle pourra tenir quelques écoutes. Une autre chose qui est intéressante, c’est qu’un autre journaliste m’a fait remarquer aujourd’hui que c’était notre septième album avec sept lettres dans le titre, et j’étais là : « Bordel, vraiment ? » Je ne le savais pas ! Je n’avais pas compté ! Evidemment, je savais que nous avions pas mal d’albums, mais sept, peut-être est-ce un signe. Peut-être que le prochain album aura huit ou neuf lettres… Nous avons essayé de sortir de ce schéma mais, je ne sais pas pourquoi, nous nous sommes à nouveau retrouvés avec ça. Notre truc, c’est sans doute que nous voulons que le titre soit assez simple et majestueux à la fois, il faut que ça colle à notre musique et la pochette. Eternal, c’est bien, ça a une bonne allure et ça correspond à l’illustration et à notre musique. C’est un bon titre pour cet album.

Donc tu ne penses pas forcément que votre musique sera éternelle, que les gens écouteront encore Stratovarius dans des centaines d’années ?

[Rires] C’est sûr que ce serait une très, très bonne chose mais j’imagine que je ne serai plus là pour vérifier ! Je n’en ai aucune idée. Je veux dire que la musique de Mozart et Beethoven est toujours là – évidemment, ils ne jouent pas eux-mêmes mais les compositions sont là. Tu ne peux pas savoir. Bien sûr, c’était toujours un plaisir d’entendre les gens dire : « J’ai écouté votre album Fourth Dimension – ou peu importe – il y a vingt ans et je l’aime toujours ! » Et je suis là : « Ok ! C’est merveilleux ! » Je pense que c’est super pour un musicien d’entendre que les gens aiment effectivement sa musique et l’écoute encore et encore, et peut-être font-ils une pause de quelques années et se remettent-ils à l’écouter. Ça montre que nous avons fait quelque chose correctement.

Eternal est un titre qui pourrait être vu comme un clin d’œil à l’album Infinite. Y a-t-il un lien entre ces albums ou bien est-ce juste une fascination du concept de « choses sans fin » que vous exprimez à travers ces deux albums ?

Encore une fois, tu soulèves une bonne et intéressante remarque ! Peut-être qu’il y a un truc subconscient qui lie ces deux albums mais il faut prendre en considération que sur Infinite, il y avait encore Tolkki dans le groupe et qu’il n’est plus là depuis neuf ou huit ans. Donc, je ne suis pas sûr qu’il y ait un lien. Peut-être qu’il y a une puissance suprême qui nous guide ! [Rires] Je ne sais pas ! Tiens-moi au courant si tu trouves !

Tu as dit dans une interview que tes sources d’inspirations sont les voyages, la nature, la campagne et aussi les livres d’histoire. Quelles ont été tes influences non musicales pour cet album ?

Je pense que c’est toujours la même chose. En fait, pour la chanson qui s’appelle « Lost Saga », les paroles sont un peu différentes de toutes les autres paroles de Stratovarius du passé. Sur celle-ci, ça parle de tueries et de sang… Car ça parle globalement de Vikings. Matias m’a dit : « Il faut que tu écrives cette chanson au sujet des Vikings. » Il m’a signifié que ça devait parler de ça. Et j’étais là : « Ah, merde, vraiment ? » Et ça m’a pris comme cinq jours pour écrire les paroles de cette chanson. Mais il y a l’histoire qui m’inspire toujours. Et ensuite, bien sûr, je m’inspire parfois de… Bon, en fait, je trouve des phrases dans des livres que je lis ou parfois dans les films aussi ou les séries télé Netflix ou peu importe. Ca dépend. Il y a plein de sources. Parfois c’est la nature. Très souvent, en fait, je trouve des idées dans la nature. La nature scandinave, c’est d’ailleurs là où je vis. Tout m’affecte.

Stratovarius 2015

« Je trouve que ces nouveaux gars jouent bien mieux que les anciens ! [Petits rires] Mais je dis ça avec le plus grand respect parce que nous avons fait de grands albums avec Tolkki, Kainulainen et Jörg, ça ne fait aucun doute. »

Est-ce que tu vas parfois te ressourcer dans la nature, spécifiquement pour trouver de l’inspiration pour la musique ?

Ouais, bon, je n’ai pas vraiment besoin d’aller dans la nature puisque j’ai une petite maison au bord d’un lac. Chaque fois que je me réveille, je regarde juste par la fenêtre et je vois ce lac. Pour ma part, lorsque je vois l’eau, d’un côté c’est reposant et d’un autre côté ça force le respect, tu dois respecter la nature. J’adore simplement regarder… Très souvent je m’assois sur ma terrasse derrière ma maison, parfois en buvant un verre de whisky, admirant la nature, le lac et d’autres trucs paisibles. C’est pour moi un lieu qui m’est très cher où j’aime retourner, surtout lorsque je reviens de tournée ou de grandes villes, ce qui est bien aussi mais j’aime avoir du temps à moi, mon intimité, lorsqu’il n’y a personne autour, pas de voiture, rien. L’hiver, il peut se passer des jours sans voir aucune voiture ou personne [petits rires]. C’est calme, c’est bien et c’est beau. C’est sûr que ça m’affecte. C’est un lieu où je peux trouver un peu de paix et c’est très important pour moi.

Tu as déclaré que « tout le monde a été très occupé à composer plein de nouvelles chansons et seules les meilleures ont été enregistrées. » Est-ce que ça veut dire que le reste ne verra jamais le jour ?

C’est difficile à dire parce que… Bon, au moins ça ne sera pas sur cet album [petits rires]. Pour ma part, par exemple, j’avais ces démos idiotes il y a un an, lorsque nous n’avions aucune chanson, que j’avais proposées. Pareil pour Lauri et, je crois, Jens aussi. Nous mettions des trucs sur la Dropbox, nous avions ces idées mais les chansons n’étaient pas prêtes à ce moment-là. Elles n’étaient donc pas assez bonnes à l’époque et j’ai abandonné l’idée de les utiliser pour cet album mais peut-être qu’il y a certaines accroches dessus que j’utiliserais plus tard pour autre chose, peut-être si jamais je fais un album solo – même si je n’ai rien prévu de ce côté-là – ou pour quelqu’un d’autre. Mais elles ne sont pas pour Stratovarius, pas tout de suite en tout cas.

Nous avons vu une récente interview où tu dis que ce n’était pas une si bonne chose d’avoir de bonnes critiques. C’est une déclaration assez intéressante. Peux-tu développer ce que tu voulais dire ?

Oh, ouais, eh bien, peut-être que je suis une personne trop pessimiste et négative. En gros, je ne lis pas toutes les critiques… D’une certaine façon, c’est bien d’avoir de bonnes critiques mais tu ne sais pas ce que tu peux améliorer si toutes les critiques sont bonnes ! Mais bien sûr, la vérité est que tout le monde préfère lire de meilleures critiques que les mauvaises, car je mentirais si je disais que je n’aime pas les bonnes critiques. Ça ne me dérange pas d’avoir de mauvaises critiques si elles sont basées sur une connaissance de notre musique. Ce que je n’apprécie pas, c’est lorsque quelqu’un qui déteste le power metal ou le metal veut critiquer un album de metal. Ça n’a aucun sens selon moi ! C’est quoi cette connerie ? Pourquoi est-ce que tu fais la critique d’un album dont tu ne connais absolument rien au style ? Pourquoi ne laisses-tu pas ça à quelqu’un d’autre ? Mais s’il y a une personne dont j’apprécie l’opinion qui dit que ce c’est bien ou que ça pourrait être meilleur, alors évidemment ça me va. Si mes amis me disent : « Hey, tu as un super album ! » Alors là, je me dis juste : « Ok, il dit simplement ça pour me faire plaisir… » Je pense que c’est juste la mentalité finlandaise qui nous fait dire : « Ah, ce n’est pas bien ! » C’était pareil avec Nemesis, j’étais là : « Mince, je ne sais pas comment les gens vont réagir à ça. Je ne sais pas si c’est assez bon. Est-ce que c’est trop compliqué ? Est-ce que c’est trop simple ? Bla, bla, bla… » Mais lorsque j’ai vu les critiques, j’étais là : « C’est quoi ce bordel ? En fait les gens aiment ça ! » J’étais très surpris ! Tu ne peux jamais savoir ! Car nous nous contentons de faire notre musique, donc nous n’avons aucune idée si c’est bien ou pas. Si vous critiquez l’album et dites qu’il est bien, bien sûr que je suis content, et plus tard, si des fans aiment, on se dit : « Ok, j’ai fait quelque chose de bien ! » Ce qui est sympa, bien sûr, surtout dans ce groupe où ça n’a pas toujours été facile, surtout au milieu des années 2005 et 2006. Et maintenant, nous sommes doucement en train de regagner la confiance des fans, surtout depuis Nemesis. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Il y a encore beaucoup de travail à abattre mais je suis content de là où nous en sommes aujourd’hui, je sais que nous pouvons faire plus de tournées.

Les fans de metal peuvent parfois être très puristes. Ils considèrent que les groupes qui ne jouent pas avec leur line-up d’origine ou classique trahissent les fans, même si les nouveaux musiciens ont autant de talent que les précédents. Est-ce quelque chose qui est arrivé à Stratovarius ? Est-ce que vous entendez des gens se plaindre de la présence de Rolf ou Matias dans le groupe ?

Ils ne se plaignent pas de Rolf, dans la mesure où Jörg a voulu partir parce qu’il voulait se concentrer sur ses trucs de promoteur. Mais je comprends parce que les gens qui écoutaient probablement notre musique dans les années 90 ou même si certains plus jeunes… Il y a des gens qui sont toujours portés sur le line-up classique, ou peu importe, mais j’estime que ce line-up est aussi classique que ce que nous avions dans le passé, c’est juste que c’est un line-up différent. Pour être tout à fait sincère, je trouve que ces nouveaux gars jouent bien mieux que les anciens ! [Petits rires] Mais je dis ça avec le plus grand respect parce que nous avons fait de grands albums avec Tolkki, Kainulainen et Jörg, ça ne fait aucun doute. Mais aujourd’hui, nous sommes aussi en train de faire de grands albums avec ce line-up. Soyons honnêtes… Bien sûr Kainulainen peut encore jouer mais je sais que Jörg n’a pas joué ce type de musique depuis un moment et Tolkki n’a pas joué en concert depuis des années. Ce ne serait donc pas aussi bon que ce que nous avons aujourd’hui avec ces mecs. Mais c’est sûr qu’ils ont tout mon respect, je respecte tous les trucs que Timo a faits dans le passé pour nous, et Jörg est toujours un bon ami à moi. Je n’ai rien contre eux mais ce que nous jouons aujourd’hui, c’est Stratovarius version 2015. Si des gens ne veulent pas nous aimer, alors ils n’aimeraient pas non plus l’ancien line-up parce que nous ne serions pas en train de tourner, si tu vois ce que je veux dire. Mais les gens ont des opinions. C’est bien qu’ils parlent. Mais je pense que, surtout en Finlande, les gens comprennent et ils ne pensent même plus à faire revenir les anciens gars dans le groupe. Ça n’arrivera pas, donc…

Stratovarius 2015

« Stratovarius, l’album, contenait des chansons que je ne voulais pas chanter ! Ces chansons sont toutes de la merde ! […] Je trouve que c’est l’un des pires albums que nous ayons fait. »

Ce qui est étonnant, c’est qu’on voit tout le temps des couples se séparer, on voit des partenaires de business se séparer, on voit tous les jours des relations prendre fin, et il n’y a aucun mal à ça, mais pour certaines raisons, les groupes n’ont pas le droit de le faire ! Comment l’expliques-tu ? Penses-tu que les gens oublient parfois que les relations entre membres d’un groupe, c’est comme n’importe quelle relation et que parfois se séparer est la meilleure chose à faire ?

C’est une putain de bonne remarque que tu soulèves là ! C’est exactement ce que je ressens aussi. Peut-être qu’avec le football c’est un peu similaire, tu sais. Si Messi quittait soudainement Barcelone, alors il y aurait des émeutes. S’il partait de Barcelone pour rejoindre Madrid, il se peut que ça fasse pareil. Je crois que parfois la musique est proche de la religion pour certaines personnes. Mais je pense que le sport c’est pareil, ou même pire. Comme lorsque tu as mentionné le truc avec le mariage, il y a deux personnes et elles ne s’entendent pas, alors pourquoi diable cinq personnes devraient-elles toujours travailler trente ans ensemble sans qu’il n’y ait jamais de problème ? C’est normal ! Surtout aujourd’hui où c’est pour le meilleur : Jörg ne voulait pas jouer et à un moment donné, c’est Tolkki qui ne voulait pas jouer, donc… Nous estimons que sans ces nouveaux gars, il n’y aurait pas de nouveaux albums de Stratovarius et je ne serais pas là en train de te parler ! Comme tu l’as dit : ça arrive. Mais très souvent, je me dis aussi : « Mais c’est quoi cette connerie ?! » Mais je pense que c’est aussi parce que la musique t’affecte dans ton esprit à bien des niveaux, et tu t’attaches sans doute au groupe qui a joué les chansons.

Il y a dix ans, vous avez sorti un album éponyme, et généralement, les groupes font ceci pour annoncer une nouvelle ère musicale ou pour dire que l’album possède tous les éléments classiques du groupe, mais ce n’était ni l’un ni l’autre dans le cas de cet album de Stratovarius. Du coup, comment vois-tu cet album, dix ans après ?

Eh bien, j’ai détesté cet album à l’époque et je le déteste toujours ! Je ne sais pas, Tolkki a composé les chansons et je pense qu’il commençait déjà à avoir des problèmes mentaux à l’époque. Il ne composait pas d’aussi bonnes chansons que par le passé, déjà à cette époque. Je crois qu’il voulait nous rendre plus metal ou je ne sais quoi, mais ce n’est pas notre style. Notre style, c’est le metal mélodique. Bien sûr nous avons des guitares heavy et des solos mais il faut que ce soit mélodique. Stratovarius, l’album, contenait des chansons que je ne voulais pas chanter ! Ces chansons sont toutes de la merde ! Sûrement qu’il voulait faire de Stratovarius un genre de Metallica, Megadeth ou peu importe ce que c’était, ce qui était à la mode à cette époque, je n’en sais rien. Mais je n’aimais pas l’album et je ne l’aime toujours pas, donc… [Petits rires]. Je trouve que c’est l’un des pires albums que nous ayons fait.

Cette année, tu sors un nouvel album de Cain’s Offering en plus du nouvel album de Stratovarius. Comment as-tu trouvé le temps de travailler sur les deux albums ?

Bonne question ! Je ne l’ai pas trouvé, en fait ! [Rires] Jani composait aussi des chansons avec moi pour ce nouvel album de Stratovarius et il a enregistré mon chant pour cet album, et nous étions putain de fatigués à la fin de la session. Avant ça, nous nous marrions, genre : « Ok, faisons un troisième album à l’automne et ça nous ferait trois album en un an ! » [Petits rires] Mais ensuite il a fallu que nous nous ravisions, nous étions là : « Oh, putain, je ne vais pas chanter un troisième album cette année. Putain, il n’y a pas moyen ! » Dans le cas de Cain’s Offering, Jani a composé la plupart des chansons, bon, grosso modo, presque tout, sauf « On The Shore » dont nous avons co-écrit les paroles et la musique. Nous avons enregistré le chant dans ma petite maison pour les deux albums. Mais je ne recommande à personne cette façon de travailler. Tout du moins, pour moi, c’était trop ! [Rires] Je pense avoir passé quelque chose comme trois mois et demi à ne faire que chanter dans ma chambre. Ce n’est pas très bon pour le mental [rires].

Les deux groupes ne sont pas très loin l’un de l’autre d’un point de vue du style. Comment sépares-tu ce qui doit aller à Cain’s Offering et ce qui va à Stratovarius ? Comment partages-tu ton inspiration entre les deux ?

Ouais, en fait, c’est une bonne question. Tout d’abord, Stratovarius est la priorité pour Jens et moi. Nous ne faisons même pas de concerts avec Cain’s Offering cette année, même si l’album est déjà sorti plus tôt. C’est donc juste un projet, tu sais. C’est un bon album et Jani est un très bon ami à moi. Il se peut que nous donnions quelques concerts l’année prochaine mais pas cette année. Donc, en premier, c’est Stratovarius. Il y a un an, avec Jani nous avons composé trois chansons que nous avons suggéré à Stratovarius, dont deux qui se sont retrouvées sur le nouvel album de Stratovarius et une, « On The Shore », sur l’album de Cain’s Offering. C’était un peu comme sélectionner quelles chansons et quels albums sortiraient en premier et aussi quelles chansons les autres gars dans Stratovarius aimaient. C’était un peu une étrange manière de faire mais de toute évidence ça a fonctionné. Nous avons déjà des chansons pour quelque chose mais nous ne savons pas pour quoi. Nous avons des chansons, mais nous allons sans doute en composer davantage.

Interview réalisée par téléphone le 6 juillet 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Jarmo Katila.

Site officiel de Stratovarius : www.stratovarius.com.



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  • lucide et pas prétentieux l’artiste chanteur.avide de les voir en concert
    de plus le dernier album est de haut niveau, de qualité proche de celui de nemesis

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