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Interview   

Strigoi : la bande-son de l’effroi


Le but avoué de Strigoi – projet du guitariste de Paradise Lost, Gregor Mackintosh, créé avec le bassiste Christ Casket suite à l’arrêt de Vallenfyre – est de retranscrire musicalement les sentiments d’horreur et d’effroi. Autant dire que ces dernières années, avec les décomptes macabres aux infos, le senti d’enfermement et les retombées psychologiques en tout genre, ils ont été servis en la matière, même si à titre personnel, Gregor, en bon solitaire, a plutôt apprécié certains aspects de la pandémie… Bref, pour parvenir à leur objectif, ils recourent à tous les moyens : de la lourdeur doom la plus suffocante à la vitesse grind la plus terrassante, en passant par quelques effets sonores pour rendre les atmosphères encore plus palpables, sans oublier quelques filets de lumière pour mieux nous replonger dans le noir. Avec son second album Viscera, Strigoi, a peaufiné sa formule, moins brut que le premier album, Abandon All Faith, et plus travaillé sur le plan sonore.

Nous en discutons ci-après avec Gregor Mackintosh qui, à l’inverse de Nick Holmes dans Bloodbath, trouve allègrement son inspiration dans l’horreur bien réelle de la vie, plutôt que dans la fiction. L’occasion aussi pour lui, notamment, de déplorer l’uniformisation du metal et de revenir sur le cas du batteur Waltteri Väyrynen, récemment parti de Paradise Lost pour rejoindre les rangs d’Opeth.

« Les seuls vieux amis que j’ai sont ceux qui sont dans le groupe. Je ne me lie pas longtemps aux gens. Je vois la vie comme des cycles, tu gardes des gens auprès de toi pendant un certain temps et ensuite tu passes à autre chose. Je fais pareil avec la musique. »

Radio Metal : Chris Casket a dit que lorsque vous avez fait le premier album de Strigoi, il y avait certaines attentes en venant de Vallenfyre. As-tu l’impression que Viscera est maintenant le véritable acte de naissance de Strigoi, d’une certaine façon, qu’il s’est émancipé ?

Gregor Mackintosh (chant & guitare) : Non, je trouve le premier album super. Pour n’importe quel groupe, le premier album affiche un peu plus ses influences que le second. Avec le premier album, tu cherches tes repères, donc il allait forcément y avoir des éléments de Vallenfyre là-dedans, tout en essayant de bâtir Strigoi. Ensuite, tu apprends certaines choses à propos de ce que Strigoi devrait et ne devrait pas être, et ça te donne une vision plus claire pour le second album, je suppose. Le premier album est tout aussi Strigoi que le second, c’est juste que sur le second, nous avions une vision plus claire de la direction dans laquelle nous voulions emmener le groupe. Je pense que Vallenfyre était un projet typé crust bien plus brut de décoffrage et nous avons appris en faisant le premier album de Strigoi que peut-être nous avions suffisamment fait ce genre de chose dans Vallenfyre. Je voulais emmener Strigoi vers quelque chose qui se baserait plus sur un sentiment que des influences. Le nouvel album de Strigoi n’est pas aussi orienté crust, D-beat et ce genre de chose. Il se focalise davantage sur le côté horrifique et ce sentiment d’effroi que nous avons essayé de mettre là-dedans. Nous trouvions que nous avions suffisamment fait ça avec Vallenfyre ; nous avons fait trois albums alors qu’au départ, il n’en était prévu qu’un. C’était le moment de faire quelque chose de différent.

Vous repoussez clairement les limites avec Viscera, en allant d’un côté dans le doom vraiment lent et d’un autre côté à fond dans du grind. Y a-t-il quelque chose de libérateur ou de cathartique dans le fait de pouvoir s’étendre aux extrêmes ?

Oui. Je ne me suis jamais senti restreint en faisant Paradise Lost car nous faisons un peu ce que nous voulons, mais il y a certains extrêmes qui ne conviendraient pas, donc il y a un côté cathartique à pouvoir faire ressortir ces facettes réellement horribles. Dans Paradise Lost, c’est beaucoup plus nuancé et subtil. Il n’y a rien de subtil dans Strigoi, c’est très extrême. Comme tu l’as dit, on retrouve là-dedans le plus lent des lents et le plus rapide des rapides, et pas mal de choses entre les deux. Mais ce n’est pas vraiment une question de vitesse, il s’agit de transmettre ce sentiment d’horreur et d’effroi de différentes façons. Il J’aimerais continuer à faire d’autres choses avec Strigoi, mais je pense que nous en avons déjà fait pas mal sur le second album pour qu’il trace sa propre route et ne soit pas assimilable à Vallenfyre ou Paradise Lost ; ce n’est aucun de ces autres projets. C’est un truc à part.

Tu as déclaré facilement t’ennuyer et avoir « une faible capacité de concentration ». Est-ce vrai, non seulement pour la musique, mais aussi pour ta vie en général, les gens avec qui tu traînes, etc. ?

Je pense que c’est très vrai. C’est malheureux pour les gens de mon entourage et probablement pour moi aussi [rires]. Dès que j’ai terminé quelque chose, je pense à la suite. Pour moi, dans la vie, il s’agit d’apprendre et d’avancer. Les seuls vieux amis que j’ai sont ceux qui sont dans le groupe. Je ne me lie pas longtemps aux gens. Je vois la vie comme des cycles, tu gardes des gens auprès de toi pendant un certain temps et ensuite tu passes à autre chose. Je fais pareil avec la musique, ainsi qu’avec plein d’autres choses. C’est plus fort que moi, je suis comme ça, c’est tout. Certaines personnes sont plus pantouflardes et aiment tout le temps garder les mêmes choses auprès d’elles, mais je ne peux pas être comme elles. C’est bien le temps que ça dure, mais je ne fais pas partie de ces gens qui veulent continuer les choses même si c’est forcé. Si j’ai un ami et que, dans une certaine mesure, nous ne nous intéressons plus l’un à l’autre, je ne suis pas très bon pour essayer de m’accrocher à cette amitié juste pour la faire perdurer, pour le bon vieux temps ou je ne sais quoi. Je suppose que je n’ai aucune patience pour ce genre de chose.

J’ai beaucoup d’empathie pour les gens, mais je ne suis pas une personne sociable, ça se résume aussi à ça. Si je suis en tournée, en l’occurrence, je reste tout seul. Je ne me mêle à personne d’autre, je ne vais pas boire quelque part, je ne fais rien. Je me contente de lire ou de faire de la musique et de rester seul. J’ai toujours été à l’aise avec ma propre solitude et ma propre compagnie, donc je ne ressens pas le besoin d’être parmi d’autres gens qui parlent d’un tas de trucs, car je me fiche un peu des opinions des autres à moins qu’elles ne façonnent la mienne. C’est comme avec la musique, je n’écoute pas particulièrement de musique mainstream, j’écoute des trucs sur Bandcamp parce que je trouve que j’apprends plus en écoutant des musiques sur lesquelles il n’y a aucune attente. C’est marginalisé, je trouve ça plus intéressant.

« Tout ce que j’ai fait avec Vallenfyre et Strigoi, c’est un peu comme une mixtape. Si j’écoute du doom metal, j’écoute deux chansons et ensuite je passe à du black metal, puis je passe à des trucs électroniques… Je ne peux pas vraiment écouter des albums complets, donc fondamentalement, ce que je produis contient des teintes qui reflètent ça. »

Comment le fait d’avoir une faible capacité de concentration façonne ou affecte ta composition ?

C’est difficile. Je dois avoir une vue très claire du projet sur lequel je suis en train de travailler, que ce soit un groupe, un album ou même une chanson. Je dois avoir une vision très claire de ce que ça va devenir ou sinon, j’ai tendance à trop me diversifier. En l’occurrence, avec Paradise Lost, nous nous sommes beaucoup diversifiés. Nous avons fait des choses très différentes au fil des années, mais nous l’aurions encore plus fait s’il n’y avait pas eu le chanteur, Nick Holmes. C’est le plus raisonnable de nous deux, il m’arrête et m’empêche de faire des choses trop bizarres, je suppose. Je pense qu’on a toujours besoin d’une sorte de guide. Chris est ma version de ça dans Strigoi et c’était Hamish [Glencross] dans Vallenfyre. Je suppose qu’on a besoin d’un esprit sensé pour nous freiner de temps en temps, autrement je m’écarte un peu trop de l’objectif.

La conséquence, évidemment, est que Viscera est un album très varié d’une chanson à l’autre. N’étais-tu pas inquiet que le résultat manque de cohérence ?

Oui, c’est toujours quelque chose qui peut arriver. Ce n’est pas forcément dans un coin de ma tête pendant que je compose, car je fais une chanson, puis je l’oublie, je passe à la suivante et je vois ce que je vais faire avec ça. Ensuite, quand je compile le tout, je vois si ça s’enchaîne bien en tant qu’album et si ce n’est pas le cas, je fais des ajustements çà et là, je dois retirer des chansons ou ne pas être trop attaché à certaines choses pour faire en sorte que ça soit plus fluide. Je suppose que tout ce que j’ai fait avec Vallenfyre et Strigoi, dans une certaine mesure, c’est un peu comme une mixtape, sur laquelle Chris s’ajoute. Si j’écoute du doom metal, j’écoute deux chansons et ensuite je passe à du black metal, puis je passe à des trucs électroniques… Je ne peux pas vraiment écouter des albums complets, donc fondamentalement, ce que je produis contient des teintes qui reflètent ça. C’est un petit peu dans un coin de ma tête, mais une fois que toutes les chansons sont écrites, il faut se poser et c’est un autre processus où on voit comment ça s’enchaîne en tant qu’album, ce qu’on imagine en tant qu’ouverture, comment ça fluctuera, où seront les parties sombres et les parties lumineuses, et si le tout est cohérent.

Au final, quel est le point commun ou le lien entre une chanson comme « Napalm Frost » et une autre comme « Iron Lung » qui sont à deux extrémités opposées du spectre ?

Je pense qu’elles sont toutes les deux très oppressantes de façon différente. « Napalm Frost » est très violente et ne se calme pas, on n’a presque pas le temps de respirer. Or, c’est exactement l’idée de « Iron Lung », le fait de ne pas pouvoir respirer, mais c’est fait de manière complètement différente. C’est censé donner l’impression qu’on a un poids sur la poitrine, de ne pas réussir à faire rentrer suffisamment d’air dans nos poumons. Ce sont les plus grands extrêmes de l’album, mais ce sont deux bons choix de chansons en tant que juxtaposition, car d’une certaine façon, elles renvoient toutes les deux à l’idée de respiration. L’une ne donne pas le temps de faire une pause pour respirer et l’autre retire littéralement le souffle de notre corps. J’ai toujours pensé la musique en termes de visuels et de sentiments qu’elle me procure, plutôt que juste en termes de son. Voilà comment, pour moi, le lien est fait avec l’ensemble.

D’un autre côté, ça souligne un grand contraste entre lenteur et rapidité, lumière et ombre… Penses-tu qu’un extrême a parfois besoin de l’autre extrême pour avoir un plus fort impact ?

Je pense que plus les extrêmes sont éloignés, plus fort est l’impact. Il y a divers extrêmes sur cet album. Si tu fais une partie vraiment ambiante et qu’ensuite tu fais quelque chose d’écrasant tellement c’est lourd, évidemment la partie écrasante aura encore plus d’impact, mais il faut que ça fonctionne, que ça s’enchaîne bien. Il y a beaucoup de guitare heavy dans cet album, mais il y a aussi beaucoup de guitare ambiante en fond sonore et je pense que c’est ce qui fait le lien, ça rassemble les parties ambiantes et les parties heavy afin qu’elles se soudent et s’enchaînent comme il faut, plutôt que ce soit : « Voici une partie calme. Voici une partie heavy. Voici une partie calme. Voici une partie heavy. » Ça, ce serait ennuyeux et forcé.

« Je suis constamment obsédé par Napalm Death, surtout la face A de Scum. Cet album m’obsède depuis qu’il est sorti, tout comme les deux premiers albums de Celtic Frost. Je les dissèque toujours pour essayer de comprendre ce qui les rend si bons et si représentatifs de leur époque. »

Il y a très peu de lumière dans cet album, mais d’une certaine façon, est-ce ça ne rend pas la lumière encore plus belle quand elle est rare ?

Je pense que tu as raison. C’est un album très sombre. C’est fait exprès car nous essayons d’obtenir cette sensation d’effroi. Mais je pense que de temps en temps, sur de très courts instants, il y a de petites teintes de lumière. L’une d’entre elles, par exemple, serait la partie de guitare dans le refrain d’« Iron Lung ». Il y a certains passages dans l’album où il y a un peu de répit et c’est fait intentionnellement. Si tu t’imagines en train de te noyer et que tu es de plus en plus aspiré dans les profondeurs, que la descente dure une éternité, ça perd un peu de… Il faut remonter brusquement à la surface de temps à autre, je pense. Même si c’est très bref pour ensuite se refaire aspirer par le fond, ça donne un point de référence qui permet de juger l’ensemble, parce que tout est une question de perspective. Je sais que ça peut paraître étrange, car c’est un album très oppressant, d’une certaine façon, mais je crois vraiment qu’il n’y a aucune perspective si on ne fait que descendre, si on n’a pas un point de vue à partir duquel on peut tout voir, et alors ça devient un peu plat. Il faut ces cimes et ces creux. J’aime beaucoup les musiques qui sont constamment oppressantes, comme Portal ou Primitive Man, mais je ne voulais pas que Strigoi ressemble à ça. Je voulais qu’il y ait ces très courts et momentanés filets de lumière pour avoir cette juxtaposition. Je ne sais pas si j’y suis arrivé ; à chaque album, on s’efforce d’accomplir quelque chose et ensuite, c’est l’auditeur qui décide si on y est parvenu ou dans quelle mesure on y est parvenu.

D’ailleurs, à quel point « Napalm Frost » est-il un hommage à Napalm Death ?

Oh, c’en est clairement un. Le titre de travail était évidemment déjà « Napalm Frost » car c’était initialement à cinquante pour cent du vieux Napalm Death et à cinquante pour cent influencé par Celtic Frost. Nous avons simplement aimé le titre. Au départ, nous trouvions ça amusant, et ensuite ça fonctionnait bien comme titre pour la chanson, qui parle de tyrannie. « Napalm Frost » se prêtait bien à ce titre. C’était un titre de travail et c’est le seul qui a été gardé pour l’album. Mais il est clair que je suis constamment obsédé par Napalm Death, surtout la face A de Scum. Cet album m’obsède depuis qu’il est sorti, tout comme les deux premiers albums de Celtic Frost. Je les dissèque toujours pour essayer de comprendre ce qui les rend si bons et si représentatifs de leur époque. Mais c’est justement ce qui fait qu’on ne peut pas les recréer. C’est ce que j’ai compris au fil du temps, on ne peut pas les recréer parce que c’est lié au moment où ils ont été faits.

Lee Dorian de Cathedral vient d’ailleurs de Napalm Death, donc il est passé d’un grind rapide à un doom metal lent. Te reconnais-tu d’une quelconque façon dans son parcours musical ?

Je pense que nous venons d’un background similaire. Je connais Lee depuis longtemps. Nous avons joué ensemble quand il était dans Napalm Death dans les années 80 et nous avons tourné ensemble quand il était dans Cathedral. Nous venons tous les deux du milieu punk, nous sommes passés par la scène hardcore, nous nous sommes plus intéressés aux trucs extrêmes, comme le grindcore, le death metal et ensuite le doom metal, donc nous avons effectivement un parcours similaire. Mais à un moment donné, nous avons bifurqué et il est parti dans un doom plus perché typé années 70. Le stoner n’a jamais vraiment été mon truc. J’aime Black Sabbath comme n’importe qui, mais tout le côté stoner ne m’intéresse pas trop alors que lui, si. Je reconnais assurément que nos backgrounds musicaux et la façon dont nous avons grandi avec la musique était très similaire. Je suppose que nous sommes juste des gars issus de la classe ouvrière qui ont grandi dans la scène punk au Royaume-Uni. La scène punk a fini par se mélanger avec la scène metal et on a commencé à entendre tout un tas de trucs qu’on n’avait jamais entendus avant. Je me suis intéressé sur le tard à Black Sabbath et ce genre de chose, je m’y suis mis grâce à des groupes comme Trouble et Candlemass.

Tu as dit qu’« avec Viscera, il s’agissait à la fois de pousser un peu le bouchon, de le rendre moins brut », en ajoutant même un peu de sound design pour faire que ce soit très effrayant et perturbant, comme dans la chanson « Hollow » ou « Bathed In A Black Sun ». Dirais-tu qu’il y avait une approche plus à la façon d’une BO cette fois ?

Oui. Le fait de mettre du son sur des visuels et vice versa est quelque chose qui m’a de toute façon toujours fasciné. Mon fils est allé à l’université étudier le montage de films et le sound design, j’ai dû pas mal l’aider pour son travail et ça a d’autant plus accru mon intérêt. Ça m’a donné envie de plonger encore plus dedans. C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé mais que je n’avais jamais vraiment approfondi jusqu’à ce qu’il aille à l’université il y a quatre ou cinq ans. Donc je me suis plus impliqué dans ce domaine grâce à ça et ensuite, j’ai bricolé là-dessus en studio pendant des années. Quand j’étais en train de composer pour Viscera, j’ai trouvé que ça se prêtait bien à certains morceaux. Ça ne convenait pas à tout, mais ça élevait certaines parties. J’ai des cris féminins que j’ai inversés et réverbérés et ce genre de chose. Je les utilise pour faire l’enchaînement vers certaines parties dans des chansons rapides, ça fait monter la tension. Ce sont juste des bruits ici et là qui appuient le sentiment d’effroi.

« J’étais la seule personne à ma connaissance à avoir apprécié la pandémie – enfin, pas la pandémie, mais la solitude, je suppose. Ce n’est bien sûr pas agréable quand on nous dit qu’on est restreints, mais c’était sympa d’avoir cette période où on n’était pas obligés de voir des gens. »

Penses-tu que ça pourrait avoir un impact sur le prochain Paradise Lost, par exemple ?

Tout dépend de quel type d’album il s‘agira, car pour l’instant, je ne sais pas. Mais si ça se prête à certaines chansons, peut-être. Paradise Lost est beaucoup plus mélodique, beaucoup plus doux-amer et centré sur la mélancolie, donc ce n’est pas hors de question. J’en ai utilisé un petit peu sur Obsidian, le dernier album de Paradise Lost, sur le morceau d’ouverture. J’ai utilisé un vieil et étrange instrument anglais qu’on appelle la vielle à roue là-dedans, donc j’ai inclus de tout petits éléments. Mais ça dépend de la chanson, si ça ne lui convient pas, nous ne le mettrons pas.

Dans Strigoi, tu aimes qu’on te donne des mots ou de la prose pour t’inspirer la musique. As-tu toujours besoin d’un support écrit ou visuel sur lequel te reposer afin de trouver l’inspiration et de créer de la musique ?

Non, pas du tout. D’ailleurs, avec Paradise Lost, je ne le fais pas, je ne l’ai jamais fait, les paroles viennent après. Strigoi est la première fois où j’ai utilisé de la prose et des paroles comme moyen de juger quel type de chanson je vais composer. Avec Paradise Lost, c’est totalement l’inverse, je fais la musique et ensuite les paroles. Avec Vallenfyre, j’écrivais aussi les paroles, mais j’ai fini par décider que je n’aimais pas vraiment écrire des paroles, parce que ça devient un peu oppressant quand on fait tout et que c’est aussi sombre. Mais avec Strigoi, ça fonctionne bien avec Chris. Il écrit les paroles ou me donne de petites phrases que je prends et je décide comment les interpréter et quel type de chanson il faut que ce soit. C’est drôle parce qu’avec Paradise Lost, je ne pense pas que ça marcherait d’avoir les paroles en premier. C’est plus basé sur des mélodies qui s’entremêlent, c’est ainsi qu’une chanson de Paradise Lost commence, donc les mots n’auraient probablement pas autant d’impact là-dessus au départ. Avec Strigoi, nous nous sommes mis d’accord pour dire que l’objectif, c’était d’obtenir ce sentiment d’effroi et de malaise, donc le fait d’avoir les mots en premier ça marche très bien. Je ne pense pas que ça marcherait en toute circonstance. C’est comme la différence entre des chansons joyeuses et tristes. Aucun des deux n’est un groupe joyeux, mais Paradise Lost l’est plus que Strigoi.

Tu as dit qu’« Iron Lung » était « censé donner l’impression qu’on a un poids sur la poitrine, de ne pas réussir à faire rentrer suffisamment d’air dans nos poumons ». C’est d’ailleurs l’idée que tu as donnée à Chris. D’où t’est venue cette idée au départ ?

C’était un ami qui a eu le Covid-19 au début de la pandémie. Il était à l’hôpital et ne pouvait pas respirer. Ensuite, on commençait à voir toutes ces choses aux infos et les gens en soins intensifs. Je ne sais pas dans quelle mesure… On ne sait pas quoi croire de nos jours, mais ça m’a fait réfléchir à ce que ce serait d’être dans cette situation, de haleter à chaque fois qu’on voulait respirer. Respirer, c’est comme boire de l’eau, c’est quelque chose qu’on prend vraiment pour acquis, et là on te le retire. Je trouvais que ce serait intéressant d’écrire là-dessus et ensuite d’essayer d’y mettre de la musique de façon à ce que les gens ressentent cette sensation quand ils l’écoutent.

Evidemment, le Covid-19 vous a empêchés de promouvoir sur scène Abandon All Faith. D’un autre côté, vous avez utilisé ce temps libre pour travailler sur ce second album : Strigoi étant vraiment centré sur ce sentiment de malaise, j’imagine que vous avez facilement pu puiser dans le sentiment de malaise qu’on a connu durant la pandémie…

Oui, parce que la chanson « Iron Lung » a initialement été inspirée par ça, elle résulte de la pandémie. Cette idée de ne pas réussir à respirer est une influence directe, tout comme le sentiment d’être prisonnier et étouffé. Il y avait clairement de la matière à écrire. « Napalm Frost » parle de tyrannie et de gens qui suivent aveuglément, ce qui est partiellement lié à des choses autour de la pandémie. Ça en fait partie, mais il y a d’autres passages dans l’album qui étaient influencés par d’autres choses qui sont source de sentiment d’effroi, qui nous rendent anxieux ou nerveux, qui nous empêchent de bouger, etc. Ce sont généralement de vastes sujets comme la guerre, le fait de voir des images de celle-ci ou d’en entendre parler, ou le fait de lire sur la souffrance, sur des épreuves, sur ce que des gens ont enduré, même historiquement. Par exemple, « Byzantine Tragedy » est plus historique, ça parle plus de la façon dont le pouvoir change. Je lisais au sujet de la montée en puissance puis de la chute de différents empires et de la façon dont les changements de pouvoir affectaient une grande partie du monde et créaient de l’adversité, de la douleur et de la détresse pour tant de gens. Dans une certaine mesure, c’est encore vrai aujourd’hui. Cette chanson est partie dans une voie historique, et en retour, ça a mené à « King Of All Terror », qui est une chanson plus directe sur une dictature imaginaire. Disons qu’il y a un nouvel ordre mondial, à quoi ressemblerait le leader par excellence pour ça ? Qui serait le roi de la terreur ? Certaines chansons peuvent en engendrer d’autres. Une idée mène à une autre idée, qui elle-même mène à une autre. Mais il est certain que le Covid-19 a été une influence, car on écrit aussi sur ce qu’on connaît. On ne pouvait pas ne pas être influencé par ça, dans une certaine mesure.

« J’installe un studio dans l’un des salons du tour bus, et j’y travaille du matin au soir, jusqu’au concert. Si quoi que ce soit en ressort, c’est super, et dans le cas contraire, tant pis. Toujours est-il que c’est ma manière d’éviter de trop réfléchir. »

D’ailleurs, comment as-tu vécu, à titre personnel, la pandémie ? Etant habitué au sentiment de malaise, mais aussi n’aimant pas les foules et être là où il y a des gens en général, comme tu nous l’avais dit la dernière fois, as-tu eu moins de mal à la supporter que d’autres gens ?

Oui, car j’ai même aimé. J’en parlais justement aux gars de Paradise Lost il y a quelques semaines, je disais que j’étais la seule personne à ma connaissance à avoir apprécié la pandémie – enfin, pas la pandémie, mais la solitude, je suppose. Ce n’est bien sûr pas agréable quand on nous dit qu’on est restreints, mais c’était sympa d’avoir cette période où on n’était pas obligés de voir des gens et de faire des choses. Dans une certaine mesure, ma personnalité a fait que j’ai bien aimé certains aspects de la pandémie, mais au final, j’aurais préféré que ça ne soit arrivé, comme tout le monde. Pourquoi voudrait-on quelque chose comme ça ? Je ne souhaite à personne d’être malade.

Nick Holmes nous a dit qu’il ne considérait pas les choses négatives comme étant inspirantes et qu’il fallait qu’il se sente joyeux pour être inspiré. En conséquence, un groupe comme Bloodbath est purement une évasion pour lui, qui lui permet de revivre ses années d’adolescence – au mieux, c’est une thérapie loin de ce qui se passe dans le monde réel. Qu’en est-il de toi ? Tu sembles très différent à cet égard, vu que Strigoi – tout comme Vallenfyre avant – a l’air d’être très ancré dans le côté négatif voire horrifique de la réalité…

Je suis tout l’opposé. Tout est une question de catharsis. Tout est une question de mettre au premier plan les horreurs réelles du monde. Je trouve le côté obscur de la vie très inspirant. Ça me donne envie d’écrire dessus et d’en parler. Parfois, ça peut devenir trop opprimant, bien sûr. C’est pourquoi Vallenfyre ne pouvait pas continuer, il faut passer à autre chose, donc il fallait que ce projet s’arrête. La musique, c’est ça pour moi. Je sais que quand Nick est déprimé, il n’arrive pas à écrire, il ne peut pas être dans cette situation, mais je suis tout le contraire. Je trouve qu’il est très facile d’être inspiré par quelque chose de sombre.

Penses-tu avoir même besoin de cet exutoire pour exprimer et peut-être exorciser la réalité ?

Oui. J’ai trouvé Vallenfyre très cathartique parce qu’avant ça, je ne faisais pas mon deuil et ensuite, en en parlant, ça m’a aidé à le faire et j’ai fini par en parler avec d’autres gens grâce à Vallenfyre. En l’occurrence, nous avons fait une tournée avec Bolt Thrower et j’étais en train de parler à Jo Bench, la bassiste. Elle a dit que sa mère était décédée récemment et qu’elle avait trouvé les paroles du premier album de Vallenfyre très intéressantes, que celles-ci reflétaient une grande partie des sentiments qu’elle avait, donc nous en avons discuté. Nous n’aurions pas été dans cette situation si je n’avais pas fait ce truc cathartique. Je ne suis pas en train de dire que c’est toujours positif, car ce n’est pas le cas, mais dans certaines circonstances, ça peut aider.

Il est clair que tu laisses sortir ton côté obscur dans Strigoi. On peut avoir l’impression que les gens ont tendance à refouler l’obscurité qui est en eux, peut-être parce que c’est ce que la société nous apprend. Penses-tu qu’au contraire, c’est sain de la reconnaître et même de l’accepter ?

Ça l’est pour moi, évidemment. C’est différent suivant les personnes. Il y a des moments et des lieux pour certaines choses. Sur le court terme, parfois c’est nécessaire d’être dans la retenue et de mettre les choses en arrière-plan, car on a des choses à faire ou on doit être là pour d’autres personnes. En l’occurrence, quand il y a un décès dans la famille, on peut avoir besoin d’être celui qui reste fort, juste pendant un temps, donc il faut encaisser. Mais je ne pense pas que ce soit sain de faire ça sur le long terme, car alors on finit par être très réprimé. Ces sentiments n’auraient nulle part où aller et on deviendrait probablement très irascible. Donc, on ne peut pas garder ça éternellement en soi, il faut une forme d’exutoire. En l’occurrence, j’ai un ami qui court. Il court tout le temps, genre cent cinquante kilomètres, et s’il n’avait pas ça, il deviendrait sans doute fou. Mais personnellement, je ne pourrais pas faire ça, ça ne m’intéresse pas, ça ne me ferait rien. Je crois que tout le monde a son propre exutoire pour sa propre libération, sa propre soupape, et la musique est la mienne mais ça ne conviendrait pas à tout le monde.

D’un autre côté, dans « Hollow », tu chantes : « Je dois m’échapper de cette noirceur ». Te sens-tu parfois prisonnier de cette noirceur que tu as en toi ?

Absolument. C’est quelque chose avec lequel j’ai lutté toute ma vie et je prends des pilules pour ça [rires]. J’ai appris à affronter certaines choses d’une certaine façon. C’est un domaine dans lequel on s’améliore avec l’âge. On arrive à mieux jongler avec ses émotions et les choses de la vie, mais il peut quand même arriver que ça nous submerge. Parfois, j’ai besoin de complètement m’en évader. Dans une semaine, je vais partir en tournée pendant six semaines avec Paradise Lost et ma manière de gérer les tournées, car il y a beaucoup de temps morts, c’est que j’installe un studio dans l’un des salons du tour bus, et j’y travaille du matin au soir, jusqu’au concert. Si quoi que ce soit en ressort, c’est super, et dans le cas contraire, tant pis. Peut-être qu’une nouvelle chanson de Paradise Lost peut en résulter, peut-être un nouveau projet ou une chanson de Strigoi en ressortira ou peut-être rien. Toujours est-il que c’est ma manière d’éviter de trop réfléchir.

« Peu importe à quel point la race humaine est divisée, elle reste unie par le fait qu’on n’est tous que des bouts de viande. »

L’album s’intitule Viscera et on voit deux femmes au teint pâle dégorger des boyaux noirs. Est-ce le sentiment que te procure cette musique, d’être viscérale dans le sens le plus profond ?

C’est effectivement une musique très viscérale et c’est devenu un titre très pertinent pour l’album. Au départ, c’était juste le titre de la chanson d’ouverture, c’est-à-dire « United In Vescera », qui parle plus du fait que, peu importe à quel point la race humaine est divisée, elle reste unie par le fait qu’on n’est tous que des bouts de viande, on est tous faits de peau, d’os et de chair. Mais plus nous y pensions en tant que titre d’album, plus nous nous disions que c’était vraiment super, car ça peut ne pas le paraître pour certaines personnes qui n’y entendront peut-être que du bruit, je ne sais pas, mais moi, je trouve cette musique très viscérale. Donc c’est très vite devenu le titre de l’album, nous nous disions que ça ne pouvait pas être autre chose. Puis l’artwork est l’interprétation de Brian Sheedan – c’est l’artiste qui l’a réalisé – de l’idée derrière ce titre, Viscera.

Tu as déclaré que « ce que [tu] adorais dans le vieux death metal, c’est-à-dire quand [tu t’y es] intéressé, c’est que tout avait un feeling propre à l’époque. C’était dans un coin de [ta] tête tout du long de la conception de Viscera – [tu] voulais lui donner sa propre esthétique. » As-tu l’impression que la scène death metal, et peut-être la scène metal en général, aujourd’hui – en tout cas dans l’« upperground » par opposition à l’underground – a tendance à être standardisée et uniformisée ?

Absolument. La scène metal commerciale ne m’intéresse pas du tout. Tout le monde y sonne pareil. Je ne suis pas en train de dire qu’il n’y a aucun talent, il y a des gens talentueux et il y a de super chansons, mais pour je ne sais quelle raison, tout le monde sonne pareil. La production est la même, les guitares sonnent pareil, la batterie sonne pareil… Je ne trouve pas ça intéressant. Ensuite, tu tomberas sur une musique via Bandcamp qui est peut-être bizarre pour certaines personnes, mais ça ouvre quelque chose, c’est excitant, ça ne ressemble à rien qu’on ait entendu avant. Je n’arrive pas à comprendre, le metal, le punk et ce genre de truc, c’était censé être de la musique marginalisée, excitante et différente, qui défiait les normes et repoussait les limites. Je trouve que maintenant, au niveau commercial, c’est l’une des formes de musiques les plus timorées, on sait à quoi s’attendre. C’est juste ennuyeux. Même la pop, par moments, est plus audacieuse aujourd’hui, ce qui est terrible. C’est horrible de dire ça, mais c’est vrai. Peu de gens font leur propre truc. Ne te méprends pas, il y a des groupe qui font leur propre truc, mais peu dans la scène commerciale ou ce que tu appelles l’« upperground ».

Penses-tu que le death metal a tendance à perdre de son attrait et de sa saveur avec le succès ?

Pas forcément. Je pense que plus longtemps un groupe existe, plus il devrait ressentir un besoin de se diversifier. En l’occurrence, si tu commences comme Napalm Death avec son premier album Scum, je trouverais ça bizarre si vingt ans plus tard le groupe sonnait exactement pareil. Ce serait curieux parce tu serais une personne différente. Ça se comprendrait éventuellement s’il y avait encore les influences de cette époque ou s’il y avait quelque chose qui te reliait à ça, mais constamment sonner comme ça serait étrange. J’ai d’ailleurs toujours trouvé étrange que Slayer essaye de faire Reign In Blood partie deux, trois, quatre, cinq… Je ne l’ai jamais compris. C’était un groupe génial et ils ont écrit des musiques extraordinaires, mais au bout d’un certain temps, ils n’ont plus voulu repousser les limites. Peut-être qu’ils pensaient avoir fait le tour de la question, je ne sais pas. Je vois ça comme une courbe d’apprentissage, j’apprends constamment grâce à de nouveaux et intéressants jeunes groupes, et c’est ainsi que ça devrait se passer.

Est-ce que ça a été conscient chez toi d’éviter cette uniformisation ?

Un peu, mais ce n’est pas toujours facile. Et si tu te forces trop à essayer, tu tournes un peu en rond et tu te conformes quand même, d’une certaine façon. Car si tu te forces trop à être différent, c’est stupide, en soi c’est une forme de conformisation et ça va te restreindre, or toute l’idée est justement de ne pas être restreint. J’essaye de ne penser à rien quand je compose. C’est dur et ça ne marche pas toujours, c’est évident. J’ai une certaine façon de composer et j’ai un certain style de jeu, donc je suis limité par ces facteurs, mais quand je me mets à faire un album, quel qu’il soit, j’essaye d’oublier tout ce qu’il y a eu avant et me demande : « Qu’est-ce que j’écrirai aujourd’hui ? » et c’est ce que j’ai essayé de faire. Parfois, ça touche la corde sensible chez les gens, et parfois, ça passe à côté.

« Je n’arrive pas à comprendre, le metal, le punk et ce genre de truc, c’était censé être de la musique marginalisée, excitante et différente, qui défiait les normes et repoussait les limites. Je trouve que maintenant, au niveau commercial, c’est l’une des formes de musiques les plus timorées. Même la pop, par moments, est plus audacieuse aujourd’hui. »

Tu as maintenant Ben Ash à la guitare et Guido Zima à la batterie : Strigoi est-il devenu un véritable groupe ou bien est-ce que ça reste avant tout ton bébé avec Chris Casket ?

Non. Quand nous avons enregistré Viscera, c’est devenu quelque chose d’autre. J’ai impliqué Guido bien plus tôt. En fait, c’était mon choix initial pour Strigoi, mais à l’époque, il s’était engagé à jouer pour un groupe qui s’appelle The Secret, donc Waltteri [Väyrynen] qui jouait la batterie dans Paradise Lost à ce moment-là a officié sur le premier album. Guido a apporté une tonne d’idées de batterie pour cet album, il a beaucoup contribué. Je me suis aussi demandé : « Ai-je vraiment envie de jouer toutes les guitares sur cet album ou bien ai-je envie d’avoir l’influence et le style de quelqu’un d’autre ? » Je savais que Ben ne faisait rien, donc je lui ai demandé si ça l’intéressait de s’impliquer. Il n’avait pas beaucoup de temps pour le faire, il avait environ trois semaines pour apprendre les morceaux. Mais je me suis posé avec lui tous les jours dans le studio et il a étudié en profondeur les morceaux, pour voir si son style collerait à telle partie et comment il interpréterait telle autre partie. Je pense que ce sera encore plus comme ça dans le futur. Si ce groupe doit avancer, je veux que ses membres interprètent les musiques à leur manière. C’est l’idée, c’est ce que j’ai toujours voulu pour ce projet.

En parlant de Guido, c’est aussi le nouveau batteur live de Paradise Lost depuis le départ de Waltteri qui a rejoint Opeth. L’as-tu vu venir ?

Non, c’est venu de nulle part. Je crois que c’était il y a environ un mois. Il a simplement dit : « Mikael [Åkerfeldt] m’a demandé de rejoindre Opeth. » Nous lui avons demandé : « Qu’est-ce que tu vas faire ? » Il a répondu : « Je pense que je vais le faire. » Nous avons dit : « Bon, c’est ta carrière. On se disait que tu allais passer à autre chose un jour. Tu es jeune, tu peux essayer différentes choses. » Nous sommes contents pour lui. Nous nous entendions très bien avec Opeth, car nous sommes tous amis avec eux. Nous les avons vus une semaine avant sur un festival à Oslo, nous avons joué ensemble et personne ne nous a mentionné ça. Donc, ça aurait été sympa de simplement avoir un appel d’Opeth d’abord pour nous dire : « On songe à demander à Waltteri de nous rejoindre. Qu’en pensez-vous ? » Ça aurait été une bonne manière de faire, mais ça n’est pas arrivé. Mais nous sommes contents pour Waltteri, c’est une bonne décision pour lui. C’est une autre corde à son arc, un autre style de musique a essayer. Les batteurs sont de toute façon une espèce à part, ce sont un peu des musiciens qui passent d’un boulot à un autre, bien plus que les guitaristes ou les chanteurs. Ils changent souvent de groupe. Je ne sais pas pourquoi c’est comme ça, mais j’ai remarqué que c’est ce qui se passait. Les batteurs changent tout le temps dans presque tous les groupes.

As-tu compris sa décision d’opter pour Opeth plutôt que Paradise Lost par rapport à son style ou à ses affinités ?

Je pense qu’il a fait son choix pour une question d’opportunité, ce qui est compréhensible. Musicalement parlant, non, je ne comprends pas. A sa place, je serais resté dans Paradise Lost, mais c’est une bonne opportunité pour lui d’essayer d’autres choses, d’avoir une plus grande couverture médiatique dans un autre domaine, dans le domaine prog et tout, ce qui n’est pas un souci. En termes de ventes, ils sont probablement plus gros que Paradise Lost dans certains pays. Ils sont gros sur la scène américaine, donc je suppose que c’est aussi ça l’idée, essayer de faire quelque chose en Amérique. Mais si c’était purement une question musicale, je me dirais qu’il est fou. Mais j’ai l’habitude que les batteurs changent, ça ne me surprend pas tellement.

Justement, Paradise Lost est un groupe qui est resté stable depuis 1988, sauf au poste de batteur : vous en avez eu au moins cinq, sans compter ceux qui ont fait des sessions live. Tu y as sans doute un peu répondu, mais comment expliquer que ça a été aussi dur de garder une stabilité avec les batteurs dans le groupe ?

Il faut penser à la période de temps, on parle de plus de trente ans, donc c’est compréhensible quand on pense en ces termes. Ce qui est plus étrange, c’est que le reste d’entre nous soit resté ensemble pendant plus de trente ans [rires]. Je pense que si Matt « Tuds » [Archer], le batteur original, avait davantage progressé et avait été un meilleur batteur, il serait probablement encore dans le groupe aujourd’hui, mais ça n’a pas été le cas et le temps passe. Tous les batteurs sont partis pour des raisons différentes. Nous avons viré Lee Morris parce qu’il est devenu fou et s’est tourné vers Dieu. Jeff [Singer] n’avait pas d’enfants quand il a intégré le groupe, puis il en a eu, donc il est parti pour sa famille, ce qui est parfaitement compréhensible. Adrian [Erlandsson] est parti parce qu’At The Gates s’est reformé, or c’était son groupe d’enfance, donc il devait partir pour jouer avec eux, ce qui est compréhensible. Et je suppose que Waltteri a saisi de nouvelles opportunités avec Opeth, ce qui est également compréhensible. C’est comme ça, je suis content que nous soyons là tous les quatre.

Interview réalisée par téléphone le 27 octobre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Hal Sinden.

Site officiel de Strigoi : www.strigoi.co.uk.

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