Pour un groupe avec un tel patronyme, Suicidal Tendencies a une sacrée longévité, depuis sa formation en 1980 à Venice, en Californie. D’autant plus remarquable lorsque l’on sait le turnover énorme de musicien qu’il a pu y avoir dans ses rangs, ayant souvent accueilli de jeunes loups qui ont par la suite connu une belle carrière. Mais la constante derrière tout ça, c’est le chanteur Mike Muir, increvable malgré les problèmes de dos et les années qui passent, avec un bagout légendaire et une attitude sans faux-semblant, son bandana toujours vissé sur le crâne.
C’est ainsi qu’il est de retour avec un douzième album, World Gone Mad, et une nouvelle équipe, excepté le compère Dean Pleasants, fidèle depuis 1996, qui a largement fait parler d’elle par la seule présence d’une star de la batterie, un certain Dave Lombardo. Encore un coup de génie de Muir qui a su profiter d’une période de « creux » pour le batteur, après son départ de Slayer puis Philm, mais également de ses talents, bien plus vastes que certains peuvent l’imaginer.
Mais au-delà des changements de personnels, World Gone Mad est aussi l’album qui pourrait – à bien mettre au conditionnel – clore l’aventure. C’est en tout cas sous cet état d’esprit que ses premières briques ont été posées. En résulte un album fort, plein de messages pour inciter à être soi-même, pour prendre son destin en main dans un monde qui part en vrille, pour vivre la vie au lieu de faire semblant, pour « botter le cul » aux jeunes générations… Il y a clairement une forme de sagesse chez Mike Muir, comme l’atteste ses paroles dans l’entretien qui suit. Un entretien où le chanteur nous donne par ailleurs quelques nouvelles de son autre groupe, Infectious Grooves, et du bassiste et ami Robert Trujillo.
« [Demander à Dave Lombardo de rejoindre Suicidal Tendencies] c’était un peu comme lorsque tu as douze ans et tu dois prendre ton courage à deux mains pour demander à une fille de sortir [petits rires]. »
Radio Metal : Vous avez accueilli trois nouveaux membres dans le groupe cette année. Celui qui a fait le plus coulé d’encre est évidemment Dave Lombardo. C’est probablement l’un des batteurs les plus prisés dans le metal. Du coup, comment es-tu parvenu à le convaincre de rejoindre Suicidal Tendencies ?
Mike Muir (chant) : Je pense que la chose la plus difficile à faire, pour moi, était d’avoir le courage de lui demander. Et je dis ça parce que j’ai un énorme respect pour lui, et tout le monde à son propre truc et je déteste mettre les gens dans l’embarras. Et je n’ai jamais demandé à quelqu’un d’un autre groupe de rejoindre notre groupe ou s’il est célèbre ou littéralement une légende comme lui. Donc, en gros, c’était un peu comme lorsque tu as douze ans et tu dois prendre ton courage à deux mains pour demander à une fille de sortir [petits rires]. Donc j’ai eu son numéro, je l’ai appelé et j’ai dit : « Dave, je ne veux pas t’offenser ou quoi que ce soit, mais nous opérons des changements, j’ai toujours adoré ton jeu de batterie et j’ai toujours pensé que tu sonnerais incroyablement bien dans Suicidal et j’y ai beaucoup réfléchi. Je ne veux pas t’offenser mais est-ce que tu envisagerais de jouer avec Suicidal ? » Et il a dit : « Putain, ouais ! » [Petits rires] J’étais là : « Oh, wow, je me sens un peu mieux ! D’accord ! » Ouais, c’était une super conversation que nous avons eue.
Suicidal Tendencies n’est pas un groupe de thrash metal typique, il possède plein d’influences crossover, avec des éléments de punk et de groove. Du coup, étais-tu immédiatement certain à cent pour cent que Dave serait un batteur idéal pour le groupe ?
J’étais sûr à cent-dix pour cent, ouais. Non seulement nous sommes de grands fans du jeu de Dave mais je pense vraiment que c’est un plus monumental. Comme tu l’as dit, il y a son nom, il est célèbre, et puis il y a la façon dont il joue. Donc il y avait au début, où les gens ont entendu parler de ça, genre « oh, ouais, ok, je peux m’imaginer ça, » et l’excitation, et puis il y a eu après que nous ayons joué. Et il y a des gens qui étaient sur cette tournée avec Megadeth, qui étaient là pour nous voir et adoraient Suicidal, et ils étaient là : « Oh, mon dieu ! » Ça colle vraiment à merveille. Je trouve qu’il apporte énormément d’intensité. Le truc avec Dave, c’est que plein de gens ne se rendent pas compte parce qu’ils ne le connaissent que dans Slayer, ils savent que c’est un batteur extraordinaire, mais il ne voient peut-être pas tous les styles différents qu’il a joué, et il a de toute évidence joué dans plein d’autres groupes, mais il aborde tout ce qu’il fait différemment. Tu sais, en répétition, une des choses dont je me suis rendu compte, nous ne faisions que déconner en jouant, sautant de Michael Jackson ou peu importe à… Je blague, mais c’étaient des choses différentes, et la façon dont il joue tout est conforme à ce que ça devrait être mais ça reste son style. Je veux dire qu’il y apporte des petits quelques choses. C’est donc incroyable. C’est un formidable batteur, dans n’importe quel style de musique.
Le line-up du groupe a presque été entièrement renouvelé, sauf pour ce qui est de toi et de Dean Pleasants, évidemment. Comment expliques-tu que Suicidal Tendencies ait tant de difficultés à maintenir un line-up stable ?
Voilà comment je vois les choses : d’après certaines personnes, il y a eu de vingt-cinq à trente personnes dans le groupe avant même que nous ayons fait le premier album ! Donc Suicidal a toujours été un groupe qui change. Heureusement, maintenant nous avons des changements où en fait… ce n’est pas vraiment dans le contexte de la question mais c’est la première fois depuis que je suis dans le groupe où je suis vraiment heureux, où je me suis autant éclaté, où j’apprécie non seulement l’heure et demi que nous passons sur scène mais aussi à côtoyer tout le monde. C’est une situation complètement différente. Deuxièmement, je pense évidemment qu’on ne peut pas faire mieux que Dave Lombardo. C’est la première fois, comme je l’ai dit, que nous avons récupéré quelqu’un d’un autre groupe. Nous avons toujours intégré des jeunes gens inconnus. Rien que pour les batteurs, nous avons eu Josh Freese lorsqu’il avait dix-sept ans, et ensuite il est parti jouer avec tout le monde, de Sting à Guns N’ Roses, en passant par A Perfect Circle, la liste est immense, il a probablement joué sur des centaines d’albums studio. Et puis nous avons eu Brooks Wackerman dans Infectious Grooves lorsqu’il avait quatorze ans et ensuite nous l’avons intégré à Suicidal, et maintenant il est dans Avenged Sevenfold. Et puis nous avons eu Ron Bruner qui avait dix-sept ans, je crois, lorsqu’il a commencé avec nous, et ensuite il est parti jouer avec Prince, Stanley Clarke, George Duke, tous les célèbres musiciens de jazz et tout. Donc c’est la première fois, comme je l’ai dit, que nous avons quelqu’un d’un autre groupe et je pense que ça colle vraiment bien et que c’est la chose parfaite. Et aussi, maintenant, avec le groupe, nous avons Ra [Díaz] à la basse, qui vient du Chili et qui a fait un sacré parcours en ayant déménagé au Mexique pour finalement arriver en Amérique. Tu sais, la première fois que nous avons joué au Chili, nous étions son groupe préféré, il nous a vu sur scène dans divers endroits du monde, il adore le groupe. Donc ça l’a inspiré et c’est, en gros, son job de rêve. Ensuite tu as Jeff [Pogan] qui a tourné avec nous pendant deux ans en tant que roadie avant d’intégrer le groupe, jusqu’à ce qu’il comprenne ce que Suicidal signifie, pas seulement sur scène mais via les gens avec qui je parle après les concerts et comment ils perçoivent le groupe, et voient tous ces trucs. Donc nous sommes dans une situation où tout le monde dans le groupe adore ce que nous faisons et est extrêmement excité à l’idée d’aller de l’avant. Nous avons déjà fait, je crois, à peu près soixante-dix ou quatre-vingt concerts avec Dave et c’était une super expérience.
13 était un album contenant des chansons provenant de diverses périodes et de nombreux musiciens ont joué dessus. Du coup, penses-tu que World Gone Mad est un album plus focalisé, ayant été fait par le noyau du groupe et contenant des chansons issues d’une seule et même session ?
Bien plus focalisé ! Déjà parce que j’ai écrit la plupart des chansons, je savais exactement ce que nous faisions, nous nous y sommes mis et nous les avons faites spécialement pour l’album, nous avons fait des démos… Avec 13, c’était difficile parce qu’avec les différentes pauses et tout ce qui s’est passé, tu te retrouves avec deux cent chansons sur une période de treize ans au bout du compte, et ensuite nous avons enregistré à différents moments avec différentes personnes, et ensuite tu les réenregistre avec d’autres gens parce qu’ils veulent être sur l’album mais tu te retrouves à faire des changements juste pour changer et non pour améliorer. Et ensuite, c’est dur d’avoir une continuité avec ça et rendre l’album cohésif lorsque tu l’assembles. Mais la réalité était que ça allait faire treize ans depuis la dernière fois que nous avions sorti un album et nous nous disions : « Nous devons sortir quelque chose ou alors oublier ça. » Je pense que c’était un peu une chose nécessaire. Nous avons appris grâce à ça. Je pense que ça fait partie de ces moments où la vie t’offre l’opportunité d’apprendre, que tu aies cinq ans, comme mon plus jeune fils, ou cinquante. Je pense qu’avec cet album, je n’étais pas tellement excité à l’idée de le faire mais en gros, j’ai parlé à Dean et j’ai dit : « Hey, il n’y a pas beaucoup de temps pour faire un album, nos emplois du temps sont pleins. Nous devons opérer des changements, ce ne sera pas facile, soit on le fait, soit on range ça au placard. » Donc nous avons décidé de nous y mettre et commencer à composer quelques chansons, voir comment ça évoluait et nous avons continué, et de toutes évidence, nous avons fini par être très contents du processus !
« Il y a des gens qui […] veulent avoir quelqu’un au pouvoir qu’ils n’aiment pas, de façon à avoir une excuse pour leur vie qui n’est pas comme elle devrait être. »
Il y a pas mal de temps, Dean Pleasants nous a dit que vous vouliez revenir aux racines de Suicidal Tendencies, pour vraiment séparer les trucs très rapides et brutaux qui vont dans Suicidal des trucs funky d’Infectious Grouves. Mais lorsque l’on écoute World Gone Mad, il y a une bonne variété, avec des trucs thrash et punk mais aussi du slap funky sur « Clap Like Ozzy », une chanson plus posée telle que « Still Dying To Live », des chansons plus heavy… Penses-tu que vous avez trouvé le bon équilibre au niveau du style ?
Eh bien, nous en parlions. D’un côté, les gens qui n’aiment pas Infectious Grooves, si c’est une chanson de Suicidal, ils n’aiment pas, ils disent que c’est funky, même si ça n’est pas du funk. Mais, tu sais, Robert [Trujillo] est arrivé dans le groupe sur Lights…Camera…Revolution !. Sur « You Can’t Bring Me Down », il slap sur toute la chanson ! C’est plus rudimentaire mais il a débarqué en slappant. Tu as des chansons comme « Lovely » que personne ne qualifiait de funk, ou « Send Me Your Money », personne ne disait que c’était du funk. Mais après, nous avons fait Infectious Grooves, et les gens disaient : « Oh, cette basse… » Nous avons fait des choses avec cet album (The Plague That Makes Your Booty Move…It’s the Infectious Grooves, 1991) parce que Robert est un incroyable bassiste et personne n’avait joué comme ça avant et fait en sorte que ça marche. Ce n’est pas parce que ça n’a pas été fait que tu ne peux pas le faire. Est-ce que ça sonne bien ? Je trouve que ça sonne super ! J’ai toujours adoré ce que Robert a fait, je trouve que c’était brillant et c’est un bassiste brillant. Mais c’est un peu comme avec notre premier album, tous les magazines et fanzines punk à l’époque disaient que ça craignait ! Car nous avions des leads de guitare alors que tu n’es pas censé en avoir. « Oh, ils font du metal » et ci et ça…. Nous avons fait un album qui était différent de ce que les autres faisaient. Tu sais, tu prends les critiques sur le moment et ensuite, maintenant, c’est un classique du punk rock. Tu sais, ça fait partie de ces choses : est-ce que tu la joue sans prendre de risque ou bien est-ce que tu enregistres ce que tu aimes ? Et évidemment, Ra était jeune lorsque Robert était dans le groupe, et lui et Thundercat (Stephen Bruner, NDLR) et Josh Paul, nos bassistes, étaient des influences pour lui, et il adore cette diversité et ce talent. Donc je pense qu’il y a des endroits où les choses sont appropriées, où c’est joué correctement, et… Comme avec « Clap Like Ozzy », j’adore la façon dont Ra joue, je trouve que c’est la bonne chose à faire et s’il n’y avait jamais eu Infectious Grooves, personne n’aurait rien à reprocher et les gens diraient : « Ce mec se déchaîne à la basse ! » [Petits rires] Donc je pense qu’un grand nombre de critiques, lorsque notre premier album est sorti, venait de groupes de punk rock qui ne pouvaient pas faire ça, et je pense qu’un grand nombre de critiques vient de bassistes et de groupes de hard rock qui ne peuvent pas faire ce que nous faisons. Mais, pour ce qui est de l’album, il possède plein de styles différents, j’en suis conscient. Pour notre part, nous ne faisons pas des choses différentes pour être différents, nous faisons ce que nous pensons être bon. J’aime la diversité. Si c’est bon, alors c’est la bonne chose à faire pour moi.
L’album s’intitule World Gone Mad (Le Monde Devenu Fou, NDT), ce qui est assez explicite. Est-ce que l’état actuel du monde a été la source principale d’inspiration pour cet album ?
Je le crois. Avant que nous ayons fait l’album, j’ai dit à Dean : « Il y a de grandes chances que ceci soit le dernier album que nous faisons. » Et lorsque tu fais un album avec cet état d’esprit, ça t’affecte un peu. Tu te dis : « Ok, comment est-ce que ceci va conclure les choses ? » Je ne voulais vraiment pas que 13 soit le dernier album que nous ayons fait, ce n’est pas un album de conclusion. Celui-ci, pour moi, est davantage une déclaration, et lorsque tu fais ça, tu dois avoir conscience de ce qui se passe et avoir une raison pour ce que tu veux faire. Et je pense que pour beaucoup de gens, il y a deux choses. Il y a : « Oh, tout est foutu, allons prendre une bière et on emmerde tout ça, oublions ! » Ou ils peignent des roses partout et ignorent. Et nous, nous disons : « Tu sais quoi ? Si tu vois des merdes qui déconnent, mets-les en avant, mais sois cohérent. Ne te contente pas de le pointer du doigt sur tous les autres, pointe-le du doigt sur toi-même. » C’est tellement facile de voir qu’il y a tant choses qui déconnent dans le monde, et il y en a vraiment, et plein de gens prennent ça pour excuse pour ne pas vivre leur vie. Mais n’importe quel individu qui dit ça, si tu regardes dans sa vie, il y a plein de merdes qui déconnent, et c’est ça le problème avec le monde : les gens voient ce qui ne va pas chez tous les autres mais ils ne peuvent pas voir ce [qui ne va pas] chez eux-mêmes, ou ils le refusent. Il y a un immense manque d’honnêteté et tout est du marketing, dans le sens où tout n’est qu’une façade, tout est question d’avoir l’air mais le fond est oublié. Donc, au final, il y a sept milliards de gens, mais lorsque tu regardes bien, il n’y a pas tant de personnes qui sont heureuses, et c’est vraiment putain de triste.
Tu as aussi mentionné récemment le climat politique et l’élection présidentielle… Est-ce important pour toi de t’exprimer dans des temps pareils ?
Pas vraiment parce que, tu sais, tu as en Amérique deux politiciens qui sont extrêmement, extrêmement, extrêmement impopulaires, donc c’est facile de dire l’évidence, « j’emmerde Trump, j’emmerde Hillary » [petits rires] car la majorité des gens seront d’accord avec ça. Les gens ne parlent pas du pourquoi il y a un Trump et une Clinton. C’est ça qui m’embête. Il y a une raison pour laquelle il y a une Clinton, et c’est parce que le parti Démocrate l’a imposée, ils veulent le contrôle, ils ne veulent pas le changement. Et il y a une raison pour laquelle il y a un Trump, malheureusement, les Républicains veulent contrôler les choses et il n’y a qu’une personne qui était un « outsider ». Je ne sais pas s’il est vraiment un « outsider », mais il a joué ce rôle. Il y a plein de gens en colère, mais ils n’ont pas pensé à ça, car ce n’est pas ce à quoi ils veulent penser. Ils veulent penser au pouvoir et au fait de contrôler le pouvoir. C’est ce qui est malheureux dans la politique américaine : ils n’apprennent pas ça dans les classes de science politique, et ensuite comment les gens s’adaptent à ça. Il y a des gens qui adorent ça parce qu’ils veulent avoir quelqu’un au pouvoir qu’ils n’aiment pas, de façon à avoir une excuse pour leur vie qui n’est pas comme elle devrait être. Il y a tellement de manières différentes, psychologiques et sociologiques, d’analyser la politique partout dans le monde, mais les gens ne le font pas parce qu’ils doivent rester attaché à leur idéologie et leur point de vue plutôt que de comprendre pourquoi les choses sont ce qu’elles sont, et c’est pour ça que les choses ne changent jamais, car personne n’est jamais là : « Ok, pourquoi les choses sont comme elles sont ? » Et lorsque tu as cette discussion, ça change complètement les choses. Mais c’est une discussion que les gens ne veulent pas avoir.
Sur une chanson comme « The New Degeneration », tu sembles vraiment exaspéré par la façon dont la nouvelle génération vit et se comporte aujourd’hui…
Pour ma part, je vois les choses ainsi : mon plus jeune fils à cinq ans. Depuis qu’il a un ou deux ans, il y a un écran qu’il touche avec sa main, et il ne le touche pas avec des doigts pleins de bave pour le mouiller mais il essaie de lui faire faire quelque chose, et je suis toujours stupéfait… Tu sais, plein de choses ne fonctionnent pas comme ça et il pense que c’est cassé si ça ne s’allume pas [rires]. Mais lorsqu’il y a quelque chose, il trouve comment ça marche ; moi je ne comprends pas ces trucs ! C’est genre : « Comment a-t-il fait ça ?! » Je ne peux pas lui donner mon téléphone ou mon iPad parce qu’il change tout et je suis là : « Qu’est-ce que tu as fait ?! » Et il sait ce qu’il fait, il comprend, car il a un état d’esprit différent de celui avec lequel j’ai grandi. Pour moi, c’est extraordinaire ; parfois mes enfants ou leurs amis, les choses qu’ils font, ils ne se rendent pas compte à quel point c’est extraordinaire pour moi, mais personne ne leur apprend à utiliser les choses.
« Je ne veux pas un monde rempli de suiveurs, je veux un monde rempli de leaders. ‘Leader’, pas dans le sens où ils pensent être meilleurs que tout le monde mais dans le sens où ils n’ont pas besoin que quelqu’un leur dise quoi faire, ils ont un but dans la vie. »
Lorsque j’étais plus jeune – ils disent que la musique est la bande son de la vie -, tu avais le punk rock, tu avais le thrash, le speed metal est arrivé, il y avait tout types de musiques différentes, l’alternatif, le grunge, boum boum, toutes les quelques années il y avait un genre musical et quelqu’un qui disait quelque chose, et souvent il y avait des déchets mais il y avait quand même quelque chose là-dedans. Maintenant, il n’y a vraiment plus de musique. Malheureusement, il y a trop de [vieux] groupes, comme nous, qui existent. Lorsque j’étais plus jeune, les Rolling Stones tournaient à quarante ou cinquante ans et nous étions là : « Putain, mais qu’est-ce qui cloche chez eux ?! Ils vont mourir ! » [Rires] C’est différent maintenant, mais il devrait y avoir des groupes qui disent des choses. Et pour notre part, nous voulons juste dire que nous sommes Suicidal, nous véhiculons le même message. Nous n’essayons pas de pousser les gens à nous suivre, nous n’essayons pas de dire aux gens quoi faire. Nous voulons juste nous assurer que les gens ne suivent pas d’autres gens, qu’ils suivent leur cœur plutôt que d’autres gens, et c’est effrayant lorsqu’il n’y a pas tellement de choses différentes qui existent car la prochaine chose qui peut-être sortira sera quelque chose que les gens voudront suivre. Je ne veux pas un monde rempli de suiveurs, je veux un monde rempli de leaders. « Leader », pas dans le sens où ils pensent être meilleurs que tout le monde mais dans le sens où ils n’ont pas besoin que quelqu’un leur dise quoi faire, ils ont un but dans la vie.
C’est effrayant le manque d’assurance que les jeunes gens souvent ont. Un truc à propos du punk rock, les gens disaient de la merde [sur toi], mais c’était : « J’en ai rien à foutre ! » Les gens disaient : « Tu es ci et ça. » « Et alors ? Va te faire foutre ! » [Petits rires] Tu vois ce que je veux dire ? Tu étais comme un poisson dans l’eau, tu n’en avais rien à faire. Et aujourd’hui, les gens sont tellement sensibles. Je vois les choses ainsi : il y a une quantité incroyable d’inventions qui sont apparues dans le monde, et tous ceux qui ont inventé des choses ont eu des gens qui leur ont dit : « Ce n’est pas possible. Tu ne peux pas faire ça. » Mais ils ne les ont pas écouté. Et je pense qu’il y a plein de gens qui sont encore plus intelligents et qui avaient de supers inventions ou idées qui n’ont pas eu assez confiance, donc nous n’en savons rien. Et je pense que les gens qui sont plus jeunes maintenant, leurs vies ont bien plus de valeur que la mienne, et il y a des choses formidables qui peuvent se produire. Je préférerais avoir quelque chose d’incroyable plutôt que Facebook [petits rires].
C’est marrant parce qu’on pense toujours que les jeunes ne sont bons à rien, je ne pense pas qu’ils soient bons à rien, je pense que la jeunesse n’a rien pour leur botter le cul. Lorsque j’étais jeune, j’avais des choses qui me bottaient le cul, et Suicidal est mon botteur de culs. Suicidal ne peut évidemment pas être la voix de la jeune génération et des adolescents d’aujourd’hui mais j’espère qu’ils ont une voix et qu’ils la trouveront et qu’ils l’utiliseront, parce que le monde a besoin d’eux.
L’album débute avec le premier single « Clap Like Ozzy », et je sais qu’il y a eu une relation au fil des ans entre toi et Ozzy, il a en l’occurrence chanté sur la chanson « Therapy » d’Infectious Grooves. Du coup, dois-t-on voir cette chanson comme un hommage à Ozzy ?
Pour moi, c’est un hommage où je l’utilise, personnellement, comme un exemple de deux manières. D’une, lorsque j’étais jeune, mon frère avait pour habitude de m’acheter des albums qu’il voulait écouter [petits rires], et pour un bon nombre d’entre eux je me disais : « C’est quoi cette merde ? » Mais Black Sabbath, c’était le premier album que j’ai entendu que j’ai vraiment aimé, et il m’a montré une VHS de Black Sabbath en train de jouer et ce que j’ai remarqué, c’était Ozzy. On aurait juste dit… Je ne me souviens plus si c’était tout un concert, si c’était Cal Jam (California Jam, de 1974, NDLR) ou quelque chose comme ça, mais il y avait tous ces gens qui semblaient poser à fond et essayaient de se donner de l’air, et la majorité de la musique me semblait tout simplement fausse. Et puis Ozzy, c’était juste un mec qui était là et qui aimait ce qu’il faisait. Techniquement, est-ce qu’il est juste ? Je ne le pense pas. Est-ce qu’il sonne d’enfer ? Bordel, ouais ! [Petits rires] Il me paraissait tout simplement crédible. Et ça m’a toujours marqué, c’était la première chose qui m’ai fait de l’effet musicalement et avec laquelle je me suis identifié.
La seconde chose était le punk rock et le fait d’aller à mon premier concert de punk rock où je me suis dit : « Wow, c’est génial ! » J’étais là-bas, j’ai commencé à slammer, c’était incroyable ! J’étais là : « J’ai trop hâte d’aller à un autre concert ! » La semaine suivante, j’ai été à un autre concert et c’était absolument nul ! J’ai appris une autre leçon : il n’y a pas de catégorie [musicale] ou quoi que ce soit de ce genre, ce sont les groupes. Et c’est comme « frappe des mains comme Ozzy, slam comme une bête » (« clap like Ozzy, slam like a beast », tiré de la chanson, NDT), ce sont des choses qui m’ont vraiment affecté lorsque j’étais jeune. Et pourquoi est-ce que ça m’a affecté ? A cause de l’individualité de ce que les gens faisaient, sans suivre et ce genre de chose.
Donc pour moi, c’est un hommage mais c’est un hommage dans le sens où, tu vois, lorsque tu fais ton truc, fais ton truc, ne change pas pour qui que ce soit d’autre et n’essaie pas d’être comme Ozzy ou n’essaie pas de copier quelqu’un d’autre, fais ton truc, les gens apprécieront nettement plus. Il n’y aura jamais un autre Ozzy mais si tu fais bien ton truc, alors il n’y aura personne comme toi. Et ça ne vaut pas que pour la musique, n’essaie pas d’imiter quelqu’un d’autre. Peu importe ce que tu fais, peu importe ce que tu ressens, peu importe… dans la vie, fais ta propre aventure ! Regarde les gens qui ont eu du succès et pourquoi ils ont eu du succès, la plupart du temps, ils ont fait leur propre truc et ils ne se sont jamais souciés de ce que les autres pensaient. Donc, avec un peu de chance, c’est un appel pour les gens. C’est comme, lorsque la chanson dit que ce n’est jamais le bon moment pour que les mauvaises choses se produisent, ça se produit. On ne contrôle pas la vie, le temps continuera à bouger, peu importe si toi tu bouges, si tu es assis chez toi à ne rien faire, le temps avancera. La vie sera ce que tu en feras. Je pense que c’est un message très important, utilisé ici de manière un peu différente.
L’album se termine sur une version retravaillée en acoustique de « This World » tiré de 13. Pourquoi avoir choisi de clore à nouveau l’album avec cette chanson ?
Je pense que la chanson est totalement différente, de la façon dont nous l’avons faite. J’adore cette chanson, c’est en gros la raison pour laquelle elle est sur l’album. Je pense qu’elle est très importante ; il y a une raison pour que ce soit la dernière chanson. Elle a un message qui je pense aide à conclure l’album. En gros, tu sais quoi ? Il y a plein de merdes qui déconnent dans ce monde mais, hey, il faut que nous en construisions un nouveau ! Soit tu abandonnes, soit tu te bats. Je pense qu’arrive un stade où, peu importe à quel point les choses sont moches, que fais-tu ? C’est ça l’essence de la vie. Je pense que tu dois prendre ça comme une motivation pour opérer un changement, et ceci commence avec l’individu. Ca ne commence pas avec les autres gens. Personnellement, j’adore cette chanson, je trouve que c’est une chanson très importante, ça lie tout ensemble.
« Je pense que la jeunesse n’a rien pour leur botter le cul. Lorsque j’étais jeune, j’avais des choses qui me bottaient le cul, et Suicidal est mon botteur de culs. »
Tu as mentionné le fait que tu pensais originellement que World Gone Mad pourrait bien être le dernier album de Suicidal Tendencies. Ressens-tu toujours ça ?
Je suis très content de la façon dont les choses ont évoluées. J’adore l’album. Je suis surexcité à l’idée de repartir sur la route et jouer les chansons en live. Nous avons commencé les répétitions hier et à jouer les chansons live, c’est toujours un super moment, ça fait vraiment du bien. Là tout de suite, nous donnons des interviews et tous les jours, le matin, nous nous levons et lisons nos emails, les gens nous demandent pour différents festivals, tournées et ce genre de choses. Maintenant, c’est genre 2018, et le premier qui a dit 2018, j’ai dit : « Tu veux dire l’année prochaine ? » « Non, 2018 ! » Et je suis là : « Wow, c’est planifier bien, bien trop loin dans le futur. Je ne peux pas m’engager sur quelque chose comme ça. » Avec un peu de chance, tout ira bien. Là tout de suite, nous sommes déjà sur 2017, donc nous verrons comment ça se passe. C’est intéressant parce que Dave parle déjà de : « Ouais, quand est-ce que nous allons faire le prochain album ?! » Et je suis là : « Wow, du calme ! Du calme ! » [Petits rires] Mais c’est Dave, il adore faire des choses, il adore être occupé, il apprécie tout le processus mais, ouais, il y a beaucoup de travail. A un moment donné, dans quelques années, si nous avons le sentiment que tout le monde veut vraiment faire un album et qu’il y a quelque chose que j’ai envie de faire en tant que Suicidal, peut-être que je m’en occuperais à ce moment-là. Mais il faut être réaliste sur ce qu’il se passe. Ceci étant dit, nous avons un studio et nous enregistrons tout le temps, et nous avons différentes personnes qui viennent toujours enregistrer et la plupart des choses que nous enregistrons ne sont pas prévues pour être sorties, c’est juste pour le fun. Tout le monde adore la musique, donc… Nous avons tellement de chansons. Et lorsque je dis « nous », il y a tout un tas de personnes avec lesquelles je travaille et qui viennent faire des choses et on s’éclate. Donc ce n’est pas prévu pour que ça sorte et ça ne sortira jamais si ça ne tient qu’à moi.
Tu as mentionné il y a quelques temps un EP qui sortirait en janvier. Est-ce que c’est toujours dans les tuyaux ?
Ouais, c’était ce qui était prévu à l’origine et, là maintenant, techniquement, ça l’est toujours. Nous faisons encore tellement de boulot pour cet album que le temps presse et avec toutes les tournées, ça complique les choses, mais nous espérons encore sortir ça en janvier, ouais.
Le dernier album d’Infectious Groove remonte à 1999, même s’il y a eu quelques chansons ici et là et de temps en temps des discussions sur un nouvel album… Du coup, y a-t-il une chance de voir le groupe ravivé pour de bon ?
Ce serait très difficile. Nous n’avons fait que deux concerts au cours des quelques dernières années. L’un était à l’Orion Festival de Metallica. Et l’autre au célèbre club Whisky A Go Go d’Hollywood ; ils fêtaient leur cinquantième anniversaire il y a deux ans, ils ont organisé un concert et ils voulaient que nous soyons le dernier groupe de la célébration, donc tout le monde était disponible pour le faire et ça s’est mis en place. Nous avons été approchés un certain nombre de fois, mais malheureusement, souvent, à cause des emplois du temps de chacun, ça ne fonctionne pas. Tu sais, Robert, évidemment, avec Metallica, ils ont un album qui sort, ça rend les choses encore plus difficiles. Brooks est dans Avenged Sevenfold, ils ont un album qui va sortir, ça aussi ça rend les choses encore plus difficiles. Nous avons un album qui sort, et là encore, ça rend les choses encore plus difficiles. Mais tout le monde a dans l’esprit qu’ils aimeraient refaire quelque chose. Lorsque nous avons donné le concert du Whisky, il y avait des gens qui, littéralement, sont venus de partout dans le monde pour le voir et c’était l’éclate. Moi et Robert, nous avons fait un genre de pacte comme quoi nous allons jouer en France parce que c’est de là que vient sa famille, sa femme. Et j’ai dit que nous allions jouer en Australie parce que c’est de là que la famille de ma femme vient et tout. Avec un peu de chance, nous pourrons en faire plus mais c’est difficile avec les emplois du temps.
Est-ce que ça signifie que Robert est officiellement de retour dans Infectious Grooves ?
Ouais, Robert a joué les deux derniers concerts que nous avons faits. Nous ne ferons pas d’autres concerts avec Infectious sans Robert. Ça sera assurément avec Robert.
Robert était encensé pour son jeu en slap dans Suicidal Tendencies et Infectious Grooves, mais a complètement abandonné ce style de jeu depuis qu’il a rejoint Ozzy Osbourne puis Metallica. Quelle est ton opinion personnelle sur le sujet ? Certaines personnes trouvent que c’est dommage qu’on ne puisse plus profiter de ce style funky, qu’il soit un peu sous-employé maintenant…
Je pense que beaucoup de gens savent à quel point Robert est bon mais beaucoup de gens ne savent pas à quel point il est bon [petits rires], si ça a du sens, c’est la même réponse. Peu importe ce que tu fais, tu fais de ton mieux, et c’est une équipe et tu y vas et tu fais en fonction de la situation. J’ai vu Metallica en concert et j’étais très fier de Robert. Je trouvais qu’il faisait un boulot formidable ! Si quelqu’un disait que ce n’est pas un excellent bassiste, j’éclaterais de rire. Après, s’ils le voient faire certains trucs qu’il fait dans Infectious, alors peut-être que les gens qui ne sont pas dans le metal diraient : « Mon gars, ce mec est dingue ! » Mais, tu sais, il y a une différence entre l’égo et faire ce qui convient. Ce qu’il a fait dans Infectious convient, et certains des trucs dans Infectious Grooves ne conviendraient clairement pas à Metallica [petits rires] ou Ozzy. Je trouve qu’il fait du super boulot dans les circonstances dans lesquelles il se trouve.
Mais ça ne lui manque pas de jouer dans ce style ?
Tu sais, lorsque nous avons fait quelques concerts avec Infectious Grooves, il a dit : « Mec, ça fait un bail que je n’ai pas joué comme ça ! » Et il a vraiment, vraiment assuré ; Robert fait le travail à fond. Il est vraiment… Je n’aime pas le mot « professionnel » mais il se soucie vraiment de comment il réussit les choses, comment il joue, il veut être le meilleur. Et donc, évidemment, lorsqu’il fait Infectious, il s’entraîne un max sur ce style en particulier et ces chansons. Et certaines de ces lignes de basses sont démentes ! Tu ne peux pas ne pas les jouer… Et donc il a beaucoup bossé. Mais c’est Robert, il veut être le meilleur dans tout ce qu’il fait, donc peu importe le set qu’il joue, il travaillera pour jouer du mieux que ça puisse être joué. Et Robert est véritablement une super personne aussi.
« Je n’ai rien contre Facebook mais le mauvais usage que beaucoup de gens en font, en essayant de mettre des photos faisant mine de vivre une vie qu’ils ne vivent pas… Ils ne font que vivre pour que d’autres gens pensent qu’ils vivent une vie. C’est assez effrayant. »
Ça fait presque quarante ans que tu es dans la musique. Du coup, je dois te demander : es-tu toujours « cyco » après toutes ces années ou t’es-tu calmé avec l’âge ?
Pour moi, être « cyco » c’est, comme je l’ai dit, lorsque tu vois des choses que tu n’aimes pas mais tu vas y faire quelque chose. Lorsque tu es assez fou pour croire en toi, pas parce que tu penses être meilleur que quelqu’un d’autre, mais parce que simplement tu ne veux pas te coltiner de la merde, d’abord, et puis tu ne veux pas vivre dans la merde. C’est donc une compréhension mutuelle sur la façon dont tu te débrouilles avec le monde. Pas que tu es meilleur que qui que ce soit mais tu sais mieux. Je vois la vie comme quelque chose de très important. Je vois la vie comme quelque chose pour laquelle ça vaut le coup de se battre. Je vois la vie comme quelque chose qui a de la valeur. J’avais douze ans lorsque mon premier ami a été tué par balle. D’abord, tu t’assois là et tu dis : « Oh, eh bien, ça peut arriver n’importe quand, n’importe où ! » Et plus tard, tu te poses et tu te dis : « C’est une tragédie ! » Et ensuite, tu vieillis et tu te rends compte qu’il y a plein de gens qui ont vécu des circonstances malheureuses, au niveau de la santé, ceci et cela, et il y a plein de gens « en vie » qui n’ont jamais vécus. Il y a un énorme débat et discussion sur ce qu’est la vie mais arrive un moment… Tu sais, tu vas te coucher le soir, tu poses ta tête sur l’oreiller et tu n’es pas heureux, tu ne te réveilleras pas en étant heureux. Ça implique plein de choses et mon père simplifiait la vie de cette manière : tu sais quoi ? A n’importe quel moment, reviens à l’époque où tu avais dix ou douze ans et si tu mets cette personne devant une télé et tu lui montre ce que tu fais dans ta vie, en changeant le visage pour pas qu’il se rende compte que c’est toi plus vieux, est-ce qu’il dira : « Ouais, mec ! Ce gars est cool ! » Ou bien est-ce qu’il dira : « Oh, mon Dieu ! Il me fiche la trouille ! » Et ensuite, lorsque tu as quatre-vingt ans ou peu importe, avec un peu de chance tu es plus vieux, dans un rocking-chair, est-ce que cette personne sera assise là, en train de regarder et dire : « Mec, c’est cool ! Ouais ! Éclate-toi cette bouteille sur la tête ! Ça me fera carrément du bien lorsque j’aurais quatre-vingt ans ! » [Petits rires] Qu’est-ce que cette personne va penser ? Car toutes nos actions, au final, il faudra que nous vivions avec. Donc suis-je assez fou pour vivre ? Ouais ! La vie est importante ! Et le fait d’avoir plus d’enfants renforce ce sentiment. Donc, ouais, nous serons toujours fous, à notre façon.
Dans une interview, tu as dit qu’il « est facile d’énerver les gens mais c’est difficile d’énerver les gens parce que tu as raison. » Mais comment sais-tu que tu as raison, en fait ?
Je ne sais pas si j’ai raison, mais je sais ceci : dans diverses situations, c’est très facile de voir lorsque d’autres gens ont torts. Et ça, c’était une déclaration générale. Ca s’applique à tout le monde. N’importe qui pourrait aller n’importe où dans le monde, et avec un tout petit peu de temps, tu pourrais voir des gens et tu sauras comment les offenser mais ça n’apportera aucun changement. Ce que je veux dire par là, c’est lorsque tu offenses des gens, et qu’ils sont tellement furieux parce qu’ils savent que tu as raison et ils ne peuvent pas intellectuellement argumenter contre ça, et ils savent qu’ils ne peuvent pas, et ils savent qu’ils ont torts, et ils ne veulent pas avoir tort parce qu’en ayant tort, ça signifie qu’ils doivent changer. Les gens n’aiment pas changer. Ils n’aiment pas avoir l’impression de ne pas contrôler. Ça fait partie d’une façade qu’on se créé. Je n’ai rien contre Facebook mais le mauvais usage que beaucoup de gens en font, en essayant de mettre des photos faisant mine de vivre une vie qu’ils ne vivent pas… Ils ne font que vivre pour que d’autres gens pensent qu’ils vivent une vie. C’est assez effrayant. Il y avait une expression ici, « rivaliser de standing avec ses voisins », c’est-à-dire que tu faisais des choses pour que les autres pensent que tout va bien, mais tu sais quoi ? Lorsque tu fais ça, c’est que de toute évidence, les choses ne vont pas. Plein de gens, comme moi, ont des familles venant de différents pays, et j’ai personnellement Facebook, mais ils postent des photos pour donner des nouvelles à la famille et aux enfants et c’est super. Il y a plein de choses qui sont supers que j’aurais aimé avoir lorsque j’étais plus jeune et tu te sens isolé à l’autre bout du monde. Mais je pense que souvent, tout le monde est à la base de son manque de confiance en soi et en une grande parte de ses actions.
As-tu déjà vu des gens énervés contre toi parce que tu avais raison ?
Oh ouais, souvent… Je veux dire que ça aussi c’est intéressant parce que pour la plupart des choses qui arrivent, tu n’en sauras rien, mais il n’y a pas… Toujours quand on part en tournée, il y aura des concerts, tu recevras des emails et autres, où des gens viennent à toi à contrecœur et disent : « Tu sais quoi ? Je dois m’excuser… » [Petits rires] Par exemple, à propos d’un album : « J’ai dit qu’il était à chier et bla bla bla, ceci et cela, et maintenant, en fait, je l’adore. Je l’écoutais sur la base de ce que je pensais qu’il devait être plutôt que ce qu’il était. Et en fait, maintenant je l’ai écouté et je me suis dit, wow, je l’aime vraiment. » Et diverses choses dans ce genre. J’apprécie quand les gens font ça. Sans ça, je ne le saurais jamais. Comment pourrais-je savoir qu’ils ont dit de la merde ou peu importe [petits rires] sur un album, moi ou ceci et cela ? Je sais qu’il y a des gens avec qui j’ai tourné, dans certains grands groupes, et ils parlaient et disaient : « Oh, t’es un putain de prédicateur, ceci et cela… » Et après, cet autre chanteur est là : « Ouais, buvons de la bière, éclatons-nous ! Wouh ouh ! On va se bourrer la gueule ! Ouais ! Wouh ! » Et il dit : « Tu sais quoi ? J’ai passé une bonne partie de ma vie entouré de gens et personne ne m’a jamais dit : ‘Tu sais quoi ? Ça ne te fais pas du bien.’ » Et je n’attaque pas l’alcool ou quoi que ce soit de ce genre, mais tu sais quoi ? Lorsque tu te saoules tous les soirs, tu ne peux pas te lever, tu n’as rien qui se passe dans ta vie mais tu vois et tu fais la fête, quelque chose ne va pas.
Très peu de gens sont là… Je dévie du contexte mais mon père m’a toujours dit que lorsque l’ami de quelqu’un ou quelqu’un fait quelque chose de très dangereux, tu dois dire quelque chose. Et dès que tu dis à quelqu’un quelque chose qu’il ne veut pas entendre, il va te détester. La pire chose que tu puisses faire, c’est stopper une bagarre entre deux amis à toi, parce qu’alors, tu te feras frapper par deux personnes et tu ne pourras pas les frapper en retour, et c’est une situation où tu ne peux pas gagner, mais tu connais tes amis, tu dois les arrêter. Trop de gens veulent être l’épaule sur laquelle tu pleures, ils adorent ça lorsque quelqu’un ne va pas bien : « Oh, ce n’est pas grave, pleure sur mon épaule… » Au lieu de dire : « Putain, mais qu’est-ce que tu t’imagines qu’il allait se passer ? Sérieusement, tu savais que ça allait arriver ! Pour autant, tu l’as quand même fait. Putain mais qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Tu ne peux pas faire des conneries pareilles ! Il faut que tu réfléchisses avant que ça arrive ! » Mon père dit : « Les regrets durent éternellement, réfléchis avant d’agir. » Et souvent, dans la vie personnelle, des choses peuvent être évitées dans des merdes qui déconnent. Personne n’est pris par surprise. Tu es pris par surprise par le cancer si tu n’as jamais fumé, mais avec la plupart des choses dans les relations humaines, tu n’es pas pris par surprise, c’est juste que tu choisis de ne pas voir. Et donc je pense que les gens ont juste besoin de retirer leurs œillères et si tu dis quelque chose qui affecte leurs œillères imaginaires, alors ça les dérange vraiment.
Tu as subi plusieurs opérations du dos. Comment va ton dos maintenant ?
Je pense que je me porte vraiment bien. Et lorsque je dis « je pense », je veux dire que tous les jours je me lève et c’est comme lorsque je me levais avant de subir trois opérations du dos. Mais je me lève et je sais ce qu’il se passe. J’ai eu, évidemment, des avertissements et je me lève et j’ai mon petit rituel, je vais à la salle de sport tous les jours, je me prépare à quelque chose. Ce serait complètement stupide de penser que « ok, le médecin a tout arrangé. » Comme un neurochirurgien a dit : « Je peux faire ça, mais le reste dépend de toi, car je ne suis qu’aussi bon que l’est mon patient. » Et ayant trois enfants, faisant des concerts… Je n’ai certainement pas envie d’avoir une autre opération du dos. Donc je me prépare pour tout, je me sens vraiment bien. Finalement, là où nous faisons des concerts, il y a des gens qui savent que j’ai eu des opérations, ils connaissent quelqu’un qui en a eu une et n’a pas été bien ou qui est sur le point d’avoir une opération et ils l’amènent et disent : « Hey, est-ce que tu peux en parler à mon ami ? » Et d’autres fois il y a des gens, on parle, ils abordent le sujet et il y a quelqu’un qui écoute et qui est là : « Tu as eu trois opérations du dos ?! Ce n’est pas possible ! Je n’y crois pas ! » Donc je pense que c’est une situation, mais je ne l’ai certainement pas voulue. Comme je l’ai dit, ce n’est jamais le bon moment pour que de mauvaises choses se produisent. Je n’ai pas dit : « Wow, j’ai envie d’avoir une autre opération du dos ! » Mais ça arrive, tu apprends de ça et tu essaies de faire de ton mieux !
Interview réalisée par téléphone le 16 septembre 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Site internet officiel de Suicidal Tendencies : www.suicidaltendencies.eu/
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Putain j’adore ce mec!
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Superbe interview ! Ça fait plaisir de lire quelqu’un d’intelligent (Mike Muir) qui a des choses intéressantes à dire.
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Superbe interview, Spaceman
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J’ai pas encore lu l’interview, mais je tenais réagir rapidement au sujet des photos. Ca se voit que Lombardo n’est pas à l’aise avec la casquette à l’envers 😀
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alors tu regardera un concert de Slayer quand il y était encore, tu verra bien