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Live Report   

L’expérience sensorielle de Sunn O)))


Le drone. Voilà un genre de musique singulier et difficile d’approche car particulièrement conceptuel. Pourtant, lorsque l’une des figures de proue de ce mouvement arrive dans l’hexagone, beaucoup de fans de la scène metal sont curieux et se rendent à l’événement, car ce n’est pas tous les jours que Sunn O))) fait le déplacement jusqu’à chez nous, se faisant rare en concert, même si le Hellfest les avait accueillis en 2016. Après avoir réédité quelques albums (White 1, White 2), le groupe est de retour avec un nouveau disque mystérieusement intitulé : Life Metal.

Ainsi, nous nous sommes rendus à Rouen pour assister à ce show. Mais avant cela, dans l’après-midi, notre équipe a pu assister à une conférence sur le drone présentée par Catherine Guesde, philosophe et (entre autres) journaliste à New Noise. La salle a ensuite fait place à la projection d’un opéra-vidéo d’Hunter Hunt-Hendrix, le leader du groupe de black metal expérimental Lithurgy. Après cela, on pouvait également profiter d’un concert de Ciguë, projet drone porté par une seule musicienne avec au menu une guitare, des pédales et une vidéo en fond de scène qui peut rappeler Syndrome, le projet de Mathieu Vandekerckhove, guitariste d’Amenra. Par la suite, une série de clips de différents artistes de drone fut projeté avant que Sordide, trio black metal de Rouen, propose un set toujours aussi efficace en live avec une atmosphère sombre où l’agression sonore est de mise.

Artistes : Sunn O))) – Hangman’s Chair
Date : 9 mars 2019
Salle : Le 106
Ville : Rouen [76]

Hangman’s Chair

Lingua Ignota était sensé ouvrir pour Sunn O))). Comme ce dernier, le projet de l’artiste Kristin Hayter est plus proche de la performance que du véritable concert. Ses apparitions sont rares et sa musique est accompagnée d’une projection, avec des sons mêlant noise, drone, musique industriel… Pour diverses raisons, l’artiste n’a pas pu assurer la première partie. Mais un remplaçant de choix fut trouvé : Hangman’s Chair. Moins dans la musique expérimentale, le groupe propose tout de même des compos lourdes et pesantes correspondant finalement bien à l’affiche. En entrant dans la salle pour assister au concert, le public est d’ailleurs choqué par le nombre d’amplis présents ! Car Sunn O))) fait remarquer sa présence par plus de vingt amplis mis bout à bout les uns sur les autres. Impressionnant. Fièrement dressés, les amplis de Hangman’s Chair se retrouvent donc au milieu de tout cela.

Le set des Parisiens est bien court mais des titres comme « Naïve » ou « 04.09.16 » sont diablement efficaces. Le groupe a su habilement mêler ses titres les plus catchy et les plus ambiants pour ne jamais ennuyer l’audience. Les musiciens sont charismatiques avec un Cédric à la voix si envoûtante. Clément à la basse est lui un monstre de scène grâce à la puissance qu’il dégage. Cette manière de frapper ses cordes et la façon dont il bouge sur scène font plaisir à voir, comme si notre homme était possédé et avait toujours l’envie de frapper quelqu’un. Un très bon moment en somme, comme d’habitude.

Sunn O)))

Sunn O))) : la simple évocation de ce nom résume à elle seule une idée beaucoup plus globale. On entend tellement de choses à propos des performances de ce groupe : l’impression qu’un camion nous passe dessus, le souffle qui se coupe, une aventure initiatique, etc. Nous nous attendions donc à traverser quelque chose d’unique, avec peur et appréhension, mais une éternelle curiosité. Les lumières générales se coupent et laissent place à une atmosphère tranchante entre le bleu d’un côté et le rouge de l’autre. Lentement mais sûrement le groupe rentre sur scène. Encapuchonnés de grandes capes noires, les artistes avancent sur scène. La fumée prend progressivement place et la formation reste passive.

Cette mise en scène ne pouvait pas être parfaite puisqu’il fallait bien que quelqu’un dans la salle crie « apéro » avant de se faire remballer par le public ! Les mains sont levées, les médiators en mains, on sent les amplis frémir d’impatience. Et c’est ainsi que, lentement, les bras descendent et frottent les cordes pour le premier accord de la soirée. Lourd, pesant, prenant : voilà les premiers mots qui viennent à l’esprit. Une impression de lourdeur immense se dégage grâce à toutes ces basses qui font vibrer la salle et le corps de chacun. Difficile pour ce concert de parler de setlist, ou même d’appréciation générale du concert, car la musique de Sunn O))) se ressent d’une manière personnelle, à travers ses propres émotions. Rares sont les artistes proposant ce genre de musique et d’atmosphère. Malgré la lenteur extrême des compositions et la difficulté de son approche, chacun peut en tout cas y trouver son compte… s’il le décide.

Sunn O)))

Alors, même si le groupe joue principalement sur les basses, l’impression de nausée souvent évoquée aux novices n’était pas présente ce soir. Néanmoins, les claviers mystiques emportent loin l’auditeur et apportent un vent de fraîcheur dans cette masse sonore imposante. Derrière les machines, l’artiste finit par sortir le trombone. Soulignant ici l’aspect mythique de la musique du groupe, comme si nous étions dans une grande fresque, un rêve éveillé ou une bande originale de film. Le rendu émerveille et, après plus d’une heure trente de son, le groupe quitte la scène sous un tonnerre d’applaudissements. Après le traditionnel salut général, le groupe reviendra néanmoins pour quinze minutes de musique supplémentaires. Quinze minutes où Stephen O’ Malley restera la plupart du temps couché sur scène, avec sa guitare sur lui, comme une messe des morts.

Nous avons vécu à Rouen un bel hommage à la musique et au drone. Quelque chose qui redéfinit notre appréciation des sons et de la musique. Loin de sa réputation « dangereuse » pour l’auditeur, la performance live de Sunn O))) reste en tout cas une expérience à part orchestrée par cinq musiciens talentueux et passionnés.

Texte et photos : Matthis Van der meulen



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