Supuration fait partie de l’être bicéphale qui a révélé la profondeur d’un genre à de nombreuses personnes en France. « Bicéphale », puisque l’on doit aux frères Loez deux entités distinctes : SUP (Spherical Unit Provided) à tendance progressive et Supuration, plus proche d’un death traditionnel (quoique, rien n’est jamais vraiment « traditionnel » chez SUP/Supuration). Un statut de « légende » colle à la peau des deux formations, et bien que cela relève davantage des efforts d’une presse enthousiaste, The Cube (1993) établissait les fondations d’un univers atypique et mature, le début d’une trilogie culte. Supuration avait d’ores et déjà démontré la profondeur artistique qui pouvait accompagner la composition d’un titre metal. Évidemment, aujourd’hui, il est facile d’avancer l’argument puisqu’il fait désormais consensus. Il fallait légèrement plus de recul auparavant. Reveries… permet justement de retrouver les racines de Supuration. Non, ce n’est pas un véritable album. C’est plutôt un genre de « bootleg » haut de gamme qui contient quatre titres de leur première démo Official Rehearsal (1990), trois de leur premier EP Sultry Obsession (1990), le single « Ephemeral Paradise » (1991) ainsi que trois reprises : « Shattered » de Paradise Lost, « The Beast » de Twisted Sister et enfin « Among The Living » d’Anthrax. La volonté de Supuration était de simplement remettre au goût du jour leurs premiers ouvrages, réenregistrés et masterisés à l’aide de Dan Swanö.
Indéniablement, en tant qu’auditeur, il est très difficile de ne pas se laisser aller à un semblant de nostalgie même si ce n’est pas ce qui a motivé le groupe. On retrouve ce death du début des années 90 dans un tout nouvel apparat sonore. Certes, les compositions ont vieilli, en témoignent les « leads reverb » à l’ancienne sur « Avoid The Contamination » ainsi que le binaire de « Tales From Crematory ». Les rythmiques ont cette identité thrash/death old school très prononcée et néanmoins des éléments résolument modernes pour l’époque se font entendre, à l’instar de l’introduction toute en lourdeur de « Suffocate Through Asphyxia ». Le chant de Ludovic Loez est guttural à souhait, maîtrisant relativement bien les placements syncopés. L’introduction acoustique d’ « Hypertrophy – Sordid And Outrageous Emanations » permet à l’auditeur d’entrevoir ce qui va faire de Supuration / SUP un groupe aux sonorités exclusives. Les compositions proposées sur ce Reveries… peuvent néanmoins dérouter ou déranger les habitués de la musique du groupe, dès lors que la comparaison avec les œuvres ultérieures survient. Quant à ceux qui découvriraient Supuration par ce biais, il faudra se défaire du préjugé de nouveauté. Car les titres de Reveries… ont une profondeur insoupçonnée qui ne tient pas seulement au temps d’adaptation. On peut les percevoir de deux manières : la première est qu’elles sont les premières lettres de l’œuvre des frères Loez et de fait dévoilent les premiers pas d’une évolution musicale considérable ; la deuxième est une manière rétrospective d’appréhender les titres. Plus que des comparaisons avec les œuvres récentes des mêmes musiciens, ce sont des parallèles qu’il faut rechercher. Ainsi on se rend compte d’une chose : la force de Supuration, c’est avant tout cette cohérence née d’une construction mentale parfaitement exprimée. Musicalement, ces premiers morceaux sont encore aujourd’hui assez éloquents pour se suffire à eux-mêmes. Conceptuellement, ce sont les premières composantes du paradigme de Supuration.
Supuration réussit effectivement à redonner un souffle de vie à leurs premiers efforts. Cette recherche d’authenticité se perçoit jusque dans le choix de l’artwork, un véritable « dessin à l’ancienne », œuvre de Dan Seagrave. Les trois reprises sont quant à elles à la fois fidèlement exécutées et intégrées à l’esthétique du metal sombre du début des années 90. Si « Shattered » est naturellement la plus proche de l’originale (la chanson est de la même époque, permettant vraiment de se rendre compte des atomes crochus que Supuration a développés par rapport à la musique de Paradise Lost), « The Beast » renforce la lourdeur pour prendre une entournure quasi doom et « Among The Living » devient carrément macabre. Reveries…n’aura pas la même signification pour chacun : il peut se révéler totalement anecdotique pour certains, pour d’autres il rappelle simplement d’où provient l’affection pour une patte musicale unique.
Regarder le clip de « Suffocate Through Asphyxia » :
Album Reveries…, sorti le 29 mai 2015 chez Listenable Records.
Hello
bel article, bien documenté.
Ok je suis fan total de ce groupe, et du coup j’ai pas très bien compris cette phrase: « Un statut de « légende » colle à la peau des deux formations, et bien que cela relève davantage des efforts d’une presse enthousiaste »
La presse ne s’est jamais trop préoccupée de SUP.
C’est un groupe assez discret, certainement trop, et je serai tenté de dire trop sous-estimé. (évidemment c’est l’avis d’un fan).
Cependant, au niveau des compo, je pense qu’il y a matière.
Bien à vous et continuez à écouter du SUP.
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