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Interview   

Swallow The Sun en trois actes


Swallow The Sun 2015

Qu’y a-t-il de plus anti-commercial qu’un groupe de doom metal ? Réponse : un groupe de doom metal qui sort un triple album. Surtout à notre époque où la musique perd petit à petit son caractère « artistique », surtout auprès du grand public, pour devenir avant tout un bien de consommation, et où nombre de jeunes gens ont du mal à maintenir leur attention plus de trois minutes sur une chanson, l’entreprise de Swallow The Sun est un pavé dans la marre voire un véritable suicide commercial. Mais en vérité, c’est une déclaration, un acte militant, pour redonner ses lettres de noblesses à un format album en perdition auprès du public – mais que de plus en plus d’artistes se mettent à défendre – et montrer que la musique est avant tout une expérience à vivre. Voilà ce qu’est Songs From The North et ses deux heures et demi réparties en trois disques aux teintes distinctes.

Mais Songs From The North est également un album chargé en émotion, peut-être plus encore que les opus précédents des Finlandais, entièrement composé et écrit par le guitariste Juha Raivio qui y a mis toute son âme, faisant de celui-ci une œuvre très personnelle. C’est donc naturellement vers lui que nous nous sommes tournés pour en parler. Il a cependant amicalement décliné notre offre, « les paroles étant trop personnelles et trop émotionnellement stressantes pour lui. » Ce qu’évidemment nous comprenons et respectons. C’est donc le chanteur Mikko Kotamäki et le claviériste Aleksi Munter qui nous éclairent ci-après sur cet album résolument consistant.

Swallow The Sun 2015

« Sortir des albums à notre époque peut paraître stupide mais… Nous l’avons fait ! »

Radio Metal : Vous sortez Songs From The North, un triple album. Tout d’abord : qu’est-ce qui a déclenché un projet aussi massif et ambitieux ? Je veux dire que c’est assez inhabituel qu’un groupe fasse un triple album !

Aleksi Munter (clavier) : Oh ouais, c’est très inhabituel, en fait ! Je crois que Prince l’a fait dans les années 90. Nous en parlons depuis des années. Ça a grosso-modo commencé avec ce à quoi nous faisions référence sur notre second album avec la chanson « Gloom, Beauty and Despair ». Nous voulions approfondir ces trois aspects de notre son, avec chaque album représentant l’un d’entre eux. Je crois en fait que c’était une simple phrase que quelqu’un avait employée pour décrire notre premier album, et nous trouvions que ça collait si bien à notre son que nous avons décidé de l’adopter. Et puis c’est aussi un peu une déclaration par rapport au format album parce que nous avons toujours adoré lorsqu’on avait plusieurs chansons dans un joli package et tout. Nous estimons qu’il faut accorder de l’importance aux albums. Sortir des albums à notre époque peut paraître stupide mais… Nous l’avons fait !

Mikko Kotamäki (chant) : Ça fait quelque chose comme quinze ans que nous sommes ensembles et, bien sûr, nous avons parfois besoin de faire quelque chose de nouveau. Nous avons commencé à en parler il y a peut-être plus de trois ans. A l’origine, c’était une idée de notre guitariste Juha ; il est aussi le compositeur principal dans Swallow The Sun. Il voulait faire quelque chose de ce genre et nous avons dit : « Pourquoi pas ? C’est une idée très sympa ! » Et aujourd’hui nous l’avons concrétisée ! Évidemment, il met en avant pleins d’aspects de Swallow The Sun. Nous avons déjà inclus des choses calmes dans nos chansons auparavant, comme ce que nous avons fait dans le second disque de Songs From The North. Et nous avons fait des choses lentes auparavant, comme ce que nous avons fait sur la troisième partie de l’album. Mais nous voulions aller plus loin et explorer nos propres limites. C’était intéressant de voir comment nous sommes parvenus à sortir un album quasi-acoustique, tout en sonnant encore comme Swallow The Sun. Donc, bien sûr, c’était aussi un projet très intéressant pour nous. Mais il est certain que la raison principale pour cet album, c’était de donner de la valeur à la musique. Je pense que, ces derniers temps, la musique en steaming, comme Spotify, a détruit l’expérience d’écoute des albums. Et si tu penses à quels types d’albums sortent de nos jours, quel type de business on rencontre aujourd’hui dans la musique, même si la musique extrême est plus populaire désormais, je pense que beaucoup de gens se contentent d’écouter de la musique avec des chansons piochées ici et là. Lorsque tu repenses à quand tu étais gamin, tu tenais un joli vinyle dans tes mains, tu t’asseyais, écoutais, lisais les paroles et regardais la pochette. Beaucoup de gens ont un peu perdu le sentiment que ça procure. Nous voulions faire quelque chose qui était vrai dans un énorme format album, pas juste quelques chansons.

En fait, à cette époque du tout digital où la plupart des gens téléchargent chanson par chanson plutôt que d’écouter des albums en intégralité et ont une faible capacité de concentration, sortir un triple album est sacrément osé, surtout dans un genre, le doom-death, qui n’est pas des plus lucratif. Est-ce que vous n’êtes pas en train de vous tirer une balle dans le pied avec ça, je veux dire, d’un point de vue commercial ?

Aleksi : [Rires] Ouais, effectivement. Effectivement. Comme je l’ai dit avant, c’est une déclaration. Je crois que, par exemple, si tu as une chanson dans un album, tu la mets dans un contexte avec d’autres chansons, dans le contexte d’un visuel et d’un objet physique. Il y a tous ces autres aspects qu’une chanson gagne lorsqu’elle est sur un album plutôt que de la télécharger ou l’écouter sur Spotify. Mais nous n’avons pas de grandes pensées, disant que nous allons à nous seuls redonner du respect au format album. C’est juste notre déclaration, c’est un argument en faveur du format album. C’est triste que le format album ne soit plus respecté mais les temps changent. On ne peut sans doute pas y faire grand-chose. La conception des gens sur la façon dont la musique est produite et consommée a changée. Je pense que beaucoup de gens perçoivent la musique comme un service public, comme un robinet d’eau : tu ouvres le robinet et tu as de la musique. C’est donc différent et ce sera différent mais ça ne va pas nous arrêter de faire de l’art que nous estimons vaut la peine.

Mikko : Je pense que nous sommes assez stupides pour faire ça [rires]. Et, ouais, le doom est… Ouais, certaines personnes sont assez strictes [dans ce genre de musique]. Je pense que beaucoup de gens vont probablement détester la partie du milieu de l’album parce que ce n’est carrément pas très metal mais nous avons pris le risque. Et nous faisons toujours ça pour nous, donc nous n’avons rien à foutre de ce que les autres gens pensent. Désormais l’album est sur le point de sortir, donc nous verrons ce qui va se passer. Est-ce que les gens vont acheter ce type d’album de nos jours ? Nous verrons. Même si une seule personne qui avait pour habitude de consommer la musique comme ce que tu l’as décrit prend notre album dans ses mains et change un peu son mode de pensée, alors j’en serais très heureux.

Swallow The Sun 2015

« Beaucoup de gens perçoivent la musique comme un service public, comme un robinet d’eau : tu ouvres le robinet et tu as de la musique. »

Est-ce que tu vois ça comme un acte militant ?

Ouais, je pense que ça l’est. Bien sûr les temps changent et tu ne peux vraiment rien y faire mais c’est ainsi que nous sommes et c’est ce que nous avons eu l’habitude de faire lorsque nous étions gosses, c’est comme ça que nous voulions que nos albums soient. D’ailleurs, j’ai reçu ma propre copie de l’album hier et, par exemple, lorsque j’ai ouvert pour la première fois le package du vinyle, j’étais là : « Merde ! C’est trop cool ! » C’est le seul format qui convienne pour ce genre de projet. Tu as toujours un super sentiment lorsque tu ouvres un vrai packaging avec plein d’informations et tout. Avec un peu de chance, certaines personnes retrouveront ce sentiment. C’est pareil avec les journaux de nos jours : bien sûr il y a toujours plein de magazines metal qui sortent physiquement mais une bonne part s’est aussi déporté sur internet, mais je préfère toujours feuilleter les pages d’un magazine. Tu reçois beaucoup plus d’information parce que tu es presque obligé de regarder chaque page. Sur internet, tu zappes plein de trucs.

Est-ce que tu penses que ça pourra changer ou même revenir en arrière, par rapport à la façon dont les gens consomment la musique ?

C’est un peu difficile à croire mais je pense qu’il faut que quelque chose se produise parce que si ça continue comme ça… Les gens écoutent la plupart de leur musique en streaming et les groupes n’en retirent pas de royalties, par exemple avec Spotify, et ça signifie que, je pense, plus beaucoup de maisons de disques se font de l’argent parce que les gens n’achètent pas les albums en tant que tels… Donc, comment ce sera dans dix ans ? Est-ce que les maisons de disque auront encore des budgets pour les enregistrements ? Je ne sais pas ce qui doit changer mais certaines choses doivent changer pour que ce truc reste en vie parce qu’autrement, seul les grandes maisons de disques survivront et toutes les petites finiront par mourir.

Pensez-vous que les auditeurs sont les seuls responsables de cette tendance ?

Principalement, oui. Évidemment, les labels ont fait des choses stupides comme le fait de donner leurs albums aux services de streaming sans mieux négocier les royalties et ce genre de choses. Mais c’était quelque chose de nouveau et je pense que l’erreur était déjà faite il y a des années. Je pense que les auditeurs sont la clef parce que si les gens continuent à ne pas vouloir payer pour la musique, si tout doit être gratuit, alors nous sommes complètement baisés.

Aleksi : Les producteurs, quiconque produit de la musique, sont aussi responsables. Je comprends pourquoi les gens font ceci, pourquoi ils sortent de temps en temps seulement une chanson sur YouTube ou Spotify, ou peu importe. Je le comprends mais ce n’est pas pour moi, et pas pour nous.

Comment êtes-vous parvenus à faire trois fois plus de musique dans la même période de temps que vos albums précédents, qui est généralement comprise entre deux et trois ans ?

Ouais, je ne sais pas ! [Rires] C’est une bonne question mais une bonne part de la musique était déjà prête il y a quelques années mais nous n’avons pas travaillé dessus parce que nous avons eu des problèmes avec notre label. Nous avons commencé à faire davantage de funeral doom et de trucs acoustiques, et ces choses, le fait d’étendre notre son dans ces directions, sont venues facilement. Juha a fait grosso-modo toute la composition des chansons et c’est aussi un album très personnel pour lui. En général, Juha fait des démos et elles sont déjà pas mal finalisées pour ce qui est des guitares, et peut-être aussi de la batterie, mais il n’y a pas beaucoup de chant et très peu de clavier. Donc après ça, je commence à travailler sur mes parties de clavier et Mikko sur ses parties de chant. Et ceci a pris environ trois mois, simplement à travailler sur les arrangements, en raison de la quantité de musique. Mais je pense que nous avons réellement commencé à travailler dessus en février ou mars et ça a pris quatre à cinq mois à enregistrer et mixer le tout. Ça a donc pris pas mal de temps !

Mikko : En fait, cette fois nous avons pris une pause un peu plus longue mais nous aurions facilement pu sortir cet album il y a un an [si nous n’avions pas eu les problèmes avec notre label précédent], et toutes les chansons sont venues rapidement et naturellement. Juha est un très bon compositeur, je trouve [petits rires]. Je ne sais pas où il va puiser sa putain d’inspiration ! Mais ouais, il a été assez rapide. Il avait cette vision en tête et a mis dans le mile ! En fait, je ne sais pas comment Juha a écrit ces chansons. Je ne crois pas qu’il ait fait un album à la fois, je pense qu’il a composé les chansons pour tous les albums [en même temps] mais, bien sûr, il avait une idée claire de ce que chaque album devait être. Et pendant que nous enregistrions les choses… Par exemple, personnellement, un jour j’enregistrais une chanson de la première partie et le jour suivant quelque chose de la partie du milieu pour garder plus de fraicheur dans l’enregistrement.

Swallow The Sun - Songs From The North

« Même si une seule personne […] prend notre album dans ses mains et change un peu son mode de pensée, alors j’en serais très heureux. »

En faisant une telle quantité de musique, l’un des risques est de se retrouver avec du remplissage. Comment avez-vous évité ça ?

Aleksi : Eh bien, j’imagine avec beaucoup d’autocritique [rires]. Habituellement, nous avons quelque chose comme huit chansons sur nos albums et je pense que nous parvenons à éviter les chansons de remplissage. En général, nous n’avons pas tellement de remplissage. Même si ce sont des albums similaires, c’est un triple album, ça reste trois albums différents, donc c’est plus facile de penser ça comme si on faisait trois albums différents et c’est plus facile de gérer un album. En fait, c’est bien pour l’auditeur, même s’ils ont tous les trois été enregistrés en même temps, que ce soit des albums séparés, le premier étant un album traditionnel de Swallow The Sun, le second acoustique et le troisième du funeral doom, car ainsi ça donne un joli enchaînement à l’album. C’est plus facile à écouter. Si nous avions mélangé tout ça, en ayant une chanson traditionnelle, puis une doom et ensuite une acoustique et ainsi de suite, ça aurait été sans doute plus difficile.

Comme tu l’as dit, Juha a fait toute la composition, comme toujours. N’aimerais-tu pas être davantage impliqué dans l’aspect créatif de la musique ?

Ouais, mais j’ai écrit quelque chose comme deux chansons pour le groupe. C’est juste que je suis très, très lents pour composer de la musique. Mais, en fait, j’aime faire des arrangements, car j’ai le sentiment d’avoir plus à donner lorsque je fais ça. Lorsque j’ai quelque chose sur laquelle travailler, alors je sais quoi faire avec. Composer de zéro, ouais, je peux le faire mais je suis vraiment lent. Si je le faisais, nous sortirions un album tous les vingt ans !

Comment l’album est-il censé être écouté ? Je veux dire, est-ce que vous recommandez de l’écouter comme un tout d’une seule traite et de manière séquentielle, le premier disque, le second puis le troisième ?

Je pense que c’est comme une pièce de théâtre en trois actes : tu as l’album normal, puis celui qui est acoustique te donnes tu temps pour respirer avant le dernier acte, qui est un peu dépressif. Je l’ai tout le temps écouté dans cet ordre, du début à la fin, mais il y aura des gens qui l’écouteront de plein de façons différentes. Certaines personnes préfèrent notre côté plus léger, donc il se peut qu’ils n’apprécient pas trop le troisième disque et il se peut que certaines personnes trouvent le second disque trop léger… Mais je crois que les gens qui aiment notre musique aimeront les trois albums.

Mikko : La première fois que tu l’écoutes, je pense que tu devrais absorber ces deux heures et demie d’un coup. Ça ne me dérange pas si les gens écoutent une partie à la fois mais je pense que tout le monde devrait essayer de se poser et prendre du temps, à regarder le livret, lire les paroles et écouter l’album pour ses deux heures et demie, peut-être avec un verre de vin rouge, peut-être en fumant quelque chose, je ne sais pas [rires], peu importe ce qui convient à chacun.

Dans le communiqué de presse, Juha dit que « l’enfer de la vie t’emmènera dans des profondeurs que tu n’aurais jamais cru atteindre de ton vivant, mais à la fois tu apprends à respecter de plus en plus la beauté. » Diriez-vous que ceci est le message le plus important que Swallow The Sun essaie de transmettre avec sa musique ?

Ouais, absolument. Cet album est très personnel et certains dans le groupe ont traversé des moments assez durs et de sacrées merdes. Mais je pense que, même si notre musique a toujours été très sombre, il y a toujours cette petite lueur d’espoir derrière. Ce n’est pas toujours important d’avoir [cette lueur d’espoir] mais je pense que ça facilite un peu la vie si tu as, au moins, un tout petit peu d’espoir quelque part là-dedans [rires]. Personnellement, je trouve la musique sombre rafraichissante.

Aleksi : C’est une déclaration que nous partageons, dans le sens où la vie ne sera pas toujours bonne et belle. De toute façon, c’est dans le contraste que vient l’appréciation de la vie.

Il a aussi dit qu’ « aucun grand art ne vient sans grande douleur. » Êtes-vous d’accord ?

Mikko : A cent pour cent, oui !

Aleksi : Ouais, je suis totalement d’accord. Je ne pense pas que les mélodies joyeuses peuvent véhiculer de vraies émotions.

Donc vous pensez qu’il n’y a pas de grand art possible avec la musique joyeuse ?

Mikko : Non, putain, je déteste la musique joyeuse !

Aleksi : [Rires] il y en a probablement mais je préfère effectivement la musique mélancolique et triste.

Prince, que tu as mentionné plus tôt, est en fait connu pour avoir fait de la grande musique joyeuse…

Ouais, c’est vrai. C’est un grand artiste.

Swallow The Sun 2015

« La vie ne sera pas toujours bonne et belle. De toute façon, c’est dans le contraste que vient l’appréciation de la vie. »

En fait, nous avons essayé d’avoir Juha en interview mais il a dit ne pas se sentir prêt à parler de cet album parce que les paroles étaient trop personnelles et émotionnellement stressantes. Donc, puisque tu chantes ses paroles, Mikko, peux-tu nous en dire plus à leur sujet et à quel point elles sont personnelles ?

Mikko : Eh bien, ce sont des trucs très personnels pour Juha. J’ai écrit des paroles pour Swallow The Sun par le passé aussi, mais pas sur cet album parce qu’il voulait se charger de toutes les paroles cette fois-ci, il voulait que ça reste très personnel pour lui. Je ne vais pas rentrer dans les détails de ce qui s’est passé dans sa vie mais je comprends complètement pourquoi il ne veut pas parler de cet album [petits rires]. Pour moi, c’est assez facile de comprendre ses paroles car je sais ce qu’il y a derrière. Mais je n’aime pas vraiment expliquer les paroles parce que les gens devraient simplement les lire. Elles sont vraiment… Disons… Des histoires sombres sur la vie, surtout la dernière partie de l’album. La seconde partie de l’album, ce sont des paroles plus orientées sur la nature comme… Eh bien, ça s’appelle Songs From The North, donc je pense que tu peux aussi entrevoir les paysages scandinaves dans ces paroles. Mais ouais, je pense que tout le monde devrait lire les paroles et se faire leur propre idée de ce qui s’y passe.

Était-ce important pour lui d’extérioriser ces choses personnelles ?

Ouais, c’est sûr. Évidemment, tu peux parfois considérer le fait d’écrire des paroles et de la musique comme une thérapie. Tu sais, les Finlandais ne parlent pas tellement, donc parfois, c’est plus facile d’écrire sur un bout de papier que de parler à qui que ce soit, car les Finlandais sont des gens assez réservés. Parler, ce n’est pas notre truc.

N’est-ce pas un peu inconfortable pour toi de chanter ces paroles qui sont si personnelles pour lui ?

Pas vraiment. Nous sommes amis depuis tellement longtemps. Je connais très bien ce gars et comme je l’ai dit, je peux assez facilement comprendre ses paroles. Ce n’est pas du tout inconfortable.

Mais comment parviens-tu à rendre justice à l’énorme valeur émotionnelle qu’elles renferment pour Juha ? Est-ce que vous avez une méthode de travail ensemble, à parler de ces choses, etc. ?

Non, pas du tout. Surtout cette fois-ci, pendant que j’enregistrais le chant, je n’ai pas du tout vu Juha ! J’ai enregistré le chant moi-même avec la personne qui produisait le chant. C’est difficile à expliquer mais c’est ainsi que nous fonctionnons ensemble. Nous nous faisons toujours confiance, et peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles notre line-up a aussi peu changé avec les années. Nous nous faisons mutuellement confiance. Je crois que c’est comme ça que ça fonctionne et particulièrement lorsque j’enregistre le chant, c’est toujours important pour moi d’y mettre de l’émotion. Ce n’est pas une question de savoir à quel point tu chantes bien ou proprement, si tu atteins précisément la bonne note ; j’en ai rien à foutre de ça. Je fais attention à l’émotion, généralement.

Quelle connexion y a-t-il entre la musique et le titre de l’album, Songs From The North ? Qu’est-ce que le nord représente pour vous ?

Aleksi : Je pense que [toutes les chansons] proviennent du même endroit. Ça s’appelle Songs From The North, donc elles représentent différents aspects du Nord : pendant l’été, il y a ces jours sans fin et c’est plein de lumière. En revanche, pendant l’hiver, il fait extrêmement froid et sombre, c’est très oppressant. Ça se rapport plutôt aux atmosphères, à la nature, à l’état d’esprit qui est très spécifique au Nord. Nous avons beaucoup voyagé parce que nous avons pas mal tourné, donc nous avons pu rencontrer des gens partout dans le monde et je pense que ceux qui vivent au Nord sont d’un genre particulier. C’est difficile à expliquer.

Mikko : Nous sommes tous nés et avons tous été élevés en Finlande et je suppose qu’on peut dire que c’est pas mal au Nord. C’est un endroit de dingue où vivre mais, à la fois, ça reste très beau. Je pense aussi que le Nord représente un genre d’état d’esprit parce, eh bien, c’est un peu cliché de dire ça mais les Scandinaves sont globalement un peu plus, peut-être, mélancoliques que les espagnols sous leurs palmiers, je pourrais dire. Les gens sont un peu plus dérangés là-haut. Ils sont réservés. Ils ne parlent pas. Certains d’entre eux sont assez déprimés aussi, tu pourrais dire. Si tu penses à la musique scandinave, même si les groupes ne sont pas tous similaires, au final, tous les groupes de metal scandinaves ont cette petite tonalité mélancolique dans leur musique. Donc je crois que c’est un genre de truc typique des nordistes.

Aleksi : En Finlande, il y a une tradition musicale très mélancolique et triste. Toutes les chansons que l’on chante lorsque qu’on est enfant sont un peu tristounettes, tout est généralement en mode mineur. La tradition musicale en Finlande est telle qu’elle t’encourage à composer dans cette veine mélancolique.

La sixième piste du second disque, « 66°50’N,28°40’E », qui est une instrumentale, est nommée d’après des coordonnées géographiques qui, si je ne me trompes pas, pointe sur la ville de Salla en Finlande. Qu’est-ce qu’elle représente ?

C’est là où Juha a passé son enfance. C’est donc une sorte de représentation musicale de ce lieu géographique.

Mikko (n’étant pas au courant de la réponse d’Aleksi) : C’est plus un truc interne au groupe mais disons que, ouais, c’est en Laponie, au Nord de la Finlande. C’est un lieu vraiment isolé et magnifique. Je suppose, disons, que quelqu’un avait pour habitude d’habiter là-bas à un moment donné…

Swallow The Sun 2015

« C’est plus facile d’écrire sur un bout de papier que de parler à qui que ce soit, car les Finlandais sont des gens assez réservés. Parler, ce n’est pas notre truc. »

Pourquoi un tel secret ?

Eh bien, je trouve que c’est aussi ça qui est amusant avec la musique. Les groupes devraient garder plus de mystère dans leur musique, ne pas expliquer tout ce qu’ils font, comme constamment poster des images marrantes sur Facebook. La part de mystère manque dans la musique d’aujourd’hui. C’est mieux de laisser les gens se faire leur propre idée. Par exemple, comme je l’ai dit, je ne veux pas expliquer les paroles parce que si j’explique à quelqu’un, mot à mot, ce qu’elle veulent dire, elle perdent une grande part de leur mystère et c’est comme donner aux gens un Big Mac que j’aurais prémâché, ce n’est plus amusant.

Aleksi, je sais que tu t’es chargé de l’aspect visuel de l’album, le livret et l’artwork. Est-ce que tu t’es particulièrement investi là-dedans ?

Aleksi : Nous avons trois pochettes – des illustrations d’albums avec la fille en photo. Les photos ont été prises par Aleah [Stanbridge]. Tout le reste dans l’album est basé sur ces images. Je voulais juste capturer l’atmosphère de ces, disons, moments oniriques, pour que les visuels reflètent le feeling des chansons. Ouais, j’ai porté beaucoup d’attention à cet aspect, surtout pour ce qui est des photos dans le livret. Je ne suis pas photographe, donc j’ai dû apprendre pas mal de trucs en travaillant sur les visuels pour cet album. Tout le design graphique en règle générale m’a toujours tenu à cœur. Je porte toujours beaucoup d’attention à ça, donc c’est naturellement que c’est tombé entre mes mains. Je me suis grosso-modo chargé de la direction artistique des livrets pour les deux derniers albums. Je suppose qu’il était naturel que j’en fasse plus encore sur celui-ci.

Pouvez-vous nous parler des invités sur cet album ?

Mikko : Nous avons toujours fait appel à des chanteuses. C’est d’ailleurs le troisième album avec cette dame suédoise, Aleah ; elle a à nouveau été invitée à chanter. Et puis sur quelques chansons il y a [Sarah] Elisabeth [Wholfahrt], qui vient d’Allemagne. En fait, nous ne la connaissions pas mais nous nous disions que nous avions besoin de quelques voix féminines pour quelques chansons et nous ne savions pas vraiment à qui demander parce que nous ne voulions pas faire appel à la même chanteuse pour toutes les parties de chant féminin de l’album. Et c’est l’amie de notre producteur vocal et il nous a joué quelques chansons à elle. Nous avons beaucoup aimé sa voix et heureusement, elle était d’accord pour chanter en tant qu’invitée. Ensuite, il y a la chanson éponyme, « Songs From The North », sur la seconde partie de l’album, et sur cette chanson, il y a du chant en Finlandais, et cette dame qui chante sur cette chanson s’appelle Kaisa [Vala]. Elle est Finlandaise mais vit au Royaume-Uni aujourd’hui et heureusement, elle a été assez aimable pour participer également à cet album. Notre producteur vocal Jaani [Peuhu] fait quelques chœurs et sur une chanson, il y a Nathan Ellis du groupe américain Daylight Dies, il fait de la narration. C’est un bon ami à nous. Voilà à peu près tous les invités. Combien y en a-t-il ? Cinq, ouais. Si on a l’opportunité de faire les chansons en concert avec eux, par exemple si les invités se trouvent être au même endroit que nous, bien sûr, nous le ferons, autrement, nous devrons utiliser des pistes enregistrées.

A ce propos, avec un album aussi spécial, comment prévoyez-vous d’organiser les concerts et setlists à venir ? Allez-vous avoir des sections dans le show, comme un passage acoustique, etc. ?

Aleksi : Ouais, nous en avons parlé. Ça dépend un peu de comment… Car nous avons toujours tourné en tant que groupe de première partie, donc nous ne pouvons pas toujours amener tout notre équipement et tout ce dont nous avons besoin pour jouer correctement les trucs acoustiques. Il se peut donc que nous ayons besoin de faire quelques arrangements en live pour ça.

Mikko : Nous venons de faire des répétitions le weekend dernier et nous avons répété certaines chansons du nouvel album. Nous allons jouer des chansons de chacune des parties du nouvel album. Je suis très content des répétitions. Toutes les chansons fonctionnent assez bien. Il y aura donc assurément des chansons de chacune des parties et j’imagine des parties acoustiques également.

Vous avez dit que vous aviez eu des problèmes avec votre précédent label Spinefarm Records. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous avons eu de sérieux problèmes avec eux, d’énormes disputes. Mais la chose principale était en gros qu’ils n’ont vraiment rien fait pour le groupe. C’était difficile de trouver nos albums chez les disquaires à travers le monde. Ils ne faisaient pas beaucoup de promotion ou autre. Je ne sais pas vraiment quel était leur problème. Est-ce que c’était Universal qui leur posait des difficultés par rapport au budget ? Car ce label faisait partie d’Universal Music… Je ne sais pas trop quel était leur problème mais ils n’ont absolument rien fait [petits rires]. C’était assez merdique. Ça n’a aucun intérêt de faire de la musique pour ce genre de label. Ça nous a donc mis en rogne. Heureusement, après un an de négociations avec eux, nous avons pu nous séparer d’eux. Et heureusement, Century Media était intéressé, donc nous sommes vraiment contents de cette nouvelle situation et ce nouveau label.

Aleksi : Century Media a tout suite accroché à notre idée [de triple album] et ça a vraiment été un plaisir de travailler avec eux. En fait, ils étaient dès le début d’un grand soutien. L’une des raisons pour lesquelles nous étions si contents de commencer à travailler avec Century Media était justement le fait qu’ils ont très bien pris l’idée du triple album. Ils étaient surexcités par rapport à ça. Nous n’avons eu aucune pression pour ce qui est du format de l’album.

Swallow The Sun 2015

« Les groupes devraient garder plus de mystère dans leur musique, ne pas expliquer tout ce qu’ils font, comme constamment poster des images marrantes sur Facebook. La part de mystère manque dans la musique d’aujourd’hui. »

Le batteur Kai Hahto a été temporairement recruté par Nightwish. Comment avez-vous accueilli la nouvelle ? Est-ce que vous avez compris sa décision d’accepter ce job au détriment de Swallow The Sun ?

Oh ouais, absolument. Nous étions les premiers à lui dire d’accepter ! [Rires] C’est une super opportunité pour lui. A ce stade, de toute façon, nous étions dans une situation où Kai ne pouvait pas venir à tous nos concerts, donc nous avions besoin de quelqu’un pour le remplacer sur ces concerts. Et plus nous jouions, plus ça fonctionnait parce que Juuso [Raatikainen] a un jeu très musical qui va vraiment bien avec notre style. Ce n’était pas un changement dramatique ou quoi, ça s’est fait naturellement et nous sommes toujours bons amis avec Kai. C’est un ami proche. Ouais, nous nous sommes bien compris mutuellement. Il n’y avait aucun drame ou quoi que ce soit. Nous en avons parlé et avons trouvé cette solution.

Mikko : Bien sûr, c’était une énorme nouvelle lorsque ça s’est produit mais nous étions extrêmement heureux qu’il ait enfin l’opportunité de faire quelque chose d’énorme. Il le mérite vraiment. Nous sommes tous très heureux pour lui. Evidemment, il n’y a eu aucun drame derrière ça. Il a été très occupé avec eux, à jouer ces concerts monumentaux partout dans le monde. La dernière tournée qu’il a faite [avec Nightwish] était en Amérique du Sud et il s’est vraiment fait plaisir, à jouer au Rock In Rio et ce genre d’endroits. Tu sais, c’est un sacré putain de contraste après avoir tourné avec nous pendant des années ! De passer de concerts punk rock underground à des shows de ce niveau où il y a quarante mille personnes dans le public ! Je suis vraiment content pour lui ! Nous restons encore constamment en contact. Mais, bien sûr, ça ne nous convenait pas parce que nous voulions faire cet album cet année, car nous voulions déjà le faire l’année dernière, il a donc fallu que nous fassions quelque chose. Avec Kai à la batterie, ça n’aurait pas été possible.

Est-ce que Juuso est le nouveau batteur permanent du groupe ou est-ce qu’il est là provisoirement pendant que Kai est indisponible ?

Aleksi : Ouais, c’est le nouveau batteur permanent.

Donc lorsque Kai en aura fini avec Nightwish, il ne pourra pas revenir…

Mikko : Eh bien, ne jamais dire jamais mais… Et bien sûr, Kai fait toujours partie de Swallow The Sun mais Juuso fait un boulot formidable. Juuso est autant un membre du groupe mais il ne faut jamais dire jamais. Qui sait ce qui se passera avec Nightwish ? Qui sait ce qui se passera avec nous ? Peut-être allons-nous mourir sur la prochaine tournée ! [Rires]

Aleksi, tu as composé et enregistré des parties de clavier et des arrangements pour plusieurs albums d’Insomnium. Peux-tu nous en dire plus sur cette expérience avec ce groupe ?

Aleksi : J’ai rencontré Ville Friman il y a déjà dix-huit ans. Nous nous sommes vraiment bien entendus et il m’a demandé de faire quelques petits trucs pour le second album. J’en ai fait encore plus sur le troisième et après ça, j’ai fait tous leurs trucs au clavier. C’est super parce que je les ai toujours adorés et ce sont vraiment des mecs sympas. C’est vraiment super de travailler avec eux. En général, Ville m’envoie des démos et je fais mes parties de clavier, je lui renvoie les démos, il les passe en revue et me donne des suggestions sur ce que je devrais changer. J’enregistre toutes les parties moi-même et les leur envoie, et c’est à peu près tout ! Ça ne prend généralement pas trop de temps, un mois environ.

Ne t’ont-ils jamais demandé de rejoindre leur groupe à plein temps, puisque qu’ils font toujours appel à toi ?

[Rires] J’ai été ultra occupé avec Swallow The Sun et ce sera toujours ma priorité. Surtout à un moment donné, nous sortions des albums presque en même temps, il y aurait donc eu des conflits. Il y a une entente réciproque sur le fait que je ne vais pas rejoindre le groupe de sitôt, tout du moins, pas tant que je suis dans Swallow The Sun.

Interview réalisée par téléphone les 28 octobre et 10 novembre 2015 par Nicolas Gricourt.
Fiche de questions : Philippe Sliwa et Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Jussi Ratilainen.

Site officiel de Swallow The Sun : swallowthesun.net.



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  • L’image du robinet d’eau est très sympathique ! (Celle du Big Mac prémâché, un peu moins xD)

    Hummm… J’vais encore faire ma chieuse, mais… vos traductions de trucs anglais contiennent très souvent des trucs genre « copie de l’album », mais en français, on parle plutôt d’« exemplaire », voire juste de « l’album ». « Copie », ça fait très piratage ou contrefaçon, justement. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire « j’ai acheté une copie du dernier album », perso.

    Bon, album ajouté à ma liste de trucs à acheter. Mais j’n’ai pas d’souuuus. o( +_+ )o Ah et la stabilité de leur line-up est impressionnante !

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    Ghost @ Lyon
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