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Interview   

Swarm : force et intelligence


Une chose qui peut être dure pour un groupe en début de carrière, c’est qu’il est condamné à montrer une vision tronquée de ce qu’il a offrir, du fait des temps de jeu limités lorsqu’il se produit sur scène. C’est le jeu, forcément, il faut faire ses preuves, mais ça peut être dommageable quand le groupe en question a beaucoup à offrir avec sa musique.

C’est le cas par exemple des Antibois de Swarm qui sont revenus en fin d’année dernière avec un second album intitulé Anathema. Lorsque vous allez les voir en concert, vous vous ferez happer comme un uppercut par un riffing groove thrash metal que des Pantera ou Lamb Of God n’auraient pas reniés. Mais Swarm a également d’autres facettes à côté desquelles vous passerez peut-être mais que vous découvrirez en vous immergeant dans l’album ; une facette progressive et intelligente, que ce soit dans les structures réfléchies et parfois complexes de certains morceaux ou les textes travaillés, voire conceptuels, comme ceux du dernier opus.

Entretien avec le guitariste lead Antoine Chapet qui nous en dit plus sur tout ceci.

« En général, quand tu écoutes un album de metal, tu as souvent une petite intro d’une ou deux minutes, puis ça part sur le « hit » de l’album, le morceau facile de quatre minutes. Nous voulions un peu changer ça. »

Radio Metal : L’album est déjà sorti. As-tu déjà pu mesurer les retours qu’il peut y avoir sur cet album ?

Antoine Chapet (guitare) : Nous avons eu de très bons retours, de très bonnes chroniques, de très bons avis. C’est très positif dans l’ensemble. Nous sommes contents jusqu’à présent. Les gens sont plutôt d’avis de dire qu’il y a eu des progrès par rapport au premier album, donc c’est une progression positive.

Avant qu’un album sorte, en tant que musicien, on se fait souvent une idée de l’évolution qu’il y a eu, de ce que l’album dégage, etc. Quand tu as vu les différents retours, est-ce que ça s’accordait avec ce que tu pensais, ou y a-t-il eu des choses qui t’ont surpris, qui étaient différentes de ce que tu avais vu ?

Oui, dans l’ensemble, c’était quand même plus ou moins ce à quoi nous nous attendions. Après, il y a toujours des petites surprises, des gens qui voient des choses auxquelles tu n’aurais pas pensé dans ta musique. Par exemple, pas mal de gens ont vu un côté vachement lumineux dans notre musique. Ce n’est pas forcément un truc auquel je pense, mais après quand tu réécoutes, tu te dis que oui, en effet… Quand tu prends un certain recul sur la musique, une fois que l’album est fini d’être enregistré et tout, tu peux te dire : « En effet, je vois pourquoi ils voient les choses comme ça. » Donc oui, après, il y a toujours des avis un peu surprenants. C’est pour ça que c’est intéressant d’avoir les avis d’autres personnes.

La tournée de l’album a commencé. Comment ça se passe, pour l’instant ?

Pour l’instant, c’est vachement cool. Nous avons déjà fait huit dates en France en octobre-novembre. Donc ça s’est bien passé, nous avons eu pas mal de bons retours sur notre musique. Là, nous avons encore une date début février à Lyon, et nous avons encore d’autres dates qui vont être annoncées d’ici peu. Jusqu’à présent, c’est positif. Nous sommes contents de l’avancement.

Ce qu’on remarque quand on regarde votre carrière avec un peu plus de recul, c’est que vous faites énormément de dates, vous tournez beaucoup. Dirais-tu que le live, c’est vraiment ce que vous avez en tête, même quand vous êtes en session de compo ? C’est-à-dire que vous écrivez pour le live, pour des morceaux qui pourront être joués sur scène…

Je dirais que c’est le cas des trois quarts des compos. Après, il y en a certaines qui ne sont pas du tout dirigées pour le live. Par exemple, à la fin des deux albums, il y a une instrumentale de dix minutes. Évidemment, ça, ce n’est pas dirigé pour le live. Quand nous composons, nous voyons plus ou moins les morceaux qui vont être efficaces et que nous allons pouvoir jouer facilement en live, qui vont faire bouger les gens, et ceux qui vont être là plutôt pour apporter de la variété dans l’album, histoire de ne pas répéter vingt fois le même morceau. Au niveau de la composition, nous essayons de faire attention à ça, de garder une partie plutôt morceaux live, et une partie plutôt morceaux album, un peu plus travaillés niveau structure, etc.

Tu ne verrais pas en live un morceau instrumental de dix minutes ? Vous n’avez pas envisagé d’inclure des morceaux un peu plus progressifs dans votre set ?

Ça pourrait arriver. Après, ça sera plus sur du moyen ou long terme, dans le sens où quand nous jouons, nous jouons des sets relativement courts. Donc si nous mettons un morceau de dix minutes dans un live, ça fait déjà un quart de notre set. Donc forcément, ça ne laisse pas de place pour le reste. Après, si un jour nous sommes amenés à faire des sets plus longs, je pense que nous essaierons d’inclure au moins un morceau un peu plus progressif dans l’esprit.

« L’anathème, c’était un mot particulièrement intéressant parce que ça peut être très large comme ça peut traiter un sujet très précis, tout en étant justement la contradiction, l’offrande, un sacrifice, etc. »

Les riffs groove/thrash metal sont au centre de votre compo. Ils sont mis en valeur autant au niveau du mix que dans la musique elle-même. Dirais-tu que pour vous, le riff est ce qu’il y a de plus important quand vous écrivez ?

Oui. Virtuellement, tous nos morceaux, ça part d’un ou deux riffs, et c’est sur ça que nous allons construire l’armature du morceau. Donc oui, c’est clairement au centre de la composition. De toute façon, dans notre style, ça n’est pas obligatoire, mais ça l’est presque. Après, ça peut nous arriver d’écrire un riff de guitare, donc par exemple un couplet ou un refrain, et après d’avoir une idée de la partie qui viendra après, de composer d’abord la batterie parce que nous allons chercher un rythme différent pour contrebalancer le premier riff… Mais dans l’ensemble, nous avons tendance à composer d’abord les riffs de guitare, et à les mettre au centre de la composition.

Le premier morceau, « New Sun », est un morceau très accrocheur, ça te met tout de suite dans l’album, et en même temps, il a une structure assez alambiquée, il est assez bavard, il y a beaucoup de riffs et parties différents. Quel est pour vous le fil rouge de ce morceau ?

En fait, le but était vraiment de commencer avec un morceau qui soit un peu différent de ce qu’on va pouvoir entendre d’habitude. En général, quand tu écoutes un album de metal, tu as souvent une petite intro d’une ou deux minutes, puis ça part sur le « hit » de l’album, le morceau facile de quatre minutes. Nous voulions un peu changer ça, parce qu’au niveau de la composition, nous avons essayé de composer les morceaux pour qu’ils s’insèrent bien dans l’album. Donc le but était de répartir les types de morceaux différents, donc nous ne voulions pas mettre quatre morceaux de quatre minutes, faciles, au début, et après laisser tous les morceaux un peu plus progressifs. Le but était de tenter de commencer avec un morceau qui te mette un bon parpaing dans la gueule au niveau technique et tout, et il y a aussi le fait que le motif d’intro du premier morceau, donc le début de l’album, soit aussi le motif de fin de l’album. Donc la fin de l’instrumental reprend le motif de l’intro, mais joué différemment. C’était le but de faire un album comme une première et une quatrième de couverture sur un livre.

Est-ce que l’équilibre entre le côté accrocheur du morceau et son côté progressif a été difficile à trouver ?

Oui, ç’a été compliqué à trouver. Ce genre de morceau-là, ça demande beaucoup d’essais, de ratés, beaucoup de travail au niveau de la structure, etc. Le plus dur est de garder un fil conducteur tout en ayant une certaine variété dans la composition du morceau, pour ne pas se retrouver au bout de huit minutes à dire : « Bon, ça tourne un peu en rond sur toujours le même riff. » Evidemment, il faut apporter de la variété, mais d’un autre côté, c’est aussi compliqué de ne pas se perdre dans une avalanche de riffs, qui n’ont pas forcément de lien entre eux, surtout quand il y a des changements de tempo, de mélodie, etc., comme il peut y en avoir dans ce morceau-là. C’est le genre de morceau qui demande beaucoup de travail. Ça nous a donc vraiment pris plusieurs mois pour finir de composer, avec beaucoup de versions différentes, beaucoup de structures différentes, de riffs, etc. Par exemple, la fin du morceau, les deux dernières minutes, il me semble que nous avons mis facilement deux ou trois mois à les composer.

Au niveau des textes, l’album précédent oscillait entre un aspect très psychologique, c’est-à-dire la folie que pouvait avoir chaque être humain, et un aspect un peu plus sociétal, avec une réflexion sur les dérives de l’homme moderne. Est-ce que ce double traitement est aussi présent sur ce disque ?

Justement, ce disque-là est plus ou moins un concept-album, mais avec vraiment un concept assez large au niveau de la contradiction. C’est vraiment sur de la contradiction dans son sens large. Ça va toucher à plusieurs thèmes sur la contradiction de l’être humain, que ce soit au niveau de l’écologie, de la psychologie, de la sociologie, etc. Selon les morceaux, ça va aborder la contradiction dans sa globalité, mais sur un thème différent. Par exemple, un morceau comme « Frontiers » va aborder la dualité, mais plus dans le sens de l’opposition entre ce que nous considérons comme étant de la bonne musique, les frontières que nous posons entre « bonne musique » et « mauvaise musique », le jugement que l’on a tendance à avoir envers les gens, d’où le clip, où nous essayons de changer de l’image des metalleux dans un hangar, qui sont là, qui ont les cheveux longs, qui tournent de la tête, qui sont de gros méchants… Nous essayons de prendre un angle différent.

L’album s’appelle Anathema. Un « anathème » est une forme de réprobation à l’égard d’une idée ou d’un courant de pensée. C’est un mot qui a surtout été utilisé dans un sens religieux, comme un sacrifice contre une hérésie religieuse…

Oui, mais l’intérêt de ce mot, c’est surtout qu’il a eu plusieurs sens selon les âges. Ça peut en effet être un sacrifice, ça peut aussi être une offrande, selon les cultures, donc c’était justement pour continuer sur ce thème de la contradiction. Nous avons voulu, et tout particulièrement Rémy, qui a composé les textes, continuer dans ce fil conducteur de la contradiction, donc justement, l’anathème, c’était un mot particulièrement intéressant parce que ça peut être très large comme ça peut traiter un sujet très précis, tout en étant justement la contradiction, l’offrande, un sacrifice, etc.

« Nous nous disons que ce n’est pas un sprint, c’est un demi-fond, donc nous partons du principe que pour l’instant c’est comme ça, mais qu’à terme, si les choses marchent comme nous l’espérons, nous pourrons faire des sets plus longs, et du coup, plus développer notre musique. »

As-tu pu mesurer la relation que les gens qui vous suivent peuvent avoir avec vos textes ? En discutez-vous avec les gens après vos concerts, par exemple ?

Honnêtement, c’est très rare. C’est vraiment très rare. Dans notre style, les gens s’intéressent très peu aux textes. Ça arrive, mais à la limite, ça va plus être des chroniqueurs d’albums qui vont se pencher sur l’album dans son entièreté et qui vont avoir un commentaire à faire sur les textes. Généralement, les gens se penchent très rarement sur les textes. C’est un truc assez développé dans le metal, de ne pas trop écouter ce que le chanteur raconte. Après, dans un sens, ça permet aussi d’apporter une certaine liberté et de dire un peu ce qu’on veut. C’est rare que les gens nous interpellent là-dessus.

Est-ce que c’est une source de frustration pour toi, le fait que vous fassiez peut-être un gros effort sur les textes, comme sur cet album-là ou celui d’avant, et qu’en même temps, les gens ne s’y intéressent finalement pas trop ?

Bien sûr. Il y a forcément un côté frustrant, parce que je sais que Rémy a fourni un gros travail au niveau des textes, donc évidemment, je sais qu’il y a toujours une petite part où nous nous disons que c’est dommage qu’il y ait peu de gens qui s’y intéressent, mais en même temps, nous savons très bien que ça fait partie du jeu. Donc nous essayons de faire les choses au maximum pour avoir quelque chose de percutant au niveau de notre artwork, nos textes, etc., pour que les gens puissent se dire : « Tiens, c’est bizarre, pourquoi ils ont utilisé ça ? » Du coup, ça arrive qu’on nous interpelle sur notre artwork, et au final, ça peut nous permettre d’expliquer les textes, vu que l’artwork est en relation directe avec les textes.

Ça vous arrive de présenter le texte d’un morceau sur scène ?

Oui, ça arrive. Après, Rémy ne fait pas forcément des discours super longs, parce que, toujours pareil, nous avons des sets assez courts, mais oui, ça arrive qu’il soit amené à présenter le thème général du texte et à expliquer un peu les choses. C’est arrivé sur le premier album, souvent il parlait d’un morceau qui s’appelle « No Gods No Guns » parce que c’était un morceau qui était écrit en relation directe avec les attentats de 2015. Nous avions fait un live, à Antibes ou à Nice, je ne sais plus, et c’était l’anniversaire de cet attentat. Donc il avait fait un speech un peu plus détaillé. Mais de temps en temps, nous avons tendance à en parler un peu sur scène.

Finalement, pour réagir sur ce que tu nous dis au sujet de vos sets assez courts, est-ce que ça n’est pas un peu dommage que seuls les groupes vraiment installés aient le « droit » de s’autoriser des parties un peu plus expérimentales et de parler un peu plus sur scène ?

Oui, forcément, c’est sûr que cette limitation-là ne nous permet pas de développer toutes les facettes du groupe autant que nous le voudrions. Après, l’idée pour nous, quand nous montons sur scène – nous savons très bien que nous ne sommes pas Metallica –, c’est de présenter notre musique aux gens et leur donner envie d’aller approfondir les choses, et peut-être, à terme, gagner de nouveaux fans, et des gens qui reviendront nous voir, dans quelques années, sur des sets un peu plus gros, pour pouvoir approfondir les choses en live, plus tard. Donc pour nous, nous nous disons que ce n’est pas un sprint, c’est un demi-fond, donc nous partons du principe que pour l’instant c’est comme ça, mais qu’à terme, si les choses marchent comme nous l’espérons, nous pourrons faire des sets plus longs, et du coup, plus développer notre musique.

Du coup, il y a quand même une facette un peu plus « progressive » dans votre musique, et finalement, vous êtes un peu obligés de vous censurer et de ne pas montrer cette partie…

Oui, c’est vrai… Après, c’est voulu. Ça nous permet de donner un éventail un minimum large de notre musique, parce qu’un morceau progressif, ça fait au moins six, sept minutes, voire dix minutes, donc ça a tendance à prendre une grosse partie d’un set. Surtout que maintenant, nous avons deux albums, donc forcément, il faut aussi un peu jouer du premier album, sinon c’est un peu dommage de l’avoir fait. Donc forcément, nous nous retrouvons là-dessus. Après, nous partons du principe qu’à partir du moment où une personne va nous découvrir en live, nous apprécier et écouter notre album, justement, ça peut aussi lui donner une autre facette inattendue du groupe.

Interview réalisée par téléphone le 8 janvier 2019 par Philippe Sliwa.
Introduction : Nicolas Gricourt.
Retranscription : Robin Collas.

Facebook officiel de Swarm : www.facebook.com/swarmofficial.

Acheter l’album Anathema.



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