Tankrust est un groupe qui va toujours de l’avant, comme le laisse entendre leur gimmick « reste tranquille c’est pas fini ! ». La philosophie du groupe consiste à toujours avancer, dans les succès comme dans les coups durs. Ayant subi de nombreux changements de line-up, ayant connu de longues périodes de travail, isolés dans leur salle de répétition sans pouvoir se présenter au monde, le groupe a tenu jusqu’à aujourd’hui grâce à sa passion, sa philosophie et grâce à l’amitié qui lie ses membres, passés et actuels.
Une entente fusionnelle qui se traduit par un grand respect des influences de chacun et par un effort collectif de valoriser les idées et chaque musicien. Bref, une belle leçon d’écoute, de solidarité et d’ouverture d’esprit qui se traduit notamment par une envie de gommer les frontières entre styles et même entre différentes formes d’art.
Découvrez notre interview de Kootôh, chanteur du groupe, réalisée quelques mois après la sortie du premier album de la formation, The Fast Of Solace.
« On voulait […] montrer que cette musique-là est faite pour se décharger de ses frustrations, pour servir d’exutoire, pour partager des choses qu’on a en commun »
Radio Metal : Pour commencer revenons sur l’histoire du groupe. En lisant votre biographie, on peut noter que tous les membres du groupe viennent d’horizons musicaux très différents. Comment vous êtes-vous rapporchés au point de décider de faire un groupe ?
Kootôh (chant) : C’est une très bonne question. Certes, on vient d’horizons musicaux différents mais ça ne veut pas dire qu’on est fermé aux autres influences. Si je prends des membres comme William, Jules ou moi, on est quand même assez éclectiques dans nos choix. Ce qui nous a rassemblés, c’est un espèce de carrefour des genres qui fait qu’on était persuadé de pouvoir mélanger nos influences et faire quelque chose qui nous plairait à tous.
Quand vous êtes dans un processus de composition, comment est-ce que les différentes influences de chacun s’expriment ? Comment est-ce que vous arrivez à trouver l’équilibre et le compromis ? Est-ce qu’il y a des moments où les influences de quelqu’un s’expriment sans que cela corresponde au reste du groupe ?
En ce qui concerne la composition, il y a une base qui est amenée par un des musiciens, le guitariste ou bien le bassiste. Les autres musiciens y ajoutent leur petite touche personnelle, composent quelque chose et on arrive à faire un compromis sans aucune prise de tête. On travaille le morceau jusqu’à ce qu’il plaise à tout le monde. On arrive, avec toutes nos influences, à apporter des couleurs aux morceaux, plusieurs couleurs en fait, plusieurs sensations. On arrive à mettre toutes ces influences en osmose.
Vous avez l’air d’être dans un groupe où l’ouverture d’esprit est importante tout comme le respect des influences des autres. Est-ce que malgré tout vous vous fixez des limites ? Par rapport à quoi faire dans ce groupe c’est-à-dire à ce qui sonnerait comme du Tankrust et ce qui ne sonnerait pas comme du Tankrust ?
On n’a pas vraiment fixé de limites dans ce qu’on fait. La limite, c’est le moment où on se regarde et où on sent que ça ne marche pas. Il y aura peut-être un des musiciens à qui le morceau convient, c’est tout à fait son truc et tout. Mais de lui-même, il va voir que pour l’ensemble le morceau ne prend pas. Finalement, peu importe le style du morceau, si il n’y a pas cette couleur qui fait que tout le monde adhère au morceau, ça ne sera pas du Tankrust. C’est pas une limite de genre, c’est plutôt une limite de groupe, il faut vraiment que le morceau plaise à tout le monde. Il faut que le plaisir de jouer se ressente sur scène.
Est-ce que cela veut dire que vous vous fixez comme obligation qu’il y ait un rendu qui fasse l’unanimité ?
En quelque sorte oui, c’est l’objectif principal. C’est assez difficile d’arriver à jouer un morceau qui ne fait pas l’unanimité, ça se ressent tout de suite sur la manière de la jouer, en particulier sur scène.
« Si on prend l’art dans son ensemble, je pense que les parois sont perméables. »
Imaginons qu’il y a juste une personne qui a un doute sur telle ou telle partie du morceau. Cela ne fonctionne pas de manière démocratique, l’idée c’est vraiment qu’il faut que cela plaise à tout le monde, sinon ça ne fonctionne pas ?
Exactement ! En même temps, si c’est une partie seulement, ce qui peut arriver de temps en temps, la personne qui a un doute va travailler autour de son instrument pour arriver à intégrer dans le morceau une partie qui lui plaît. Du coup il va essayer de faire évoluer le morceau pour que la partie qui ne lui plaisait pas devienne une partie qui lui plaît grâce à son apport.
Le groupe s’est formé fin 2006 et le line-up ne s’est stabilisé qu’en 2013. Comment est-ce que vous avez réussi à tenir le coup entre 2006 et 2013 qui est le moment où vous avez sorti un EP ? Comment est-ce que vous avez réussi à vous dire, pendant toutes ces années ‘Non, non, on va quelque part, il faut s’accrocher !’ ? Quand tu crées un groupe en 2006 et qu’en 2010 il n’y a toujours rien qui est sorti, tu peux commencer à douter. Comment est-ce que vous avez surmonté cela ?
Au départ cela a toujours été une histoire d’amis, c’est un groupe de potes Tankrust. Chaque départ s’est fait dans une ambiance qui était plutôt bonne, les gens qui sont partis c’était principalement pour des raisons professionnelles ou familiales donc on n’a jamais tenu de rancœur et on a tenu la distance parce que les gens qui restaient, restaient justement pour continuer cet héritage. On a en effet fait plusieurs démos dans les années de 2006 à 2013 mais on sentait bien que ce n’était pas encore le moment de franchir le cap. En plus de ne pas avoir les moyens humains, on n’avait pas les moyens matériels non plus. On a vraiment donné le temps aux choses de mûrir. C’est du passionnel, que veux-tu que je te dise, quand tu es passionné tu vas jusqu’au bout.
Quand tu crées un groupe à partir de rien au départ, à quel moment tu te dis ‘Là maintenant, c’est le moment où il faut qu’on passe du groupe qui répète tranquillement dans sa salle de répèt’ et qui fait ses morceaux entre potes à un groupe qui va monter sur scène, qui va sortir des disques, qui va s’exposer publiquement’ ?
Ça se passe une fois que tous les musiciens qui ont intégré le groupe ont le même objectif et qu’ils se sentent tous prêts. Pour que cela aboutisse à un album, cela se passe après le travail apporté lors des répèts’ pour les compositions. C’est le fruit d’une recherche, d’un approfondissement. C’est en fait une fois qu’on s’est fixé cet objectif qu’on passe le cap justement. On se met à travailler plus sérieusement, ça reste toujours un groupe de potes. C’est vrai que la vie personnelle et professionnelle joue beaucoup. Une fois qu’on a une stabilité professionnelle et personnelle ça aide aussi à avancer au sein d’un groupe parce qu’on se sent plus serein et ça se ressent aussi dans la composition. C’est plein de petits éléments de la vie qui font qu’au final on se retrouve tous prêts au même moment.
Vous avez un discours dans vos paroles qui est résolument positif. Est-ce que c’est important pour vous, en tant que groupe de metal, de dédramatiser un peu le metal de manière générale ? C’est-à-dire de faire une musique brutale mais en partageant des vraies valeurs.
Exactement, tu as mis le doigt dessus. On ne voulait pas faire un metal un peu cliché où on allait exprimer de la violence gratuite, de la mort, de la barbarie… On voulait justement prendre le contre-pied de ça et montrer que cette musique-là est faite pour se décharger de ses frustrations, pour servir d’exutoire, pour partager des choses qu’on a en commun, que ça soit nos propres vies ou nos propres expériences, pour ressortir de là grandis avec une énergie positive.
L’album est sorti en octobre 2015. Quels sont les retours que vous avez eu jusqu’à présent ?
Pour l’instant, on a beaucoup de retours positifs, ça confirme qu’on a fait les bons choix. À travers cet album, il y avait ce message positif qu’on voulait apporter, pour gommer tous ses clichés metal, etc. Ce qu’on voulait, c’est de montrer sur un album l’énergie qu’on peut dégager sur scène. Le ressenti du public, en tout cas ce qu’ils nous ont dit, c’est que l’énergie est encore décuplée. C’est l’aboutissement de l’album. Les retours sont vraiment très positifs, c’est ce qu’on souhaitait faire et que les gens ressentent donc on est très très très satisfaits. Le public est très réceptif à notre message et à l’énergie qu’on veut dégager et nous le fait bien ressentir.
Le cinquième morceau de l’album s’appelle « Improvisation 28 », ce qui ressemble à un nom de morceau qu’on s’envoie après une répèt’, avant d’avoir un vrai titre. Quelle est l’histoire derrière ce morceau et ce nom un peu étrange ?
EN fait ce morceau-là avait été créé au tout début du line-up tel qu’il est à présent, même un peu avant puisque le batteur actuel n’était pas là. À l’époque je ne voulais pas encore avoir un message particulier dans le sens où je m’étais dit que j’allais faire une chanson totalement abstraite. Ce morceau est basé sur un peintre expressionniste qui s’appelle Kandisky que beaucoup de gens connaissent et une de ses œuvres s’appelle Improvisation 28. Ce morceau parle de lui et aussi du fait que à travers certaines œuvres d’art chacun peut créer sa propre histoire ce qui finalement rejoint un peu le reste des morceaux de Tankrust, donc c’est très bien comme ça.
« C’est à ces gens-là que le morceau ‘Grow Some Balls’ est destiné, tous les traîne-la-patte, les gens qui ne relativisent pas sur leurs problèmes par rapport aux gens qui ont de réels problèmes. »
Comment est-ce que tu arrives à partir d’une œuvre picturale à en faire de la musique ? Comment est-ce qu’on fait communiquer différentes formes d’art ?
Si on prend l’art dans son ensemble, je pense que les parois sont perméables. Chaque art communique avec l’autre et j’aime bien le fait de pouvoir me dire qu’on peut justement rendre une œuvre visuelle auditive et inversement. Là où je ne sais pas si je réussis ma mission, c’est que j’essaie de faire en sorte que quelque chose qui au départ est uniquement basé sur la vue on puisse en faire quelque chose que les gens arrivent à entendre.
Vers la fin de l’album, il y a un morceau qui s’appelle « Grow Some Balls » qui a l’air d’être un appel à faire preuve de courage. À qui ce morceau est-il destiné ?
Il est destiné à ceux qui se trouvent des excuses, baissent les bras et ne vont pas de l’avant, les gens qui se plaignent. Ce morceau s’adresse à ceux qui méritent un bon coup de pied au cul pour avancer. C’est à ces gens-là que c’est destiné, tous les traîne-la-patte, les gens qui ne relativisent pas sur leurs problèmes par rapport aux gens qui ont de réels problèmes.
Pour finir, j’aimerais qu’on revienne sur votre punchline qui est visiblement devenue votre marque de fabrique et qui s’appelle « Reste tranquille c’est pas fini ! ». Est-ce que vous pouvez me parler de l’histoire de cette punchline et de ce que vous mettez derrière ?
C’est un gimmick qui est un peu anecdotique dans le sens où avant il faisait partie d’un morceau qui s’appelait « Bushido » et qui était sur l’EP où avant la reprise de la fin du morceau il y avait un blanc et donc je disais en anglais « Reste tranquille c’est pas fini ! ». Ça nous a bien fait marrer parce que ce qu’on exprime à travers ça c’est que nous quand on joue et qu’on s’arrête, c’est jamais vraiment fini. Quand on fait un album et qu’on l’a terminé, ce n’est jamais vraiment fini. Il y a toujours une histoire, quelque chose qui continue derrière, la musique reprend toujours quelque part.
Est-ce que tu penses que c’est une bonne philosophie pour le groupe ? C’est-à-dire que peut importe ce que vous allez accomplir derrière, il y aura toujours une suite pour le combo ?
Il y aura toujours une suite sous une forme ou une autre. Ça peut nous résumer assez bien.
Interview réalisée par téléphone le 17 décembre 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Gabriel Jung.
Introduction : Philippe Sliwa.
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