Tesseract continue de se forger une place singulière dans le paysage du metal progressif, en partie due à sa faculté à transcender son identité « djent ». Ses performances live font honneur au contenu de ses albums, le groupe vouant un culte à la précision et à la justesse : objectif à réaliser sans compromis. Surtout, Altered State (2013) confirmait la volonté de tendre vers une musique de plus en plus progressive et dédiée à une cohérence globale. La signature du groupe chez K-Scope pour la sortie de Polaris témoigne de la volonté du groupe d’avancer dans cette direction. Le troisième album des Anglais dégage indéniablement une certaine sérénité quant aux orientations que ces derniers ont choisies.
Polaris accueille le retour du très apprécié Daniel Tompkins au chant, parti après avoir participé au premier album One (2011). Dans l’absolu, si le retour de ce dernier peut s’avérer être un gage de stabilité dans l’histoire autrement tumultueuse des chanteurs de Tesseract, il pouvait laisser penser que le groupe allait revenir à un chant hurlé davantage présent. En réalité le timbre de Daniel Tompkins entretient de grandes similitudes avec son prédécesseur sur Altered State, Ashe O’Hara, et confirme que depuis son retour sur les planches en 2014, Tompkins s’est parfaitement adapté à l’évolution de Tesseract. Ainsi, la tonalité mélancolique et les accents aigus du chant présent sur Polaris ne tranchent pas radicalement avec Altered State. Daniel Tompkins fait toutefois preuve d’une diversité de registres légèrement supérieure, en témoigne l’outro rappée d’ « Utopia » où il incarnerait presque un certain Mike Patton, et garantit par ailleurs quelques frissons (ce cri déchirant sur « Messengers » ou cette vocalise cristalline sur « Phoenix »). Tesseract en profite et appuie le côté mélodique de ses compositions. Polaris contient autant d’atmosphères éthérées que de passages cathartiques voire épiques. « Dystopia » ouvre l’album sur des grooves presque funk dans l’esprit, si le jeu de batterie n’était pas beaucoup plus lourd que ce qui s’opère habituellement dans ce style. Surtout, le pont illustre l’esprit de ce Polaris : des moments de rudesse rythmique entrecoupés de havres de paix. Technique, Tesseract l’est assurément. Démonstratif, jamais. Une composition comme « Hexes » voit d’ailleurs tout son intérêt dans la création d’une ambiance aérienne portée par l’une des plus belles lignes de chant de l’album. Parfois des accents « pop » viennent ponctuer l’œuvre, à l’instar de l’intro de « Tourniquet » qui rappelle certains crescendo de Racing Glaciers. Le refrain de « Phoenix » a ce côté « catchy » propre au genre, similaire à ce que peut parfois produire The Intersphere. Sans compter certaines sensibilités directement inspirées de l’œuvre post 97 de Radiohead comme l’intro de « Seven Names ». Tesseract n’a toutefois pas délaissé ce qui l’apparente à un groupe de metal : « Messengers », avec ses rythmiques sous accordées typiquement djent et cette basse toujours aussi percutante, est l’un des exemples qui rappellent que l’on peut s’avérer subtil lors d’une démonstration de force.
Moins conceptuel dans sa construction qu’Altered State (pas de titres en plusieurs parties), Polaris se veut plus focalisé sur ce qui fait et fera désormais l’essence de la musique de Tesseract : la mélodie et les atmosphères. Cependant, on ne peut s’empêcher de regretter la trop forte ressemblance avec ce que proposait le groupe sur son précédent album. La manière d’articuler les compositions reste sensiblement la même. Tesseract ne se répète pas exactement, mais il a tendance à se paraphraser. Mis à part ce point négatif, Tesseract livre avec Polaris un album remarquable qui ne laissera certainement pas les amateurs de musique progressive de marbre. Au sein de la discographie de Tesseract cependant, il peut peiner à s’affirmer comme l’album du tournant. Polaris ne dégage pas l’impression d’une évolution marquée mais plutôt celle d’une consolidation sur des acquis voire d’un approfondissement des divers aspects qui font la musique du groupe. Est-ce égoïste et malvenu d’en attendre encore plus de Tesseract ? Sans doute. Mais ce Polaris contient quelques moments d’excellence que l’on aimerait ériger en constantes, ce dont Tesseract est assurément capable.
Voir le clip de « Survival » et écouter le morceau « Messenger » :
Album Polaris, sortie le 18 septembre 2015 via Kscope.
Le Djent s’ éloigne un peu au profit du progressif . Pour moi , ça le fait.Fan depuis leur débuts, Tesseract sait rester très intéressant et créatif en changeant la formule à chaque sortie . Adieu les growls et autre cris , tant mieux .
Daniel Tompkins possède un immense talent et son retour est forcément gagnant.
Très bon album.
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Ahah, je me suis dit pendant deux dixièmes de seconde « Je ne vais pas me spoiler vu que je l’ai précommandé » quand ils ont mis l’album entier en ligne, mais j’ai fini par l’écouter pas mal de fois déjà.
L’album n’est pas parfait, mais ça me semble principalement dû au fait qu’ils ont pris des risques, donc ça me va. Il y a une grande diversité, je trouve, ce qui évite de s’ennuyer même sur les passages auxquels on accroche pas trop. D’ailleurs, à chaque écoute, ces passages se font de plus en plus rares.
Review pertinente, en tout cas, qui m’a fait m’attendre à ce que j’ai pu entendre.
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