Les ténèbres conservent et les vampires d’Helsinki continuent de surprendre par leur éternelle jeunesse, comme le prouve un treizième album d’une incroyable fraîcheur. Death Of Darkness ne signe nullement une remise en question profonde du style caractéristique de The 69 Eyes mais fait couler un peu de sang neuf sous les crocs. Avec une vivacité renouvelée, les Finlandais puisent aux deux sources qui irriguent leur musique : le sleaze rock et un rock gothique qui garde de leurs racines glam une approche charmeuse. En témoigne le réjouissant premier morceau éponyme aux airs de classique qui nous ramène au tournant des années 2000, lorsque le groupe a entériné son passage du glam metal au rock gothique et livré ses meilleurs albums.
Impossible de voir passer celui-ci tant ses incessantes transitions d’une ambiance à une autre, sans rompre la fluidité de l’enchaînement, renouvellent chaque fois l’intérêt. Death Of Darkness fait se succéder avec la même qualité d’écriture entrain mélodique très communicatif et mélancolie teintée de mystère, simplicité rock hédoniste et emphase dramatiquement ombrageuse. L’énergie effrénée de « Drive » nous embarque dans le sillage de son road trip nocturne au tempo fringant boosté par un riff de guitare accrocheur et par son irrésistible refrain à la saveur 80’s chanté en chœur. Harmoniques artificiels et cris typés hard rock électrisent l’ambiance entre menace et séduction. Puis les très extravertis et entraînants « Gotta Rock » (reprise du groupe de rock finlandais Boycott) et « California » encadrent de leur dynamisme pétillant la ballade ténébreuse et bluesy « This Murder Takes Two ». On doit cette étonnante et poignante composition au fils de Johnny Cash, John Carter Cash, lui-même musicien, qui souhaitait enregistrer un EP acoustique avec les Finlandais. Si le projet n’a pas abouti, il en est resté cette chanson dans le style typique des murder ballads du sud des États-Unis sur laquelle Jyrki partage le chant avec Kat Von D. dont le timbre profond et brumeux se marie à la perfection à la gravité funeste du sien.
On passe tour à tour du musclé et remuant « Call Me Snake » au tendre et suave « Dying In The Night ». Inspiré par le film New York 1997 de John Carpenter, le premier évoque à travers un explosif crossover rock gothique / hard rock les bas-fonds pleins de violence, où s’impose un anti-héros devenu culte. Son refrain galvanisant, son singulier gimmick vocal et ses guitares à l’allant héroïque, entre leads rutilants, rythmiques affûtées et solo électrisant, s’impriment durablement dans l’oreille. Tout aussi mentalement persistant, « Dying In The Night » penche quant à lui du côté le plus langoureux de The 69 Eyes, dans cette suavité sombre dans l’art de laquelle ils sont passés maîtres. A fleur d’émotion, il enveloppe l’auditeur dans la beauté de velours de ses claviers doucement mélancoliques, de sa basse alanguie, de ses harmonies vocales et de ses épanchements de guitares plaintives.
L’extraordinaire dynamique de l’album s’explique par la méthode de création adoptée par le groupe qui a, pour la première fois, choisi de composer non pas dans l’optique d’un album mais dans celle de singles publiés les uns après les autres, au fur et à mesure de leur création, sans que l’ensemble de l’album soit achevé. Si elle avait, de l’aveu même de Jyrki, avant tout pour but d’entendre de nouveaux morceaux de The 69 Eyes sur les radios finlandaises où seuls ses anciens tubes passaient encore, cette démarche, ainsi que la place plus importante laissée aux séances de jam au cours du processus, a permis au groupe de demeurer dans une dynamique d’innovation permanente. Un pari gagnant puisque non seulement l’objectif initial a été atteint, mais qu’en plus le quintet a même réussi à assembler ces singles en un album d’une parfaite tenue globale. Plus percutant que son prédécesseur West End, cet album est une véritable collection de tubes dark et force est d’avouer que The 69 Eyes demeure parmi les artisans les plus doués d’un rock enténébré qui parvient à être aussi puissamment vivant que hanté par la mort. La définition même d’une musique de vampires, finalement…
Chanson « Gotta Rock » :
Chanson « Call Me Snake » :
Clip vidéo de la chanson « Drive » :
Album Death Of Darkness, sortie le 21 avril 2023 2023 via Atomic Fire Records. Disponible à l’achat ici