Parfois, les changements de line-up, aussi douloureux puissent-ils être, surtout lorsqu’il s’agit d’une place portée par une figure forte, peuvent se révéler être un mal pour un bien, créant une nouvelle dynamique, un nouveau souffle. C’est vraisemblablement ce qui s’est passé avec The Agonist suite au départ d’Alissa White-Gluz, partie rejoindre en catimini Arch Enemy, créant un malaise avec ses ex-collègues canadiens. Aujourd’hui, The Agonist trace sa route avec sa nouvelle voix, Vicky Psarakis, et sort à peine un an et demi après Eye Of Providence son cinquième album, sobrement intitulé Five.
Nous nous sommes entretenus avec le guitariste Danny Marino et Vicky Psarakis pour nous parler de ce nouvel opus mais aussi faire le point sur la façon dont le groupe et la chanteuse ont tous les deux évolué ensemble. Et force est de constater, à en croire leurs dires, que les liens autant personnels que créatifs se sont resserrés, avec une Psarakis très impliquée et enthousiaste.
« Rejoindre un groupe, tu vas dire oui parce que ça va t’aider à avancer dans ta carrière, surtout si tu n’as rien fait auparavant. Mais si tu veux que ce groupe dure et continue à créer de la musique dans dix ans, il faut que tu aimes la musique, que tu aimes les gens dans le groupe, et ça doit bien fonctionner. »
Radio Metal : Five est le deuxième album avec The Agonist pour toi, Vicky. Tout d’abord, avec le recul, quelles sont tes impressions sur Eye Of Providence et l’accueil qu’il a reçu ?
Vicky Psarakis (chant) : Je pense que c’était absolument fantastique. C’était mon premier album avec le groupe, donc j’étais un peu inquiète, un peu anxieuse, je ne savais pas comment l’accueil serait. Mais c’était essentiellement positif, donc je pense que ça s’est vraiment bien passé !
Avant de rejoindre The Agonist, quelle était ta relation au groupe et à sa musique ?
Pour être honnête, je ne connaissais que quelques-unes de leurs chansons grâce à YouTube, genre les vidéos qu’ils avaient pour les singles, comme “Thank You Pain” et “Panophobia”, “Business Suits And Combat Boots”… Donc je ne les connaissais pas tant que ça. J’avais vu des vidéos, je trouvais que c’était plutôt cool, tu sais, j’admets que je n’étais pas super dingue de ce qu’ils faisaient. Mais quand Danny m’a contactée, j’ai écouté tous leurs albums, et j’ai réalisé qu’en fait j’aimais mieux la plupart de leurs autres chansons qui n’étaient pas sorties en singles, que les singles eux-mêmes. J’aime aussi de plus en plus le groupe, d’album en album. Je me suis sentie vraiment bien et vraiment confiante sur le fait qu’en rejoignant le groupe, nous serions à même de créer quelque chose dont je suis satisfaite en tant que personne et en tant que musicienne également. Parce qu’à la fin, rejoindre un groupe, tu vas dire oui parce que ça va t’aider à avancer dans ta carrière, surtout si tu n’as rien fait auparavant. Mais si tu veux que ce groupe dure et continue à créer de la musique dans dix ans, il faut que tu aimes la musique, que tu aimes les gens dans le groupe, et ça doit bien fonctionner. Donc je suis contente qu’au final, ça ait été juste parfait pour moi.
Danny, cela fait deux ans à présent que Vicky a rejoint le groupe. Comment le groupe a-t-il évolué après le recrutement de Vicky ?
Danny Marino (guitare) : C’était super ! En gros, quand elle nous a rejoints, nous étions encore en train de faire connaissance à ce moment-là. Et à présent, en écrivant cet album, c’était comme si maintenant nous étions vraiment des amis proches et nous nous connaissons personnellement, mais aussi d’un point de vue musical, et nous connaissons nos forces mutuelles, des choses comme ça. Nous sommes à même d’utiliser cela dans le processus d’écriture. Je peux communiquer avec elle à un niveau musical également. C’est très utile parce qu’elle joue du piano et elle comprend la musique, donc ça a beaucoup évolué sur cet album pour l’écriture. Et le processus de tournée également. A chaque fois que tu tournes avec un nouveau membre, il y a comme un ajustement, parce que c’est genre « oh, maintenant tu vis avec cette personne », tout à coup, et maintenant tout le monde se connaît vraiment bien et c’est une famille heureuse !
Five sort un an et demi après Eye Of Providence. Qu’est-ce qui vous a poussés à enregistrer un nouvel album aussi rapidement ?
Quelqu’un m’a posé la question dans une autre interview, et le truc, c’est que c’est parce que nous ne sommes pas un groupe typique ou des compositeurs qui sont là : « Oh, ceci est la période à laquelle on écrit, et ceci est la période à laquelle on n’écrit pas. » A chaque fois que je prends une guitare pour moi-même, je vais d’habitude juste jouer pour le fun au départ, et ensuite, tout à coup, je vais commencer accrocher à quelque chose et je suis là : « Oh, c’est vraiment cool. » C’est en gros comme ça que la plupart de mes idées arrivent. Il n’y a pas de : « Oh, c’est le moment où j’écris uniquement, autrement je ne vais même pas prendre la peine d’essayer d’écrire quoi que ce soit. » Il y avait beaucoup d’idées conceptuelles que j’avais déjà, depuis la fin d’Eye Of Providence, qui étaient restées là, qui n’étaient pas encore assez abouties à l’époque pour en faire de vraies chansons, et donc c’était une raison, du coup il y avait déjà une base à partir de laquelle travailler. L’autre chose était que, ouais, il y avait une sorte d’explosion d’écriture qui est arrivée. Une fois que nous décidons : « OK, nous ne sommes pas en tournée pendant un moment donc essayons de maquetter certaines de ces idées. » Et ensuite, une fois que j’ai commencé à maquetter certaines de mes idées, Vicky était en mesure d’adapter ses propres idées pour la chanson, et ensuite ça a juste continué comme ça, avec des allers-retours, et à chaque fois ça m’inspirait à écrire plus de choses et ensuite elle y revenait. Donc il y avait une explosion comme ça, mais ce n’était pas comme si nous avions juste écrit l’album entier très rapidement [petits rires].
Vous êtes-vous sentis revivifiés sur un plan créatif avec le sang frais que Vicky a apporté ?
Oui, carrément. Comme je l’ai dit, à chaque fois que je lui donne quelque chose, ça ne lui prend pas longtemps pour être à même d’au moins essayer de travailler quelque chose dessus, même si ce truc ne finit pas dans la version finale. C’est juste, j’imagine, aussitôt qu’elle a une nouvelle chanson dans les mains, elle est enthousiaste et anxieuse à l’idée d’essayer des choses avec. Donc c’est un vrai gros changement positif pour le groupe, parce que je sors toujours de nouvelles musiques, parfois c’est bon, parfois ça ne l’est pas, mais d’une manière ou d’une autre je ne peux juste… Je ne peux pas m’empêcher, si je prends une guitare, je vais finir par essayer d’écrire quelque chose de nouveau. Donc j’aime vraiment qu’elle soit capable d’avoir cette même aptitude à être créative à tout moment.
Et Vicky, t’es-tu sentie plus confiante cette fois-ci par rapport à Eye Of Providence ?
Vicky : Ouais, tout à fait. C’est, comme Danny l’a dit précédemment à propos de notre évolution en tant que groupe, et faire connaissance les uns des autres, que cette fois-ci, quand nous avons vraiment commencé à écrire, c’était un processus naturel. Nous avions un temps de répit, nous n’avions pas de tournée à venir, donc nous avons juste commencé chanson après chanson, nous écrivions et les chansons se finissaient. C’est arrivé je pense plus vite que nous nous y attendions, mais tout était, je pense, juste très inspirant, il n’y avait aucune pression, sur le fait d’avoir un album complet pour une certaine date ou quoi que ce soit de ce genre. La différence cette fois-ci avec moi était que je n’étais pas aussi inquiète des fans et de leur accueil, parce que j’avais déjà fait face à cela sur mon album précédent avec le groupe. Donc cette fois-ci ça consistait simplement à entendre de la musique et être inspirée pour écrire des mélodies de chant et des paroles sur la musique, et créer des chansons.
Danny : Ce qui était intéressant, c’est que même si c’est le délai le plus court entre deux albums, dans l’histoire du groupe, nous sommes partis en studio, de loin, plus préparés que nous ne l’avons jamais été sur un album dans la carrière de The Agonist [petits rires], parce que nous avions préenregistré nous-mêmes toutes les chansons, avant d’y aller et de les enregistrer, avec le chant, tout. Nous avions déjà nos chansons faites. Même s’il y a eu des modifications qui sont arrivées dans le processus de studio, genre « oh, ce serait peut-être mieux si on faisait ça », nous sommes quand même arrivés avec des maquettes de chaque chanson du début à la fin, ce que nous n’avions jamais fait auparavant.
« Si tu te perds vraiment dans une chanson, de façon totale, ça a le même effet que si tu étais dans une transe méditative profonde. Sur cet album, nous avons abordé la plupart des chansons sous une perspective très émotionnelle, plutôt que cérébrale, […] et nous voulions simplement en faire autant que possible une expérience, plutôt que quelque chose que tu analyses avec ton esprit. »
Le communiqué de presse de l’album commence avec toi, Danny, qui dit que tu es très « anxieux » de confier cet album aux fans et au reste du monde. Etre anxieux de sortir un album est normal, je suppose, mais est-ce que ce sentiment est plus fort cette fois-ci ?
Non, c’est le même niveau de… En vérité c’est un peu moins, parce que, bien sûr, sur le dernier opus, il y avait plus de pression et plus d’adrénaline avec le changement de chanteuse et tout. Donc ce n’est pas plus. J’utilisais juste un adjectif quelconque [petits rires] pour décrire que j’étais enthousiaste. C’est toujours un mélange d’enthousiasme positif et de nervosité quant à ce que les gens en penseront, qu’ils soient des fans ou pas, ou l’industrie, ou quoi que ce soit, ou nos amis. Tu finis toujours un album, et ensuite tu le gardes un peu pour toi, comme un secret, et tu veux vraiment le montrer à tout le monde, mais tu ne peux pas [petits rires].
L’album s’appelle Five. Ce titre fait évidemment écho au fait que ce soit votre cinquième album et que vous soyez un groupe à cinq membres. Mais y a-t-il un autre sens symbolique derrière ce nombre pour vous ?
Ouais. [Réfléchit] Nous sommes partis là-dessus, et comme tu as dit, celles-ci sont les raisons superficielles, ça se relie, évidemment, [au fait que ce soit] notre cinquième album. Mais en plus de ça, sur le dernier album, quand nous avons traversé ce changement, nous avons traversé un gros changement dans l’ensemble, nous avons changé notre symbole, notre logo et nos visuels, et l’une des choses que nous avons faites avec le symbole est que nous avons choisi un symbole qui est basé sur le cinquième [élément]. Donc ça se relie à cet album également. Le cinquième élément, la quintessence, c’est en gros l’éther, un élément que tu ne peux ni voir ni toucher, que beaucoup de gens, qu’ils soient religieux ou simplement spirituels de manière générale, naturalistes, quoi que ce soit, beaucoup de personnes différentes ont cru dans cette sorte de truc que tu peux chercher à atteindre que ce soit par la méditation ou même en prenant une sorte de drogue psychoactive. Mais je crois en quelque sorte que la musique est l’un des meilleurs langages et contextes dans lesquels te placer, où tu peux échapper à la réalité dans laquelle tu es. Si tu te perds vraiment dans une chanson, de façon totale, ça a le même effet que si tu étais dans une transe méditative profonde. Sur cet album, nous avons abordé la plupart des chansons sous une perspective très émotionnelle, plutôt que cérébrale, genre « regarde comme ce riff est rapide, ou ce roulement de batterie, ou quoi que ce soit », et nous voulions simplement en faire autant que possible une expérience, plutôt que quelque chose que tu analyses avec ton esprit. Donc ça semblait adéquat pour toutes ces raisons différentes, alors pourquoi ne pas l’appeler Five ? Ça donne un bon feeling et ça fait sens que ce soit notre cinquième album et tout ça. C’est ça la raison plus profonde.
Vicky, tu as dit que, pendant que tu travaillais sur les pré-productions de l’album, tu as réalisé que la plupart des chansons racontaient une histoire. Et apparemment, c’était un processus très spontané. Peux-tu nous en dire plus globalement sur ce thème ou cette histoire ?
Vicky : C’est ça le truc avec Five, tu ne peux pas dire que c’est un album conceptuel, dans le sens où toutes les chansons et les paroles tournent autour d’un thème principal, mais tu pourrais dire qu’il ressemble à un album conceptuel parce que du début à la fin, c’est comme un voyage. Et c’est marrant parce qu’à chaque interview que j’ai faite jusqu’à présent, les gens me le demandent, si c’est un album conceptuel, parce que quand tu l’écoutes, ça y ressemble. Et ça me rend vraiment heureuse, je crois [petits rires], parce que si un auditeur… C’est quelque chose qui n’arrive pas souvent, de nos jours, tu sais, les gens vont écouter un album et ensuite sélectionner deux ou trois pistes qu’ils aiment vraiment, et les groupes sortent des singles et promeuvent quelques pistes, mais peu de gens sont capable d’écouter un album entier de bout en bout et de dire qu’ils l’ont apprécié et qu’ils ont pensé que c’était comme un voyage. Donc, en ça, tu pourrais dire que c’est un album conceptuel, mais dans les faits, ce qu’il y a, c’est que toutes les paroles sur l’album, qu’elles parlent d’épreuves ou expériences personnelles ou juste d’histoires basées sur la vie d’autres gens ou autres, elles sont écrites de telle manière, je pense, que tout le monde peut s’y identifier, et je pense que, en tant que tierce personne, si je regarde les paroles et que je n’ai aucune idée de ce dont elles parlent, je trouverai quelque chose à quoi m’identifier et à relier à ma propre vie personnelle, ce genre de chose. J’en suis vraiment très contente parce que j’ai le sentiment que c’est la grande force des paroles, quand les gens peuvent s’y identifier.
As-tu puisé ton inspiration dans tes expériences personnelles ?
Ouais, il y a une variété de choses là-dedans, c’est exactement pourquoi je dis que ce n’est pas un album conceptuel du point de vue des paroles, parce qu’il y a des chansons qui parlent de problèmes plus personnels, de sentiments et autres, et ensuite il y a des chansons qui parlent simplement d’un évènement ou qui sont basées sur un livre ou un film ou quelque chose qui est arrivé quelque part dans le monde, et pas à moi ou à Danny [petits rires].
Tu as mentionné le fait d’écouter un album dans son ensemble, penses-tu que les gens, de nos jours, ont en quelque sorte besoin de retrouver cette expérience d’écouter un album de bout en bout ?
Je le pense. Je veux dire qu’en fait, peu de gens achètent les albums physiques de nos jours, et certains l’achèteront sur iTunes, Spotify ou peu importe, et ils l’écouteront, mais je trouve que quand tu joues un album depuis un site internet, tu ne l’écoutes pas vraiment, c’est plus comme du bruit de fond. Si quelque chose arrive à s’immiscer et capturer ton attention, quoi que tu sois en train de faire, c’est une bonne chose, mais ce n’est pas pareil que de vraiment acheter une copie physique et la mettre dans ton lecteur CD et juste t’asseoir ou t’allonger et simplement écouter l’album sans rien faire d’autre. Et je trouve que c’est ce que les gens ne font plus tellement.
Danny : Ça coïncide également avec tout le truc autour de Five dont je parlais. Si tu veux atteindre cette espèce de transe, comme un état méditatif, en écoutant de la musique, c’est ce que tu dois faire. Ça ne va pas arriver en deux minutes. Si tu décides de prendre un album que tu aimes vraiment à mort, si c’est genre Dark Side Of The Moon ou quoi que ce soit, et tu t’assieds dans ta chambre, tu le mets et tu ne fais strictement rien, tu ne décroches pas ton téléphone, tu ne mets pas la TV, rien, et tu t’assieds là et tu l’écoutes, ça arriverait, tu commencerais à tout oublier, tu oublierais tout de ta journée, ton boulot et ta famille, et tout commencerait en quelque sorte à s’évanouir, ce serait juste toi et la chanson. Et c’est en gros ce qu’est la méditation en tête-à-tête, c’est que tu es uniquement concentré sur une chose et ensuite tu commences à te voir de l’intérieur. Je suis content, comme Vicky l’a dit, que l’album soit devenu cette sorte de voyage et j’espère que ça encouragera plus de personnes à l’écouter dans son intégralité, au lieu de seulement choisir leurs pistes préférées, ce que la plupart des gens font avec pas mal de musique.
« Quand tu joues un album depuis un site internet, tu ne l’écoutes pas vraiment, c’est plus comme du bruit de fond. […] Ce n’est pas pareil que de vraiment acheter une copie physique et la mettre dans ton lecteur CD et juste t’asseoir ou t’allonger et simplement écouter l’album sans rien faire d’autre. Et je trouve que c’est ce que les gens ne font plus tellement. »
Quel était le but d’intituler toutes les chansons suivant le même modèle, « The ‘quelque chose’ » ?
C’était juste, comme Vicky l’a dit, parce qu’une bonne partie s’est un peu retrouvée à raconter une histoire. C’était comme une façon d’en faire des chapitres de cette histoire, donc ce thème est venu, que ce sont toutes des parties d’une histoire, et certaines sont vraiment comme des livres d’histoires qui parlent d’un personnage fictif que nous avons créé. Et certaines de nos histoires se sont mêmes entremêlées. Si tu lis avec attention, tu trouveras que certaines de ces histoires, certaines de ces chansons sont liées entre elles. Donc ça semblait approprié, du fait de l’évolution de l’album. Ça n’est vraiment arrivé qu’à la fin, parce que nous n’aimons pas donner des titres aux chansons jusqu’à ce que nous ayons vraiment fini.
L’album semble être séparé en deux parties, avec la chanson acoustique “The Raven Eyes” qui créé un contraste au milieu, et “The Wake” qui sert d’intro à la seconde moitié de l’album. Etait-ce voulu ou est-ce juste venu naturellement ?
Danny : Pas vraiment, c’est juste que ça semblait très approprié à ce moment-là. Une fois que nous avons essayé de trouver un moyen de structurer l’album au mieux, j’ai essayé ça et c’était comme « ouais, c’est cool » la façon dont ça vient à toi depuis le début, ça se développe, ça commence à aller vraiment vite et fort, et ensuite ça ralentit un peu, jusqu’à ce que ça se dissolve complètement dans l’acoustique, puis ça se redéveloppe avec l’orchestre et revient à plein régime. Ça semblait approprié. Toute cette section aussi, l’acoustique, l’instrumental, “The Raven Eyes”, “The Wake”, et “The Resurrection”, ces trois chansons sont toutes centrées sur le thème de la vie et de la mort ; de la mort surtout. Du coup, bien sûr, ça a unifié toute cette section, n’est-ce pas ? Donc c’était l’une des raisons pour ça.
Est-ce que l’instrumental “The Wake” était déjà écrit, ou l’avez-vous écrit quand vous avez décidé de structurer l’album ainsi ?
Vicky : Eh bien, en fait, c’était quelque chose que je voulais plus ou moins faire à mi-chemin dans l’album. Parce que, comme Danny l’a dit, je joue du piano et j’écris de la musique, et depuis un moment maintenant, je pensais que ce serait vraiment cool si je pouvais composer quelque chose pour le groupe. Et comme ce groupe n’a pas de claviers, c’était plus ou moins impossible, jusqu’à présent, parce que nous n’allons pas changer tout à coup notre son et avoir des claviers sur chaque piste. Donc, ouais, bref, arrivés à la moitié, nous avions écrit peut-être cinq ou six chansons, et j’ai pris quelques-unes des mélodies-clés de ces chansons et j’ai commencé à composer la piste qui s’est avérée être “The Wake”. Pendant que nous étions à L.A., Mike [Plotnikoff], notre producteur, nous a présentés à Igor, qui est arrangeur d’instruments à cordes et vraiment incroyable dans ce qu’il fait [petits rires], et il nous a aidés avec cette chanson et avec “The Raven Eyes” également, à arranger les cordes et les orchestres, pour que ça sonne plus complet.
Est-ce que “The Raven Eyes” pourrait en quelque sorte être vue comme la suite de “A Gentle Disease”, la chanson acoustique de Eye Of Providence ?
Danny : Pas du point de vue des paroles ou quoi, mais je pense que Vicky et moi travaillons vraiment bien ensemble dans ce type de contexte, et je pouvais nous voir faire davantage de ce genre de morceaux acoustiques. Je ne sais pas. C’est juste venu de moi et ensuite elle a fait tout son chant à partir de ça, et ça s’est super bien passé. Honnêtement, c’est une de mes chansons préférées sur tout l’album. Mais ces deux chansons ne sont pas vraiment liées en quoi que ce soit.
Pouvons-nous nous attendre à ce que The Agonist fasse un album acoustique ?
Vicky : [Rires]
Danny : Qui sait ? [Petits rires] Pas de projets là-dessus pour l’instant mais, je veux dire, nous n’écartons rien. Si tu écoutes toute notre discographie, tu verras que nous n’avons pas vraiment de barrières, genre si nous disions « on ne peut pas faire ceci » ou « on ne peut pas faire cela ». Donc tout est possible.
Vicky, tu as dit que Five est l’album où vous avez enfin trouvé votre son. Quelle est selon toi la marque de fabrique du son de The Agonist ?
Vicky : C’est vraiment difficile à formuler, n’est-ce pas ? Parce que comment es-tu censé décrire un son avec des mots ? On m’a demandé dans d’autres interviews également d’essayer de décrire Five ou The Agonist en une phrase, et je suis là « c’est impossible ! » Mais quelques mots qui le décriraient seraient je pense : émotionnel, diversifié, heavy, mélodique, dynamique… Je trouve que cet album dans sa globalité est vraiment différent de toute autre musique qui se fait en ce moment et, bien sûr, nous avons des éléments provenant de divers genres et autres, mais globalement, toute la musique, le chant et les paroles ensemble, je trouve que nous avons créé quelque chose qui n’existe pas vraiment dans d’autres groupes.
Comment ta performance vocale a-t-elle évolué depuis Eye Of Providence ? On dirait qu’il y a une diversité vocale encore plus grande…
Merci ! Je pense que je suis plus à l’aise maintenant. Je maitrise définitivement mieux les cris et le chant saturé, mais je dirais que mon chant clair a également progressé. Ce n’est pas quelque chose qui est tout juste arrivé entre Eye Of Providence et Five, c’est quelque chose qui m’arrive depuis que j’ai commencé à chanter. Donc quand j’ai pris ça au sérieux, j’enregistrais quelque chose et ensuite, un an plus tard, j’enregistrais quelque chose d’autre et j’écoutais l’enregistrement précédent que j’avais fait, et j’avais l’impression d’être une mauvaise chanteuse [petits rires]. J’ai avancé dans ma vie et maintenant si j’écoute Eye Of Providence, je pourrais trouver que c’est, OK, peut-être pas mauvais, mais je trouve que le chant n’est pas aussi solide. Et je suis sûre que sur notre prochain album, j’écouterai Five et je ressentirai la même chose. J’espère que ça continuera à m’arriver toute ma vie [petits rires].
« Cet album dans sa globalité est vraiment différent de toute autre musique qui se fait en ce moment. […] Je trouve que nous avons créé quelque chose qui n’existe pas vraiment dans d’autres groupes. »
Apparemment, vous vous êtes immergés dans le processus d’enregistrement, 24h/24 et 7j/7. Pensez-vous que cette immersion a participé à donner à l’album son sens de l’unité ?
Danny : Absolument. C’était l’une des choses que j’ai préférées dans la réalisation de cet album. J’ai toujours voulu faire ça, et nous n’avons jamais vraiment pu le faire. Donc je pense que ça affecte clairement la manière dont les choses se passent, tu sais, quand un groupe décide d’être comme « oh, bon, ce mec vit dans ce pays » et ensuite ils commencent à envoyer des pistes, et dire « Voilà, j’ai enregistré les guitares, contente-toi de les rajouter. » Ça change les choses quand… Tu sais, parfois, le fait d’avoir plusieurs personnes dans une pièce au même moment peut changer les avis, quelqu’un peut balancer un avis en l’air qui change la direction des choses, dans un bon sens, ou parfois ça la change dans un mauvais sens, et ensuite tu finis par revenir à l’original, mais quoi qu’il en soit, le débat a eu lieu, ça a été pris en considération. En vivant là-dedans, avec Mike également, évidemment, en tant que producteur, il pouvait avoir ce genre d’impacts qui peuvent changer le cours des choses. Je me rappelle quand nous avons décidé de faire la reprise de “Take Me To Church”, nous étions dans le salon de Mike, et il était là : « Je veux entendre ça, Danny, prends la guitare, Vicky, chante-la ! » Et nous avons juste commencé à la jouer dans son salon à environ onze heures du soir, et il est là : « C’est génial ! Il faut qu’on fasse ça ! » [Petits rires]. Ce genre de chose, évidemment, ne risque pas d’arriver si tu vas studio et ensuite tu rentres à la maison et tu vis ta vie. C’est comme ça que tous les vieux albums étaient faits, et je pense que c’était pour une raison. Dans les grandes années, Led Zeppelin et autres louaient une maison quelque part en banlieue d’une ville et ils enregistraient tout l’album là, et ils vivaient là, pour la période, et je pense vraiment que c’est la meilleure façon de faire un album.
D’un autre côté, en procédant ainsi, ne ressentiez-vous pas de temps en temps le besoin de prendre un peu de distance par rapport à ce que vous faisiez, pour avoir un point de vue plus objectif ?
Pas vraiment, parce que nous avions déjà fait toutes les maquettes et écrit tout cela à la maison, aussi. Je pense que nous avons tous trouvé nos petits espaces personnels également. Ce n’est pas comme si nous étions tout le temps ensemble. C’était, par exemple, « là maintenant, Danny enregistre les guitares » et par moments, il n’y avait pas tout le temps les cinq personnes dans la pièce, mais Simon [Mc Kay, batterie] et Kells [Chris, basse] étaient dans la pièce pendant un temps, et ensuite ils sont partis et Vicky est venue un moment. Evidemment Mike est là tout le temps parce qu’il est là pour enregistrer, mais nous avions, en gros, de façon périodique toujours quelques personnes dans la salle, qui passaient un peu par là. Le studio est vraiment chouette, les environs sont sympas, c’est un endroit sympa où traîner, tu pouvais aller t’asseoir sur la terrasse à l’arrière et prendre une bière ou fumer une cigarette ou ce que tu veux, et revenir. Donc nous étions clairement à même de trouver notre espace privé quand nous en avions besoin.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’apport que Mike Plotnikoff, votre producteur, a eu sur le processus d’écriture ?
Vicky : Son apport sur le processus d’écriture n’était vraiment que de suggérer des choses et de nous laisser trouver autre chose. Donc nous abordions ça chanson par chanson et si nous avions un problème avec, disons, la structure, s’il voulait un autre refrain ou s’il voulait une partie en moins ou peu importe, il se tournait simplement vers nous en disant : « Vous savez, les gars, je ne le sens pas vraiment comme ça, pourquoi n’essaie-t-on pas de faire autre chose ? » Et en gros, il nous laissait un moment, essayer de trouver notre propre solution. Et si nous ne pouvions pas, alors peut-être qu’il suggérait des choses. Mais au final, j’ai vraiment apprécié cet aspect de Mike, parce que beaucoup de producteurs vont te dire directement qu’ils n’aiment pas quelque chose, te donner la solution et te dire quoi faire. Mais avec Mike, ça n’a jamais été le cas. Donc, au final, ce que nous avons créé était toujours le groupe, c’était The Agonist, ce n’était pas quelqu’un qui nous disait quoi faire.
Pendant l’enregistrement de votre album, vous avez dit que son apport et son expérience « aideraient vraiment à amener [votre] son à un niveau supérieur. » Qu’est-ce qui vous a fait penser ça ?
Danny : Ouais, c’était parce que je trouvais que c’était super qu’il vienne d’un autre monde et d’un autre temps. Il a commencé dans les années quatre-vingt, en travaillant sur des bandes de deux pouces et en analogique, et en traversant tout ce qui est arrivé depuis. Et donc il a une compréhension de ce qui est moderne maintenant, parce qu’il fait constamment beaucoup de groupes modernes, mais aussi de ce qu’était la composition il y a dix ou vingt ans et tout, et ce qui compte et ce qui fait mouche. C’est un type qui marche vraiment au feeling. Il est là : « Est-ce que ça me touche ou pas ? » Ou : « Je me fous de si cette petite note de guitare était à côté dans cette section ou est-ce que cette sonorité n’était pas exactement parfaite ? » Il est juste là : « Ce qui compte en priorité, c’est est-ce que ça m’a touché en plein cœur ? » Donc ce genre d’approche est vraiment utile. Quand tu es coincé sur quelque chose et tu dis « ça doit rester là parce que j’adore la façon dont ce riff fait ce truc » et c’est comme « ouais mais s’il n’était pas là, alors ça serait tellement plus punchy. » C’est un avis objectif. Comme Vicky l’a dit, ce n’est pas comme s’il avait pris un clavier ou une guitare et dit « voilà les accords ».
Vicky, vous avez sorti un clip pour « The Moment », où tu devais avoir la tête entièrement immergée sous l’eau. Peux-tu nous en dire plus sur cette expérience ?
Vicky : C’était… quelque chose d’autre ! Quand Chris, notre bassiste, qui fait aussi nos clips, en fait, m’a proposé l’idée, j’étais là : « OK, bien sûr, pas de soucis, on va le faire ! » C’était marrant parce que tout le monde autour de moi avait plus peur que moi [petits rires] parce que je crois qu’il faut faire face au problème quand c’est le moment d’y faire face, plutôt que de s’en inquiéter avant. Donc quand il a d’abord ramené la boîte pour la tester, pas le jour du tournage, parce que nous voulions nous familiariser avec avant, nous étions dans le jardin, ils ont mis ma tête dedans, il a versé de l’eau, et c’était bizarre, parce que ça fait comme être sous l’eau, tes oreilles se bouchent et la pression tape dans ta tête et tout ça, mais tu ne nages pas vraiment, tu es juste là debout et ta tête est sous l’eau. C’est bizarre pour ça mais nous avions contrôlé cela de manière à ce que je puisse vider l’eau quand je le voulais, si j’étais par exemple en train de suffoquer ou de me noyer ou peu importe. Donc quand le jour est venu de le tourner, j’étais en fait très à l’aise, et nous avions des chauffages aussi car il faisait vraiment froid. Nous avons juste passé toute la journée à vider de l’eau dans la boîte, et moi qui essayais de chanter.
Pouvez-vous nous en dire plus sur pourquoi vous n’avez pas continué avec Century Media et sur les origines de votre collaboration avec Napalm Records ?
Oh eh bien, c’était juste que notre contrat avec Century était fini, c’était pour quatre albums, quand ils avaient signé au départ. Et nous avions soit l’option de renouveler le contrat avec eux, soit d’essayer de trouver un nouveau label. Et nous avons eu quelques offres d’autres labels aussi, et il semblait que Napalm avait le meilleur contrat pour nous, à ce moment-là. Tu ne sais pas avec certitude quel est le bon ou le mauvais choix sur le moment, tu évalues les options et tu fais un choix, et ça peut être le bon, ça peut être le mauvais [petits rires], il faut juste faire avec !
Interview réalisée par téléphone le 17 août 2016 par Nicolas Gricourt.
Fiche de questions : Nicolas Gricourt & Philippe Sliwa.
Retranscription et traduction : Aline Meyer.
Photos promo : Faya.
Site internet officiel de The Agonist : theagonistband.com
Acheter l’album Five.
L’interview est vraiment cool mais j’aurai aimé savoir si , par exemple Vicky avais déjà contacté Alissa , et quels étais leurs rapports aujourd’hui ? Car ils se croisent de temps en temps , au Heavy MTL par exemple , ainsi que dans d’autres festivals ;/
Sinon moi je préfère de loin Alissa , mais c’est vrai que les deux derniers albums ont un nouveau son qui n’est pas mauvais non plus 🙂
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