Avec le récent changement de chanteuse, vu de l’extérieur, les membres de The Agonist paraissaient avoir un certain caractère. Ainsi lorsque Alissa White-Gluz, figure jusqu’alors emblématique du groupe, décide de rejoindre Arch Enemy en 2013 – ce qu’elle aura annoncé publiquement début 2014 – tout en ayant la volonté de mener les deux groupes de front, le combo canadien lui explique que c’est impossible – « le départ de The Agonist n’était pas mon choix. Quand je leur ai dit que j’étais maintenant aussi la chanteuse d’Arch Enemy et que j’allais donc faire les deux bands, ils n’étaient pas très contents et m’ont kické out (ndlr : viré) A ce moment où ils m’ont enlevée de mon propre groupe, ma relation avec eux s’est coupée et je ne leur ai jamais parlé après ça. » affirme-t-elle notamment dans notre interview – et annonce dans la foulée le nom de sa remplaçante, Vicky Psarakis.
« C’est vrai mais il manque beaucoup de détails de l’histoire là-dedans » nous rétorque le guitariste du groupe Danny Marino que nous recevions à l’antenne le 20 janvier dernier. Nous en avons donc profité pour faire toute la lumière sur l’autre versant de l’histoire, côté The Agonist : comprendre leur décision de changer de voix, leur vécu du transfuge d’Alissa vers Arch Enemy et l’arrivée de Vicky. Et puis aussi quels ont été les impacts de tout ceci sur le nouvel album des Canadiens, intitulé Eye Of Providence et prévu pour le 23 février prochain chez le label Century Media Records, qui leur permet de tourner la page et inaugurer un nouveau chapitre.
« Si [Alissa] était restée dans le groupe et que nous avions attendu après elle, nous n’aurions rien aujourd’hui. […] Je sais qu’elle est triste mais il y a un adage : on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. »
Radio Metal : Vous aviez déjà dévoilé deux chansons il y a à peu près un an. Comment se fait-il alors que l’album ne sorte que maintenant ?
Danny Marino (guitare) : Nous voulions avoir des chansons à présenter aux fans, juste une ou deux, pour accompagner l’annonce de l’intégration de [la nouvelle chanteuse] Vicky Psarakis, juste pour expliquer que The Agonist n’est pas mort. Nous avions comme deux mois pour préparer ça. Lorsque nous avons appris qu’Alissa White-Gluz avait rejoint Arch Enemy, il a fallu attendre deux mois supplémentaires pour qu’ils fassent leur annonce. Du coup, nous avons utilisé ces deux mois pour enregistrer ces deux chansons, « Perpetual Motion » et « Disconnect Me ».
J’ai l’impression que vous avez trouvé Vicky assez rapidement, non ?
Eh bien, c’est le nouvel âge de YouTube, Facebook, Google et tout ça… En premier nous avons fait nos recherches via nos amis mais nous n’avions trouvé personne qui collait au groupe. Après quoi nous nous sommes mis à chercher sur internet. Vicky était la meilleure que j’ai trouvé, je l’ai contacté et je lui ai demandé d’auditionner via internet. J’ai été très satisfait et on lui a demandé de venir à Montréal pour une audition en personne. Ça s’est fait un peu dans la précipitation mais nous avions besoin d’une nouvelle chanteuse rapidement pour rester actifs.
Est-ce qu’elle était fan de The Agonist avant ?
Oui, enfin ce n’était pas comme une super fan, mais [elle connaissait] le groupe par un de nos autres albums, Lullabies For The Dormant Mind. Elle était surtout excitée par l’opportunité de chanter pour le groupe.
Est-ce que vous aviez des critères particuliers en recherchant une chanteuse ? Est-ce que vous vouliez une chanteuse qui se rapprochait de ce que faisait Alissa ?
Alors, le besoin numéro un c’était d’avoir aussi bien la voix mélodique que la voix death. Elle avait les deux. Mais aussi on cherchait une attitude, qu’elle ait une passion pour la musique. Il fallait que la musique soit une priorité pour elle. Et elle avait cette super attitude, la musique était la chose la plus importante dans sa vie. Elle veut faire des albums, des tournées, etc. C’est sa passion et c’était ce qui importait le plus pour nous.
Pour revenir un peu plus en arrière sur le changement de chanteuse, on avait eu Alissa l’année dernière et elle nous a expliqué qu’elle comptait rester dans les deux groupes, Arch Enemy et The Agonist, mais que vous aviez refusé. Comment ça se fait ? Qu’est-ce qui vous dérangeait là-dedans ?
Oui, alors [petit rire], en effet c’est vrai mais il manque beaucoup de détails de l’histoire là-dedans. Au moment ou nous avons appris qu’elle avait rejoint Arch Enemy, [leur nouvel album] War Eternal était déjà enregistré sans que nous ayons été mis au courant. Nous avons quand même essayé de voir comment nous pourrions travailler avec Alissa mais après avoir vu l’itinéraire et les dates de tournées qu’elle avait avec Arch Enemy, il était clair que nous aurions eu besoin avec The Agonist de prendre une très longue pause, genre deux ans. Elle nous a demandé d’annuler nos dates de tournées qui étaient déjà annoncées, comme les festivals européens – le Summer Breeze, le Brutal Assault, tous les grands festivals que nous avions prévu en 2014. Arch Enemy a dit qu’il fallait que nous annulions les festivals parce qu’Arch Enemy jouait dans les festivals [petit rire]. Et puis il y a l’autre problème qui concerne l’album, parce que ça faisait déjà deux ans que Prisoners était sorti et j’avais enregistré beaucoup de chansons démos pour Alissa, pour qu’elle pose ses voix. Nous arrivions à la fin de l’année, nous nous rapprochions de 2014, et nous n’avions toujours aucune parole. Nous avions donc sept chansons démos, sans aucune parole et Prisoners qui était sorti en 2012, et là elle nous dit : « Il faut que tu m’attendes parce que je pars en tournée avec Arch Enemy pour quelques années. » Maintenant tu peux voir le planning sur internet et tu peux te rendre compte du temps qu’elle avait à consacrer à The Agonist. Si elle était restée dans le groupe et que nous avions attendu après elle, nous n’aurions rien aujourd’hui. Mais au bout du compte, je suis vraiment content parce que [le nouvel album] Eye Of Providence n’aurait pas été le même sans Vicky. Elle a assuré !
Donc si je comprends bien, les conditions d’Arch Enemy étaient non négociables, c’était eux en priorité ?
Oui et c’était aussi parce que nous sommes un jeune groupe par rapport à Arch Enemy. Nous avons une grande marge pour grandir et nous n’avions pas le temps de nous arrêter parce qu’étant un jeune groupe, nous avions besoin de rester dans la compétition avec les autres jeunes groupes pour mieux nous établir, comme l’est Arch Enemy aujourd’hui. Nous arrêter pendant plusieurs années, ce n’est pas une véritable option pour nous.
Vous ne pouviez pas vous permettre de perdre votre élan…
Oui et ce n’est pas seulement pour cet album mais pour tous les albums, parce qu’Alissa est de façon permanente dans Arch Enemy. Ce n’est pas pour un seul album. Alors, à chaque fois qu’Arch Enemy allait écrire un nouvel album, il aurait fallu que nous attendions encore. Dans deux ans Arch Enemy fera un autre album et nous aurions à nouveau dû attendre… The Agonist, ce n’est pas un side-project.
« On ne se repose pas sur Pro-Tools et les trucs digitaux pour savoir si une chanson est bonne ou pas, on fait un test live. »
Et ça vous a étonné du coup la réaction d’Alissa qui disait être triste et déçue de votre décision de se séparer d’elle, compte tenu des raisons que tu évoques ?
Je sais qu’elle est triste mais, tu sais, elle a écrit toutes les paroles pour les trois premiers albums, elle a eu une part importante dans ces trois albums… Je sais qu’elle est triste mais il y a un adage : on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. C’était impossible. Il y avait quatre autres personnes, quatre autres vies dans le groupe qui étaient impactées par ses décisions. Et puis elle ne nous a pas consulté [petit rire]. Comme je l’ai dit, War Eternal était déjà enregistré lorsque nous avons appris qu’elle avait rejoint le groupe.
C’est étonnant quand même qu’elle soit parvenue à vous cacher avoir enregistré tout un album avec un autre groupe !
C’était un secret pour protéger les raisons du départ d’Angela [Gossow]. Parce que si le public avait appris qu’Angela n’était plus dans Arch Enemy, je pense que ça nous serait retombé dessus et sur Century Media. En fait, lorsque nous avons su pour Alissa et Arch Enemy, nous ne l’avons pas su par elle directement, c’était par quelqu’un d’autre. On nous a dit qu’il ne fallait rien dire à qui que ce soit et tout. Le fait qu’elle soit dans le groupe nous a été délibérément caché parce qu’ils avaient peur que nous le disions aux gens. Mais nous ne l’avons pas fait. Lorsque ça nous est parvenu, nous avons attendu qu’ils en fassent l’annonce. Nous aurions très bien pu y aller et dire au monde entier ce qu’il se passait mais nous nous sommes mis d’accord pour attendre jusqu’à ce qu’ils fassent publiquement l’annonce, parce que nous voulions aussi nous préparer de notre côté pour pouvoir présenter quelque chose de neuf. Nous avions donc un accord.
Et du coup est-ce que vous vous êtes reparlés avec Alissa dernièrement ? Parce qu’elle nous avait dit l’année dernière que vous étiez un peu en froid…
Non, nous ne nous parlons pas parce que c’est quelque chose de difficile. On est en contact juste pour le business, s’il y a quelque chose avec Century Media – parce qu’Arch Enemy et The Agonist sont tous les deux chez Century Media -, si c’est lié au travail, un besoin d’email ou d’un document… Mais nous ne nous parlons pas comme des amis.
Et est-ce que tu as écouté l’album D’Arch Enemy du coup ?
Oui, j’ai un peu écouté. Ca sonne comme Arch Enemy [rires]. C’est comme tous les albums d’Arch Enemy. Quand j’étais plus jeune j’étais un grand fan d’Arch Enemy et Michael Amott pour la guitare. Ils ont une recette pour écrire les chansons et je pense que War Eternal, c’est comme les autres [albums].
Tu penses qu’ils ne se renouvellent pas beaucoup ?
Hmm… Non.
On va maintenant revenir sur The Agonist. A lire votre biographie, on dirait que l’arrivée de Vicky a permis de retrouver un équilibre dans le groupe, à la composition, dans le rapport entre texte et musique, et ce pour la première fois, semble-t-il, à en croire ce qui est écrit. Comment ça se passait avant Vicky pour que vous trouviez aujourd’hui un tel équilibre ?
Oui, c’est la première fois qu’on se retrouve avec ce type de collaboration pour l’écriture de l’album. J’aime beaucoup parce qu’on écrit ça comme une oeuvre d’art : ce sont les paroles, la musique, les émotions… On communiquait moi et Vicky et Simon et Paco et Chris. C’est encore surtout moi qui écris les concepts pour les chansons et une grande partie des riffs, mais après avoir écrit les riffs je vais voir Chris, Paco et Simon et on fait la structure, et puis Vicky écrit des paroles, Simon écrit des paroles, et on communique ensemble, genre : « Oh, c’est cool mais peut-être que tu peux changer cet accord, changer les paroles ici, etc. » Avant, avec Alissa, c’était plus séparé, genre j’écris toutes les chansons et elle écrit toutes les paroles, et il n’y a aucune communication. On n’écrivait pas tous pour la chanson, c’était plus : je pense pour mes riffs de guitare, Simon pense à quelles parties batteries il va faire et Alissa pense à ce qu’elle fait avec son chant. Alors qu’aujourd’hui, tout le groupe réfléchit à ce que tout le monde fait et est à l’écoute de l’autre. Au bout du compte l’album est plus cohésif.
Comment expliques-tu ça ? C’est lié à la personnalité de Vicky ?
Vicky est une des personnes les plus aimables que j’ai rencontrés dans ma vie. Quand on a écrit l’album, elle est venue à Montréal et elle a logé avec moi. Pendant quelques mois on a donc habité ensemble et écrit ensemble tous les jours. Et je pense que c’est comme quand on faisait les albums dans les années 60 ou 70, avec des groupes qui achetaient leur maison pour y habiter ensemble et écrire ensemble tous les jours. Je pense que c’est une raison qui peut l’expliquer. Mais il y a aussi que nous dans le groupe, moi-même, Pascal, Chris et Simon, nous avons mûri et donc nous voyons la musque un peu différemment avec les années qui passent.
Est-ce que tu penses que cette méthode de travail avec Vicky continuera comme ça, avec cette façon de faire ?
J’espère. C’est ma méthode préférée. Notre groupe est plus de la vieille école. On n’aime pas s’échanger des emails pour faire les chansons. On le fait si c’est nécessaire, mais on préfère faire les choses ensemble. On a une salle de répétition à Montréal qu’on loue depuis dix ans maintenant, et toutes les semaines on y va pour jammer, que ce soit sérieux ou juste pour s’amuser. On joue ensemble pour écrire les chansons et si elles sont bonnes dans la salle de répétitions, alors on sait que c’est bon et qu’on peut aller les enregistrer. On ne se repose pas sur Pro-Tools et les trucs digitaux pour savoir si une chanson est bonne ou pas, on fait un test live.
« Il y des groupes pour qui l’image est plus importante, mais on n’écoute pas la musique pour l’image. Beaucoup de gens pensent que The Agonist est comme ça, juste parce que nous avons une chanteuse ! »
Vu que Vicky est une nouvelle chanteuse, avec de nouvelles capacités, un nouveau background, etc., est-ce qu’elle a apporté quelque chose de nouveau au groupe, un univers nouveau, de nouvelles capacités vocales à utiliser, etc. ?
Oui, je pense qu’elle a apporté des choses. Son chant death metal, son timbre, est différent de celui d’Alissa. C’est étrange mais elle sonne plus américaine, par rapport à Alissa. Alissa sonne européenne, à mon avis, alors que quand j’écoute Vicky faire les growls ça ressemble plus à Corey Taylor, c’est plus dans la force, c’est plus « loud ». Lorsqu’elle crie, elle crie fort, comme si tu l’entendrais quand même si elle n’avait pas de microphone. C’est une approche différente. Même le chant clair est un peu différent, comme sur « A Gentle Disease » et « The Perfect Embodiement ».
Tu te déclares très influencé par des artistes comme Devin Townsend ou Mikael Åkerfeldt d’Opeth, des artistes qui ont un background extrême mais qui ont aussi sorti ces dernières années des albums rock, ambiants ou même folk. Est-ce que c’est le genre d’expérience qui te tenterait dans The Agonist ?
Je ne sais pas si on fera ça dans le futur. Je voulais qu’on retrouve sur Eye Of Providence des chansons de ce genre et je veux garder ça pour le futur. Que The Agonist fasse un album totalement ambiant, c’est possible mais ce n’est pas prévu. J’aime beaucoup les artistes comme Devin Townsend et Mikael Åkerfeldt parce qu’ils ont le courage de faire des choses très différentes. C’est très courageux de faire ça parce qu’il y a des fans qui ne l’acceptent pas. Mais c’est de l’art et, en tant qu’artistes, ils choisissent de faire ce qu’ils veulent. Et puis ce sont des musiciens de classe mondiale et ils font des chansons qui, selon moi, sont des chef-d’œuvres. Mais je ne sais pas ce qu’il en est pour The Agonist, si nous ferons un jour un album ambiant. Je trouve que c’était très cool lorsque Opeth avait fait le double album Damnation et Deliverance en même temps ; un album ambiant et un plus extrême. Peut-être qu’on pourrait faire ça dans le futur.
Est-ce que, de manière générale, vous aspirez à cette diversité ?
Oui, ça a toujours été le cas avec The Agonist. Je pense qu’avec Lullabies For The Dormant Mind, Prisoners et Eye Of Providence nous avons voulu exprimer la diversité de notre musique. Si tu écoutes uniquement les clips vidéos, peut-être que tu peux ne pas voir ça, mais si tu écoutes tout l’album, il y a beaucoup de genres différents. C’est l’une des signatures de The Agonist, je pense. Il n’y a pas de barrière, genre : « Tu ne peux pas faire ça. » Sur Eye Of Providence, la dernière chanson « As Above So Below » est une chanson rock, je pense qu’il n’y a rien de metal, mais c’est un genre de rock j’aime beaucoup. C’est comme du rock psychédélique. C’est comme Mars Volta, Tool, A Perfect Circle, ce sont des groupes que j’aime beaucoup. Et c’est plus amusant d’écrire ce genre de chanson.
Pour Eye Of Providence vous avez déjà sorti un clip, pour Gates Of Horn And Ivory. On vous voit dans une mise en scène sur une séance de shooting, où des maquilleurs, des photographes, des conseillés en image essaient de vous faire ressembler à ce qu’ils estiment que vous devriez ressembler. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez vécu ?
Le concept, c’est moi et le réalisateur David Brodsky qui l’avons trouvé. Les portes de corne et d’ivoire (NDT : traduction de « Gates Of Horn And Ivory »), ça vient d’un texte grecque ancien, de l’odyssée, et la corne représente la vérité et l’ivoire, qui est plus beau, la duperie. Alors pour la vidéo on a voulu dire que, dans l’industrie de la musique, le maquillage, les lumières et tout ça c’est de la supercherie, alors que la musique, c’est ça qui est vrai et qui est le plus important. Je trouve que c’est une vidéo très amusante. Nous avons beaucoup ri lorsque nous l’avons faite. Et puis c’est plus amusant de faire ce genre de vidéo parce que toutes les autres que nous avons faites, c’était plus metal, c’était plus sérieux genre : « Nous sommes des gros durs ! Regardez-nous ! Regarde comme on est cool ! » Alors que la c’était plus pour rigoler. Et puis il y a aussi un message qui est sérieux : nous sommes plus que juste une image. Sous l’image il y a la musique qui est plus importante.
Et tu penses que dans le metal parfois certains groupes manquent un peu d’humour ou se prennent trop au sérieux ?
Oui, il y a des groupes dans le metal comme ça. Je pense que les groupes de metal devraient ne pas toujours se prendre au sérieux, parce que la musique rock et metal c’est aussi pour le fun. Et puis il y aussi des groupes pour qui l’image est plus importante, mais on n’écoute pas la musique pour l’image. Beaucoup de gens pensent que The Agonist est comme ça, juste parce que nous avons une chanteuse ! Pour tous les groupes qui ont une chanteuse, les gens ont tendance à penser ça. Ils se disent que c’est juste de l’image et ne leur donne pas leur chance. Alors qu’il y a beaucoup de groupes avec des chanteuses qui font de super musiques et c’est vraiment une question de sexisme. Après, je sais qu’il y a des groupes avec des chanteuses qui ne misent que sur l’image mais ce n’est pas une généralité et je pense que The Agonist n’est pas un groupe qui est là que pour le look mais aussi et surtout pour la musique.
On peut parler aussi de l’illustration d’Eye Of Providence qui représente un œil avec des câbles plantés dedans, comme si on pouvait faire rentrer à travers l’œil et dans l’esprit des gens une idée préconçue. Est-ce que c’est ça ?
C’est plus un concept de science-fiction. J’ai toujours été intéressé par les nouvelles technologies et en particulier tout ce qui est intelligence artificielle. Et l’œil de la providence (NDT : traduction de « Eye Of Providence »), c’est une notion ancienne, qu’on appelle aussi l’œil omniscient (NDT : traduction de « all-seeing eye »), issue de l’Egypte et de la civilisation sumérienne. C’est considéré comme une entité mystique ou un Dieu qui peut voir le monde à tout instant. J’ai trouvé intéressant qu’aujourd’hui, en 2015, nous vivions une réalité de ça, qu’avec les Smartphones, Google, Facebook, internet, tout ça, on peut voir toutes les actions que tout le monde fait. Il y a beaucoup d’organisations qui tirent profit de ceci : les gouvernements, les entreprises, etc. Et ça progresse rapidement aujourd’hui. Et je pense qu’en 2030 on sera dans le vrai futur, comme les films de science-fiction. Pour l’illustration, l’œil de la providence, ce n’est pas l’œil qui voit le monde, c’est notre œil. Ils voient donc le monde à travers nos yeux à tous, symbolisé par ces câbles qui rentrent dans l’œil : c’est ton compte email, ton compte Google, ton compte Facebook, etc. Et toutes les sociétés utilisent les données avec leur business intelligence pour faire plus de publicités et augmenter les ventes. Et votre vie privée n’existe plus. Donc, l’œil de la providence c’est une chose mystique ancienne mais c’est devenu, aujourd’hui, une réalité.
« Je pense que la société a besoin parfois de se débrancher pour garder un pied dans la réalité, pour être conscient du réel. »
Est-ce que le fait que les gens ont aujourd’hui des relations à travers internet ne fait pas qu’ils vivent à travers une fausse réalité finalement ?
J’ai la trentaine, je suis de la dernière génération qui a connu un monde où il n’y avait que de simples téléphones [pour communiquer à distance], et au téléphone tu entends la voix de l’autre personne, c’est plus personnel alors que désormais les relations deviennent de plus en plus froides et stériles. Il y a une chanson sur Eye Of Providence qui s’appelle « Faceless Messenger » et qui parle de tout ça : à quel point les modes de communication ont changé, c’est devenu impersonnel, sans émotion, c’est juste genre poster un commentaire sur Facebook sans qu’on puisse voir le visage de la personne qui le fait.
Il y a une autre chanson aussi qui peut faire directement référence à l’illustration de l’album : « Disconnect Me ». Au-delà de la technologie, on dirait que ça fait aussi référence au fait de se détacher d’une société qui t’impose une façon de penser. Et The Agonist est aussi un groupe qui a une certaine conscience socio-politique, avec un message sur la libre pensée, et du coup, penses-tu qu’il soit possible d’être complètement déconnecté de la société, alors que c’est cette société-là qui nous a appris à penser depuis l’enfance ?
Oui, je pense que c’est possible. C’est possible mais c’est difficile. Mais je ne cherche pas à faire ça. Je suis sur Facebook, je suis sur YouTube, etc. C’est YouTube qui a permis au groupe de rencontrer Vicky. Tout ça, ce n’est pas pour dire que les technologies sont complètement mauvaises mais c’est important que la société se rende compte que [ces problèmes] existent. Parce que je pense que la société a besoin parfois de se débrancher pour garder un pied dans la réalité, pour être conscient du réel et décider que : « J’ai besoin de parler avec quelqu’un en personne parce que nous devons rester humains et arrêter d’être comme des machines. » C’est pour ça que j’ai écrit avec Vicky la chanson « Disconnect Me ». C’est le message. Et quand tu dis que The Agonist est un groupe socio-politique, c’est vrai. Quand Alissa était dans le groupe, c’était plus des motivations environnementales, végétaliennes, sur les droits des animaux, etc. Je pense que tout ceci est important et je suis content qu’elle ait écrit sur ces sujets, mais, à la fois, je pense qu’il y a beaucoup d’autres choses dans le monde qui ont besoin d’être évoquées : le droit humain, la conscience humaine, etc. C’est là-dessus que nous nous sommes focalisés sur Eye Of Providence, les causes humaines et non animales ou environnementales. Mais peut-être que dans le futur nous reviendrons sur ces sujets parce que ce sont d’autres sujets très importants. L’environnement, tous les ans ça régresse.
En parlant de la cause animale, vous aviez diffusé un trailer en novembre pour accompagner l’annonce des détails du nouvel album. Et en tout début de la vidéo on voit des chèvres ! Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ces chèvres ?
[Rires] C’était une blague de Chris Kells, le bassiste du groupe. Il réalise toutes nos vidéos promotionnelles de ce genre, les teasers d’albums, etc. Nous étions en Europe, je ne sais plus où, je pense en Angleterre, et il a juste filmé les chèvres ici. Il trouvait que ça allait être plus drôle d’introduire un riff de thrash metal en mettant des chèvres.
Il y a des vidéos où des gens reconstituent des chansons à partir de bêlement de chèvres…
Oh, ouais, c’est comme Taylor Swift…
Exactement ! Ça te dirait d’inviter une chèvre un jour sur un album ?
[Rires] Tout dépend si les fans veulent qu’on fasse ça. Ça serait très marrant mais je ne sais pas…
Sur le chat quelqu’un demande : est-ce que tu sais chanter, notamment en growl ?
J’apprends un peu en ce moment, je fais un peu de chœurs en concert, genre à trois moments dans le set. Mais ce n’est pas mon fort. Mon truc c’est quand même plus les guitares.
Parce qu’on a des auditeurs qui s’interrogent pour savoir si vous seriez tenté de faire un mélange voix masculine/voix féminine…
On fait un peu ça avec Chris. Il fait beaucoup de chœurs mais ce ne sont que des voix death. Sur Eye Of Providence il y a beaucoup d’endroits où il a fait des chœurs, plus que pour les autres albums. Sur les autres albums c’est Alissa qui faisait les chœurs et Chris les reproduisaient en concert. Cette fois-ci nous avions la place pour inclure d’autres chanteurs sur l’album, avant ce n’était pas possible. Nous n’étions pas autorisés [rires].
On devrait bientôt vous voir en concert en France…
Oui, nous avons trois dates en France : Paris, Nantes et Lyon, en mars, avec Otep et Ferium. Je suis vraiment excité de retourner en France. La dernière fois, au Divan du Monde, c’était le putain de meilleur show de la tournée.
On va donc pouvoir découvrir Vicky, voir comment ça donne désormais sur scène. Est-ce que vous en avez profité pour faire évoluer votre show ?
Nous faisons un set différent, vu que nous avons désormais quatre albums. C’est plus difficile pour déterminer une setlist mais c’est aussi plus marrant parce qu’il y a le choix. Il y a des chansons que nous jouons depuis très longtemps, que l’on retrouvait dans toutes les setlists depuis genre quatre ans, mais maintenant il est temps de faire des changements et jouer peut-être des chansons que nous n’avions jamais joué auparavant.
Interview réalisée par téléphone le 20 janvier 2015 par Nicolas Gricourt & Arthur Nimal.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Jeroen Aarts.
Page Facebook officielle de The Agonist : www.facebook.com/TheAgonistOfficial.