Il n’est pas rare de voir un groupe soudainement se libérer artistiquement et s’écarter de son chemin habituel. Parfois c’est juste une envie d’expérimenter, explorer de nouveaux territoires pour s’aérer les idées ou même s’offrir un challenge personnel, et parfois c’est un besoin profondément ancré dans l’artiste d’exprimer quelque chose qui ne peut se faire que dans un format différent. De tels exemples, on en a à foison : Metallica (Load/Reload), Megadeth (Risk), Def Leppard (Slang), W.A.S.P. (Kill Fuck Die), Opeth (Heritage et les suivants)… Peut désormais se rajouter à la liste The Answer et son surprenant Solas.
Solas, comme nous l’expliquent le guitariste Paul Mahon et le chanteur Cormac Neeson ci-après, c’est le résultat d’une frustration d’être réduit à un basique groupe de rock n’ roll, quand eux se sont toujours considéré comme étant plus que ça. C’est aussi la lucidité de se dire, face aux faibles retours de leur dernier album Raise A Little Hell, qu’il ne servait à rien de s’entêter dans la même voie qui produirait les mêmes effets. Et puis finalement, c’est aussi l’expression de vécus qui ont changé leur vision-même de la vie, en particulier pour Neeson. Voilà pourquoi Solas apparaîtra si différent, avec ses accents folks, ses mélodies pop, ses teintes celtiques, ses atmosphères cinématographiques et son melting pot d’éléments divers et variés.
Dans l’entretien qui suit, nous nous sommes donc plongés dans les questionnements et doutes d’un groupe qui a bien failli jeter l’éponge, avant de retrouver goût à la création, dans sa forme la plus libre et honnête qui soit. Il est certain qu’à partir d’aujourd’hui, The Answer ne sera plus tout à fait le même. Paul Mahon et Cormac Neeson vous expliquent tout.
« La réaction commerciale ne correspondait pas à ce que nous pensions avoir créé. […] Nous pouvions faire un autre album comme Raise A Little Hell, peut-être même un qui aurait été meilleur, et il aurait juste obtenu le même accueil. Donc nous étions un petit peu blasés. »
Radio Metal : Vous êtes revenus de la tournée Us de Raise A Little Hell « fixant un abysse financier et créatif, » comme le présente le communiqué de presse. Que s’est-il passé ?
Paul Mahon (guitare) : Nous avions fait l’album Raise A Little Hell, nous avions fait la tournée, elle avait correctement marché mais la réaction commerciale ne correspondait pas à ce que nous pensions avoir créé. Et puis, tu as de la chance si tu rentres dans tes frais en tournant en Europe pendant un mois ou deux, et en allant en Amérique, nous avons été un peu au-delà de nos limites. Nous en sommes revenus en pensant « qu’est-ce qu’on va faire après ? » Nous pouvions faire un autre album comme Raise A Little Hell, peut-être même un qui aurait été meilleur, et il aurait juste obtenu le même accueil. Donc nous étions un petit peu blasés, nous creusant la tête, nous demandant quoi faire ensuite. Donc nous avons dû avoir une vraie discussion à cœur ouvert au sein du groupe. Avions-nous encore envie de continuer ? Que voulions-nous exactement faire ? Aussi, en toile de fond, et peut-être même encore plus important, Cormac venait juste d’avoir son premier fils. Il est arrivé prématuré de plusieurs mois, donc c’était une période très difficile pour lui. Il a passé environ six mois à faire des allers-retours à l’hôpital, jusqu’à ce que son fils soit en condition stable. Ça c’était un autre truc. Tout d’un coup, le groupe ne semble plus aussi important lorsque tu dois faire face à quelque chose comme ça. Donc c’était la première fois que toutes ces choses se sont produites en même temps et nous avons vraiment dû nous poser et décider quoi faire ensuite. Je pense que presque comme une thérapie, nous nous retrouvions une fois par semaine, Cormac et moi, et nous écrivions quelques chansons, nous faisions des enregistrements, plus pour s’amuser qu’autre chose. Nous n’étions pas dans le mode « faire l’album numéro six » ou quoi que ce soit de ce genre. C’était juste, je suppose, qu’il avait besoin de faire quelque chose de créatif, pour se changer les idées par rapport à ce qu’il s’était passé dans sa vie, et pareil pour moi, j’imagine. C’était le début de ce qu’est devenu Solas.
Tu viens de dire que la « réaction commerciale ne correspondait pas à ce que [vous] pens[iez] avoir créé. » Comment l’expliquer ?
Je n’ai pas vraiment d’explication. De mon point de vue, je pense que lorsque nous avons fait New Horizon, peut-être que c’était un écart, d’une certaine façon. C’était la première fois que nous écoutions des influences extérieures. C’était la première fois que nous écrivions avec quelqu’un d’autre, la première fois que nous écoutions vraiment ce que la maison de disques et notre management disaient, et je pense que le résultat final, même s’il y a de super morceaux sur cet album que nous jouons encore en live et que nous jouerons pendant encore de nombreuses années, globalement, ne correspondait clairement pas à mes attentes. Donc je pense que lorsque nous avons fait Raise A Little Hell, nous n’avons pas autant écouté les influences extérieures et nous étions nettement plus à l’aise avec ce que nous avions créé ; nous avions fait un bien meilleur album, à mon avis. Si tu regardes comment il a marché commercialement, ça a probablement été pire que New Horizon, donc c’est difficile à comprendre. Je suppose que c’est une situation où il y a de moins en moins de retours, indépendamment de ce que tu y mets dedans. Donc je pense que nous devions vraiment nous poser et essayer quelque chose d’un peu différent.
A ce state, lorsque le cycle de Raise A Little Hell était terminé, doutiez-vous de l’avenir du groupe ?
Oui, je le pense. Un cycle d’album tend à prendre un an ou deux de ta vie et tu as toujours besoin de quelques semaines, un mois environ, où chacun part de son côté pour se relaxer et voir ce qui va se passer ensuite. C’est quelque chose qui se produit toujours mais j’ai clairement eu le sentiment cette fois que tout était un peu fini, pour plein de raisons. Les gars ont tous des familles, c’est autre chose, c’est très important. Donc on avait vraiment l’impression que peut-être The Answer n’était plus aussi important et peut-être que nous ne ferions rien. Je suis content d’avoir eu tort.
Cormac, comme Paul l’a mentionné, tu as traversé une épreuve avec ton premier enfant qui est né prématuré, et ça a pris environs six mois pour qu’il trouve une condition stable. Apparemment, ça a été une période très sombre pour toi et ça a complètement changé ta façon de voir la vie mais aussi le groupe. Peux-tu nous en dire plus ?
Cormac Neeson (chant) : Mon enfant est né prématuré de quatre mois et a été à l’hôpital pendant très, très longtemps. Il était dans un incubateur pendant les trois premiers mois de sa vie, il était intubé pendant la première année de sa vie, il a dû subir une opération à cœur ouvert… Tout ce qu’on pouvait faire subir à cet enfant, on lui faisait subir, c’était une période extrêmement dure, une période d’obscurité profonde que ni moi ni ma femme n’avions vécue auparavant. Qui sait ce que ça a dû être pour mon enfant, de devoir se battre pour sa vie comme ça pendant aussi longtemps ? Mais ce genre d’expérience te change vraiment. Jusque-là, j’ai eu mon lot de moments durs et déchirants. Tu sais, j’ai perdu mon père il y un peu plus de dix ans et c’était une période très dure également, mais ce n’était pas comparable à ça. C’était comme, à chaque fois que quelque chose arrivait, je pensais « ceci est le dernier mauvais truc qui peut m’arriver, ça ne peut pas être pire » et ça l’a été. J’avais l’impression que nous glissions dans un précipice et que nous n’allions jamais en ressortir mais nous l’avons fait, tous les trois. Mon enfant s’en est sorti et il va très bien maintenant. Moi et ma femme, nous avons pu récupérer nos vies morceau par morceau. Une fois que nous avons traversé ça, c’était une sensation étrange. Je ne me sentais plus en colère ou amer. Je me suis senti reconnaissant que mon enfant aille bien. Je suppose que j’étais – et je le suis toujours – dans cet état d’esprit de grande appréciation des petites choses de la vie, le fait de pouvoir passer un jour sans aucun drame [petits rires], pouvoir passer un jour sans avoir à conduire jusqu’à l’hôpital et m’asseoir devant un incubateur pendant dix heures. Je ne prendrai plus jamais la vie pour acquise.
Cet album est arrivé au bon moment dans ma vie parce que j’avais le sentiment d’avoir quelque chose de très important à dire. J’avais des choses à évacuer à l’intérieur de moi. Toute cette colère refoulée, émotion, frustration et tout ce qui vient avec les moments sombres, j’avais besoin de les libérer afin de pouvoir avancer dans ma vie. Mais je dois aussi souligner qu’arrivé au moment d’écrire et enregistrer cet album, j’avais passé la pire partie de tout ça. Je commençais à ressentir que, oui, peut-être que les choses iraient bien après tout, malgré les douze mois de torture – je ne peux que le décrire comme une torture mentale et émotionnelle. Il se passe donc beaucoup de choses dans cet album. C’est très sincère. C’est basé sur une expérience réelle et, de certaines façons, c’était la meilleure forme de thérapie qui soit pour moi parce que j’avais un point de focus pour toutes ces émotions et cette expérience de vie, et je pouvais caser ça dans cet album. Et tout ne parle pas que de moments sombres et négatifs, il y a plein de références au fait que nous avons pris le pire de ce que la vie peut offrir et nous l’avons surmonté. Il y a un peu une sorte de triomphe là-dedans, il y a de la joie dans cet album aussi. Il y a donc un vrai périple, et c’est un périple qui est encore très frais dans mon esprit et que je ne vais jamais oublier.
« On avait vraiment l’impression que peut-être The Answer n’était plus aussi important et peut-être que nous ne ferions rien. Je suis content d’avoir eu tort. »
On dirait que c’est un album très personnel pour toi, pourtant ça reste un effort collectif. Du coup, quand et comment les autres sont intervenus au niveau créatif ?
Ouais, je dois souligner que, même si j’ai passé les cinq dernières minutes à parler de moi et mon périple, ces mecs sont partout sur cet album. Ils sont une énorme part de cet album, comme ils l’ont été sur chaque album de The Answer jusqu’à présent. Je suppose que mon périple et les choses que je voulais raconter sont la graine, le point de départ, et j’ai été voir les gars et je leur ai dit que j’avais des trucs profonds que j’avais besoin d’extérioriser, et simplement faire un autre album de blues rock n’ roll n’allait pas suffire, nous avions besoin de faire quelque chose de différent. Je crois qu’initialement, les gars étaient un peu réfractaires à vraiment s’engager dans le genre d’écart dont je parlais et c’est totalement naturel et compréhensible mais c’était juste une question, en tant qu’êtres humains, d’amener nos idées et nos expériences de vies dans la salle de répétition et commencer à jouer et voir ce qui se passe. Cette fois-ci, la chose que j’ai vraiment essayé de faire comprendre aux gars est que nous avions besoin d’aborder cet album avec un esprit complètement ouvert et ne pas le laisser être gouverné par quoi que ce soit qui s’est passé avant, vraiment. Je veux dire que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons parlé d’adopter notre héritage celtique comme un nouveau starting-block, à partir duquel nous pourrions construire ce qui, avec un peu de chance, deviendrait un album assez différent et expérimental. Et une fois que nous avons commencé à jouer et composer ce genre de chansons dont je parlais, alors nous avons pris un rythme, tout commençait à coller et à se mettre en place. Il y avait une vague d’élan qui a porté ça depuis le début du processus de composition jusqu’à l’achèvement de Solas.
Paul : Evidemment la musique – et même certaines des paroles – étaient quelque chose de bien plus collectif. Ca a simplement commencé, nous nous sommes rencontrés et avons discuté de quoi faire avec l’album. L’idée de partir sur quelque chose d’un peu plus celtique et explorer ces genres de racines était la première chose qui est venue. Je trouvais que ça pouvait en être un aspect mais je n’étais pas extrêmement enthousiasmé par cette idée. Et puis, une fois que nous avons commencé, nous nous rencontrions juste une fois par semaine, j’avais des idées, Cormac avait des idées, parfois Micky [Waters, basse] envoyait une idée – il vit à Londres la plupart du temps – et nous travaillions aussi là-dessus à distance. Nous avons un peu collaboré comme nous l’avons toujours fait. Je pense que peut-être au niveau des paroles, c’est bien plus personnel, dans le sens où Cormac révèle un peu plus ce qu’il a vécu dans ce qu’il écrit. Il est un peu plus vulnérable que d’habitude. Donc je pense qu’en ce sens, c’est un album un peu plus personnel. Globalement, c’est vraiment une collaboration comme ça l’a toujours été mais peut-être que c’était un petit peu différent dans le sens où lorsque nous faisions les démos, c’était surtout Cormac et moi qui nous donnions rendez-vous et enregistrions, parfois James [Heatley, batterie] venait et Micky envoyait ses idées en mp3 et autre, et nous travaillions par échanges sur internet. Voilà comment nous avons fait.
Tu viens de dire que tu n’étais pas extrêmement enthousiasmé par les influences Celtiques. Pourquoi ?
Je ne trouvais pas que c’était la solution complète à ce que nous avions besoin de faire. Je trouvais que c’était un bon point de départ mais je ne voulais pas faire tout un album acoustique qui ne serait que celtique et irlandais [petits rires], ce qui est ce que j’imaginais la première fois que j’ai entendu cette idée. Mais lorsque nous avons commencé à nous mettre au travail, nous pouvions explorer les racines musicales dans un sens plus large, comme les racines de la musique bluegrass, les racines du blues. Il y a quelques autres influences, comme des influences latines, que nous pouvons explorer et que je trouve tout aussi excitantes que les trucs celtiques. Les trucs celtiques se retrouvent peut-être dans certaines instrumentations, j’ai joué un peu de mandoline sur quelques morceaux, je l’ai un peu abordé à la guitare acoustique et ce genre de choses, la tonalité globale de la musique est parfois un peu plus celtique… Je trouvais ça bien plus excitant d’aborder ça de cette façon. Et puis certaines influences cinématographiques sont arrivées lorsque nous avons commencé à faire « Solas » et « Beautiful World ». Nous travaillions sur des boucles et tout, en utilisant également le studio comme un outil créatif. Une fois que tout ceci s’est mis en place, c’était très revigorant et excitant.
Cormac : Initialement, j’étais pas mal moteur derrière l’idée de faire quelque chose de différent et d’essayer de vraiment intégrer des influences qui ont toujours existé au sein du groupe mais n’avaient réussi à apparaître que sur des faces B et titres bonus, des choses en marge de ce que nous faisons, des influences qui nous ont toujours amené à faire de la musique vraiment intéressante et expérimentale mais que nous n’avons jamais eu le courage de mettre au centre d’un album complet. Et ouais, je me souviens, j’avais amené Paul à prendre un café, je crois – ce n’était même pas une bière parce que c’était une conversation très sérieuse [petits rires] -, et j’ai dit : « Mec, écoute, nous devons faire quelque chose de différent. J’ai quelque chose à dire, mettons-nous à expérimenter, prenons une direction un peu plus celtique pour commencer parce que nous connaissons tous ce type de musique, nous sommes tous fiers de notre héritage celtique et voyons où ça nous mène. » Tu sais, c’est vraiment difficile de provoquer l’excitation en étant assis dans un café, à siroter du café et en mangeant un sandwich. Ce n’est pas avant que les amplis aient été allumés et que nous rentrions sérieusement dans ce que ce changement de direction voulait vraiment dire [que ça s’est produit]. Lorsque nous nous sommes rendus compte que ceci allait marcher, c’est là que nous avons commencé à être excités, et c’est dans ces moments-là que nous commençons à faire quelque chose d’important et prendre des risques avec notre son et notre créativité.
Est-ce que le fait de revenir à tes racines t’a ramené du réconfort après ce que tu as traversé ?
Ouais, effectivement. Mais j’étais dans un état d’esprit où je pensais que je n’avais rien à perdre. Je voulais juste faire quelque chose de différent initialement et la culture celtique, parce que nous étions nés dans des familles irlandaises catholiques, entourés de musique, de la langue, de chansons et même par la danse irlandaise, ça semblait être la voie naturelle à suivre. Je dois réitérer que ce n’était qu’un point de départ, ce n’est pas un album à fond celtique mais il y a une trame celtique très forte qui le parcourt. La façon dont je le décris, c’est que c’est un album avec pas mal d’âme mais c’est une âme celtique, et ça faisait du bien, c’était très positif. Il est clair que ça a servi de tonifiant à tout ce qui s’était passé dans ma vie au cours des douze mois précédents.
« Nous avons passé les dix dernières années à parler de notre background et héritage irlandais, donc ça a toujours paru un peu étrange à mes yeux que nous n’ayons pas essayé plus activement d’incorporer la partie musicale de cette culture dans ce que nous faisons. »
Qu’est-ce que votre culture et vos racines irlandaises représentent pour vous ?
Elles représentent celui que je suis, la famille d’où je viens. Mes racines irlandaises, j’en ai toujours été fier, le groupe en a toujours été fier. Nous avons passé les dix dernières années à parler de notre background et héritage irlandais, donc ça a toujours paru un peu étrange à mes yeux que nous n’ayons pas essayé plus activement d’incorporer la partie musicale de cette culture dans ce que nous faisons. Le fait que cette opportunité se soit enfin présentée est quelque chose qui me rend vraiment enthousiaste pour l’avenir.
Paul : Il y a assurément une partie de la culture celtique dont je suis très fier et qui m’intéresse, et c’est quelque chose, à mesure que j’ai pris de l’âge, que j’ai un peu plus exploré et avec lequel je suis un peu plus à l’aise, car le fait de grandir en Irlande du Nord, c’était une culture très divisée et tu avais ces influences irlandaises et les influences de l’Angleterre. Et étant Nord Irlandais, c’est clairement distinct par rapport à être Irlandais et être Anglais. Donc je pense que le truc celtique est parfois associé à l’Irlande et au fait d’être Irlandais, et nous sommes différents de ça. Ça en fait partie, oui, mais c’est aussi quelque chose de différent. J’aimerais être représenté comme étant Nord Irlandais plus que simplement Irlandais. Mais je suppose que d’où je viens, je serais davantage perçu comme étant du côté irlandais, et il est certain qu’en grandissant, c’était une chose à laquelle je m’identifiais, mais il n’y avait pas que ça. Il y a certainement une fierté, un exutoire qui vient du côté celtique irlandais des choses. Probablement que je m’en rends davantage compte lorsque je suis loin de chez moi, lorsque je vais en Amérique et ailleurs, il y a une réelle fierté dans notre « celtiquetude ».
Avez-vous été inspirés par des artistes irlandais ? Je veux dire qu’une chanson comme « Left Me Standing » a un côté très Thin Lizzy dans la mélodie…
Oh oui, complètement, Thin Lizzy était une grande influence, dès le premier album jusqu’à aujourd’hui. Aussi Rory Gallagher était une grande influence. Lorsque j’ai commencé à jouer de la guitare, Rory venait juste de décéder en 1995, donc c’était aussi une grosse influence et un musicien que j’ai toujours porté près de mon cœur. Même des choses comme U2 étaient aussi un peu une influence, et certainement dans la façon dont nous avons travaillé sur ce nouvel album. Aussi certains des trucs plus du côté des racines irlandaises, des groupes comme Planxty, The Dubliners, The Bothy Band… Nous avons aussi exploré un peu ça sur cet album. Ils sont toujours en toile de fond mais cette fois, nous nous sommes un peu plus concentrés dessus.
Vous avez même la chanson « In This Land » où il y a un clin d’œil à trois artistes irlandais : Van Morrison, Rory Gallagher et Alex Higgins.
Cormac : Ouais, encore un fois, cette chanson tire beaucoup du côté de notre culture irlandaise immédiate, notre culture nord irlandaise, notre entourage, l’environnement duquel nous avons émergé, la scène musicale de laquelle nous avons émergé en vivant ici en Irlande du Nord et en évoluant en tant que groupe à Belfast. En Irlande du Nord, les gens ont une relation ironique à quiconque a réussi à devenir connu dans notre petit pays. On est fier d’eux et tout mais si un jour on les rencontrait dans la rue, on ne leur dirait pas qu’on en est fier, ce genre de comportement. Donc la chanson « In This Land » est un peu écrite sur un ton ironique mais ça reste une chanson sur la fierté de ce que ces gars ont accompli, et c’est un petit hommage à tous ceux qui ont réussi.
Tu as déclaré que « la bataille entre la lumière et l’obscurité a quelque chose d’intrinsèquement celtique. » Peux-tu développer ce que tu veux dire ?
Là où nous répétions et où l’album a été enregistré, c’est à cinq kilomètres d’un énorme cercle de monolithes, par exemple, et en se baladant dans la campagne où nous vivons, il y a des cercles de monolithes, des pierres levées… Tu sais, j’ai été en voyage familial en France, ne t’inquiète pas mon ami, je sais que vous autres n’êtes pas étrangers à ces vastes champs plein de pierres levées, mais ce genre de vénération celtique préchrétienne qui était centrée sur les saisons et les solstices d’été et d’hiver, il y a quelque chose de profondément enraciné dans cette notion de combat que j’ai évoqué entre la lumière et l’obscurité. Nous sommes entourés par les restes de cette lutte qui remonte à bien au-delà tout ce que nous comprenons. Cet album est tellement ancré dans le pays que j’ai l’impression que notre environnement, la campagne et tout ce que cet album représente est entretenu dans la musique de façon très organique, et notre culture irlandaise en est un fil conducteur. Et comme je dis, il y a bien plus derrière [l’ambivalence entre la] lumière et l’obscurité et les solstices d’été et d’hiver que parfois le monde moderne veut le reconnaître.
Solas est le mot gaélique pour la lumière et l’artwork montre le signe de l’illumination. Avez-vous choisi ce nom et ce symbole parce que vous aviez le sentiment de changer l’obscurité en lumière, le négatif en positif ?
Il y a un voyage dans cet album et ça part de quelque part de très sombre et négatif à quelque part où il y a de l’optimisme et un sentiment que tout ira bien, combiné à la culture et l’héritage irlandais qui existe dans l’album. Il y a de l’irlandais dans quelques-unes de ces chansons aussi et le mot Solas est le mot gaélique pour la lumière, ça semblait juste… Initialement, c’était le titre de travail et à mesure que le projet progressait, ça semblait être le titre parfait pour l’album. Et l’artwork, oui, absolument, c’était une décision consciente d’incorporer un symbole néo-païen sur la pochette parce que tout semblait se lier à toutes les choses qui recouvrent cet album.
Vous avez une chanson qui s’intitule « Beautiful World ». Est-ce que la période d’obscurité t’a fait te rendre mieux compte de la beauté du monde ?
Le titre « Beautiful World » est un peu ironique parce que la chanson en elle-même est écrite sous une perspective très sombre, pas que je veuille me répéter [petits rires]. C’est écrit sous la perspective d’un monde qui s’effondre autour de toi. Cette chanson représente l’une des premières phases du voyage qui a lieu dans cet album. Mais c’est sûr que dès que tu te sors de quelque chose comme ça, tu as une nouvelle appréciation pour la vie normale, et les choses qui se produisent sous tes yeux tous les jours, c’est très facile de les prendre pour acquis et ce n’est plus quelque chose que j’ai l’intention de faire.
Considérerais-tu cet album comme étant conceptuel ?
C’est relativement conceptuel sans que ce soit complètement un concept album, ouais, c’est certain.
« En tant que groupe de rock, au bout d’un moment, tu commences à ressentir certaines limites sur ce qu’on attend de toi, sur ce que devrait être ton rôle dans le groupe, sur ce que tu peux ou ne peux pas enregistrer… […] L’idée était en partie que nous n’aurions strictement aucune limite. »
Solas, musicalement, est un album très différent mais le processus d’enregistrement était également différent cette fois. Vous avez converti votre salle de répétition en une installation d’enregistrement autonome et vous vous êtes enfermés à l’abri du monde. A quel point était-ce important d’être à la fois chez vous et être seulement entre vous ?
Paul : C’était vraiment bien. C’était quelque chose que nous avons construit au fil des années. Nous avons acquis un système ProTools HD à l’époque de Revival. Donc à ce moment-là nous avons commencé à faire des faces B… Et tu sais, nous nous sommes améliorés, nous avons acquis plus de matériel, au point où nous pouvions vraiment faire un album ici. Et nous avons utilisé une partie de ces productions comme des sessions squelettes et un point de départ pour enregistrer ces morceaux. Evidemment, c’est bien plus confortable de le faire à la maison. Tu n’as pas les contraintes de temps que tu as en louant un autre studio ou les contraintes financières. Et ça signifiait aussi, avec les gars ayant eu récemment des enfants, qu’ils pouvaient revenir plus facilement auprès de leur famille. Je pense que le revers de la médaille lorsque tu fais ton travail à la maison, c’est que c’est difficile de s’en détacher. Ca a pris un peu plus longtemps à finir l’album. Nous avons commencé en février et je n’ai pas arrêté d’enregistrer les guitares avant, je crois, la première semaine de juin. Donc ça a pris un peu de temps à tout rassembler. Mais je pense qu’avec la liberté que nous avions, j’ai pu explorer plein de possibilités différentes pour chaque chanson. C’était quelque chose que j’ai vraiment apprécié et adopté. Je pense que c’était nécessaire pour donner une direction légèrement nouvelle au groupe et une approche et un son différents à l’album. C’était très différent de… Pour la plupart des albums, nous avions tendance à nous en tenir à une approche live et essayer de capturer toutes les pistes de base, la batterie, la basse, la guitare rythmique, dans la pièce en simultané en prise live, et ensuite rajouter des enregistrements complémentaires par-dessus ça. Alors que cette fois, tout a été fait individuellement. C’était un processus d’enregistrement très intense en termes de travail fourni. Et le fait d’être à la maison nous a permis d’avoir le temps de le faire, et je pense que c’était très important pour cet album. Et aussi, maintenant que nous l’avons fait ici, avec cette sensation d’accomplissement et de liberté, nous savons que nous pouvons le faire de cette manière, donc ce sera également bien pour le prochain album.
Y avait-il aussi un besoin de solidifier le groupe, d’une certaine façon, après les épreuves que vous avez traversées ?
Oui, clairement. Nous avons un peu dû changer de direction d’un point de vue créatif et après dix ans à faire d’une certaine façon, et une façon en laquelle nous croyions à cent pour cent, c’était un petit peu déconcertant au début mais je pense, certainement, que c’est devenu un processus pour nous rapprocher nous quatre. Je pense que nous avons un peu redécouvert notre amitié. C’est presque comme si nous étions repartis de zéro. Même si c’était très difficile au début, ça valait vraiment le coup. Nous sommes actuellement en train de répéter pour la tournée et c’est tout aussi palpitant qu’il y a dix ans. Nous avons tous les quatre le sentiment de quelque chose de frais.
Tu sembles aussi avoir eu un rôle important, en tant qu’ingénieur, arrangeur et une sorte de guide créatif…
Tu sais, les démos ont été faites avec beaucoup de sérieux, elles auraient pu être l’album. Mon rôle là-dedans était de vraiment explorer les idées de production et ce que nous pouvions apporter au-delà de n’être qu’un simple quartet de blues rock réuni dans une pièce. C’est simplement quelque chose que j’ai fait au fil des années. Je me suis toujours intéressé à l’enregistrement. Ça a commencé avec un simple quatre-pistes et, à mesure que la technologie évoluait, tout le monde a évolué avec, c’était quelque chose que tu devais faire. C’était très important durant les premières étapes de cet album parce que, tu vois, je pense qu’une grande partie des idées venaient… Il y a plein de parties différentes qui avaient leur importance pour réussir une chanson et c’était quelque chose dans le processus d’écriture que nous avons vraiment exploré au-delà du fait de se poser avec une guitare acoustique et un chant et dire « c’est la chanson ». Donc nous avons enregistré et puis je travaillais sur des overdubs de guitare, des boucles et tout, jusqu’à avoir quelque chose [de satisfaisant] et je l’envoyais aux gars et à nos producteurs à Londres, Andy [Bradfield] et Avril [Mackintosh], je les tenais informés de cette façon. Et le processus d’enregistrement a également été fait ainsi. Ils sont venus par période de deux semaines, nous avons fait les batteries dans la première période de deux semaines, ensuite ils sont revenus et nous avons fait le chant, un petit peu de guitares, et puis ils revenaient à Londres, j’enregistrais les guitares ici et je les leur envoyais à Londres pour être mixées. Donc il y avait besoin que quelqu’un puisse jouer le rôle d’ingénieur et travailler séparément d’eux, pour aboutir le projet. Voilà comment j’ai dû m’impliquer et j’étais content de le faire.
Comme tu l’as mentionné, vous avez fait appel aux producteurs Andy Bradfield et Avril Mackintosh mais à distance. Vous ne vouliez pas qu’ils soient trop impliqués dans l’aspect créatif ?
Ils étaient impliqué jusqu’à un certain degré. Les chansons étaient toutes composées et enregistrées en démo, ils avaient une sorte d’approche du son qui était déjà là pour donner une trame. Mais ensuite, il y a eu des choses… Une chanson comme « Beautiful World » était quelque chose pour laquelle ils ont tous les deux joué un rôle clé dans la conception, car je crois qu’Andy a également travaillé avec Neil Davidge par le passé, donc il comprend plus ou moins cette façon de travailler plus atmosphérique, électronique et cinématographique mais aussi un groupe de rock. Donc sur ce morceau, Andy a joué un rôle très important pour mêler ces deux approches. Je pense qu’en écoutant cette chanson en particulier, tu peux entendre que la première moitié est plus dans le monde cinématographique, atmosphérique de ce que Neil Davidge a apporté et puis la seconde moitié est plus ce que nous faisons, et Andy a pu faire en sorte que les deux fonctionnent ensemble sans que ce soit trop différent ou abstrait. Et je pense que certains types d’éléments de production sur des morceaux comme « Thief Of Light », qui sont très atmosphériques, il a été très important pour les mettre en place. Avril était très importante vocalement. Elle est l’une des meilleures au monde, parmi les producteurs vocaux et elle travaille incroyablement bien avec Cormac. Elle entend des choses à côté desquelles la plupart des autres personnes passeront. Elle a eu un rôle très important de cette façon également. Mais nous avions vraiment un grand niveau de liberté sur cet album. A certains moments, on nous a laissé gérer les choses nous-même, et ça n’était jamais arrivé auparavant. Tout ça a apporté une approche différente et un son différent.
Tu as mentionné Neil Davidge qui a co-composé « Beautiful World », il est connu pour avoir produit et composé avec Massive Attack. Comment vous êtes-vous retrouvés à collaborer avec lui ?
Je suppose que la réponse courte est que nous avons le même management que Neil. Donc c’est quelqu’un au sujet de qui nous nous tenons informé depuis quelques années et il nous connaissait aussi. Et il y avait des discussions pour faire quelque chose ensemble un jour, peut-être Neil qui produirait un morceau ou composerait un morceau avec nous et c’est devenu « Beautiful World ». Je pense que Neil a originellement pris contact avec Cormac pour faire du chant sur un morceau et il a envoyé des idées, et nous avons commencé à travailler dessus et nous trouvions que nous pouvions en faire quelque chose pour The Answer. Donc nous avons un peu travaillé ainsi par échange et « Beautiful World » en était le résultat.
« Je n’aimerais jamais avoir à me dire que les gens savent ce qu’ils obtiendront de nous et prennent pour acquis que nous allons simplement sortir un autre album de rock n’ roll. »
Vous aviez déjà travaillé avec Andy et Avril sur votre premier album Rise. Pourquoi êtes-vous revenus auprès d’eux après tant de temps ?
Nous avons de joyeux souvenirs de Rise. Je pense qu’ils ont capturé un important moment dans le développement de notre groupe. Nous étions assis, nous étions peut-être en train d’enregistrer des démos pour trois chansons à l’époque, nous pensions : « Qu’allons-nous faire avec cet album ? Est-ce qu’on va le produire nous-même ? Est-ce qu’il y aurait quelqu’un d’autre qu’on pourrait impliquer ? » Et les noms d’Andy et Avril sont sortis.
Cormac : J’ai mentionné en blaguant les noms d’Andy et Avril parce qu’il ont passé les dix dernières années à mixer et produire des BO de bons gros films hollywoodiens, en devenant eux-mêmes très réputés et populaires. Donc je me suis dit qu’ils ne voudraient même pas envisager l’idée de faire un autre album avec nous. Mais j’ai pensé à envoyer un texto à Avril, pour rigoler plus qu’autre chose, et elle m’a répondu : « T’es sérieux ?? » Ca a initié la conversation qui a mené à ce que tous les deux acceptent de faire l’album.
Paul : Nous avons un peu rattrapé le temps perdu, comme de vieux amis. Ils ont dit d’envoyer quelques morceaux, nous leur avons envoyé ce que nous avions et ils ont vraiment apprécié. Ils étaient excités à l’idée que nous fassions quelque chose d’un peu différent d’avant. Ils avaient le sentiment de pouvoir apporter quelque chose et nous aider à emprunter cette voie. Nous les avons fait venir, avons passé toutes les chansons que nous avions en revue, avons établi un plan pour commencer à enregistrer et voilà, ça a vraiment bien marché !
Cormac : Je respecte vraiment ces gars, ce sont des génies dans leur domaine. Pour la nature cinématographique de cet album, ils étaient parfaits. Avril, en tant que producteur vocal, est la meilleure au monde. Je trouve toujours que le chant qu’Avril a enregistré sur le premier album est le meilleur que j’aie jamais fait et je voulais essayer de puiser dans cette magie à nouveau. Nous avons passé de nombreuses nuits à chanter les chansons de cet album jusqu’à ce que soit exactement comme il faut. Elle a fait du super boulot !
Elle semble faire ressortir le meilleur de toi. Comment parvient-elle à faire ça ?
Je ne sais pas. Il faut qu’il y ait une bonne entente, il faut qu’il y ait un respect mutuel, il faut qu’il y ait une authentique amitié aussi, de façon à ce que les prises de chant ne donnent pas l’impression d’être du travail mais une partie agréable du processus. Honnêtement, pour je ne sais quelle raison, les prises vocales que j’ai faites sur cet album sont ma partie préférée de tout le processus et j’ai vraiment apprécié tout le processus, à commencer par la composition jusqu’aux douze heures par jour que Paul et moi avons passé assis en studio à enregistrer la même partie de guitare encore et encore jusqu’à ce que ce soit bien. J’ai adoré chaque seconde de toute la création de Solas. Mais Avril a rendu le côté vocal bien plus amusant. Je savais plus ou moins à l’époque que le travail qu’elle me poussait à abattre était de grande qualité et ça te donne suffisamment de confiance pour vraiment t’exprimer et te rendre justice.
Il y a beaucoup d’émotion dans ton chant sur cet album, avec des parties de chant qui ne ressemblent à rien de ce qu’on a entendu de ta part jusqu’à présent. As-tu le sentiment d’avoir grandi en tant que chanteur sur cet album ?
Pas vraiment parce que je suis toujours en train d’essayer de m’améliorer dans ce que je fais, bien sûr, mais je pense juste que la musique qui est sur cet album a fait qu’il était plus facile pour moi de m’exprimer de façon plus variée. Je n’ai pas besoin de chanter à fond tout le temps sur cet album parce que certaines de ces chansons réclament un peu plus de subtilité et de variations. Donc c’était une bonne opportunité d’utiliser les outils que j’ai à bon escient. Encore une fois, je dois saluer les gars parce que ce sont eux qui ont posé la musique et m’ont permis de m’éclater par-dessus. C’était épanouissant parce que même du point de vue des paroles, j’essaie toujours d’écrire des paroles profondes qui viennent directement du cœur. Et j’essaie de mettre autant de passion et d’émotion que possible dans les chansons, en faisant ce que je fais, c’est-à-dire chanter et une grande partie de l’écriture des paroles. Parfois ces paroles ont tendance à se perdre dans une chanson qui est peut-être un peu trop à fond dans un rock n’ roll basique en quatre-quatre, où les subtilités que j’essaie de dire ne ressortent pas. Ce n’est pas un souci, ça fait partie de ce que nous faisons, ce que nous avons fait par le passé. Mais je pense qu’il y a plus de place dans cet album pour dire quelque chose d’un peu plus important et j’espère que les gens prêteront un peu plus attention aux paroles et à la façon dont je chante sur les chansons de cet album.
Peux-tu nous en dire plus sur ce duo que tu fais avec Fiona O Kane sur « Real Life Dreamers » ?
Fiona est une bonne amie à moi de Belfast, elle chante dans un groupe dénommé Runaway GO, un groupe nord irlandais local ; ils ont sorti deux albums et c’est vraiment un groupe de grande qualité. Ils ne sont pas vraiment de la même scène hard rock que nous, ils sont un peu plus indé que ça mais je connais Fiona depuis quelques années maintenant et j’ai un grand respect pour elle en tant que personne et en tant que chanteuse. J’avais dans l’esprit que je voulais faire un duo sur cet album et je voulais un genre de texture féminine sur certaines autres chansons pour apporter un autre élément, je suppose, au petit ajustement du paysage sonore que nous avons opéré sur cet album. Et Fiona était la première personne à laquelle j’ai pensé. Je lui ai passé un coup de fil et elle était là deux jours plus tard à poser un tas de lignes de chant pour plusieurs chansons. Certaines parties de chant qui sont sur l’album, elle les chante mais elles sont un peu fondues dans la texture globale de la chanson, mais sur « Real Life Dreamers », elle a l’occasion de montrer au monde ce dont elle est capable et elle a fait un super boulot. C’était l’un des énormes bénéfices d’enregistrer un album ici en Irlande, dans notre propre studio, le fait que nous pouvions demander de l’aide, faire appel à nos amis et impliquer des gens pour jouer les différents rôles dont nous avions besoin, mais des gens qui signifiaient beaucoup pour nous, au lieu d’embaucher des musiciens de session pour venir automatiquement et parfois apprendre froidement le morceau, le jouer, prendre l’argent et repartir. Là, c’est différent. Il y a un côté plus famille dans le studio. Nous avions Keith Weir de The Quireboys aux claviers, nous avons Fiona qui chante un duo et plein de chœurs, nous avions un groupe de samba de Belfast qui s’appelle The Streetwise Samba Band qui est venu et a passé un jour entier à enregistrer l’outro de la troisième chanson, « Battle Cry »… Donc nous avons vraiment pu maintenir ça au sein la famille élargie de The Answer pour cet album et ça faisait du bien, ça donnait le sentiment d’être dans l’esprit de l’album.
« La création de cet album m’a rappelé comment c’était lorsque The Answer n’était pas sous contrat et n’avait pas encore fait d’album. Nous écrivions des chansons uniquement parce que ça faisait du bien. »
Il y a plein d’arrangements et d’éléments riches dans cet album, comme de la mandoline, des chœurs irlandais, même des percussions de samba… N’y avait-il aucune limite ou règles créatives quant à ce qui pouvait ou ne pouvait pas être dans cet album ?
Paul : Ouais, c’était vraiment comme ça. C’était peut-être la première fois que nous avons décidé qu’il n’y aurait aucune limite vis-à-vis de ce que nous pouvions ou pas faire en termes d’enregistrement. En tant que groupe de rock, au bout d’un moment, tu commences à ressentir certaines limites sur ce qu’on attend de toi, sur ce que devrait être ton rôle dans le groupe, sur ce que tu peux ou ne peux pas enregistrer… Je pense que cette fois, l’idée était en partie que nous n’aurions strictement aucune limite. Aussi, lorsque nous avons commencé à écrire et enregistrer, nous ne pensions pas tellement en termes de « nous devons faire l’album de The Answer numéro six. » C’était plus « soyons libres au niveau créatif et explorons chaque morceau et amenons-les aussi loin que nous le pouvons. » Dès que quelqu’un avait une idée, nous voulions toujours l’essayer. Nous avons essayé de faire appel à un groupe de samba, jusqu’à chanter en Irlandais, jusqu’à jouer de la mandoline, du clavier, rajouter des textures de synthés… Tout était ouvert. Et c’était assez différent de composer les chansons. L’ancien processus standard était que nous nous rassemblions, commencions à jammer dans une pièce ensemble et tous les riffs intéressants qui ressortaient, nous les explorions, voyions si nous pouvions construire quelque chose avec. Pendant ce temps, Cormac était dans la pièce à écouter et puis il trouvait des idées de chant par-dessus, et nous prenions ceci comme un point de départ pour la façon dont nous créons. Au-delà de ça, nous écrivions individuellement, et amenions certains trucs qui étaient un peu plus finis et moins improvisés, si tu veux, et les chansons se faisaient aussi comme ça. Alors que cette fois, je ne pense pas qu’il y ait eu de quelconques improvisations. Tout venait de la guitare acoustique en tant que trame pour le morceau. Et puis nous enregistrions ça et faisions une sorte de mélodie, explorant la structure avec ProTools ; c’est un peu devenu un véritable outil qui nous permettait de découpler les arrangements et d’essayer différentes structures, différentes variantes. Et ça signifie que nous n’avions pas besoin d’être là tous les quatre en même temps. Je prenais les motifs rythmiques de James et les découpais, j’utilisais des boucles et autres pour créer certaines chansons. Des choses comme « True Colour », « Solas » et « Battle Cry », nous explorions leurs arrangements de cette façon.
Pensez-vous que Solas soit un tournant pour The Answer ?
Cormac : Je le crois fortement, ouais. Je pense qu’une fois que les fans auront passé le choc initial du son différent de l’album, je suis assez confiant sur le fait qu’ils vont apprécier.
Paul : Avec chaque album nous essayons de faire quelque chose d’un peu différent, tu as une chanson là-dedans qui est peut-être quelque chose d’un peu différent d’avant. Parfois je pense que ça passe inaperçu mais il est certain que sur cet album, même l’auditeur occasionnel remarquera que ça représente un certain changement pour nous. Je pense qu’après tous les moments sombres et la négativité que nous ressentions à la fin de Raise A Little Hell, le fait d’avoir surmonté ça, de toujours être enthousiaste et toujours avoir la fraicheur, nous quatre, c’est certainement un tournant.
Cormac : Et en plus de ça, j’espère que l’album atteindra quelques nouvelles personnes également. Mais même rien que d’un point de vue créatif, ça a complètement ouvert les directions que nous pourrions faire prendre à ce groupe au cours des prochaines années. Il se passe tellement de choses dans cet album, il y a tellement de variété que notre prochain album, qui sait comment il pourra sonner ? C’est palpitant ! Ça aide à conserver cette passion nécessaire et ce feu en moi en ce moment et au sein de groupe collectivement, et ça ne présage que du bon pour l’avenir.
Paul : Nous sommes surexcités à l’idée d’avancer dans la suite de notre carrière, déjà excités par le prochain album que nous ferons.
N’avez-vous pas un peu peur que certain de vos fans se sentent un peu perturbés par cet album ?
Ouais, c’est toujours quelque chose qui peut arriver. Je pense qu’il y a suffisamment de choses là-dedans pour que les gens qui aiment le groupe apprécient quand même cet album. Il y a peut-être quelques chansons qui sont plutôt du genre « tu adores ou tu déteste », et c’est quelque chose que nous devions faire. Nous ne pouvions pas refaire le même album. Il est certain qu’il y a toujours des attentes et une pression pour que nous fassions une autre version de Rise, et nous n’avons jamais voulu faire ça. Peut-être que ça aurait été mieux pour nous si nous l’avions fait mais je ne pense pas que le groupe durerait très longtemps si nous le faisions. Nous devions faire quelque chose de différent sur Solas. Je pense qu’il y a suffisamment de choses que les fans pourront encore apprécier.
Cormac : J’espère qu’ils se sentiront perturbés ! Car le dénouement de cet album, c’est en partie de secouer les choses, en premier lieu dans le groupe, dans de ce que nous faisons en studio et sur scène. Je n’aimerais jamais avoir à me dire que les gens savent ce qu’ils obtiendront de nous et prennent pour acquis que nous allons simplement sortir un autre album de rock n’ roll. Raise A Little Hell, notre cinquième album, est un super album de rock n’ roll, c’est un super album de blues rock, et il y a plein de saveurs différentes là-dedans également mais le problème que je commençais à avoir était que dans tous nos albums, il y a plus que du simple rock n’ roll basique en quatre-quatre dans lequel nous sommes parfois catégorisé et étiqueté. Car parce que ça ne représente qu’une ou deux chansons sur l’album, les gens ont tendance à ignorer la part plus subtile de ce que nous faisons. Donc je voulais faire un album entier qui mettrait en lumière le fait que nous ne sommes pas qu’un autre groupe de rock n’ roll. Ce que nous faisons, c’est plus que se contenter de suivre une formule en hommage à ce qui s’est passé avant. Nous avons toujours été un groupe convaincu qu’il faut faire avancer le rock et ce que nous faisons, qui croit dans la progression, dans le développement de notre son, dans le fait d’essayer quelque chose qui soit pertinent et qui comptera. De certaines façons, la création de cet album m’a rappelé comment c’était lorsque The Answer n’était pas sous contrat et n’avait pas encore fait d’album. Nous écrivions des chansons uniquement parce que ça faisait du bien et nous nous éclations, pas parce que nous avions besoin d’écrire un type de chanson particulier pour un type d’album de façon à ce que notre maison de disque ne soit pas furieuse et à satisfaire notre management, les tourneurs, les agents, les fans et toutes ces différentes voix dans nos oreilles. Cet album est pour nous. L’une des premières choses sur lesquelles j’ai insisté auprès des gars dès que j’essayais de les convaincre, c’était que nous avions besoin d’avoir un esprit ouvert, « oublions tout ce que nous avons fait au cours des dix dernières années, » « écrivons les chansons uniquement parce que ce sont de bonnes chansons, » et de revenir à ce type d’esprit expérimental qui était auparavant un des fondements du groupe.
Interview réalisée par téléphone les 7 et 12 octobre 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Charlie Gray.
Site officiel de The Answer : www.theanswer.ie
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Nouveau CD très différents mais très jolie.
Des belles musiques avec un côté acoustique qui fait du bien dans ce monde de brute.
Après on sort complétement du cadre métal, ça ne deviendra pas un classique du rock.
Je suis plutôt étonné d’apprendre que rise a little hell n’ai pas fonctionné.
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Hum , je les ai vu en Live au RaismesFest et ils m’ont assez laissé sur ma fin , après Myrath sa a un peu calmé les gens !
Puis le chanteur dit qu’il adore la france pour la bière et que sa bière francaise préférée étais la Duvel ! Particulièrement comique !
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Touché Cormac ! J’étais plus qu’indifférent à votre groupe. Cet album est une bombe d’émotions. Chapeau !
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