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Interview   

The Answer : remise à zéro


Ils nous avaient laissés en 2016 avec le surprenant Solas. Le groupe y explorait ses racines celtiques et des ambiances plus tamisées. Certes, The Answer paraissait par moments transfiguré, mais il s’agissait là d’un des meilleurs exemples d’« écart de conduite » ou de renouvellement artistique réussi. L’album a été suivi d’une année de tournée, puis… silence radio. Ce n’est que l’année dernière que le quatuor a refait surface avec une mise au point et l’annonce d’un nouvel album : « Après six albums et quantité de kilomètres sur la route, nous avons estimé avoir besoin de prendre du recul sur tout ça et de faire une remise à zéro. Même si ça n’a pas été une décision facile, avec le recul, c’est la meilleure que nous ayons jamais prise parce que le résultat est l’album que nous avons attendu de faire toute notre vie… plein de bon rock n’roll et d’énergie positive créés par quatre frangins qui, très franchement, se sont manqué. »

Tout est dit : Table rase des expérimentations de Solas, place au The Answer de la première heure, l’expérience en plus. Sundowners est un album hors du temps, sur lequel ça fuzze et ça groove, et grâce auquel on oublie tous nos tracas. Il y aura les déçus de ne pas voir le groupe s’engouffrer davantage dans l’ouverture qu’il avait entrouverte, et il y aura ceux qui seront ravis de ce retour aux sources – il faut le dire – en grande forme. Dans tous les cas, les uns comme les autres devraient trouver les réponses à leurs questions dans l’entretien qui suit, dans lequel on aborde avec le guitariste Paul Mahon et le chanteur Cormac Neeson aussi bien le hiatus de ce « reset » et bien d’autres sujets sur la carrière des Irlandais.

« Initialement, quand nous avons fait la pause, je ne savais pas quand nous allions revenir. Rien n’était décidé, et à certains moments, je n’étais même pas sûr que nous reviendrions. »

Quand nous nous sommes parlé en 2016, Paul, tu as dit que vous étiez « surexcités à l’idée d’avancer dans la suite de [v]otre carrière, déjà excités par le prochain album que [v]ous feri[ez] ». Aujourd’hui, Sundowners est votre premier album en pas moins de sept ans, ce qui est un énorme laps de temps pour The Answer, sachant que vous n’avez pas tourné depuis décembre 2017. Qu’est-ce qui vous a fait dire que c’était le moment de faire une longue pause ? Ce hiatus était-il même prévu ou s’est-il produit naturellement ?

Paul Mahon (guitare) : Je pense que c’est arrivé naturellement. Solas était un album intéressant à faire. Il a eu un accueil mitigé. Certaines personnes l’ont beaucoup aimé. D’autres ont été un peu déroutées. Mais quand nous avons tourné pour le soutenir, les gens l’ont un peu mieux compris, et je pense que le groupe lui-même l’a mieux compris. A l’époque, il y avait une envie de faire un autre album dans cette veine, peut-être un peu différent sur la base de ce que nous avions appris en jouant ces chansons en live. Mais ensuite, après la tournée, pas mal de changements dans la vie de chacun et du groupe se sont produits. Nous avions espéré aussi que l’album serait un peu mieux reçu qu’il ne l’a été et ayant été un groupe pendant vingt ans, nous en étions arrivés à un point où une pause semblait être la meilleure chose à faire, ce que nous avons fait. Sept ans ça peut paraître long. Ça l’est, mais… Et initialement, quand nous avons fait la pause, je ne savais pas quand nous allions revenir. Rien n’était décidé, et à certains moments, je n’étais même pas sûr que nous reviendrions. Mais quand nous sommes revenus, nous avons reçu une offre de Golden Robot en 2019, donc moins de deux ans après le début de la pause, et nous avons décidé de faire un autre album. Ensuite, avec le Covid-19, il y a eu de multiples retards, ça a repoussé l’album de peut-être deux ou trois ans. Donc, c’est sept ans, mais ça aurait pu être bien plus tôt. Je suis tout aussi excité par le nouvel album que je l’étais à l’idée d’en faire un après Solas la dernière fois que nous nous sommes parlé.

Je sais, Cormac, que tu as fait ton album solo, White Feathers, en 2019, mais qu’avez-vous fait pendant ces années de pause ?

Cormac Neeson (chant) : Oui, tout le monde est resté très créatif. Nous avons saisi l’occasion de travailler sur différents types de projets. Evidemment, j’ai fait mon album solo, j’ai commencé à écrire avec différents artistes et dans différents genres. Je sais que Micky [Waters] a pas mal travaillé avec différents artistes sur différents styles de musique – tous les styles qui existent sauf le rock n’ roll. Paul et James [Heatley] sont également restés très actifs. Nous avons apprécié étendre notre palette créative et, pour l’avenir, tout le monde a désormais ces autres exutoires. Ainsi, par exemple, si nous composons des chansons pour le prochain album de The Answer et que nous avons écrit une très bonne chanson mais qui ne convient pas forcément au projet, elle aura quand même une chance de survivre. Je suppose que ça nous permet de vivre une expérience plus complète en tant qu’artistes, performers et compositeurs. Ce que nous avons fait durant l’intérim a été un facteur important contribuant à ce que nous faisons aujourd’hui.

Vous avez fait votre premier concert suite à votre retour le 3 décembre dernier au Planet Rockstock. Comment était-ce de remonter sur scène avec le groupe cinq ans après votre dernier concert ? N’étiez-vous pas un peu rouillés ?

Paul : Oui, nous étions très rouillés ! [Rires] C’était tout ce qu’on peut imaginer : c’était rouillé, c’était comme à la maison, c’était comme si nous n’étions jamais partis… C’était vraiment excitant de remonter sur scène. C’était aussi un peu frustrant. Tous les artistes te le diront, quand on fait un nouvel album, on a juste envie de le jouer. Nous n’avions pas joué depuis cinq ou six ans et tout ce que nous voulions, c’était jouer le nouvel album, mais le public n’avait évidemment entendu qu’une ou deux nouvelles chansons à ce moment-là et il voulait entendre les vieux morceaux parce que ça faisait très longtemps. Je crois que nous avons joué trois nouvelles chansons et le reste étaient les tubes. Les nouveaux morceaux sont bien passés et pour certains des anciens, nous avons peut-être oublié quelques plans ici et là, mais c’est revenu à la moitié de concert. Au début, j’étais peut-être un petit peu blasé, comme si ce n’était qu’un concert de plus, mais il est clair qu’à la mi-concert j’ai moi aussi été envahi par l’émotion. Quand tu voyais le public, tu te rendais compte qu’il se souciait toujours de nous. Ça a créé une atmosphère très spéciale et ça nous a ouvert l’appétit pour repartir en mars et avril.

Cormac : Ça fait du bien d’être rouillé à nouveau ! [Rires] Quand nous avons fait la pause, ça faisait depuis notre premier album que nous tournions constamment. Il y a des moments où ça sonne trop répété pour un groupe de rock n’ roll plein de soul. Il y a donc de nouveau une part de danger à chaque fois que nous montons sur scène, ce qui me rappelle un peu nos débuts quand nous apprenions quoi faire et prenions un peu plus de risques avec nos prestations live. C’est donc bien d’avoir faim et de retrouver ce sentiment de danger.

Vous avez qualifié le nouvel album Sundowner de « réinitialisation totale » et dit que vous aviez l’impression d’être « de retour au début ». Avez-vous l’impression que l’excitation que vous avez connue en faisant votre premier album Rise s’était progressivement estompée à mesure que vous avanciez dans cette industrie ?

En tant que groupe, vous ne vivrez jamais la même expérience que celle que vous avez vécue en enregistrant votre tout premier album, peu importe où l’industrie vous emmène ou le parcours après ça. Mais oui, l’un des grands bénéfices est que nous revenons avec une passion renouvelée pour ce que nous faisons. Des six albums sortis après Rise – Sundowners étant le septième –, celui-ci est clairement le plus proche de ce que nous avons ressenti quand nous avons enregistré le premier album, si ça a du sens, parce que nous avons eu sept ans pour accumuler des chansons. C’était la première fois depuis longtemps que nous nous réengagions dans ce processus, donc il y a une énergie très présente et excitante comparable à ce que nous avons connu avec Rise et qui s’est mêlée à cet album.

« Il y avait cette idée que The Darkness allait être le Queen du vingt et unième siècle et nous le Led Zeppelin. On entend ce genre de chose, mais ce n’était pas vraiment ce qui nous motivait ou ce que nous pensions vraiment. »

D’ailleurs, quels étaient votre état d’esprit et votre ambition quand vous avez créé ce groupe ?

Paul : Nous voulions conquérir le monde ! [Rires] Non, je pense qu’à l’époque, c’était simplement la musique que nous adorions et quand nous nous sommes réunis, nous avions une certaine alchimie qui s’y prêtait d’emblée. Nous n’avons pas dû nous forcer. Nous voyions à l’époque que le classic rock ou le blues rock, peu importe comment on veut appeler ça, était sous-représenté dans les médias. Nous nous disions qu’il y avait une place pour ça et qu’il fallait le faire revenir. Ça faisait partie de la motivation. A peu près à cette période, si on remonte à 2003 ou 2004, il y avait une petite explosion, avec des groupes comme The Datsuns, The Darkness et nous-mêmes. On avait l’impression que quelque chose de nouveau était en train de se produire, nous en faisions partie et nous le tirions en avant. Nous voulions emmener ça aussi loin que nous le pouvions. De même, nous faisions des démos et nous étions courtisés par Atlantic Records. Il y avait cette idée que The Darkness allait être le Queen du vingt et unième siècle et nous le Led Zeppelin. On entend ce genre de chose, mais ce n’était pas vraiment ce qui nous motivait ou ce que nous pensions vraiment. C’était juste de la musique que nous aimions.

C’est clairement un album retour aux sources pour The Answer, tandis que votre précédent, Solas, s’écartait de votre style habituel avec des influences celtiques, etc. Même si c’était rafraichissant et que ça allait probablement mieux avec ce que, Cormac, tu avais à exprimer, avec le recul, pensez-vous que ce n’était plus The Answer ?

Cormac : Je ne dirais pas ça, non, parce que nous nous y sommes mis et l’avons travaillé en groupe, et en particulier Paul et moi-même avons fait beaucoup de postproduction sur cet album. Nous avons bossé très dur pour façonner le son. Mais je dirais qu’une des différences entre Solas et Sundowners est que Paul et moi avons passé beaucoup de temps et avons beaucoup travaillé pour produire et concevoir le son de cet album, alors que nous n’avons pratiquement pas travaillé le son et l’atmosphère de Sundowners. Sundowners est probablement plus naturel pour nous, mais à la fois, comme Paul le disait, nous avons dès le départ fait avancer le genre musical. Ça a toujours été important pour nous. Si tu écoutes les sept albums, chacun est différent, et chacun essaye de continuer à présenter le rock n’ roll et la musique de The Answer de manière fraiche pour éviter d’être catalogué et de tomber dans les mêmes vieux clichés dans lesquels il est facile de tomber quand on est un groupe de rock n’ roll – j’ai trop souvent vu ça. Solas était une étape nécessaire dans le parcours et il est très qualitatif, mais je ne pense pas pour autant que Sundowners tombe dans quelque piège prévisible que ce soit. Je suppose juste qu’il est plus proche du son que nous créons naturellement quand nous nous réunissons dans une pièce.

Je sais, Paul, qu’à l’origine tu « n’étais pas extrêmement enthousiasmé par » les influences celtiques et que tu « ne trouvais pas que c’était la solution complète à ce que [v]ous avi[ez] besoin de faire ». Du coup, qu’en penses-tu maintenant ? Était-ce la solution ?

Paul : C’est une bonne question. Maintenant que nous sommes de retour et que nous avons fait un album pour lequel nous sommes unanimement d’accord pour dire qu’il est très bon et fait peut-être même partie de nos meilleurs, si ce n’est notre meilleur, je dirais oui, c’était le bon chemin à prendre. Pour contextualiser un petit peu, nous venions juste de tourner avec – je crois – Whitesnake en Amérique, et j’avais vu comment, encore une fois, le classic rock et le blues rock étaient accueillis là-bas. C’était encore incroyablement important et ça semblait être un genre musical très populaire. Nous avions vu des groupes comme Lynyrd Skynyrd et toutes ces formations classic rock, j’étais très excité à l’idée de suivre cette voie. Pas que ce soit très différent de ce que nous étions en train de faire, mais ce que j’imaginais était plus dans la veine de Sundowners, très root, mais quand même blues rock.

Une chose que Sundowners et Solas ont en commun, c’est le peu de temps que nous avons eu ensemble pour les écrire, pour diverses raisons. Quand nous étions en train d’écrire Solas, certaines chansons étaient d’anciens morceaux que nous avions composés pour New Horizon – je ne sais pas s’il y en avait issus de Raise A Little Hell aussi –, mais nous les avons pris et les avons réimaginés. C’était souvent Cormac et moi qui œuvrions en postproduction et préproduction. Ça limitait donc un peu ce que nous pouvions faire, alors qu’avant, nous étions tous les quatre ensemble dans la pièce et nous jammions sur des idées, et ça donnait le ton pour ce que l’album deviendrait plus tard. Evidemment, nous travaillions tous sur des idées chacun de son côté, mais on avait toujours l’impression que ces quelques premières semaines où nous jammions ensemble donnaient une direction. Pour Solas, il n’y avait pas tellement ça. C’était donc un peu par nécessité que nous avons pris un autre chemin et le côté celtique était une influence dans laquelle nous avions déjà peut-être un peu trempé nos pieds avant, mais pas tant que ça, et ça semblait nous permettre de faire l’album avec le peu de temps que nous avions ensemble tout en restant fidèles à qui nous étions en tant que The Answer, en considérant et intégrant vraiment notre héritage irlandais. Peut-être que, pour ma part, quand j’avais dans l’idée que ça devait aller dans une direction et que c’est finalement parti dans une autre direction, ça m’a un petit peu ébranlé au départ, mais je pense qu’avec le temps, j’ai pu voir pourquoi ça devait être comme ça. Solas était un album difficile à faire, mais aussi plaisant du fait que nous avions énormément de contrôle dessus. C’était la réponse longue, mais la courte c’est : oui, il fallait que ce soit ainsi [rires].

« J’ai compris que peu importe si tu écris le meilleur hymne rock du monde, ça ne veut pas dire que tu seras le groupe le plus célèbre du monde. »

Comme je l’ai dit plus tôt, Cormac, trois ans plus tard, tu as fait ton album solo avec lequel tu as exploré l’americana, la country, le delta blues et la musique folk irlandaise : penses-tu que de faire ça, ça t’a aidé à revenir en mode The Answer et à être plus focalisé sur ce qu’est ce groupe ?

Cormac : Oui, à cent pour cent. Je pense que les différents projets de chacun durant cette période ont contribué à renforcer le sentiment de focus sur cet album. C’est en partie la raison pour laquelle il semble avoir une jolie clarté par rapport à l’identité du groupe et au message que nous essayons de faire passer au travers de Sundowners. Comme je l’ai dit, en répondant à ta seconde question, il y a – et il y a eu par le passé – des moments où tu écris une bonne chanson dans la salle de répétition de The Answer et parce que c’est une bonne chanson, tu essayes de l’intégrer à l’album ou à ce sur quoi tu travailles à ce moment-là, mais il se peut que par défaut, celle-ci compromette la fluidité du style de l’album. Or quand nous étions en train de faire cet album, ça faisait longtemps que nous avions été séparés et nous savions que nous voulions faire du bon vieux rock n’ roll. Plus que pour n’importe quel album que nous avons fait, nous travaillions tous avec le même but créatif en tête. Pour moi, personnellement, absolument. Lorsque je crée avec The Answer, je sais que j’ai d’autres choses en périphérie qui font que, si j’ai envie d’expérimenter avec l’americana, le psychédélique, le prog, le jazz, peu importe, je peux le faire. Rien ne nous empêche de nous amuser avec d’autres projets. Mais pour cet album en particulier, nous savions que nous voulions que ce soit un album puissant, expressif et positif. Toute décision créative que nous avons prise en chemin a été guidée par ce principe et cet objectif centraux.

D’un autre côté, n’avez-vous pas voulu conserver un peu de vos racines irlandaises dans votre musique, car au final, ça fait partie de vous ?

Oui. Pour être honnête, je pense que c’est dedans. Je pense qu’on peut ressentir que Sundowners n’a pas été composé par un groupe de la côte est américaine, ni par un groupe français, mais par quatre frangins irlandais. Evidemment, nous sommes loin d’avoir cultivé nos racines irlandaises autant que nous l’avons fait dans Solas, nous les avons juste laissées s’infiltrer naturellement dans l’album. Je pense que ça a toujours fait partie de ce qui rendait The Answer unique.

A l’époque de Solas, Paul, tu nous avais dit que « la réaction commerciale [par rapport à Raise A Little Hell] ne correspondait pas à ce que [v]ous pensi[ez] avoir créé » et que vous auriez pu « faire un autre album comme Raise A Little Hell, peut-être même un qui aurait été meilleur, et il aurait juste obtenu le même accueil ». A cause de ça, tu avais ressenti pas mal de négativité à la fin du cycle de Raise A Little Hell. Est-ce que ce reset a changé tes attentes commerciales et même ton approche de cette industrie et de ta carrière ? Ou t’attends-tu à ce que Sundowners réussisse aussi bien que votre premier album Rise ?

Paul : [Rires] Oui, ça a été un vrai reset à cet égard aussi. Raise A Little Hell était un album avec lequel j’avais l’impression que nous poussions tous dans la bonne direction. Il n’était pas parfait, mais je trouvais qu’il était meilleur que l’accueil qu’il a reçu. Je suppose que j’étais en train de percuter que tous les groupes ont une durée de vie pendant laquelle ils sont sous les projecteurs et arrivent un stade où soit ils explosent en supernova et vendent des millions d’albums, soit ils atteignent un plafond. Je pense que ce plafond me frustrait à l’époque. Il m’a fallu quelques années pour faire une remise à zéro là-dessus, y réfléchir et me rendre compte exactement de ce que c’était. Le fait de réunir tout le monde, de pouvoir faire un album, de l’écrire et l’enregistrer, et maintenant de partir en tournée pour le défendre, a été un processus très plaisant au cours duquel l’opinion de chacun était entendue. Je pense que c’est tout ce qu’on veut, et là encore, ça renvoie aux premières années du groupe. C’est ça le succès et telles sont nos attentes.

Les problématiques commerciales, comme le nombre d’albums qu’on vend ou de clics qu’on obtient sur Spotify, peu importe, c’est totalement hors de notre contrôle. J’ai compris que peu importe si tu écris le meilleur hymne rock du monde, ça ne veut pas dire que tu seras le groupe le plus célèbre du monde. Donc le critère pour tout le monde dans ce groupe est de faire ce que nous pensons être le meilleur album que nous pouvons faire. Le reste, nous n’avons pas la main dessus ; si les gens veulent que ça devienne énorme, alors c’est super. Peu importe le succès qu’il aura, je serai content de ce que nous avons créé. Une chose que je dis toujours : quand tu fais un album, il doit être bon, tu dois en être satisfait, parce que c’est toi qui vas te retrouver à le jouer pendant un an. Si tu n’es pas satisfait de l’album et que tu le joues tous les soir, c’est très difficile à gérer mentalement et spirituellement [rires]. Avec celui-ci, je peux honnêtement dire que c’est quelque chose que j’adore jouer tous les soirs. En Formule 1, peu importe si tu es le meilleur pilote du monde, si ta voiture n’est pas bonne, tu ne gagneras pas. Avec ceci, nous avons une très bonne voiture à piloter, donc j’en suis très content. Je me fiche de ce qu’il donnera commercialement. J’adorerais qu’il se vende par millions pour que nous puissions faire encore dix autres albums, mais je pense que c’est ce que nous ferons quoi qu’il en soit. Nous ne sommes pas loin de faire un autre album et avec un peu de chance, il y en aura encore un autre après. Je suis plutôt content.

« Si nous avions été aussi stylisés en 2004 ou 2005 que Greta Van Fleet l’est aujourd’hui, peut-être que nous aurions eu plus de succès, je ne sais pas. Si tu fermes les yeux et que tu les écoutes, ce n’est pas mauvais, mais… C’est dur à dire. Si Disney faisait un biopic sur Led Zeppelin, c’est à ça que ça ressemblerait. »

D’ailleurs, que penses-tu du succès d’un groupe comme Greta Van Fleet, qui n’est pas si éloigné que ça de ce que vous faites ?

Si nous avions été aussi stylisés en 2004 ou 2005que Greta Van Fleet l’est aujourd’hui, peut-être que nous aurions eu plus de succès, je ne sais pas. Si tu fermes les yeux et que tu les écoutes, ce n’est pas mauvais, mais… C’est dur à dire. Si Disney faisait un biopic sur Led Zeppelin, c’est à ça que ça ressemblerait. Enfin, ils font ce qu’ils aiment faire aussi, donc je ne peux pas leur taper dessus trop fort, et ils ont du succès avec ça. Tant mieux pour eux.

Autant Solas était un album assez sombre, autant Sundowners est bourré de rock n’ roll bluesy qui fait du bien. Pensez-vous que c’est aussi le genre de musique que vous aviez besoin de faire à une période de morosité ambiante, peut-être comme une forme d’échappatoire, mais aussi dont les gens ont besoin aujourd’hui pour avoir un peu de joie dans leur vie ? Pensez-vous que ce soit même la raison d’être du rock n’ roll ?

Cormac : A cent pour cent. Le monde est dans un sale état actuellement. On dirait que chaque semaine apporte son lot de mauvaises nouvelles au sujet de l’économie ou de la guerre ou… de l’économie [rires]. A la source de cet album, nous nous sommes remis vraiment à traiter la musique comme l’échappatoire que c’était au début et que ce sera toujours. En rentrant dans la salle de répétition, on pouvait faire barrage à tout ce qui se passait dans sa vie personnelle, à tout ce qui se passait dans le vaste monde, et profiter des uns et des autres et se faire plaisir en jouant avec des musiciens et compositeurs partageant les mêmes idées. Avec Solas et une poignée d’autres chansons dans notre discographie, la meilleure façon de les décrire est que nous encouragions les gens à réfléchir et peut-être à s’attarder sur l’obscurité de temps en temps, mais avec cet album, il s’agit vraiment d’encourager les gens à oublier tout ça pendant quarante-cinq minutes de musique et à profiter de l’atmosphère, et peut-être remuer un peu les fesses, chanter en chœur, s’amuser et puiser dans une énergie positive, ce qui reste une force puissante et vitale dans le monde. Cet album essaye de puiser dans ce qui permet aux gens de se sentir bien et unis, et d’écouter du bon vieux rock n’ roll pendant un moment. Peu importe ce qui se passe dans le vaste monde, on peut le mettre sur pause pendant ce laps de temps.

Le morceau éponyme est très tribal, tandis qu’on retrouve beaucoup de groove dans « Blood Brother » et vous allez même sur un terrain un peu funky sur « Get On Back »… Le groove était-il une composante importante pour vous en composant ces chansons ?

Paul : Oui, je pense. Quand nous avons commencé à composer les chansons, ce n’était pas très réfléchi, c’est venu naturellement. Au moment où nous nous apprêtions à aller en studio, nous avons un peu plus réfléchi aux éléments que nous voulions inclure davantage et sur lesquels nous concentrer. En parlant à Dan Weller, nous avons pensé que le groove était l’une des choses les plus importantes dans l’album. Nous trouvions que certains de nos précédents albums manquaient d’une bonne mise en avant de la basse et des basses fréquences. Au moment de la préproduction et quand nous sommes allés en studio, c’est devenu le centre d’attention et nous sommes parvenus à cet objectif en enregistrant l’album live. Ce n’est pas la première fois pour nous, je crois que nous avions enregistré la plupart des pistes rythmiques live sur Everyday Demons. Nous l’avions donc déjà fait auparavant, mais cette fois, c’était probablement notre plus grande réussite avec cette méthode. Et nous l’avons fait sur bande, ce qui nous a mis face à certains défis. Tu n’as qu’un certain temps, peut-être quinze minutes, donc ça donne trois ou quatre prises, ensuite il faut remettre à zéro. Fallait être bien alerte pour faire ces prises et ensuite on savait qu’on pouvait se détendre un peu. Je pense que le fait que nous étions tous dans la même pièce et procédions de cette façon a vraiment aidé avec le groove et le côté live de l’album. Je me souviens même qu’à un moment, nous étions en train d’essayer des amplis, des guitares et tout. Je n’avais même pas changé les cordes de ma guitare et j’ai dit à Dan : « C’est bon, je vais changer ces cordes. On pourra faire la prise pour la première chanson. » Il a dit : « Non, vous avez déjà enregistré trois chansons. De quoi tu parles ? » Je croyais que nous avions fait des prises d’ébauches pour caler les sons. Il a dit : « Non, vous en êtes à la quatrième chanson » [rires]. Voilà à quel point c’était détendu. Je trouve que ça se ressent et il est clair que ça aide.

Vous avez donc fait appel au producteur Dan Weller pour Sundowners. C’est intéressant parce qu’il a produit des groupes de metal assez modernes comme Enter Shikari et Bury Tomorrow, et lui-même fait partie du groupe de djent SikTh. C’est un univers très différent de The Answer, donc ça peut sembler être un choix étrange, mais pensez-vous que grâce à ça, il avait un regard neuf sur le rock n’ roll que vous jouez ?

Oui. Tu as vu juste. Quand tu regardes Dan Weller et vois sur papier les noms avec qui il a travaillé, tu n’imagines pas du tout voir figurer The Answer [rires]. Je crois qu’il a travaillé sur des albums d’autres groupes que notre management a managés, il a produit des albums pour eux. C’est de là que son nom est venu. Initialement, nous avons vu la même chose que toi. Quand ton management suggère quelqu’un, c’est généralement une personne qu’ils connaissent, et ensuite, on regarde les noms des groupes qu’elle a produits et tout le monde se dit : « Non, je ne pense pas que ce pourrait être la bonne personne. On va faire une vidéoconférence par Zoom par politesse. » Et tout de suite, il s’est avéré être un gars très cool. Je suis toujours très méfiant envers les producteurs qui entrent dans notre espace, mais tout de suite, je me suis senti détendu et j’ai bien aimé la personne qu’il était. Il a dit plein de choses avec lesquelles j’étais d’accord. Il était critique sur certaines choses et élogieux sur d’autres. Je trouvais qu’il tapait dans le mille. C’est très dur d’arriver à ça rien qu’à partir d’un échange via Zoom. Enfin, si tu as les bonnes réponses, tu peux impressionner un groupe, mais j’ai trouvé que c’était plus que ça. La première fois, Micky et moi lui avons parlé, et ensuite, les autres ont eu un appel avec lui ; ils étaient sans doute eux aussi sceptiques et il les a immédiatement rassurés. Nous ne l’avions jamais rencontré en personne avant le premier jour de studio, ce qui est très inhabituel pour nous. Généralement, nous faisons deux ou trois semaines de préproduction avec le producteur dans la même pièce. Tu apprends à le connaître et tu vois assez vite si ça va fonctionner ou pas quand vous ferez le véritable enregistrement. Donc, nous n’avons eu ça. Nous nous réunissions tous les quatre et lui envoyions des démos, recevions des commentaires, les mettions en pratique, etc.

« Je n’avais même pas changé les cordes de ma guitare et j’ai dit à Dan : ‘C’est bon, je vais changer ces cordes. On pourra faire la prise pour la première chanson.’ Il a dit : ‘Non, vous avez déjà enregistré trois chansons. De quoi tu parles ?’ Je croyais que nous avions fait des prises d’ébauches pour caler les sons. Il a dit : ‘Non, vous en êtes à la quatrième chanson’ [rires]. »

Quand nous sommes entrés au studio, il était tout aussi avenant et nous a mis tout aussi à l’aise que lors des appels sur Zoom. En y repensant avec du recul, je peux voir pourquoi ça a fonctionné. D’une certaine façon, le fait de ne pas avoir eu de préproduction était une bonne chose, parce que nous savions comment jouer. Le groupe était rouillé, bien sûr, mais nous nous sommes réunis une semaine avant et avons envoyé les morceaux pour nous mettre en forme, mais le fait de n’avoir pas eu ce temps avec lui… Parfois, tu peux te retrouver à faire un album deux fois. Dans notre cas, nous avons fait douze albums [rires], car nous avons toujours fait deux ou trois semaines de préproduction où nous enregistrions toutes les chansons et essayions des overdubs, donc ça devenait quelque chose de très planifié quand nous allions en studio. Peut-être que c’est là que nous nous trompions de méthode. D’un autre côté, comme il n’a pas eu le temps d’implémenter une approche de production plus structurée, il a vraiment fallu que nous nous tenions à faire ça live, ce que nous avons fait. Il y a eu des points positifs imprévus.

Il vient évidemment d’une approche metal plus moderne avec SikTh, donc lorsqu’il a commencé à produire, c’est la musique qu’il connaissait le mieux et c’est un domaine qu’il maîtrisait. Il a fait carrière là-dedans, mais il voulait clairement changer un peu de direction. Il était très motivé et avide de faire ça. Je pense que, pour lui, nous étions un bon groupe avec qui travailler à cet égard. Il avait de nouveau cette envie qu’on a quand on fait un premier album ou quand on a le sentiment de faire un album très important. Il y a vraiment mis toute son énergie. Encore une fois, vu qu’il n’avait pas fait vingt albums comme ça, il a vraiment pu trouver de nouvelles choses qu’il n’avait pas essayées avant. Parfois, quand tu trouves des choses pour la première fois, il y a une magie qui opère. Pour nous et pour lui, c’était une chance que nous ayons pu travailler ensemble. C’est une période très intense quand on fait un album et je pense que les meilleurs producteurs font presque partie du groupe pendant un mois ou le temps de la réalisation de l’album. Ensuite, peut-être qu’on ne veut plus les revoir ou refaire un album avec eux. Je peux dire qu’avec Dan, j’aimerais faire aussi le prochain album avec lui. C’est le meilleur compliment qu’on puisse faire à un producteur.

N’avez-vous pas songé à refaire appel à Andy Bradfield et Avril MacKintosh avec qui vous aviez travaillé pour Rise et Solas ?

Oui, tout le monde était partant. Nous avons fait plein d’échanges via des appels Zoom pour voir dans quel état d’esprit étaient les gens et comment nous-mêmes nous sentions les choses. Ils étaient en considération aussi. Evidemment, ils comprennent très bien le groupe et ils sont assez uniques dans le sens où ils ont travaillé sur Rise, qui est ce pour quoi nous sommes connus, et sur Solas, qui est ce sur quoi nous ne sommes pas connus [rires]. Il est certain qu’ils pourraient travailler sur des albums futurs de The Answer.

Ce qui est remarquable avec le son de Sundowners est qu’il est très puissant et clair, et à la fois old school et sale, avec diverses sortes de distorsions à la guitare…

Je pense que ça vient de Dan. Si on entre un peu dans les détails de la production et du son de certains de nos albums passés, peut-être que nous avons été à deux doigts de la surproduction parfois. Je ne dirais pas que je n’ai pas aimé, mais peut-être que nous n’avons pas eu un rendu aussi brut que nous l’aurions souhaité. Peut-être que nous ne savions pas exactement pourquoi. Dan avait clairement un regard neuf là-dessus. Parmi les facteurs ayant contribué à ce résultat, il y a l’utilisation de sonorités fuzz sur la guitare, ainsi que peut-être le fait de laisser plus d’espace dans le mix aux autres instruments, plutôt que de créer un mur de guitares. On peut laisser de l’espace à gauche pour un clavier, un orgue Hammond, et faire en sorte que ce soit plus interactif. Quand tu écoutes les disques des Stones, comme Sticky Fingers, c’est Keith Richards et Mick Taylor, et peut-être Nicky Hopkins, mais ils ne font pas d’overdubs sur les guitares. C’est une prestation simple. C’est peut-être un peu ce que nous avons recherché cette fois. Il y a des overdubs, bien sûr, mais il s’agissait de prendre autant que possible de la prestation live du groupe pour en faire la base du son de la chanson. Ça permet sans doute d’être dans l’authenticité du son live et de The Answer, plutôt que d’essayer d’en faire trop.

Ensuite, il y a des choses qui se sont faites involontairement. Nous sommes arrivés en ayant l’intention de légèrement réinventer le son de guitare. Par exemple, la première guitare que j’ai essayée était une Strat, alors que d’habitude, je commençais avec une Les Paul. Je vis ici en France et la seule guitare que j’avais avec moi était la Strat, donc j’ai joué dessus pendant cinq ou six ans. Toutes les autres guitares sont en Irlande. Donc, la première chose que j’ai essayée était ça, et ça sonnait bien. Dan était là : « Ok, on fait avec ça. » Peut-être qu’il y a quelque chose qui cloche dans le fait d’utiliser une Stat comme son principal pour un album de The Answer, mais ça a fonctionné. Nous avons sorti un tas de pédales de fuzz et nous en avons essayé certaines. Nous les avons allumées et il a demandé : « Tu trouves que ça sonne bien ? » J’étais là : « Oui, je trouve que ça sonne bien. » « D’accord, on y va. » Nous n’avons même pas noté ce que c’était ou l’ordre dans lequel nous les avions mises, ou les paramétrages. Nous avons pris une photo et nous avons continué. Nous n’étions pas là : « Ok, on aime bien le son de cette chanson », en essayant de garder le même son. Nous le refaisions pour chaque morceau.

« Parfois, la manière dont tu dis les choses est plus importante que ce que tu dis. Toi et ta façon de jouer sont la part la plus importante du son. »

Avant, quand nous faisions des albums, j’étais très précieux ou je voulais que tout soit comme il faut, tout le monde devait être parfaitement accordé. Si nous voulions un son qui était sur telle chanson, il fallait que nous le recréions parfaitement ou ça n’allait pas voire je considérais que c’était un échec, d’une certaine façon. Alors que cette fois, Dan était là : « Ouais, on va trouver quelque chose qui ressemble, pas d’inquiétude. » J’étais là : « D’accord, ça me va. » Quand je réécoute, maintenant je peux entendre qu’en effet, ça fonctionne. Parfois, la manière dont tu dis les choses est plus importante que ce que tu dis. Toi et ta façon de jouer sont la part la plus importante du son, donc tu te détends sur le reste. Tout était ainsi très relax. C’était sérieux, mais nous étions aussi détendus et, parfois, ça te met en condition pour mieux jouer.

Autant ceci est une réinitialisation, autant vous avez presque vingt ans de plus que lorsque vous avez fait Rise. Comment compareriez-vous Rise et Sundowners, et les musiciens que vous étiez à l’époque et maintenant ?

C’est une question difficile. J’imagine que nous sommes toujours les mêmes personnes, et à la fois, de bien meilleurs musiciens, j’espère.

Cormac : Plus beaux !

Paul : [Rires] C’est vrai pour la moitié d’entre nous.

Cormac : Paul, tu es clairement l’un des plus beaux des quatre.

Paul : C’est comme le bon vin ! Je pense que nous avons toujours la même curiosité juvénile que nous avions sur Rise quand nous faisons de la musique et créons un album. Je pense que nous avons le sentiment de bien mieux contrôler certains aspects du genre de musique que nous voulons faire, mais nous réalisons aussi qu’il y a certains choses qui sont hors de notre contrôle et nous ne nous en occupons pas. C’est toujours les quatre mêmes garçons qui étaient entrés aux Olympic Studios en 2005 pour faire Rise et qui sont entrés au Middlefarm en 2022. Plus vieux, mais peut-être pas tellement plus sages – juste un petit peu.

Comment le titre de l’album, Sundowners, vous définit ?

Cormac : En fait, un autre journaliste français nous a fait remarquer que nous commencions l’album avec une chanson d’adieu, mais ce n’est pas vraiment ainsi que nous voulions que ce soit interprété. « Sundowners » est une chanson qui dit que dès qu’on met les conneries de côté, tout ce qu’il nous reste est un sens collectif d’humanité, cette idée qu’on est tous dans le même bateau et qu’on va profiter du temps qu’on a sur cette planète. Je dirais que cette attitude, à bien des égards, imprègne l’ensemble de l’album. Nous sommes quatre gars qui arrivent avec un regard neuf sur ce que nous pouvons faire ensemble, conscients que le temps que nous passons ensemble dans ce groupe est précieux, et que la musique que nous faisons est précieuse. Je pense qu’on peut entendre dans « Sundowners », la chanson elle-même, comme l’a dit Paul, que nous avons enregistrée complètement live et on peut sentir un groupe dynamisé et excité à l’idée de faire ce que nous faisons. Encore une fois, à cet égard, la chanson résume bien notre état d’esprit aujourd’hui, en tant que groupe, musiciens, compositeurs, personnes.

Et est-ce que le coucher de soleil est votre moment préféré de la journée ?

[Rires] S’il y a une bouteille de tequila qui traîne, alors absolument ! Si c’est le lever de soleil et qu’il y a une bouteille de tequila qui traîne, alors ça devient notre moment préféré la journée.

A propos de la chanson « Blood Brother », tu as déclaré qu’elle a été « créée par quatre frangins qui, très franchement, se sont vraiment manqué ». Pensez-vous qu’il faille s’éloigner des gens pour se rendre compte à quel point ils sont importants pour soi ?

Oui. Je le dis tout le temps à ma femme [rires]. Bien sûr. Surtout dans un groupe. Je ne pense pas que les gens comprennent à quel point l’équilibre dans un groupe qui existe depuis aussi longtemps que nous peut être intense et parfois bizarre, mais aussi très délicat. Il faut juste ce qu’il faut des caractéristiques qui composent les membres du groupe pour que ceux-ci se complètent, et fassent six albums, tournent partout dans le monde, vivent dans des tour-bus et des espaces très confinés, partagent la scène tous les soirs, etc. Bien sûr, il faut aussi faire des pauses. Parle à n’importe quel groupe qui vient de finir une tournée, la première chose qu’ils ne veulent pas faire pendant une semaine, c’est de parler à qui que ce soit dans le groupe [rires]. J’imagine que notre pause a été une version prolongée de ça. Ensuite, quand vous remontez dans le bus pour la tournée suivante, tout va bien, c’est génial et tu es de nouveau plein de joie de vivre. Ça a été comme ça pour nous, mais de façon accentuée. Je pense qu’on peut entendre sur cet album, bien davantage que probablement sur nos trois ou quatre derniers, que le groupe est ravi de se retrouver. The Answer est à son meilleur quand nous nous nourrissons les uns les autres, nous amusons, faisons ressortir le meilleur en chacun de nous et en nous-mêmes. Je pense que nous avons tous ressenti cette atmosphère dans la pièce quand nous avons dit que nous allions nous y remettre et commencer à écrire Sundowners.

« Avant, je croyais toujours qu’il fallait travailler très dur pour créer de grandes chansons. Ce n’est pas forcément vrai. Je pense que plus tu composes, plus tu augmentes tes chances de voir venir une grande chanson. Et à ce moment-là, quand ça arrive, tu travailles dur dessus. »

Vous n’avez jamais changé de line-up depuis votre formation en 2000. Qu’est-ce qui fait que cette relation soit aussi solide ? C’est plutôt rare…

C’est totalement rare. Quand les jeunes groupes et musiciens émergents me demandent des conseils, la première chose que je dis est : assurez-vous d’avoir les bonnes personnes autour de vous, car vous pouvez être le compositeur le plus talentueux, le meilleur guitariste ou le batteur le plus groovy du monde… Si tu es le batteur le plus groovy du monde et que le guitariste pense que tu es un connard, vous n’arriverez pas à dépasser le premier album ! Nous nous sommes tous traités de connards par moments, mais je ne crois pas que nous le pensions vraiment [rires]. C’est la différence. C’est là qu’est la limite. Nous avons toujours été amis avant tout.

Comme ceci est une remise à zéro, que feriez-vous de différent avec ce nouveau The Answer par rapport au précédent parcours du groupe de 2000 à 2017 ?

Paul : La façon dont nous avons écrit et enregistré cet album a représenté beaucoup de travail, mais c’était beaucoup plus amusant. J’en ai déjà un peu parlé avant, mais nous n’avons pas eu beaucoup de temps ensemble pour composer cet album. Après avoir eu le contrat avec Golden Robot, nous avons fait deux sessions pour écrire en groupe. Nous avons d’ailleurs obtenu pas mal de chansons après celles-ci. « Cold Heart », « Livin’ On The Line » et « Want To Love Me » ont toutes les trois résulté de ces deux sessions. Ensuite, le Covid-19 est arrivé, et nous avons dû écrire des chansons comme ça [via Zoom]. Nous nous retrouvions une fois par semaine, en ayant envoyé une démo en amont, nous donnions nos avis, essayions quelques petits changements, ajoutions des idées, et encore une fois, revenions dessus pour ajuster. Je crois que chaque été, nous avions une semaine pour nous retrouver et enregistrer des démos comme il faut ensemble. Initialement, je pensais qu’on ne pouvait pas faire un album comme ça, que c’était impossible, mais quand nous nous sommes retrouvés après avoir fait ces sessions hebdomadaires via Zoom et que j’ai entendu les chansons, j’ai bien vu que c’était possible d’écrire comme ça. C’est une approche peut-être un peu plus ciblée. Cela nous a permis d’avoir le beurre et l’argent du beurre. Tu étais posé avec une guitare acoustique, et une chanson qui sonnait bien à la guitare acoustique était une bonne chanson. Ce n’est pas toujours vrai pour un groupe de rock n’ roll, je dois dire. Il faut se retrouver à jouer dans une pièce avec le groupe aussi. Puis, quand nous mettions en place ces sessions, nous pouvions… Comme le disait Frank Zappa, il y a un moment où tu maquilles la musique, tu travailles les détails, le groove, le feeling. C’est ce que nous avons pu faire ensemble à partir de ces chansons de base.

Une autre chose que j’ai remarquée était que, peut-être, la quantité peut donner de la qualité. Quand tu composes comme ça, tu peux écrire énormément de chansons et ainsi avoir de grandes chances d’en obtenir une qui est super. Alors qu’avant, je croyais toujours qu’il fallait travailler très dur pour créer de grandes chansons. Ce n’est pas forcément vrai. Je pense que plus tu composes, plus tu augmentes tes chances de voir venir une grande chanson. Et à ce moment-là, quand ça arrive, tu travailles dur dessus. Alors que parfois, tu as une idée et tu t’entêtes dessus pour te rendre compte que finalement elle n’était pas si géniale. Donc maintenant, j’opte davantage pour cette approche et je réalise qu’on peut jeter pas mal de matière pour obtenir les bons morceaux, alors qu’avant je pensais qu’il fallait tout garder. J’aborde donc la composition en adoptant une nouvelle perspective. J’ai aussi beaucoup aimé enregistrer l’album en live. Avant, j’aimais bien le filet de sécurité qu’offrait le fait de faire de multiples overdubs sur ProTool, alors que maintenant, j’aime enregistrer sur bande, sans avoir la possibilité de visualiser ce qu’on enregistre, en pouvant seulement l’écouter. Il faut être bien mieux préparé et au top de sa forme, et davantage écouter.

Je pense que Cormac l’a en quelque sorte évoqué en parlant de son album solo, du fait qu’il a pu revenir et être plus focalisé sur ce qu’est The Answer, mais on a tous pu faire d’autres projets et revenir en comprenant ce qu’était ce groupe. Avant, nous essayions toujours d’intégrer les bonnes chansons dans un album de The Answer, alors que peut-être, stylistiquement, certaines ne cadraient pas. Pour cet album, plus que n’importe quel autre, peut-être même pour la première fois, nous allions jusqu’à mettre une chanson qui n’était pas aussi bonne qu’une autre mais qui collait mieux stylistiquement. Par exemple, « Get On Back » était une chanson que nous n’étions pas sûrs de mettre sur l’album, mais pendant la conception, nous avions peut-être sept chansons pour lesquelles nous étions tous les quatre, ainsi que Dan et la maison de disques, d’accord pour dire qu’elles seraient dessus. Nous avons donc commencé avec celles-ci et ensuite, il en restait peut-être sept autres dont nous n’étions pas sûrs. A la fin de chaque journée, nous nous posions dans la cuisine du Middlefam Studio pour les écouter, en nous disant : « Comment cadrent-elles avec ce que nous avons déjà fait ? », en ayant les chansons et tout ce que nous venions de faire dans la journée frais dans notre esprit. Ça m’a donné un autre regard. Il y avait peut-être deux chansons que nous pensions être meilleures que « Get On Back », par exemple, mais j’ai réalisé que cette dernière allait servir un but au sein de l’album. Elle est différente de tout le reste, et ce n’est pas nécessaire que ce soit un single ou la chanson la plus streamée sur Spotify, mais elle a sa place et elle se démarque. Je me suis donc dit : « D’accord, on opte pour celle-là. » Maintenant, quand je réécoute, elle ne va pas gagner un Grammys, mais c’est malgré tout l’un de mes moments préférés de l’album à écouter. C’est donc un autre regard que je n’avais pas avant.

Interview réalisée par téléphone le 3 mars 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de The Answer : theanswerrock.com

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  • « Réinitialisation totale »…
    C’est bien ça le problème, The Answer revient à son point de départ. A savoir un hard rock bluesy sympathique mais pas exceptionnel qui ne leur permettra pas de décoller. Ils avaient réalisé un album incroyable avec Solas qui leur ouvrait de nouveaux horizons. Ca m’étonnerait qu’ils aient une seconde chance comme celle-là. On en reparle dans 5 ans mais je prends les paris que The answer continuera sa descente professionnelle.
    Après ils prennent du plaisir avec leur musique c’est le principal

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