Peu de groupes dans le hard rock incarnent la classe et l’élégance au niveau où l’incarne The Cult. Et que la bande à Ian Astbury soit encore là trente ans après son premier grand hit « She Sells Sanctuary », à délivrer des albums de la trempe de ce Hidden City, qui clôture la trilogie formée avec Born Into This (2007) et Choice Of Weapon (2012), ne fait que rajouter à son aura de groupe à part. The Cult ne vieillit pas. Il s’inscrit, en partie, en marge des époques, jamais il ne cède aux caricatures et facilités des modes et de la modernité.
En faisant à nouveau appel à l’éminent producteur Bob Rock – oui, celui-là même qui avait produit le mythique Sonic Temple (1989) – The Cult parvient à produire un vrai régal sonore, sans qu’à aucun moment il ne trahisse sa griffe. Hidden City est clair, ample et à la fois naturel. Chaque élément trouve sa place et complète le reste. Un exemple de production rock, où on peut autant apprécier le travail toujours très juteux de Billy Duffy à la guitare que celui toujours juste du batteur John Tempesta et le groove de basse copieux de Chris Chaney (Jane’s Addiction), qui a assuré l’intérim le temps que Grant Fitzpatrik prenne le relais à la suite du départ de Chris Wyse.
Billy Duffy promettait un album « plus chargé en guitare ». Pas que The Cult ait jamais vraiment abandonné les riffs hard, d’autant que ce Hidden City s’inscrit assez dans la lignée de son prédécesseur Choice Of Weapon. Il faut surtout comprendre que l’opus réserve une belle place à des brûlots hard, où la guitare mène la danse à la fois par des riffs bruts et des arrangements qui élèvent émotionnellement les compositions. L’ouverture « Dark Energy » en est le modèle même. On peut aussi citer le hard bluesy « G O A T » et sa guitare lead qui suinte ou le plus mielleux « Dance The Night », avec comme une influence de The Smith. Des chansons qui n’auraient pas dépareillées sur de plus vieux albums. A ça vient s’ajouter un « Hinterland » envoutant, hypnotique , notamment par sa rythmique qu’on aurait pu imaginer, sous d’autres circonstances, sur un album de Tool, surtout dans son développement final, et galvanisant par son refrain. Tout ceci vient avec cette petite couleur gothique – auxquelles les résonances mélancoliques de piano et guitare sont pour beaucoup – que The Cult a toujours véhiculé de façon plus ou moins marquée dans sa carrière, et qu’il développe ici sur des compositions à la délicatesse et au raffinement extrêmes, comme « In Blood », la bouleversante « Birds Of Paradise », la jolie pop-folk « Lilies » ou la plus moderne et troublante « Deeply Ordered Chaos », avec sa saturation industrielle, ses nappes de cordes, sa montée en intensité sans que jamais l’orage qui gronde n’explose vraiment. Sachant que l’album se clôt sur « Sound And Fury », une ballade hors du temps, à l’allure de générique de fin, où un piano se lamente, accompagnés de quelques trémolos de guitare sanglotants, pendant qu’Ian Astbury raconte désabusé son histoire. Astbury, crooner-poète toujours aussi distingué, touchant et quelque peu mystique.
The Cult se fait presque protéiforme, impossible à enfermer dans une case, et pourtant à dix mille lieux reconnaissable par son emprunte. Hidden City a bien des trésors cachés qu’il incombe à l’auditeur de découvrir, dans le disque en tant que tel mais également en lui-même. Car comme le déclarait Astbury : « Hidden City est une métaphore pour nos vies spirituelles, notre vie intérieure intime. […] Il n’y a pas de plus haute autorité que le cœur. » Et c’est bien du cœur que vient cette musique, et au cœur qu’elle est destinée.
Regarder le clip vidéo pour la chanson « Hinterland » et écouter les chansons « Deeply Ordered Chaos » et « Dark Energy » :
Album Hidden City, sortie le 5 février 2016 via Cooking Vinyl.
Je reviens à cette chronique aujourd’hui en 2022 suite à la sortie de l’album suivant, Under The Midnight Sun, pour comparer. Très belle chronique; fine analyse non seulement de l’album mais surtout de The Cult. On a ici tous les mots qu’on n’arrive pas nous même à mettre sur ce groupe vénéré, tellement les impressions devant sa musique et sa carrière sont de l’ordre du ressenti, de l’émotionnel et de l’esthétique. Car je suis face à The Cult comme devant un tableau : je ressens et je ne trouve pas les mots.
@oli : ben avoue que parler de la reformation des Guns, c’est quand même autrement plus bandant, non ?? 😉
non!!!
whaou, très belle chronique, merci de parler d’eux !
merci de parler de ce groupe qui n’intéresse pas grand monde et c’est bien dommage.