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Interview   

The Halo Effect : copains d’avant… et d’aujourd’hui


La scène death mélodique de Gôteborg qui a émergé au début des années 90 fait partie des plus vénérées du metal. Et pour cause, il suffit de voir les pépites auxquelles elle aura donné naissance : The Red In The Sky Is Ours, With Fear I Kiss The Burning Darkness, The Gallery, Slaughter Of The Soul, The Jester Race, The Mind’s I, Whoracle, Projector, Colony… Pour ne citer que les albums du trio emblématique de la scène : At The Gates, Dark Tranquillity et In Flames. Trois groupes, trois approches distinctes malgré l’étiquette commune « death metal de Göteborg », trois influences qui ont marqué durablement la scène metal tout entière. Pas étonnant qu’une nostalgie se soit emparée d’une partie du public qui regrette parfois les évolutions de ces mêmes groupes et prie à chaque sortie pour un « retour aux sources ». Il se pourrait bien que leur vœu ait été exaucé avec une nouvelle formation du nom de The Halo Effect.

Nouvelle, vraiment ? Pas exactement. The Halo Effect est ni plus ni moins que la réunion de cinq copains gothembourgeois de longue date, passionnés de musique (dont Rush qui a inspiré le nom du groupe), qui ont tous la particularité d’avoir fait partie à un moment ou un autre d’un seul et même groupe : In Flames. Mikael Stanne, Niclas Engelin, Jesper Strömblad, Peter Iwers et Daniel Svensson ont saisi la baisse d’activité live due à la pandémie pour faire des morceaux ensemble, dans un seul but : s’amuser sans pression. Le résultat est l’album Days Of The Lost qui sonne comme un retour à leur adolescence, l’expérience en plus. Nous en avons longuement discuté avec Mikael et Niclas qui échangent également avec nous leurs souvenirs d’un âge d’or…

« Les vieux groupes ont tendance à s’éloigner de leurs origines ou de leurs racines, si tu veux, et c’est normal. Tu fais faire un voyage à ton groupe. Mais avec ça, tu élimines tous les prétextes et le besoin d’être différent. […] Ça donnait l’impression de renouer avec ce qui est fondamentalement important dans cette musique. »

Radio Metal : Vous vous êtes unis en 2020 pendant la pandémie, mais comment le groupe a-t-il vu le jour ? Etait-ce une idée qui est apparue comme une opportunité à ce moment-là ou bien l’aviez-vous déjà en tête avant ?

Mikael Stanne (chant) : Ça a commencé avant. C’était vers avril ou mai 2019 que nous avons commencé à en parler. Niclas a mentionné que ce serait cool de faire quelque chose ensemble, simplement parce que nous étions en train de parler de musique, d’albums et de groupes que nous aimions, et de festivals où nous voulions aller. Ça a un peu été le déclencheur. Puis Peter [Iwers] m’a contacté en disant que ce serait cool aussi de faire quelque chose ensemble et que lui et Daniel [Svensson] pourraient nous rejoindre. J’étais là : « D’accord, ouais. Alors faisons-le ! » Ça avait l’air impossible à refuser. Evidemment, l’idée était juste d’avoir un projet ensemble, de voir ce que nous pourrions en faire, de jouer, de commencer sans se poser de questions et sans idées préconçues sur ce que ça pourrait devenir, simplement : « On s’y met, on voit ce qu’on fait et on s’amuse. »

Niclas Engelin (guitare) : Je me souviens avoir fait le voyage de Stockholm à Göteborg, nous nous sommes vus et nous avons parlé de tous ces festivals et tous ces groupes de sludge doom, comme Sleep. Nous nous sommes dit : « Ouais, ce serait cool de faire quelque chose ! »

Mikael : Nous voulions juste faire quelque chose, car ça faisait depuis que nous étions gamins que nous travaillions dans la musique à Göteborg, depuis que nous nous sommes rencontrés pour la première fois quand nous avons joué avec l’ancien groupe de Niclas, avant que nous soyons Dark Tranquillity. Ça remonte à aussi loin que ça. L’idée d’enfin faire quelque chose ensemble était trop tentante pour la laisser filer. Comme toujours, tu te dis que ça a l’air amusant, que ce serait génial, mais dans un coin de ta tête, tu te rends compte qu’il n’y aura jamais le temps pour ça, mais j’aime penser en grand. Je n’aurais jamais imaginé que le monde changerait et que nous aurions le temps de le faire pour de vrai, donc nous nous y sommes mis. Comme Niclas avait des chansons vraiment cool, il m’en a passé certaines et j’ai enregistré quelques idées de chant pour montrer comment je voyais ça et quelle direction, selon moi, ça devait prendre. Nous avons immédiatement pensé que ça pouvait mener à quelque chose de sympa. Les trois premières chansons que nous avons faites sonnaient super bien et se sont même retrouvées sur l’album.

Niclas : En effet. Tout se passait sans accroc et nous nous sommes éclatés à enregistrer et à faire ces chansons, car il n’y avait aucun stress lié au temps ou au style de musique que nous devions faire. C’était naturel et fluide.

Mikael : Ensuite nous avons parlé d’impliquer Jesper [Strömblad], que ce serait parfait, que ce serait la chose la plus naturelle au monde s’il voulait nous rejoindre. Et évidemment, il nous a rejoints. Alors nous avons composé d’autres chansons. J’étais en pleine production pour le dernier album de Dark Tranquillity à l’époque, donc je faisais ça en parallèle, car comme j’étais là à écrire, chanter et faire des démos, autant en profiter pour faire d’autres choses aussi. C’était super, mais je me suis rendu compte que dès que l’album serait fini, j’allais partir en tournée, donc on verrait ce qui se passerait. Ce qui est cool, c’est que nous avions environ six chansons en démo qui sonnaient super bien, nous étions surexcités, et ensuite, les circonstances ont fait que nous avions du temps à notre disposition pour vraiment nous y mettre et faire ça sérieusement, pas juste comme quelque chose dont des amis parlent lors d’une after, c’était du concret. C’est là que les choses ont changé et que nous nous sommes dit que nous devions nous y investir davantage, essayer de faire quelque chose de super, voir si nous pouvions trouver un contrat avec une maison de disque, etc. C’était très excitant, car le fait d’avoir du temps à passer en studio, pour traîner et essayer de définir comment ce groupe devait sonner, c’était vraiment cool. Car de nos jours, en tout cas pour ma part, quand nous faisons des albums de Dark Tranquillity, il s’agit un peu de s’éloigner de notre son, mais tout en le réinventant en partie et en essayant de nouvelles choses afin qu’il reste frais après toutes ces années, alors qu’avec ceci, c’était : « Eh, on peut faire n’importe quoi. » Ça nous a donné une grande liberté et marge de manœuvre. Pour moi, au début, c’était le plus intéressant, le fait que ça pouvait être n’importe quoi.

Niclas : Nous avons commencé avec l’une des chansons de l’album qui s’appelle « Gateways » qui a un côté comme ce vieux groupe Isis et son album Oceanic, il y a une vraie dynamique dedans, ou bien une chanson de Slayer vraiment envoûtante, quelque chose comme ça. C’était un très bon début, je trouve. C’était très intéressant, genre : « Ouais, voyons où ça peut nous amener ! »

Mikael : C’était stimulant pour moi de jouer avec d’autres gens. Je l’ai rarement fait. C’était vraiment excitant de jouer avec Niclas ainsi que Daniel et Peter à la section rythmique, et Jesper à nouveau, ça faisait une éternité depuis la dernière fois que nous avons fait quelque chose ensemble, depuis 93.

« On pouvait obtenir une subvention pour payer le loyer de la salle de répétition quand on en avait une ou en obtenir une gratuitement au travers de ces MJC où on pouvait emprunter des instruments. En gros, c’était une manière de sortir les gamins de la rue et de les empêcher de toucher à la drogue, en faisant de la musique à la place. »

Justement, la musique de The Halo Effect renvoie clairement aux débuts d’In Flames, surtout avec les mélodies de guitare dans une chanson comme « Days Of The Lost », et de Dark Tranquillity – je pense à une chanson comme « The Needless End ». C’est comme si vous revisitiez le son originel de Göteborg. Est-ce que ce projet a inconsciemment réveillé les adolescents de l’époque en vous ?

Oui, vraiment. Evidemment, c’était inconscient, mais à la fois, ça ne nous dérangeait pas. Nous n’avons pas essayé de faire quoi que ce soit de différent. Nous avons fait ce que nous paraissait naturel et bien. Très vite, nous nous sommes dit : « Restons fidèles à ce qu’on connaît. Jouons avec nos forces. Assurons-nous que ceci devienne quelque chose dont on peut être fiers, mais on n’est pas obligés de réinventer la roue. Les gens connaissent notre son, ils nous connaissent en tant que musiciens et compositeurs, donc si nous faisons ça ensemble, ça sera quoi qu’il arrive unique, mais ce sera reconnaissable et ils comprendront. » Le fait d’évoquer des souvenirs et de penser à ce qui nous a amenés à faire ce métier quand nous avions quatorze ou quinze ans, quand nous avons entendu pour la première fois de la musique extrême et que nous avons décidé de prendre des guitares ou des baguettes de batterie, et à ce que nous avions en tête quand nous avons fondé nos groupes, ça participait au côté amusant du projet. Pour moi, c’était comme renouer avec ce qui me faisait vibrer dans la musique à l’époque. Ça a rallumé cet intérêt et la flamme de ce mode de vie que j’ai depuis plus de trente ans. Normalement, le processus de composition consiste en partie à jeter des choses qu’on a l’impression d’avoir déjà faites ou de faire depuis une éternité, ou qui ressemblent beaucoup à quelque chose qu’on a fait récemment. Là, le fait de partir de rien était très séduisant et intéressant, sauf que nous utilisions toute notre expérience. Nous pouvions nous concentrer sur ce que nous aimons dans ce type de musique et sur son essence, sans essayer de nous en éloigner comme nous le faisons en temps normal.

Niclas : Exactement. Je pense que c’était l’un des sujets principaux : ne pas chercher à s’en éloigner, mais au contraire, de faire avec et de l’épouser entièrement. Nous avons eu de grands moments de rigolades, de façon positive, pendant que nous étions en train de composer la musique, genre : « Ah, on peut faire ça ! Oui, on a le droit ! » C’était tellement amusant et inspirant.

Mikael : Le fait qu’il n’y avait aucune pression, je pense que c’était la clé. Nous composions juste ce qui nous paraissait bien. Nous avons fait venir quelques amis de l’industrie musicale pour écouter et nous donner leur avis : « Est-ce que c’est bien ? Est-ce que c’est nul ? C’est comment ? » Nous avons vu que tout le monde était excité et ça nous a motivés à continuer sur cette lancée, à trouver un label et à viser une sortie d’album. Au début, nous voulions juste sortir des démos, faire quelque chose ensemble.

Vous avez dit qu’en comparaison de vos autres groupes, il n’y avait pas de pression et que vous ne vouliez pas réinventer la roue. Pensez-vous que vous étiez davantage vous-mêmes dans The Halo Effect que maintenant dans vos groupes respectifs ?

Enfin, tu essayes constamment de te réinventer. Dark Tranquillity et moi, nous essayons toujours de nous développer et de faire quelque chose de nouveau et de différent, mais là nous pouvions simplement être qui nous étions quand nous étions adolescents, au début de notre vingtaine, mais à la fois avec toute l’expérience et la connaissance que nous avons acquises au fil des années. Ça donnait l’impression de renouer avec ce qui est fondamentalement important dans cette musique et le sentiment que ça procure quand on trouve quelque chose de nouveau, car c’est toujours ce qu’on recherche quand on compose de la musique. C’est ce que nous ressentions. C’était splendide et ça a fait que c’était vraiment amusant et beaucoup plus facile de travailler.

Niclas : En fait, pour moi, rien que faire notre truc sans réfléchir était amusant. Nous avons cette musique quelque part dans notre ADN et une bonne chanson reste une bonne chanson, peu importe ce que c’est. C’était très inspirant de simplement s’amuser avec ça, genre : « Voilà quelques chansons, qu’en penses-tu ? » Tout le monde donnait son avis. C’était vraiment cool. Nous n’avions aucun producteur ou aucune personne extérieure pour nous dire quoi faire et ne pas faire, et ça aussi c’était très cool. Tout le monde a apporté son grain de sel, Peter qui commence à jouer la base, puis Daniel qui arrive avec son jeu de batterie explosif et dynamique ; ça enrichit la chanson. Comme toujours, avec une chanson, tu commences par peindre un portrait, puis tu le passes à d’autres gars pour qu’ils y apportent leur touche, c’est très intéressant.

Mikael : Je pense que c’était un processus de composition très rapide pour tout le monde. Evidemment, nous avons travaillé dur pour obtenir la chanson initiale, mais ensuite c’était très instinctif, en disant : « Ok, faisons quelque chose de différent dans cette section centrale » ou peu importe. Tout le monde à ça dans sa mémoire musculaire, donc tout le monde sait quoi faire. Personnellement, j’ai essayé de reproduire ça lorsque j’écrivais les paroles et les lignes de chant. Je voulais que ce soit instinctif. J’écoutais les chansons deux ou trois fois, puis j’enregistrais le chant en yaourt, puis j’écrivais vite fait quelque chose, et je voyais si cette idée, ce rythme et le feeling de la chanson me plaisaient. Ensuite, j’envoyais ça aux autres, en leur demandant si c’était la bonne direction, et alors j’écrivais de vraies paroles et j’avais fini. Au lieu de tout sur-analyser comme je le fais en temps normal : « Oh, qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que j’ai déjà fait avant ? Il faut que ce soit différent. Il faut que ce soit ci et ça. » Evidemment, les riffs sont différents de ce dont j’ai l’habitude, mais je pense que les rythmes et la façon dont les chansons sont structurées ont fait que c’était un défi intéressant pour moi, après avoir passé trente ans dans le même groupe, avec pendant longtemps les mêmes compositeurs. Pour moi, le fait de pouvoir écrire des choses différentes de ce dont j’ai l’habitude était la chose la plus excitante qui soit. J’ai adoré. Dès les premières démos, je me suis dit que c’était différent, que je pouvais explorer et me concentrer sur le fait d’être plus rythmique dans mon approche du chant. C’était agréable et ça m’a beaucoup aidé de jouer avec Daniel et Peter qui amènent une base rythmique solide.

« C’était très étrange à l’époque, car tout ce qu’on essayait de faire, c’était être original et se démarquer les uns des autres, mais les gens trouvaient qu’on sonnait tous pareils. C’était très insultant pour un jeune esprit créatif en herbe [rires]. »

Ça fait maintenant des années qu’on voit les vieux fans être nostalgiques des premières années et se plaindre que les groupes de l’époque ont trop changé – ça vaut probablement plus pour In Flames que Dark Tranquillity. The Halo Effect pourrait-il être une réponse à ça ?

Ce n’était pas forcément le but, mais je pense que c’est ainsi que les gens le voient. J’ai maintenant passé trois mois et demi en tournée et c’est ce que je constate. Les gens ont l’impression de retrouver la musique de la vieille école avec laquelle ils ont grandi ou ce qui les a attirés au départ dans ces groupes, ils adorent. Car les vieux groupes ont tendance à s’éloigner de leurs origines ou de leurs racines, si tu veux, et c’est normal. Tu fais faire un voyage à ton groupe. Mais avec ça, tu élimines tous les prétextes et le besoin d’être différent, et tu te focalises juste sur ce qui, dans ton esprit, doit être là en termes de death metal mélodique.

Niclas : Ce groupe a une approche plus rock n’ roll. Il s’agit plus de venir avec les instruments et de jammer.

Mikael : C’est vraiment quelque chose qui m’a tout de suite séduit dans les chansons. C’est très propulsif. Il y a un groove que j’adore. Donc c’est facile de rentrer dedans. Tu aimes tout de suite et c’est très direct. C’était vraiment amusant de jouer avec ça.

Le plus grand point commun entre tous les membres de The Halo Effect est qu’ils ont tous fait partie à un moment ou un autre d’In Flames. Même si Dark Tranquillity et At The Gates font aussi partie des pionniers du son de Gôteborg, voyez-vous In Flames un peu comme le groupe pivot ou central dans l’histoire de cette scène ?

Je vois tous les groupes combinés comme étant importants. Evidemment, In Flames est un autre animal et a énormément grandi en termes d’audience et tout. Et bien sûr, At The Gates a un peu changé au fil des années, mais il a aussi connu un hiatus de dix-neuf ans. Tandis que Dark Tranquillity a progressé et fait des choses très différentes au fil des années. Et bien sûr, nos chemins se sont tout le temps croisés. At The Gates a commencé très tôt et puis Anders [Fridén] était dans Dark Tranquillity pour le premier album, et j’ai chanté sur le premier album d’In Flames et ainsi de suite. Göteborg est tout petit et nous sommes un groupe d’amis très soudés. Il y a eu cette hybridation de nouveaux groupes et d’idées, donc c’est très naturel que des membres échangent leurs places, simplement parce qu’il n’y a pas un large choix de musiciens, surtout à l’époque où seulement une poignée de personnes connaissaient le death metal.

Cette scène de Göteborg était novatrice et on en voit encore l’influence aujourd’hui. Que s’est-il passé à l’époque dans ce coin de la Suède pour que se produise ce mouvement artistique qu’on pourrait presque qualifier de révolution dans le metal ?

Niclas : Pour moi, et je pense que ça vaut aussi pour Mikael, c’était une grande tradition de MJC qu’on retrouvait partout en Suède et qui étaient très liées aux équipes de football, de hockey sur glace et ainsi de suite. Ensuite, on avait très tôt l’opportunité d’essayer de jouer d’un instrument. C’est logique, car on n’était pas obligé de commencer par s’acheter son propre instrument. Il fallait voir si on avait vraiment envie de jouer de la guitare, de la basse ou peu importe l’instrument. Les directeurs des MJC étaient des gens très inspirants pour moi. Evidemment, c’était aussi des metalleux [rires]. Mais bref, ça m’a donné envie de jouer de la musique, et en particulier du hard rock. Je pense parler pour la plupart des gens qui traînaient dans ces MJC et qui ont ensuite eu leur propre salle de répétition. On avait un très bon premier avant-goût pour savoir si ça nous intéressait de jouer de la musique, si on aimait un instrument, et on avait des sortes de professeurs qui nous montraient comment jouer et nous motivaient à continuer à faire de la musique. C’était important pour mes amis et moi.

Mikael : C’était très similaire pour nous. C’était vraiment encouragé. On pouvait obtenir une subvention pour payer le loyer de la salle de répétition quand on en avait une ou en obtenir une gratuitement au travers de ces MJC où on pouvait emprunter des instruments. En gros, c’était une manière de sortir les gamins de la rue et de les empêcher de toucher à la drogue, en faisant de la musique à la place. Mais pour nous, c’était juste un moyen d’essayer des instruments et de se poser dans une salle de répétition pour faire du bruit. Ma première interaction était quand j’ai accompagné un ami qui vivait dans la même rue que moi. Il est allé auditionner pour Grotesque qui est ensuite devenu At The Gates. Ils étaient dans un sous-sol et je trouvais que c’était le truc le plus cool au monde. Ils étaient à fond black metal, avec des croix renversées et des pentagrammes partout. C’était genre : « Bordel de merde, on peut vraiment faire ça ! » C’est là que j’ai réalisé que c’était ce que je voulais faire à l’avenir. Puis nous avons loué des guitares et commencé dans le garage de mes parents, et ensuite nous avons déménagé dans une MJC. On pouvait aussi faire des concerts là-bas. Ils organisaient toutes les semaines des plateaux de cinq groupes ; nous avons essayé d’en être. De même, la scène était cool, car tous ces groupes étaient sur un pied d’égalité. Personne ne connaissait quoi que ce soit dans le domaine de la musique, mais on essayait de faire quelque chose de cool et d’intéressant. Evidemment, Grotesque était énorme car ils étaient vraiment extrêmes. J’allais tout le temps les voir, je les admirais et j’adorais ce qu’ils faisaient. J’ai découvert le metal extrême grâce à ça et nous avons trouvé notre voie quand nous avons commencé à jouer.

« C’était important pour moi d’avoir un élément émotionnel dans le death metal, car c’était assez rare. La plus grande partie du death metal était soit technique, soit très brutale. Nous voulions cette composante émotionnelle pour pouvoir écrire au sujet d’autres choses que simplement la terreur, la peur, la violence et l’horreur [rires]. »

Il y avait plein d’autres groupes à Göteborg à l’époque, et tout le monde essayait d’être très différent les uns des autres. Il y avait les groupes de power metal, les groupes un peu black, les groupes death metal super mélodiques, At The Gates était très progressif à l’époque… C’était très important d’être unique, de se démarquer du reste de la scène. On essayait de garder nos distances avec tout ce qu’on écoutait pour ne pas sonner pareils. C’était extrêmement important. Ensuite, quand on a commencé à enregistrer des albums, ils avaient tous un son différent, car on allait en studio et on se rendait compte que l’ingénieur et les gens qui y travaillaient n’avaient jamais entendu de death metal avant, genre : « Comment on fait ça ? » Je trouve maintenant que certains de ces premiers albums, comme le premier At The Gates ou le premier Dark Tranquillity, sonnent très étranges [rires]. Je crois que c’était Ceremonial Oath qui a rencontré Fredrik Nordström et commencé à travailler dans son studio. Ça s’appelait le studio Rainy Day à l’époque. J’y suis allé pendant qu’ils enregistraient un EP et ça sonnait super bien. Je me suis dit qu’enfin, quelqu’un avait compris ! Ils ont commencé à travailler avec des compresseurs et à faire tout sonner super heavy et cool. Ça me faisait penser aux albums du Morrisound et ce genre de chose, ça sonnait fantastiquement bien, ou les albums de thrash allemand. Evidemment, nous avons voulu enregistrer notre album suivant là-bas, et tous les autres groupes ont voulu enregistrer avec lui, car il avait pigé. C’était super amusant de travailler avec lui et il comprenait la puissance de ce type de metal. Le fait qu’il ait poussé le son plus loin est ce qui a permis aux gens de nous remarquer.

C’était en 95, quand The Gallery, The Jester Race et Slaughter Of The Soul sont sortis la même année, ils ont tous été faits dans le même studio. On retrouvait aussi souvent le même artiste pour l’artwork. Donc forcément, ça fait le lien. C’est là que ça a commencé. C’est là que j’ai entendu pour la première fois parlé du son de Göteborg. C’était très étrange à l’époque, car tout ce qu’on essayait de faire, c’était être original et se démarquer les uns des autres, mais les gens trouvaient qu’on sonnait tous pareils. C’était très insultant pour un jeune esprit créatif en herbe [rires]. A la fois, c’est devenu quelque chose de très cool, car tout d’un coup, les gens y prêtaient attention, et on connaît la suite. Mais je pense que la raison pour laquelle ça sonnait différent était que nous étions pleinement disposés à utiliser n’importe quel type d’influence dans notre musique. At The Gates s’inspirait beaucoup de King Crimson et de Thin Lizzy pour les mélodies et les harmonies, mais aussi les plans très techniques. Alors que pour nous, c’étaient le speed metal et le thrash qui étaient très importants. Et au début d’In Flames, Jesper était très influencé par la musique folk avec ses mélodies mélancoliques. Je pense que ces éléments sont ce qui séparait les trois groupes au début, et j’adore ça. Je pense que c’était important de trouver une identité. C’était donc bizarre quand tout le monde disait : « Ils sonnent tous pareils, c’est du metal de Göteborg. » On se disait : « Quoi ?! » [Rires] On essayait très dur de ne ressembler à rien d’autre, mais tout d’un coup, on était tous mis dans le même sac, mais on a fini par l’accepter. C’était une époque sympa et intéressante, entre le milieu et la fin des années 90, quand c’est devenu reconnu. Pendant un moment, tout le monde ne parlait que de ça. Dès que je parlais à des fans, des magazines, des gens en ligne ou peu importe, tout tournait autour de ça. Je comprends que ça ait eu un gros impact, mais ce n’est que bien plus tard que j’ai saisi l’importance que ça avait pour les gens.

Ce qui a joué en votre faveur est aussi que vous avez pris une forme extrême de musique, le death metal, pour y injecter une bonne dose de mélodie. J’imagine que ça ouvrait des portes…

Oui, et c’était important pour moi d’avoir un élément émotionnel dans le death metal, car c’était assez rare. On pouvait l’entendre dans des trucs plus black, comme Bathory, qui avait un côté émotionnel que j’adorais, mais la plus grande partie du death metal était soit technique, soit très brutale. Nous voulions cette composante émotionnelle pour pouvoir écrire au sujet d’autres choses que simplement la terreur, la peur, la violence et l’horreur [rires], car nous trouvions que tout le monde faisait ça, ce qui était cool, et c’est d’ailleurs ce qui m’a attiré à l’origine, mais quand nous avons commencé, nous voulions que notre groupe soit différent. C’était pareil pour At The Gates : ils étaient beaucoup plus intellectuels et ils essayaient de se démarquer avec ça, pour ne pas non plus être un banal groupe de death metal standard.

Niclas : J’avais un groupe qui s’appelait Gardenian dans le temps et, comme Mikael l’a dit tout à l’heure, nous étions ouverts à tout, mais notre truc était de combiner les mélodies plus pop et la guitare sous-accordée. A la fois, je pense que durant cette période, on apprenait beaucoup sur ce qui fonctionnait et ne fonctionnait pas en matière de composition, de jeu avec son instrument et ainsi de suite. Je trouve que c’était une époque très intéressante et que je porte toujours en moi. Je veux dire qu’on a même des trucs hérités de Gardenian dans le nouvel album. On a des riffs de Sarcazm aussi. On garde ça avec nous en tant que musiciens et c’est ce qui rend la chose aussi intéressante.

« Mon premier boulot était peintre en bâtiment. J’avais déjà de longs cheveux à l’époque. Je ne sais plus combien de fois on m’a couru après sur les chantiers : ‘Coupe tes cheveux !’ C’était dingue. Il fallait parfois que je me cache, juste parce que je jouais du death metal et que je portais un t-shirt de Morbid Angel [rires]. »

La biographie promotionnelle dit que vous étiez « à fond des metalleux et des marginaux dans un monde dominé par le rock alternatif ». Vous sentiez-vous vraiment comme des marginaux ? Comment est-ce que ça affectait votre attitude envers la musique ?

Mikael : C’était clairement différent, en tout cas là où je vivais. J’étais le seul gars qui s’intéressait au metal à l’école. Dans le coin où nous vivions, DT a grosso modo grandi dans la même rue, tout le monde était sur la même ligne de bus, mais je devais aller dans une autre école, et j’ai détesté car je ne pouvais parler avec personne de mon énorme passion dans la vie, c’est-à-dire la musique, mais ça a renforcé ma personnalité. Je me souviens que Tomas Lindberg et tous mes amis vivaient la même chose. Ils sentaient que c’était différent, un peu comme ce qu’étaient les punks ou comme ce que font les jeunes aujourd’hui, c’est-à-dire qu’ils essayent de trouver leur identité au travers d’autres choses, comme la passion pour les mangas. On a envie de montrer ça au monde, et c’est ce qu’on faisait quand on se faisait pousser les cheveux, qu’on s’achetait une veste en cuir et des t-shirts de metal sympas, et ça devenait qui on était. On avait constamment un casque sur les oreilles, à écouter de nouvelles démos ou un album qu’on adorait. Les gens nous regardaient bizarrement : « C’est quoi ce gars ? Qu’est-ce qui cloche chez lui ? » Mais ça ne nous posait pas de problème. Je m’en fichais, car j’avais tous mes amis chez moi qui étaient exactement comme moi, mais dès que j’étais en dehors de mon cercle d’amis, j’avais l’impression que les gens me regardaient bizarrement. Dès qu’on était ensemble dans une salle de concert, à une fête ou posés dans un parc, à boire de la bière et à écouter de la musique, on était parmi les siens. Ça a solidifié ce sentiment d’appartenance à quelque chose de génial et puissant, mais à la fois, personne ne comprenait, et ça aussi c’était puissant, car on avait l’impression d’être dans le secret ou quelque chose comme ça.

Niclas : C’est vrai. Mon premier boulot était peintre en bâtiment. J’avais déjà de longs cheveux à l’époque. Je ne sais plus combien de fois on m’a couru après sur les chantiers : « Coupe tes cheveux ! » C’était dingue. Il fallait parfois que je me cache, juste parce que je jouais du death metal et que je portais un t-shirt de Morbid Angel [rires].

Mikael : Et bien sûr, on voulait porter les t-shirts les plus obscurs, bizarres et offensants qu’on pouvait trouver, surtout lors d’activités sociales ; quand on allait chez un proche de nos parents, on portait évidemment son t-shirt d’Immolation ou ce genre de chose. On voulait se rebeller contre le monde, pas de manière violente ou étrange, mais avec de petites affirmations comme ça.

Niclas : Quand tu vois un gamin comme ça, tu compatis avec lui [rires].

Mikael : J’adore ça. Quand tu pars faire du shopping ou autre, et que tu vois un gars qui porte une ceinture cloutée, genre : « Je suis à fond metal », tu te dis : « Putain, oui. Je te comprends, mec » [rires].

Vous sentez-vous comme ça encore maintenant ?

Oui, c’est certain. Partout où j’ai travaillé, je suis connu comme ce metalleux qui parle de musique. J’ai travaillé dans des organisations pour le handicap et le système de santé ces quinze ou vingt dernières années. Il est clair que les gens me regardent bizarrement et qu’ils ne comprennent pas vraiment, mais à la fois, je m’en fiche. J’aime ce travail et je suis totalement accepté, bien sûr, mais je reste un peu une curiosité, peu importe où je suis, simplement parce que ma passion pour cette musique est très forte. Ça effraie parfois les gens. Quand ils voient quelqu’un qui est autant à fond dans quelque chose, ils se disent : « Oh, qu’est-ce qui cloche ? Pourquoi ne peut-il pas être un gars normal et faire des choses normales ? » Je peux aussi faire des choses normales, mais ceci est mon moteur, c’est ce qui me fait avancer et me motive à faire tout le reste aussi. C’est clairement mon centre d’intérêt principal, en dehors de ma famille, évidemment.

Niclas : Je suis d’accord avec Mikael. C’est récurrent. Ensuite, je commence à parler à l’une de ces personnes qui avaient un préjugé sur moi sans m’avoir rencontré, et elle se dit : « Oh, en fait, il était super sympa ! »

Mikael : Oui, genre : « Oh, un metalleux qui est très agréable, polit et gentil. » Tu te dis : « Hein ?! » Ça arrive encore, c’est clair. Les gens se sentent obligés de dire : « J’aime beaucoup les musiciens de metal, en fait. Ils sont très sympas. » T’es là : « A quoi tu t’attendais ? » Parce que je suis bruyant et que je crie, ça fait de moi une personne encore plus harmonieuse parce que je gère mes problèmes sur scène ? [Rires]

« Les gens se sentent obligés de dire : ‘J’aime beaucoup les musiciens de metal, en fait. Ils sont très sympas.’ T’es là : ‘A quoi tu t’attendais ?’ Parce que je suis bruyant et que je crie, ça fait de moi une personne encore plus harmonieuse parce que je gère mes problèmes sur scène ? [Rires] »

Niclas, tu joues désormais avec Jesper Strömblad : qu’est-ce que ça te fait d’être dans un groupe à travailler avec celui que tu as remplacé dans In Flames ?

Niclas : Pour moi, c’est assez naturel parce que nous sommes allés dans la même école. Nous nous sommes rencontrés en cinquième et nous avons formé notre premier groupe dans une MJC. Ça s’appelait Poltergeist. Donc nous avons traîné ensemble tout au long de la cinquième, la quatrième, la troisième. Ensuite, il y a eu un grand laps de temps qui s’est écoulé, mais j’ai entendu dire qu’il avait fondé In Flames et qu’il s’intéressait à la musique folk ainsi qu’à Grave Digger, Rage et tous ces groupes de metal allemands. J’avais un groupe qui s’appelait Sarcazm à l’époque. Donc nous nous sommes revus après ça et nous nous entendions bien. Ensuite, j’ai été un peu avec In Flames sur le cycle de tournées de Whoracle et Anders et moi avons un peu traîné ensemble, nous avons créé Passenger. C’était donc naturel d’intervenir et d’aider au début. Je connais tous les gars et je connaissais tout de cette musique. Le fait de rejouer avec lui est très inspirant. Ça revient à rattraper le temps perdu.

D’après Peter, tu étais un peu le maître des riffs pour cet album. Comment ta collaboration avec Jesper s’est passée à cet égard ?

Peu importe si c’est moi ou Jesper qui commence une chanson. Nous donnons notre avis : « Eh Niclas, qu’est-ce que tu penses de ça ? » « C’est vraiment cool ! » « Oui, mais qu’est-ce que tu vois pour la partie qui vient après ? Qu’est-ce qu’on devrait faire ? » Presque chaque fois j’avais des idées, une structure, et c’était pareil pour Jesper. Nous nous échangions des idées, tout était fluide. C’est lui le vrai maître des riffs. Je ne suis qu’un élève [rires]. Comment on en parlait au sujet du processus, tout venait naturellement et c’était très cool. C’était très inspirant car nous ne cherchions pas à sur-analyser les choses, « voilà un riff, qu’est-ce que tu en penses ? », « J’adore ! Mettons de la batterie dessus », et nous foncions, car c’est dans notre mémoire musculaire ou notre ADN. Nous sommes confiants lorsque nous collaborons et échangeons des riffs.

Mikael : Je trouvais ça vraiment cool d’être en studio parfois. Quand nous avions une partie de chanson et que Niclas ne savait pas trop quoi faire, on pouvait voir une petite étincelle dans les yeux de Jesper : « Laisse-moi essayer quelque chose. » Il faisait alors trois petits trucs et tout sonnait super bien. Puis Niclas arrivait : « Laisse-moi voir ce que je peux faire ici » et voilà. C’était aussi spontané que ça et c’était génial. Certaines de mes parties préférées dans l’album sont celles qui ont été, pas improvisées, mais où il y a eu un échange d’idées pour devenir quelque chose de super cool. Pour moi, rien que le fait d’être assis dans le canapé en studio, à être témoin de ça, c’était fantastique. J’adore.

Vous avez un invité spécial dans l’album : Matt Heafy de Trivium qui apparaît dans la chanson « Last Of Our Kind ». Il est américain et, évidemment, il n’a rien à voir avec la scène de Göteborg, mais malgré tout, est-il un symbole de la portée et de l’impact de ce que vous avez créé au début des années 90 ?

Je pense oui, car ça fait très longtemps qu’il est super fan, et nous nous connaissons aussi depuis longtemps. Je me souviens que nous nous écrivions vers la fin des années 90. Nous répétions ici dans le centre de Göteborg, il y avait un alignement de plusieurs salles de répétitions au sous-sol. Il y avait Dissection dans une sale, At The Gates dans une autre, In Flames dans un autre et Dark Tranquillity dans une autre. Je me souviens qu’il m’a écrit, en disant : « Oh mec, est-ce que tu peux aller écouter aux portes et me décrire ce que tu entends ? Bon sang, comme j’aurais aimé être là ! » Pour lui, c’était un rêve de pouvoir venir ici voir et vivre ça, car c’était un énorme fan de la scène et de tous les groupes de Göteborg. Nous en parlons encore parfois. Il est beaucoup en contact avec Jesper, et bien sûr Niclas le connaît, ainsi que Peter et Daniel, donc c’était parfaitement logique. Nous avions cette chanson avec une partie qui, nous trouvions, serait cool avec lui, car ce morceau, c’est vraiment un hommage au son de Göteborg. Nous avons même essayé de recréer ce genre d’intro à cordes pour lequel At The Gates était connu au début. Ça avait du sens qu’il soit dessus. Il a beaucoup aimé la chanson et il a assuré. Il a enregistré ses parties en quelques jours et me les a envoyées. Ça sonne fantastique.

Curieusement, le nom du groupe, The Halo Effect, à première vue, n’a pas grand-chose à voir avec la scène de Göteborg, vu que ça vient d’une chanson dans le dernier album de Rush, Clockwork Angels. Qu’est-ce que Rush représente pour vous ?

Personnellement, c’est mon groupe préféré absolu, et ça l’est depuis mes quinze ans environ. Rush, évidemment, ce sont des individus, ce sont trois gars qui étaient ensemble depuis une éternité à faire exactement ce qu’ils veulent, sans se soucier de quoi que ce soit autour d’eux, ce qui est fantastique. De même, sur le plan des textes, Neil Peart est ma plus grande inspiration. Quand je réfléchis à ce que je veux écrire, je me demande ce que Neil aurait fait. Mais pour ce qui est du nom The Halo Effect, je suis aussi obsédé par les raisonnements erronés et la façon dont on perçoit mal les choses, dont on voit, par erreur, des choses qui n’existent pas, ou par notre esprit quand il nous joue des tours, quand on lui fait confiance au lieu de comprendre pourquoi on pense d’une certaine façon. Quand j’ai réfléchi à ça, j’ai pensé à la manière dont les gens allaient nous percevoir. Si nous, des anciens In Flames de Göteborg, créons un groupe, comment vont-ils nous voir ? Si nous l’annonçons, vont-ils tout de suite savoir ce que nous sommes sur la base de qui nous sommes ? Peut-être que c’est en grande partie vrai, mais je trouvais que c’était intéressant d’identifier ça dès le début, car l’effet de halo, c’est quand on voit quelqu’un qu’on reconnaît, qu’on connaît ou qu’on trouve attirant ou intéressant, et qu’on lui attribue d’autres caractéristiques rien qu’à cause de celle qu’on apprécie. Si quelqu’un a des yeux calmes, on pense que cette personne est digne de confiance, ou alors quand un acteur célèbre vend un produit, on se dit qu’il l’aime et que donc ça doit être bien. C’est quelque chose qui a été employé abusivement dans la publicité. Ça fait partie des choses qui m’agacent beaucoup. Peut-être que j’aurais aimé que le groupe s’appelle Confirmation Bias, mais ça n’aurait pas été très vendeur [rires]. C’était juste l’un de ces raisonnements erronés… Car il existe des listes de toutes ces erreurs qu’on fait dans notre tête et l’effet de halo était celle qui, je pense, convenait le mieux à ce groupe. Ça avait du sens, surtout quand nous avons discuté de la façon de présenter ce projet, de le démarrer, de faire les choses comme il faut et de s’assurer que les gens comprennent ce que c’est, c’est-à-dire quelque chose de nouveau et différent. Prenez ce groupe pour ce qu’il est vraiment et, avant tout, écoutez la musique.

« Rush est mon groupe préféré absolu. Sur le plan des textes, Neil Peart est ma plus grande inspiration. Quand je réfléchis à ce que je veux écrire, je me demande ce que Neil aurait fait. »

Aviez-vous peur que les gens ne jugent pas le groupe pour ce qu’il est vraiment ?

Oui. Enfin, c’est toujours une crainte. Il y aura toujours des comparaisons. C’est ainsi qu’on parle en tant que metalleux, on préfère le chanteur précédant de tel groupe, ou telle époque d’un groupe, et on compare nos albums préférés et ainsi de suite. C’est amusant, mais parfois, ces commentaires deviennent négatifs : « J’aime ceci, mais je déteste cela. » Non, tu aimes un groupe et tu aimes le tout, mais tu préfères certaines choses. C’est mon sentiment. On voit comment est la culture en ligne parfois, on lit des commentaires sur Blabbermouth et ce genre de site… Nous nous sommes donc dit que nous allions peut-être couper court à ce genre de commentaire en présentant le groupe pour ce qu’il est : de bons vieux amis. Je veux dire que nous aurions même pu fonder ce groupe en 90 ou 91, avant nos autres groupes, car nous nous connaissions déjà à l’époque, ça aurait très bien pu arriver : je joue avec Niclas qui était dans Sarcazm, or nous avons joué avec eux en 91. Peter était dans Mrs. Hippie que j’allais tout le temps voir dans mon bar préféré. Daniel était dans Sacrilege et il était dans la classe de mon frère, et j’adorais son jeu de batterie et ce qu’il faisait. Jesper, que j’ai rencontré dans la cage d’escalier de ma salle de concert préférée à l’époque, m’a permis d’enregistrer mon tout premier album. Voilà le sentiment que nous procure ce groupe. J’espère que les gens comprendront que ce n’est pas juste des gars qui étaient dans tel groupe qu’ils aimaient.

Etes-vous tous fans de Rush dans le groupe ?

Je crois. Enfin, Peter a baptisé son restaurant 2112 et ils ont fait plein de bières sur la thématique de Rush, ça en dit long. Il est clair que c’est une part importante de moi, et quand nous parlons de super musique prog et puissante, ça revient toujours. Nous pouvons parler de Van Halen ou de Morbid Angel, mais Rush est toujours là dans la conversation. Quand nous parlons de quelque chose qui est un peu différent ou plus groovy, c’est toujours un exemple pour expliquer.

Niclas : Oui, ça fait partie des incontournables.

Mikael : J’ai aussi fait un vrai hommage sur le titre bonus de la version japonaise de l’album. Donc tu devrais te procurer cette version, et avec un peu de chance tu capteras la référence. Je n’en dirai pas plus.

Pensez-vous qu’il y ait un peu de Rush dans le vieux son de Göteborg ?

C’était clairement là. En fait, je crois que c’est lorsque At The Gates a commencé qu’Anders et Jonas [Björler] m’ont fait découvrir Rush. Ils adoraient tous. Je pense qu’une bonne partie du riffing heavy qui se croise avec des plans très rapides et techniques dans At The Gates vient en partie de là. De même, quand nous avons commencé à faire des trucs un peu plus progressifs avec The Mind’s I et The Gallery, c’était toujours dans un coin de nos têtes. Fredrik [Johansson], Anders [Jivarp] et moi en écoutions beaucoup et nous avions toujours en tête le jeu de batterie de Neil, la façon dont ils utilisaient les synthés et ce genre de chose.

Pouvez-vous nous parler de votre plus grand moment avec Rush ?

Il est clair que je peux. Je les ai vus en 2015, au Madison Square Garden, à New York. Je les ai vus deux fois sur cette tournée, la première fois était dans le New Jersey deux jours plus tôt. Ils ont joué « Losing It » de Signals. C’était la seconde fois qu’ils le jouaient en live. Je ne le savais pas, mais ça m’a scotché car c’est l’une de mes chansons préférées. La chanson parle du fait de vieillir et de ne plus être capable de jouer comme avant et de ne plus avoir de facilités. Sachant que Neil allait prendre sa retraite après cette tournée et que ça allait peut-être être la dernière, j’ai été jusqu’en Amérique depuis la Suède pour les voir. Quand ils ont joué la chanson, tout le monde était en pleurs tellement c’était génial. Mais ensuite, le fait de la revoir deux jours plus tard au Madison Square… Evidemment, tous les fans de Rush, comme moi, ne veulent jamais voir une setlist avant d’aller au concert, on a envie d’être surpris, et le fait de réentendre cette chanson à ce moment-là et voir vingt-cinq mille personnes simultanément fondre en larmes était le plus grand moment qui soit. Mais j’ai plein de bonnes histoires liées à Rush [rires]. En fait, j’ai écrit quelques articles à leur sujet au fil des années dans des magazines suédois.

Niclas : [Rires] Je n’ai pas mieux que ça. C’est une histoire épique. Mais je me souviens quand j’ai commencé à découvrir Rush, c’était avec l’album Hold Your Fire, je l’adore. Il est un petit peu plus AOR. C’était un dimanche, j’étais en train de vendre des journaux et j’avais ça dans mon walkman.

Mikael : C’est super. Rien que le fait de se mettre à écouter le groupe en découvrant un album comme ça… Je crois que c’était à l’époque de Counterparts, je ne savais pas qu’un nouvel album sortait. Je suis allé chez le disquaire et tout d’un coup, il était là. Quand je l’ai écouté, j’étais là : « Bordel de merde, qu’est-ce qui s’est passé ces deux dernières années ?! » C’était super heavy, avec plein de riffs, j’étais impressionné. C’était aussi un grand moment de redécouvrir un groupe après quelques années sans l’avoir beaucoup suivi, mais tout en y étant toujours attaché, et de voir qu’il était devenu très différent. C’était génial.

« On voit comment est la culture en ligne parfois, on lit des commentaires sur Blabbermouth et ce genre de site… Nous nous sommes donc dit que nous allions peut-être couper court à ce genre de commentaire en présentant le groupe pour ce qu’il est : de bons vieux amis. »

Pour revenir à la scène de Göteborg : comment compareriez-vous cette d’il y a trente ans et celle d’aujourd’hui ?

C’est très différent. Avant, comme on en parlait, c’était des MJC et un paquet de gamins égarés qui traînaient, buvaient de la bière, et essayaient de faire des concerts et de trouver leur voie dans la musique, mais c’était une scène très soudée et les gens étaient très sympas les uns avec les autres. Nous montions des concerts ensemble et nous allions tout le temps voir nos concerts respectifs. C’était amusant, toujours très ouvert et accueillant. On s’entraidait, on partageait des salles de répétitions, du matériel, etc.

Niclas : On se passait des cassettes démo et ce genre de chose. Il n’y avait pas internet ou quoi que ce soit de ce genre. C’était du bouche-à-oreille.

Mikael : Evidemment, ce côté-là était différent. Il n’y avait pas tant de groupes que ça, mais ils étaient très dévoués. Ce qui est cool, c’est que presque tous les groupes existent encore. Par exemple, un groupe que j’aimais beaucoup à l’époque est maintenant devenu Evergrey. Ils ont commencé en jouant un death metal un peu black qui était génial, et maintenant c’est mon groupe de power metal / prog rock préféré. Donc tout le monde a conservé une sorte de lien. Ça s’est énormément développé. Maintenant, il y a des tas de groupes sympas et la scène est super, mais elle s’est diversifiée. A l’époque, c’était du thrash et du death metal, alors que maintenant, il y a de tout, plein de groupes de stoner rock cool, il y a des groupes de space rock que j’adore, des trucs progressifs, un tas de groupes extraordinaires et différents. Heureusement, il y a des scènes, des salles et des clubs pour faire jouer ces groupes. Enfin, ça reste difficile. Ça le sera toujours, mais il y a des lieux sympas où les groupes peuvent se produire et faire partie de cette scène. Donc j’adore comme c’est maintenant. Je sors autant que possible pour voir de nouveaux groupes obscurs du coin. J’aurais aimé que ce soit comme ça quand nous étions plus jeunes, ça aurait été plus facile.

Niclas : Oui, il y a plus de salles où jouer.

Mikael : Il y a un accès plus facile à tout, donc je trouve ça très cool. J’ai parlé à plein de jeunes groupes qui sont simplement contents d’avoir de la reconnaissance en venant de Göteborg, car ça implique peut-être un certain poids, mais à la fois, les gens sont tellement ouverts d’esprit que ça va. Fut un temps, il y a peut-être dix ou quinze ans, où il y avait plein de groupes de death metal ici qui essayaient très fort d’être le prochain In Flames, DT ou At The Gates. Ça ne marchait pas du tout parce que ce n’était pas ce qui intéressait les gens. Il s’agissait de trouver sa propre identité et de devenir quelque chose d’authentique. Je pense qu’on en est là aujourd’hui, c’est une scène très variée et sympa.

Quel avenir pour The Halo Effect ? Considérez-vous ça comme un projet ou un véritable groupe ?

Nous avons très tôt décidé que nous allions prendre ça autant au sérieux que possible et ne pas le traiter comme un projet parallèle, car il faut tout donner, sinon ça n’a aucun intérêt. On peut avoir un projet parallèle, mais alors ça veut dire qu’on ne peut pas le mener à bien comme il faut, je pense. Evidemment, durant la pandémie, c’était facile, nous pouvions enregistrer pendant six mois, filmer des clips et tout. Ensuite, j’ai lâché du lest et j’ai commencé à tourner. Donc pour moi, c’était un peu difficile, mais nous allons faire en sorte que ça fonctionne avec nos emplois du temps et en profiter au maximum, et vraiment essayer de faire vivre ce groupe. Je pense que nous avons une bonne méthode de travail maintenant, surtout avec l’écriture et l’enregistrement. Je pense que ce sera facile de travailler à l’avenir. Et nous avons cette super tournée en septembre, ce sera génial, ainsi que des festivals d’été. Nous voulons déterminer quelle sera l’approche parfaite pour faire ça sans interférer avec nos autres vies, pour ainsi dire, mais je pense que c’est possible. Enfin, nous n’avons rien fait pendant deux ans, donc il est temps de surcompenser et de partir en tournée.

Maintenant que vous avez fait un album qui est presque comme un exutoire pour le son original de Göteborg, pensez-vous que ça pourrait vous pousser à expérimenter davantage à l’avenir, avec ce groupe ou vos groupes principaux, en particulier Dark Tranquillity ?

Peut-être, je ne sais pas. Enfin, j’ai beaucoup appris rien qu’en faisant cet album et en travaillant avec ces gars. De même, les autres trucs que j’ai faits cette année m’ont beaucoup appris en tant que chanteur et ça a vraiment aidé. Nous essayons toujours de nous dépasser et de faire des choses différentes. Nous avons déjà commencé à écrire des morceaux qui sonnent fantastiques. Donc oui, pourquoi pas ? Ça me va si nous nous éloignons encore plus de ça et expérimentons un peu plus, c’est quelque chose que nous adorons faire, mais sans perdre non plus notre identité.

Niclas : Oui. Et puis je me sens très inspiré rien qu’en traînant avec les gars. Nous nous nourrissons mutuellement, inconsciemment. Nous nous retrouvons, traînons ensemble et tu te dis : « Oh attends une minute. » Tu as l’idée d’une chanson rien qu’au contact des gars. C’est ce qui est si cool avec ça.

Mikael : Quand j’entends une idée, par exemple le squelette d’une chanson que tu as écrite, Niclas, je sais que ce sera bien et j’ai hâte d’entendre Daniel et Peter jouer dessus. J’ai hâte d’entendre ce que Jesper fera avec. J’ai déjà en tête ce que je considère être une bonne idée pour le chant. C’est très instantané. Evidemment, c’est parce que nous avons tous de l’expérience, mais aussi parce que nous avons une éducation musicale similaire. Nous avons les mêmes références et idées, donc ça aussi ça facilite les choses. Plutôt que de monter un groupe avec des étrangers et de se dire : « As-tu entendu tel ou tel groupe ? », je sais exactement ce que nous avons tous écouté ou pas. C’est donc beaucoup plus facile d’avoir des conversations sur la musique, et même sans les conversations, car nous savons déjà. J’adore quand la compréhension est tacite.

Niclas : Mais ce qui est bien est que nous sommes toujours curieux de découvrir de nouveaux groupes et artistes. Nous sommes toujours ouverts aux nouvelles musiques. Nous écoutons et aimons toutes sortes de musiques. Nous avons encore faim de nouvelle musique et nous faisons tout le temps de la musique évolutive. C’est important de ne jamais être ennuyeux ou terne, d’être toujours intéressé et d’avoir ce feu.

Mikael : C’est sûr, et on sait qu’on peut toujours faire mieux. Il ne s’agit pas d’essayer de recréer ce qu’on a déjà fait. Ça peut toujours être amélioré. On peut toujours faire un meilleur album que le précédent. C’est le côté amusant. C’est pourquoi ce n’est jamais ennuyeux. Tourner ou être en studio, ça peut devenir répétitif, mais nous savons que si nous essayons plus fort et travaillons un peu plus, ce sera meilleur et ça vaudra le coup, car, avec un peu de chance, ces musiques seront à l’épreuve du temps et vivront longtemps. La musique compte. Nous sommes passionnés, mais les gens qui écouteront le sont aussi et il faut le respecter.

Pour finir, Niclas, tu es actuellement en hiatus par rapport à ton poste dans In Flames. Concrètement, quels sont ton statut et ton futur avec ce groupe ?

Niclas : Je suis toujours en hiatus. Question suivante, s’il te plaît [rires].

Interview réalisée par téléphone le 30 mai 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Antoine Moulin.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Lucas Englund (6) & Markus Esselmark.

Site officiel de The Halo Effect : www.thehaloeffect.band

Acheter l’album Days Of The Lost.



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  • Excellent entretien !
    Un seul bémol : la traduction de « I feel you » en « Je te sens » n’est pas très jolie, un simple « Je te comprends » aurait été plus adapté.

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