The Haunted revient de loin, ayant traversé dernièrement la plus grande crise qu’il ait jamais connue. Après la déclaration créative mais controversée que représentait l’album Unseen (2011), le combo suédois a subi de plein fouet les départs successifs du chanteur Peter Dolving, du batteur Per Möller Jensen et du guitariste Anders Björler. Problèmes personnels internes ou échec commercial de l’album qui a mis sur les nerfs les membres du groupe, les explications varient. Mais il faut croire que l’innovation et la remise en question artistique auront eu raison de ce The Haunted là et de son audace. Et Unseen n’aura finalement été qu’un coup d’épée dans l’eau. Car Exit Wounds, le nouvel album de la formation remaniée aux trois-cinquièmes, opère un virage à 180 degrés en remontant plusieurs années en arrière et balaie presque intégralement les ouvertures de son prédécesseur.
Mais, malgré les blessures, The Haunted vit. C’est d’ailleurs ce que suggère d’emblée le bruit d’un cœur qui bat en ouverture d’album, avant d’enchaîner sur l’instrumentale heavy d’introduction « 317 » puis un « Cutting Teeth » pied au plancher aux connotations « slayeriennes ». Exactement comme sur Made Me Do It (2000), premier opus avec Marco Aro au chant, aujourd’hui de retour avec le batteur originel Adrian Erlandsson. Et exactement comme Made Me Do It on retrouvera plus loin un titre particulièrement court et brutal avec « My Enemy ». Un clin d’œil au passé ou alors un vieux schéma recyclé pour mettre en confiance les plus anciens fans, et peut-être le groupe lui-même. Pour les autres, pour ceux qui avaient suivi The Haunted dans leur émancipation, il faudra, pour apprécier ce Exit Wounds, se débarrasser de la déception du retour arrière et du sentiment d’inachevé ainsi laissé, mais aussi de l’absence de Dolving qui venait tout juste, vocalement, de déployer ses ailes comme jamais, laissant place à la voix, certes familière mais plus limitée et monocorde d’Aro.
Les brûlots thrash s’enchaînent les uns aux autres et à vouloir à tout prix envoyer la poudre The Haunted tombe parfois dans le travers d’une musique unidimensionnelle voire quelque peu générique (« Trend Killer » et son côté Slipknot). Mais les riffs du duo Patrik Jensen et Ola Englund (le vrai nouveau de la bande) à la précision chirurgicale (« Time (Will Not Heal) ») et les accroches mélodiques reconnaissables (« Eye Of The Storm ») rappelleront que The Haunted est et reste tout sauf un groupe de thrash de seconde zone. Sans compter que l’album n’est pas entièrement dépourvu de surprises et montre que la coupure avec Unseen n’est pas totale : « All I Have » se fait plus posé et groovy avec des riffs stoner et son solo élégant, « Temptation » se voit enrichi d’un pont où Aro affiche une autre facette, plus mélodique, de sa voix et, surtout, « Ghost In The Machine », chanson de clôture au refrain mélancolique grandiose et envoûtant, qui démontre que les Suédois ont encore des idées fraîches à leur portée.
Une fin qui d’ailleurs rassure, malgré les premières apparences, sur la volonté du groupe de ne pas forcément s’enfermer dans son passé et qui donne peut-être un indice sur ce qu’il a en réserve pour l’avenir. On en conclut donc qu’avec Exit Wounds, après une période difficile et des changements majeurs survenus dans ses rangs, The Haunted avait surtout besoin de se retrouver, se recentrer et se rassurer pour aborder la suite avec plus de sérénité.
Écouter les titres « Cutting Teeth » et « Time (Will Not Heal) » :
Album Exit Wounds, sortie le 25 août 2014 chez Century Media Records